Les dramatiques événements du 13 novembre à Paris ne m'ont pas permis de traiter comme prévu le 70e anniversaire de l'événement majeur qu'a constitué le 24 octobre 1945 la signature à San Francisco, à l'issue de quatre années de préparations, de la Charte créant l'Organisation des Nations unies.
Cette Charte est signée par les délégués de 50 pays (plus la Pologne) qui représentaient alors environ 80 % de la population du globe.
Son but est clair puisqu'elle débute ainsi :
"Nous, peuples des nations unies, résolus à [...]
avons décidé d'associer nos efforts pour réaliser ces desseins,
En conséquence, nos gouvernements respectifs, [...]
ont adopté la présente Charte des Nations Unies et établissent par les présentes une organisation internationale qui prendra le nom de Nations Unies".
La définition des buts communs de l'association des pays du monde et la création de l'organisation chargée de les mettre en oeuvre sont inextricablement liés dès le départ.
Il faut noter, malgré tout, que la Guerre froide se développant à partir de 1947, l'Organisation va refléter les affrontements et débats du monde. Ainsi, l'Union soviétique dirigée par Staline a vite estimé que son camp ne détenait pas la majorité des voix à l'Organisation des Nations unies, ni à l'Assemblée générale, ni au Conseil de sécurité. L'URSS a donc été très méfiante vis à vis de l'organisation : elle a tenté de bloquer le fonctionnement de l'institution par la politique de "la chaise vide" au Conseil de sécurité. Cette attitude se retourna à son détriment puisqu'en son absence, le Conseil de sécurité décida d'envoyer des troupes sous le drapeau de l'ONU pour s'opposer à l'invasion chinoise en Corée en 1950. Progressivement, l'URSS améliora ses rapports avec les différents échelons onusiens au fur et à mesure des progrès de la "coexistence pacifique", mais les juristes soviétiques ainsi que les juristes proches du courant communiste international, développèrent à cette époque une argumentation visant à ne valoriser que la seule Charte et ses principes généraux, en minorant toute la partie institutionnelle, à qui était relégué un simple rôle exécutoire.
Cette INTERPRÉTATION sous-estime, à mon avis, l'interaction qui exista et existe en permanence entre l'action autonome des structures, Assemblée générale, Conseil de sécurité, agences diverses qui en produisant de l'action, pèsent sur le contexte d'application des textes de référence, leur interprétation.
On a bien vu que la fin de la Guerre froide, la multiplication des conflits inter-étatiques (comme en ex-Yougoslavie), le besoin de trouver des solutions concrètes pour stopper ces conflits, ont pesé sur l'interprétation des articles 7 et 39 de la Charte et ont abouti à un élargissement considérable de la notion de "menace contre la paix".
À compter de 1992, le Conseil de sécurité a qualifié de plus en plus de situations de "menaces contre la paix". Comme le fait remarquer le juriste Kerstin Odendhal (1) : "Non seulement les conflits armés (internationaux ou internes), mais encore d'autres situations qui mettent en danger certaines valeurs internationales (comme les droits fondamentaux ou la sécurité) peuvent - dans certaines circonstances - constituer une menace contre la paix. En plus, autant des situations concrètes (un acte isolé) que des phénomènes en général (le terrorisme international, la criminalité transnationale organisée) figurent parmi les cas qui peuvent être qualifiés de menaces contre la paix". Cette évolution de l'interprétation (sans modification formelle du texte de la Charte) a été le support du montage des nombreuses missions de maintien ou consolidation de la paix des "Casques bleus" (110 000 hommes dans le monde aujourd'hui).
Enfin, le poids des hommes, par exemple le dynamisme et le charisme de certains secrétaires généraux de l'ONU, ont poussé parfois les États à évoluer dans leurs positions, même si les textes eux-mêmes ne bougeaient pas : voir le rôle de Kofi Annan pour redéclancher une dynamique collective des États après la crise de l'intervention US en Irak en 2003 et aboutir à la définition du concept de "la responsabilité de protéger".
Mais, si l'on dépasse ce débat sur le rôle respectif de la Charte et de l'Organisation des Nations unies, on peut affirmer que ce 24 octobre 1945 a été un événement considérable dans l'histoire de l'humanité car la Charte adoptée et les mesures prises reposent sur deux principes novateurs et extraordinaires : tous les peuples de la planète composent une communauté globale, la force et la guerre doivent être bannies de leurs relations.
La notion de communauté planétaire est définie par cette expression : "Nous, peuples des Nations unies", "We, the people"... De cette expression découlent toutes les notions qui irriguent le dernier demi-siècle jusqu'à aujourd'hui. On ne se préoccuperait pas du réchauffement climatique aujourd'hui si nous n'avions pas le sentiment de faire partie d'une communauté mondiale de destins !
En même temps, une ambiguïté fondamentale se constituait. Le "nous les peuples" était, en fait, dès le début "nous les États" ou "nous, les gouvernements (expression des États)" et la marche de l'organisation continue de dépendre d'abord, il ne faut jamais l'oublier, des rapports de force entre États. Or ceux-ci depuis des siècles ont été marqués par des rapports exclusifs de puissance, politique, économique, commerciale et militaire. Militaire avec les capacités d'aujourd'hui : nucléaire, espace... Ne perdons donc pas de vue cet obstacle majeur !
Le "que fait l'ONU ?" est donc d'abord un "que font les États, que fait mon gouvernement ?"
Deux principes ou objectifs donc en 1945 : créer une communauté mondiale, "préserver les générations futures du fléau de la guerre".
Le premier objectif a donc été atteint pleinement puisqu'aujourd'hui, ce sont 193 états qui siègent à l'Assemblée générale des Nations unies. Comment le deuxième objectif a-t-il été rempli ? Il faut reconnaître que, alors qu’il n'y avait eu que 20 ans entre les deux premières guerres mondiales, le monde n'a plus connu de conflit généralisé depuis 70 ans, et les guerres inter-étatiques ont quasiment disparu : la guerre des USA contre l'Irak en 2003 n'en est apparue que plus choquante. Le cadre onusien a été essentiel pour maintenir le dialogue entre adversaires notamment pendant la Guerre froide (rester sous le "même toit").
Cela ne signifie pas que les armes se sont tues : des conflits sanglants demeurent, soit par des interventions avec ou sans mandat de l'ONU au nom de la lutte anti-terroriste (Syrie, Mali notamment), soit dans des conflits infra-étatiques (Congo, par ex), soit dans des occupations (Israël/Palestine, Maroc/Sahara occidental).
Mais constatation essentielle : c'est l'existence des Nations unies et de ses différentes enceintes qui a permis le développement d'un maillage de sécurité collective et de droit international avec la multiplication des traités de désarmement.
Aujourd'hui encore, on voit bien que c'est par le retour dans l'enceinte de l'ONU, l'action unie de tous les pays de la région avec les grandes puissances que les solutions efficaces peuvent être trouvées pour isoler et éliminer les assassins de Daesh, trouver une issue politique à la crise syrienne.
70 ans après leur création, l'élaboration d'une Charte d'engagement commune et la création conjointe de l'organisation des Nations unies ont été une innovation humaine mondiale considérable.Elles ont permis pour la première fois, la coexistence et la collaboration de tous les États de la terre, l'émergence et le développement des droits humains, le début d'une prise de conscience du "village global".
Le nouveau paradoxe est que, objectivement, la mondialisation économique, informationnelle appelle des réponses globales, donc demande "plus d'ONU". Pourtant, la place des Nations unis est toujours contestée, notamment par les grandes puissances, au nom de l'efficacité et celles-ci favorisent de multiples manières le "contournement" de l'ONU.
Cette place est parfois sous-estimée par ceux qui en ont le plus besoin : les moins-puissants, les citoyens et les ONG. Donc, même si ce sont les États qui sont responsables des inégalités et des conflits, le risque est, qu'aux yeux des populations, cela devienne l'échec de l'ONU. Les attentes envers les Nations unies grandissent mais aussi les frustrations.
Quelles réponses à ces frustrations ?
Le premier enjeu est celui d'intervenir sur la question de la nature du règlement des crises et conflits : continue-t-on à privilégier les solutions militaires ou d'abord, prioritairement, les solutions politiques ? Force ou politique, c'est certainement le débat qui rebondit aujourd'hui dans le monde,
Le deuxième enjeu est celui de l'évolution des institutions, voire de la réforme de l'institution. De nombreuses personnes dans le monde pensent que les Nations unies doivent changer, se réformer pour tenir compte des évolutions du monde : place grandissante des ONG, des élus nationaux et locaux, extension de la démocratie. J'aborderai cette question de la réforme dans un prochain article.
(1) "La notion de menace contre la paix selon l'article 39 de la Charte des Nations unies, la pratique du Conseil de sécurité",
in "70 ans des nations unies : quel rôle dans le monde actuel ?"
Ce blog est dédié aux problématiques de la paix et du désarmement, des institutions internationales (ONU, OTAN), à la promotion d'une culture de la paix. Textes sous license Creative Commons by-nc-sa
lundi 30 novembre 2015
mercredi 25 novembre 2015
Hommage aux victimes du terrorisme
Attentats : agir unis et légalement...
Dix jours après la sanglante journée du 13 novembre, nous éprouvons encore une certaine "gueule de bois", écartelés entre nouvelles calamiteuses et petites lueurs d'espoir.
Vendredi dernier 20 novembre, a été adoptée à l'unanimité par le Conseil de sécurité des Nations unies la résolution 2249. Cette résolution est importante à plus d'un titre. Ce texte rappelle que "tous les actes de terrorisme sont criminels et injustifiables, quels qu’en soient les motivations, le moment et les auteurs", ce qui semble nécessaire en ces temps de confusion idéologique. Les terroristes ne sont pas des "victimes" des conflits du Moyen-Orient, ce sont des "bourreaux" qui développent une idéologie barbare de façon autonome ! Les conflits non-résolus, les déstabilisations de régions entières les aident dans leur développement et recrutement mais ils restent pleinement responsables de leurs actes.
La résolution adoptée l'a été sur proposition de la France, mais avec un amendement russe important qui la resitue dans le cadre de la Charte des nations unies "Réaffirmant son respect pour la souveraineté, l’intégrité territoriale, l’indépendance et l’unité de tous les États". Ce cadrage implique que l'action des États contre le terrorisme ne peut pas (plus) avoir pour but le renversement de Bachar al Assad.
Cette résolution appelle à une action unie des pays afin "de coordonner leur action en vue de prévenir et de mettre un terme aux actes de terrorisme commis en particulier par l’EIIL, également connu sous le nom de Daech, ainsi que par le Front el-Nosra". Cette nécessité de l'action unie implique que soit mis fin aux réticences ou préalables mis par exemple par la coalition pour travailler avec la Russie ou l'Iran, voire avec les troupes du gouvernement syrien pour se concentrer sur la lutte contre le terrorisme. Cela a été rendu possible notamment par l'inflexion de la politique française qui a du abandonner officiellement sa rhétorique très critiquée de mise sur le même plan de Daesh et de Assad pour déclarer que la destruction de Daesh était la seule priorité en Syrie.
Enfin cette déclaration appelle à une action unie des pays pour "empêcher et éliminer le financement du terrorisme". Même si cette référence n'est pas assez explicite, nous touchons là à un point capital.
En effet, les actions militaires contre ce groupement d'assassins ne permettront pas à elles-seules de l'éliminer. Elles font de nombreuses victimes civiles et ne l'isolent pas du reste de l'opinion musulmane, au contraire presque.
Peut-on accepter plus longtemps que des centaines de camions chargés de pétrole passent chaque jour la frontière turque pour revendre celui-ci au marché noir européen ? Peut-on accepter que Daech pille les richesses naturelles irakiennes et syriennes et finance ainsi ses achats d'armes, souvent lors de circuits qui passent par l'Arabie saoudite et le Quatar ? Les pays de la coalition n'ont pas mené sur ce plan jusqu'à présent une action résolue, au niveau nécessaire, pour asphyxier Daech, l'étrangler sur le plan économique et financier. Ce manque d'engagement repose sur des raisons diverses : intérêts stratégiques et économiques divergents, volonté de ménager des états par ailleurs clients de nos marchés industriels, bref pour des raisons peu avouables. Il semble urgent qu'un tournant soit pris. C'est de la responsabilité des pouvoirs politiques, mais aussi des opinions. Ne faudrait-il pas plus de pressions publiques, de déclarations, de délégations pour exiger plus de fermeté des dirigeants français, européens, américains, russes, turcs ? Si certains pays continuent de manifester de la mauvaise volonté à durcir le blocus, ne faut-il pas aller jusqu'à les menacer d'un moratoire sur les coopérations économiques avec l'UE ? L'OTAN pourra-t-elle accepter qu'un de ses membres n'accepte pas d'appliquer les résolutions du Conseil de sécurité ? L'abattage d'un avion militaire russe par la Turquie est préoccupant : cela signifie que ce pays ne voit pas d'un bon oeil le renforcement de la lutte contre Daech, que sa priorité reste la lutte contre les Kurdes. Or, un engagement plus clair de la Turquie est la clé de l'étranglement économique et financier de Daech.
On peut dire qu'après le vote de la résolution 2249 par le conseil de sécurité, un cadre international plus conforme au droit se met en place, il faut le rendre efficace. Il montre que les solutions tout-militaire ne peuvent régler à elles-seules le problème du terrorisme, si on ne s'attaque pas à l'environnement économique et financier. En même temps, le terrorisme se nourrit et instrumentalise les conflits non-résolus, notamment au Moyen-Orient. Il est donc nécessaire de ne pas oublier, de ne pas laisser de côté, même temporairement, les efforts pour une issue positive à la création et reconnaissance d'un état palestinien. Il est tout autant nécessaire d'avancer plus vite dans la foulée des décisions de la dernière Assemblée générale des Nations unies qui a lancé le "Programme pour le développement durable 2030" pour aller vers l'éradication de la pauvreté dans le monde, l'amélioration de l'éducation,du développement de tous les pays.
Garder lucidité et sang-froid pour mettre en oeuvre des politiques globales devrait nous inspirer dans les décisions intérieures françaises.
La prolongation de l'état d'urgence pour trois mois, n'apporte pas de plus grande efficacité dans la lutte anti-terroriste. il n'y avait pas besoin de l'état d'urgence pour créer les postes de policiers, de douaniers annoncés par le président Hollande. L'argument des perquisitions et enquêtes facilitées par l'état d'urgence fait sourire. On peut estimer que la prolongation de l'état d'urgence vise plus à permettre à l'exécutif de prendre une posture sécuritaire devant l'opinion, lui permettant de conforter son image. Beaucoup de spécialistes reconnaissent que plusieurs dispositions de l'état d'urgence adoptées sont anticonstitutionnelles, comme l'a admis à demi-mots le premier ministre lui-même. Nous sommes dans la situation ubuesque où, demain, si un avocat d'un prévenu soulève la question de la constitutionnalité de ces dispositions, la décision du Parlement risque d'être retoquée par le Conseil constitutionnel et les procédures engagées annulées !
Le fait que seulement six députés (trois écologistes et trois socialistes) aient voté contre, qu'au Sénat, aucun élu ne se soit opposé, seulement douze sénateurs (une écologiste et onze membres du groupe communiste et républicain) ne se soient pas associés à ce vote, ne pose-t-il pas question ? Ne faut-il pas réfléchir à cette remarque du député Noël Mamère déclarant : "Nous devons prouver que nous sommes capables de réagir à ces infamies par des dispositifs respectueux des libertés fondamentales, par un état de droit fort qui ne distribue pas à la police et à l'exécutif des pouvoirs normalement dévolues à la Justice."
Comment sortir de cette situation délétère ?
Ne faut-il pas dès maintenant demander qu'un bilan intermédiaire des effets et conséquences de l'état d'urgence soit établi à mi-parcours des trois mois de l'état d'urgence, c'est-à-dire avant la fin de l'année ? La lutte contre le terrorisme doit être sévère mais, pour être comprise au delà de l'émotion immédiate, elle doit reposer sur le droit et les valeurs démocratiques mêmes que les assassins ont voulu détruire.
Vendredi dernier 20 novembre, a été adoptée à l'unanimité par le Conseil de sécurité des Nations unies la résolution 2249. Cette résolution est importante à plus d'un titre. Ce texte rappelle que "tous les actes de terrorisme sont criminels et injustifiables, quels qu’en soient les motivations, le moment et les auteurs", ce qui semble nécessaire en ces temps de confusion idéologique. Les terroristes ne sont pas des "victimes" des conflits du Moyen-Orient, ce sont des "bourreaux" qui développent une idéologie barbare de façon autonome ! Les conflits non-résolus, les déstabilisations de régions entières les aident dans leur développement et recrutement mais ils restent pleinement responsables de leurs actes.
La résolution adoptée l'a été sur proposition de la France, mais avec un amendement russe important qui la resitue dans le cadre de la Charte des nations unies "Réaffirmant son respect pour la souveraineté, l’intégrité territoriale, l’indépendance et l’unité de tous les États". Ce cadrage implique que l'action des États contre le terrorisme ne peut pas (plus) avoir pour but le renversement de Bachar al Assad.
Cette résolution appelle à une action unie des pays afin "de coordonner leur action en vue de prévenir et de mettre un terme aux actes de terrorisme commis en particulier par l’EIIL, également connu sous le nom de Daech, ainsi que par le Front el-Nosra". Cette nécessité de l'action unie implique que soit mis fin aux réticences ou préalables mis par exemple par la coalition pour travailler avec la Russie ou l'Iran, voire avec les troupes du gouvernement syrien pour se concentrer sur la lutte contre le terrorisme. Cela a été rendu possible notamment par l'inflexion de la politique française qui a du abandonner officiellement sa rhétorique très critiquée de mise sur le même plan de Daesh et de Assad pour déclarer que la destruction de Daesh était la seule priorité en Syrie.
Enfin cette déclaration appelle à une action unie des pays pour "empêcher et éliminer le financement du terrorisme". Même si cette référence n'est pas assez explicite, nous touchons là à un point capital.
En effet, les actions militaires contre ce groupement d'assassins ne permettront pas à elles-seules de l'éliminer. Elles font de nombreuses victimes civiles et ne l'isolent pas du reste de l'opinion musulmane, au contraire presque.
Peut-on accepter plus longtemps que des centaines de camions chargés de pétrole passent chaque jour la frontière turque pour revendre celui-ci au marché noir européen ? Peut-on accepter que Daech pille les richesses naturelles irakiennes et syriennes et finance ainsi ses achats d'armes, souvent lors de circuits qui passent par l'Arabie saoudite et le Quatar ? Les pays de la coalition n'ont pas mené sur ce plan jusqu'à présent une action résolue, au niveau nécessaire, pour asphyxier Daech, l'étrangler sur le plan économique et financier. Ce manque d'engagement repose sur des raisons diverses : intérêts stratégiques et économiques divergents, volonté de ménager des états par ailleurs clients de nos marchés industriels, bref pour des raisons peu avouables. Il semble urgent qu'un tournant soit pris. C'est de la responsabilité des pouvoirs politiques, mais aussi des opinions. Ne faudrait-il pas plus de pressions publiques, de déclarations, de délégations pour exiger plus de fermeté des dirigeants français, européens, américains, russes, turcs ? Si certains pays continuent de manifester de la mauvaise volonté à durcir le blocus, ne faut-il pas aller jusqu'à les menacer d'un moratoire sur les coopérations économiques avec l'UE ? L'OTAN pourra-t-elle accepter qu'un de ses membres n'accepte pas d'appliquer les résolutions du Conseil de sécurité ? L'abattage d'un avion militaire russe par la Turquie est préoccupant : cela signifie que ce pays ne voit pas d'un bon oeil le renforcement de la lutte contre Daech, que sa priorité reste la lutte contre les Kurdes. Or, un engagement plus clair de la Turquie est la clé de l'étranglement économique et financier de Daech.
On peut dire qu'après le vote de la résolution 2249 par le conseil de sécurité, un cadre international plus conforme au droit se met en place, il faut le rendre efficace. Il montre que les solutions tout-militaire ne peuvent régler à elles-seules le problème du terrorisme, si on ne s'attaque pas à l'environnement économique et financier. En même temps, le terrorisme se nourrit et instrumentalise les conflits non-résolus, notamment au Moyen-Orient. Il est donc nécessaire de ne pas oublier, de ne pas laisser de côté, même temporairement, les efforts pour une issue positive à la création et reconnaissance d'un état palestinien. Il est tout autant nécessaire d'avancer plus vite dans la foulée des décisions de la dernière Assemblée générale des Nations unies qui a lancé le "Programme pour le développement durable 2030" pour aller vers l'éradication de la pauvreté dans le monde, l'amélioration de l'éducation,du développement de tous les pays.
Garder lucidité et sang-froid pour mettre en oeuvre des politiques globales devrait nous inspirer dans les décisions intérieures françaises.
La prolongation de l'état d'urgence pour trois mois, n'apporte pas de plus grande efficacité dans la lutte anti-terroriste. il n'y avait pas besoin de l'état d'urgence pour créer les postes de policiers, de douaniers annoncés par le président Hollande. L'argument des perquisitions et enquêtes facilitées par l'état d'urgence fait sourire. On peut estimer que la prolongation de l'état d'urgence vise plus à permettre à l'exécutif de prendre une posture sécuritaire devant l'opinion, lui permettant de conforter son image. Beaucoup de spécialistes reconnaissent que plusieurs dispositions de l'état d'urgence adoptées sont anticonstitutionnelles, comme l'a admis à demi-mots le premier ministre lui-même. Nous sommes dans la situation ubuesque où, demain, si un avocat d'un prévenu soulève la question de la constitutionnalité de ces dispositions, la décision du Parlement risque d'être retoquée par le Conseil constitutionnel et les procédures engagées annulées !
Le fait que seulement six députés (trois écologistes et trois socialistes) aient voté contre, qu'au Sénat, aucun élu ne se soit opposé, seulement douze sénateurs (une écologiste et onze membres du groupe communiste et républicain) ne se soient pas associés à ce vote, ne pose-t-il pas question ? Ne faut-il pas réfléchir à cette remarque du député Noël Mamère déclarant : "Nous devons prouver que nous sommes capables de réagir à ces infamies par des dispositifs respectueux des libertés fondamentales, par un état de droit fort qui ne distribue pas à la police et à l'exécutif des pouvoirs normalement dévolues à la Justice."
Comment sortir de cette situation délétère ?
Ne faut-il pas dès maintenant demander qu'un bilan intermédiaire des effets et conséquences de l'état d'urgence soit établi à mi-parcours des trois mois de l'état d'urgence, c'est-à-dire avant la fin de l'année ? La lutte contre le terrorisme doit être sévère mais, pour être comprise au delà de l'émotion immédiate, elle doit reposer sur le droit et les valeurs démocratiques mêmes que les assassins ont voulu détruire.
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lundi 16 novembre 2015
Attentats de Paris : le temps de la réflexion.
Après le temps de l'émotion, de l'horreur et de la compassion, vient le temps de la réflexion...
Comment punir les coupables et faire le maximum pour éviter de nouvelles tragédies ?
Alors que les réactions les plus hâtives et les plus démagogiques se multiplient, il importe, plus que jamais, de garder sang-froid et lucidité.
"Nous sommes en guerre"... ce terme est employé avec beaucoup de légèreté : ne validons pas nous-mêmes, n'accordons pas nous-mêmes une sorte de légitimité "par défaut" à l'existence d'une super-entité terroriste alors que nous avons d'abord à faire face à une bande d'assassins et de crapules extrémistes. Le mot de "guerre" est à utiliser avec précaution car il entraîne tout un schéma culturel et politique lourd de conséquences : qui dit "guerre" dit "chef de guerre" et personnalisation extrême du pouvoir, qui dit "guerre" dit propos bellicistes et vocabulaire guerrier à la Déroulède, qui dit "guerre" dit mise en cause des libertés publiques. L'état d'urgence proclamé est-il nécessaire alors que l'arsenal juridique actuel, s'il est appliqué sérieusement, suffit pour mener une lutte sans merci contre ces criminels ? La prolongation de cet état d'urgence serait malsaine pour la vie démocratique, en témoigne cette semaine la suspension des mouvements sociaux prévus. Dans cette ambiance, certaines propositions d'hommes politiques font même frémir : créer des Guantanamo à la française en internant les 4500 personnes suspectées, sans être accusées de délit quelconque, de sympathies djihadistes, assigner à résidence et mettre des bracelets électroniques au fichier élargi de 11000 personnes, y compris ceux inscrits à la suite d'une simple dénonciation téléphonique ? Le basculement vers un autre type de société française serait en marche.
L'action légale peut être tout aussi impitoyable et efficace si elle s'exerce avec détermination : elle est la seule permettant de garder notre communauté nationale soudée.
Elle ne s'exerce pas forcément par la guerre mais par l'action politique, juridique, policière et de renseignement. Notre but est de traduire les criminels devant la justice française, la Cour pénale internationale si nécessaire pour les mettre définitivement hors d'état de nuire.
Cela suppose d'être clair dans l'analyse des causes des événements actuels. Il est essentiel de ne pas laisser penser que le terrorisme est le simple résultat des crises ou guerres au Moyen-Orient et des politiques menées par les occidentaux. Une telle schématisation, même si elle satisfait des rancoeurs politiques présentes ("c'est de la faute à Hollande") est très illusoire, même dangereuse. Elle peut mener à une démarche intellectuelle qui "excuserait" de facto, voire comprendrait, les actes terroristes, où les assassins, de bourreaux, deviendraient quelque part "victimes".
Voyons bien que le terrorisme salafiste, l'intégrisme islamique existait avant les années 2010 (voir les sanglants attentats du FIS en Algérie des années 1990, ceux de la Jamaa Islamiya en Égypte dans la même période). Il y a un développement autonome du terrorisme islamiste : celui-ci existerait sans les conflits actuels. Mais ce qui est vrai, c'est que les politiques menées par les États-Unies, les puissances occidentales dont la France, depuis 20 ans, ont créé un terrain favorable dans il profite et se nourrit. L'enjeu est donc, tout à la fois, de modifier ces politiques ET de poursuivre Daesh impitoyablement pour l'isoler et le couper de ses soutiens. Cela passe donc par un retour à la légalité internationale et la coopération élargie entre tous les pays de la région : la coalition internationale anti-Daesh doit intégrer la Russie et l'Iran et avoir un mandat clair du Conseil de sécurité, les initiatives de conférence internationale doivent elles-aussi intégrer tous les acteurs régionaux, y compris, sous des formes adaptées, des représentants du gouvernement syrien actuel et déboucher sur un ensemble de mesures politiques sur l'avenir de la Syrie et sur des mesures de protection des réfugiés.
Ma dernière réflexion concerne ceux qui veulent ranimer un faux débat (débat des "experts" d'Europe 1 le 15 novembre) en faisant porter la responsabilité de la situation à un esprit "pacifiste", qui serait propre aux milieux intellectuels et à la gauche, responsable des faiblesses de la répression.
Or, ce qui est évident, depuis quinze ans, au travers des crises internationales non-réglées en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Syrie, c'est l'échec
de l'emploi de la force brute et du non-respect de la légalité internationale.
Sur le plan de la justice, les politiques étatsuniennes de non-légalité : bases de Guantanamo, bases de tortures en Irak, exécutions sommaires ciblées par commandos, par bombardements ou par drones, ont révélé leur échec, accru les haines et ressentiments.
Pire, ces méthodes utilisées par des démocraties ont miné la légitimité même de ces démocraties car combattre le terrorisme, les extrémismes, avec les mêmes méthodes, c'est se tirer "une balle dans le pied" et "perdre son âme". C'est donc être moins fort pour combattre les assassins.
Cela doit faire réfléchir en France sur certaines envolées dites "patriotiques" : ces valeurs humaines universelles en jeu, sont le bien commun de la France, mais aussi, aujourd'hui, de la plus grande partie de l'humanité sur notre planète.
Ce n'est donc pas seulement un drapeau national qui est à défendre, mais celui de la communauté humaine planétaire.
Ce n'est pas un hasard si tous les progrès en matière de droits humains depuis vingt ans l'ont été lors de grands échanges et rencontres internationales (sur les femmes, l'environnement, l'économie, le droit des enfants) dans le cadre des Nations unies. Développement humain, sécurité humaine, culture de paix, sont autant de valeurs globales et humaines. Nous devons être fiers de ces avancées de la communauté humaine et être prêts à faire le maximum pour les défendre dans le respect des libertés.
Les meilleurs défenseurs et combattants contre le terrorisme sont donc ceux qui luttent sans relâche pour la paix dans le monde, pour régler dans la justice, les conflits non-résolus, notamment au Moyen-Orient, pour avancer plus vite dans l'éradication de la pauvreté dans le monde, l'amélioration de l'éducation,du développement de tous les pays comme nous y invitent le "Programme pour le développement durable 2030" adopté par les Nations unies. Oui, appliquons une justice sans faiblesse et travaillons à renforcer la communauté humaine, à développer une culture de paix mondiale, en cette année du 70e anniversaire de la Charte et de l'Organisation des Nations unies.
C'est cet engagement sans faille qui donne aux noms de pacifistes ou d'internationalistes, leur si grande noblesse.
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dimanche 15 novembre 2015
Attentats de Paris de novembre 2013
Je suis bouleversé : mes premières pensées vont aux malheureuses victimes et à leurs proches. Mon deuxième sentiment est l'horreur, le dégoût et l'indignation contre ceux qui ont commis, préparé et planifié ces actes odieux. Aucune cause ne peut, aujourd'hui, justifier le terrorisme aveugle et l'assassinat de civils innocents. La condamnation doit être unanime et sans restriction aucune. Les mesures nécessaires doivent être prises pour démanteler les réseaux terroristes et protéger la population, en évitant toute mesure hâtive et toute restriction aux libertés publiques.
Il faut isoler le terrorisme et ses agents partout dans le monde, en réglant dans la justice, les conflits non-résolus, notamment au Moyen-Orient, conflits dont ils profitent et se nourrissent. Il faut aussi avancer plus vite pour éradiquer la pauvreté dans le monde, améliorer l'éducation, améliorer le développement de tous les pays comme nous y invitent le "Programme pour le développement durable 2030" adopté par les Nations unies. Plus que jamais, il faut travailler à renforcer la communauté humaine, à développer une culture de paix mondiale, en cette année du 70e anniversaire de la Charte et de l'Organisation des Nations unies.
« Peace for Paris » par Jean JullienVectorized by Paris 16. — Poignant Eiffel Tower Peace Symbol Goes Viral in Wake of Paris Terrorist Attacks, TIME.. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons - https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Peace_for_Paris.svg#/media/File:Peace_for_Paris.svg
Il faut isoler le terrorisme et ses agents partout dans le monde, en réglant dans la justice, les conflits non-résolus, notamment au Moyen-Orient, conflits dont ils profitent et se nourrissent. Il faut aussi avancer plus vite pour éradiquer la pauvreté dans le monde, améliorer l'éducation, améliorer le développement de tous les pays comme nous y invitent le "Programme pour le développement durable 2030" adopté par les Nations unies. Plus que jamais, il faut travailler à renforcer la communauté humaine, à développer une culture de paix mondiale, en cette année du 70e anniversaire de la Charte et de l'Organisation des Nations unies.
« Peace for Paris » par Jean JullienVectorized by Paris 16. — Poignant Eiffel Tower Peace Symbol Goes Viral in Wake of Paris Terrorist Attacks, TIME.. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons - https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Peace_for_Paris.svg#/media/File:Peace_for_Paris.svg
dimanche 8 novembre 2015
Sécurité et protection par la dissuasion ou la prévention ? (II) : abandonner les vieux mythes.
Dans le précédent article, j'évoquais les timides ouvertures du débat sur la "dissuasion nucléaire" en France en 2015 au travers de plusieurs colloques. Le dernier en date, fin octobre, organisé par "Démocratie" et "Participation et progrès" semblait plus ouvert en posant la question ainsi : "Quelle dissuasion en l'absence d'arme nucléaire ?".
Las, il n'a pas vraiment tenu toutes ses promesses car il a révélé une fois de plus la fascination des cercles militaires ou des chercheurs spécialisés pour le mythe de la" dissuasion nucléaire". La majorité des intervenants se sont crus obligés de commencer leurs interventions et de les terminer par une déclaration solennelle d'attachement au dogme nucléaire. On peut regretter qu'à chaque fois, pas ou peu de démonstrations concrètes, de chiffres, d'exemples soient apportés à l'appui de cette thèse de principe.
Le soutien à la "dissuasion nucléaire" semble relever essentiellement du credo politique obligé : comme l'a fait remarquer Paul Quilès, un des rares intervenants à ne pas suivre cette tendance majoritaire, "nous sommes dans le quasi-religieux". De ce fait, peu d'intervenants ont vraiment traité objectivement le thème, "une dissuasion alternative sans l'arme nucléaire existe-t-elle ?" : ils ont traité surtout du "pourquoi, il ne faut pas toucher à l'arme nucléaire", et quand ils ont évoqué une situation non-nucléaire, c'était généralement pour évoquer "l'horreur" absolue : un désarmement unilatéral français que personne ou presque, aujourd'hui en France, ne revendique.
La réflexion autour de l'arme nucléaire dans les milieux dirigeants semble bloquée, verrouillée autour de quelques vieux mythes, notamment ceux de "l'assurance-vie" et celui du "tenir son rang".
Il convient de rappeler que le mythe de "l'assurance-vie", est une escroquerie intellectuelle. Une assurance-vie ne protège pas de la mort les assurés, elle sert à indemniser, à protéger les survivants. C'est bien différent ! Mais, en l'occurrence, en cas de conflit nucléaire, quels survivants resteront pour toucher la prime, qui sera là pour leur verser, et avec quelles ressources économiques dans un pays détruit ?
Les études récentes sur les conséquences humanitaires d'une explosion nucléaire montrent quelle serait l'ampleur des destructions et pointe le fait qu'aucun pays, aucune institution n'est préparé à faire face à une telle catastrophe.
L'idée que la possession de l'arme nucléaire est nécessaire à un pays comme la France pour justifier sa place au Conseil de sécurité des Nations unies, pour "compter" dans les discussions internationales, bref, pour « garder son rang » est une idée à la fois fausse et perverse.
Idée perverse, car s'il était nécessaire de posséder l'arme nucléaire pour faire partie des grandes puissances, des pays comme le Japon, l'Allemagne, le Brésil, l'Égypte, l'Inde ne seraient-ils pas fondés à essayer d'obtenir cette arme si jamais, demain, ils entraient au Conseil de sécurité des Nations unies, comme certaines propositions diplomatiques, soutenues d'ailleurs par la diplomatie française, l'envisagent ?
Idée fausse sur un double plan. Le fait que la France détienne l'arme nucléaire n'a pas empêché qu'elle soit écartée diplomatiquement par les USA et la Russie lors de l'accord sur le nucléaire iranien ou lors de la décision de tenir une conférence élargie sur la Syrie. Deuxièmement, le statut de puissance dans le monde a un contenu plus complexe aujourd'hui, dans lequel le "softpower" est déterminant : l'Allemagne dénucléarisée, mais forte économiquement, joue un rôle international majeur. Le Canada, dans la décennie précédente, joua un rôle politique incontournable sur le plan du désarmement, notamment au moment de la Convention d'interdiction des mines antipersonnel. Si l'Union européenne ne joue pas un rôle politique mondial plus important, ce ne tient pas essentiellement au fait qu'elle n'est pas une puissance militaire et nucléaire, mais au fait qu'elle ne possède pas de buts politiques en matière de politique étrangère commune (ni de volonté et de détermination) suffisamment clairs, autonomes et innovants au service de la communauté internationale.
Il faut revisiter le concept nostalgique de "France, puissance mondiale" : oui, l'image de la France est porteuse de valeurs fortes issues de son histoire, mais être une puissance au rayonnement mondial ne se décrète pas par une posture faussement indépendante et peu efficace. En dehors de l'intervention au Mali (et encore, le débat est ouvert), les interventions militaires françaises en Libye et en Syrie ont eu des résultats peu convaincants. L'action "indépendante" de la France s'est surtout manifestée "en creux" dans plusieurs problèmes : une opposition systématique envers l'Iran et la Russie contre-productive, un postulat de principe anti-Bachar al Assad stérile, une action de torpillage de toute négociation nucléaire (dernier exemple à la réunion de la 1ère commission de l'AG de l'ONU - voir http://www.un.org/press/fr/2015/agdsi3541.doc.htm). Le pouvoir et le rayonnement d'un pays aujourd'hui réside plus dans sa capacité de s'intégrer et d'agir au sein du système multilatéral mondial, de proposer des initiatives rassembleuses permettant des avancées politiques, plus que dans ses seuls attributs militaires et nucléaires. À moins d'estimer que la seule évolution possible sera, non pas celle de l'extension du multilatéralisme et des coopérations internationales, mais celle d'un monde de pôles de puissances, rivalisant entre elles, au risque d'une véritable "der des der" nucléaire. C'est un pari faux et risqué.
Malgré tout, dans ce colloque, des voix dissonantes se sont élevées pour contester le dogme de la "dissuasion nucléaire" notamment celles de l'ancien ministre de la défense, Paul Quilès ou celle du général Norlain. Une analyse intéressante a été donnée également par Pierre Cornesa sur la "fabrication de l'image de l'ennemi" c'est-à-dire l'action politique de certaines grandes puissances (y compris la France) qui créent elle-mêmes, par leur action, l'insécurité (voir Libye), donc génèrent l'incertitude puis, ensuite, justifient la nécessité de la "dissuasion".
Parmi les autres interventions constructives, on peut citer le rappel de la situation en ex-Yougoslavie avec les accords de Dayton et ceux du Kossovo. Une issue positive a pu être trouvée aux affrontements, certes par l'interposition d'une robuste force militaire fournie par l'OTAN, mais sous le mandat du Conseil de sécurité des Nations unies, mais aussi par la construction d'une perspective politique et des mesures globales (aide économique, Tribunal pénal spécial, aide à la démocratie, etc..) prises par la communauté internationale et ses institutions (ONU, UE, OSCE).
Peut-on mettre ces opérations au seul crédit d'une "dissuasion conventionnelle" fournie par la présence des troupes internationales, comme l'a un peu réduit à cela le général Perruche, auteur de cette intéressante contribution, ou est-on dans un autre concept que celui de la "dissuasion, celui de la "prévention active et globale", qui relève lui du politique et non plus de la force seule ? L'ensemble de mesures prises alors avaient certes pour but de "dissuader" d'une reprise des combats mais surtout elles étaient accompagnées de mesures qui ne figeaient pas la situation, comme le fait la simple posture de dissuasion classique, mais la faisaient évoluer.
La discussion du colloque n'a pas permis de creuser plus cette réflexion. j'y reviendrai dans le prochain article.
Las, il n'a pas vraiment tenu toutes ses promesses car il a révélé une fois de plus la fascination des cercles militaires ou des chercheurs spécialisés pour le mythe de la" dissuasion nucléaire". La majorité des intervenants se sont crus obligés de commencer leurs interventions et de les terminer par une déclaration solennelle d'attachement au dogme nucléaire. On peut regretter qu'à chaque fois, pas ou peu de démonstrations concrètes, de chiffres, d'exemples soient apportés à l'appui de cette thèse de principe.
Le soutien à la "dissuasion nucléaire" semble relever essentiellement du credo politique obligé : comme l'a fait remarquer Paul Quilès, un des rares intervenants à ne pas suivre cette tendance majoritaire, "nous sommes dans le quasi-religieux". De ce fait, peu d'intervenants ont vraiment traité objectivement le thème, "une dissuasion alternative sans l'arme nucléaire existe-t-elle ?" : ils ont traité surtout du "pourquoi, il ne faut pas toucher à l'arme nucléaire", et quand ils ont évoqué une situation non-nucléaire, c'était généralement pour évoquer "l'horreur" absolue : un désarmement unilatéral français que personne ou presque, aujourd'hui en France, ne revendique.
La réflexion autour de l'arme nucléaire dans les milieux dirigeants semble bloquée, verrouillée autour de quelques vieux mythes, notamment ceux de "l'assurance-vie" et celui du "tenir son rang".
Il convient de rappeler que le mythe de "l'assurance-vie", est une escroquerie intellectuelle. Une assurance-vie ne protège pas de la mort les assurés, elle sert à indemniser, à protéger les survivants. C'est bien différent ! Mais, en l'occurrence, en cas de conflit nucléaire, quels survivants resteront pour toucher la prime, qui sera là pour leur verser, et avec quelles ressources économiques dans un pays détruit ?
Les études récentes sur les conséquences humanitaires d'une explosion nucléaire montrent quelle serait l'ampleur des destructions et pointe le fait qu'aucun pays, aucune institution n'est préparé à faire face à une telle catastrophe.
L'idée que la possession de l'arme nucléaire est nécessaire à un pays comme la France pour justifier sa place au Conseil de sécurité des Nations unies, pour "compter" dans les discussions internationales, bref, pour « garder son rang » est une idée à la fois fausse et perverse.
Idée perverse, car s'il était nécessaire de posséder l'arme nucléaire pour faire partie des grandes puissances, des pays comme le Japon, l'Allemagne, le Brésil, l'Égypte, l'Inde ne seraient-ils pas fondés à essayer d'obtenir cette arme si jamais, demain, ils entraient au Conseil de sécurité des Nations unies, comme certaines propositions diplomatiques, soutenues d'ailleurs par la diplomatie française, l'envisagent ?
Idée fausse sur un double plan. Le fait que la France détienne l'arme nucléaire n'a pas empêché qu'elle soit écartée diplomatiquement par les USA et la Russie lors de l'accord sur le nucléaire iranien ou lors de la décision de tenir une conférence élargie sur la Syrie. Deuxièmement, le statut de puissance dans le monde a un contenu plus complexe aujourd'hui, dans lequel le "softpower" est déterminant : l'Allemagne dénucléarisée, mais forte économiquement, joue un rôle international majeur. Le Canada, dans la décennie précédente, joua un rôle politique incontournable sur le plan du désarmement, notamment au moment de la Convention d'interdiction des mines antipersonnel. Si l'Union européenne ne joue pas un rôle politique mondial plus important, ce ne tient pas essentiellement au fait qu'elle n'est pas une puissance militaire et nucléaire, mais au fait qu'elle ne possède pas de buts politiques en matière de politique étrangère commune (ni de volonté et de détermination) suffisamment clairs, autonomes et innovants au service de la communauté internationale.
Il faut revisiter le concept nostalgique de "France, puissance mondiale" : oui, l'image de la France est porteuse de valeurs fortes issues de son histoire, mais être une puissance au rayonnement mondial ne se décrète pas par une posture faussement indépendante et peu efficace. En dehors de l'intervention au Mali (et encore, le débat est ouvert), les interventions militaires françaises en Libye et en Syrie ont eu des résultats peu convaincants. L'action "indépendante" de la France s'est surtout manifestée "en creux" dans plusieurs problèmes : une opposition systématique envers l'Iran et la Russie contre-productive, un postulat de principe anti-Bachar al Assad stérile, une action de torpillage de toute négociation nucléaire (dernier exemple à la réunion de la 1ère commission de l'AG de l'ONU - voir http://www.un.org/press/fr/2015/agdsi3541.doc.htm). Le pouvoir et le rayonnement d'un pays aujourd'hui réside plus dans sa capacité de s'intégrer et d'agir au sein du système multilatéral mondial, de proposer des initiatives rassembleuses permettant des avancées politiques, plus que dans ses seuls attributs militaires et nucléaires. À moins d'estimer que la seule évolution possible sera, non pas celle de l'extension du multilatéralisme et des coopérations internationales, mais celle d'un monde de pôles de puissances, rivalisant entre elles, au risque d'une véritable "der des der" nucléaire. C'est un pari faux et risqué.
Malgré tout, dans ce colloque, des voix dissonantes se sont élevées pour contester le dogme de la "dissuasion nucléaire" notamment celles de l'ancien ministre de la défense, Paul Quilès ou celle du général Norlain. Une analyse intéressante a été donnée également par Pierre Cornesa sur la "fabrication de l'image de l'ennemi" c'est-à-dire l'action politique de certaines grandes puissances (y compris la France) qui créent elle-mêmes, par leur action, l'insécurité (voir Libye), donc génèrent l'incertitude puis, ensuite, justifient la nécessité de la "dissuasion".
Parmi les autres interventions constructives, on peut citer le rappel de la situation en ex-Yougoslavie avec les accords de Dayton et ceux du Kossovo. Une issue positive a pu être trouvée aux affrontements, certes par l'interposition d'une robuste force militaire fournie par l'OTAN, mais sous le mandat du Conseil de sécurité des Nations unies, mais aussi par la construction d'une perspective politique et des mesures globales (aide économique, Tribunal pénal spécial, aide à la démocratie, etc..) prises par la communauté internationale et ses institutions (ONU, UE, OSCE).
Peut-on mettre ces opérations au seul crédit d'une "dissuasion conventionnelle" fournie par la présence des troupes internationales, comme l'a un peu réduit à cela le général Perruche, auteur de cette intéressante contribution, ou est-on dans un autre concept que celui de la "dissuasion, celui de la "prévention active et globale", qui relève lui du politique et non plus de la force seule ? L'ensemble de mesures prises alors avaient certes pour but de "dissuader" d'une reprise des combats mais surtout elles étaient accompagnées de mesures qui ne figeaient pas la situation, comme le fait la simple posture de dissuasion classique, mais la faisaient évoluer.
La discussion du colloque n'a pas permis de creuser plus cette réflexion. j'y reviendrai dans le prochain article.
dimanche 25 octobre 2015
Sécurité et protection par la dissuasion ou la prévention ? (I)
Les douze derniers mois ont vu le débat français sur la pertinence de la dissuasion nucléaire s'ouvrir un peu plus. Plusieurs colloques ont été organisés qui ont tenté en général de justifier le maintien du statu quo actuel. On peut citer le colloque du CEA en novembre 2014 : « 50 ans de dissuasion nucléaire : exigences et pertinence au 21e siècle » ainsi que celui de la Fondation pour la Recherche stratégique « La dissuasion nucléaire française en débat » en juin.
Le président Hollande a rappelé en février dernier la volonté gouvernementale de ne rien changer : "le temps de la dissuasion nucléaire n’est pas dépassé. Il ne saurait être question, y compris dans ce domaine, de baisser la garde".
Pour autant, la presse française s'est fait l'écho, ce qui est un phénomène relativement nouveau, des voix critiques comme celle du général Norlain ou de l'ancien ministre de la défense Paul Quilès.
Le chercheur André Dumoulin s'interroge en juin dernier sur ce débat français : "Nonobstant, le discours de la dissuasion française devra à l’avenir reposer sur une clarification doctrinale adaptée et sur une pédagogie renouvelée. Il y va de sa crédibilité et de son soutien, y compris dans le relationnel franco-britannique. Une condition finale étant aussi qu’au-delà du principe de précaution empêchant encore d’imaginer son effacement sans risque dans le monde incertain qui est le nôtre, le discours de la dissuasion doit rester « pur » et de stricte suffisance dans ses moyens de persuasion".(André Dumoulin "Vers une érosion du soutien à la dissuasion nucléaire française ?").
Un colloque organisé cette semaine par les clubs "Démmocratie" et "Participation et progrès" avance même une thématique plus ouverte : "Quelle dissuasion en l'absence d'arme nucléaire ?".
On ne peut que s'en féliciter, bien sûr.
Le site du Ministère de la défense continue pourtant d'affirmer que "De réelles menaces continuent de peser sur la sécurité du monde. La dissuasion, moyen exclusivement défensif, constitue l’assurance de la Nation contre toute menace d’origine étatique, d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la forme, visant les intérêts vitaux de la France". (http://www.defense.gouv.fr/actualites/articles/la-dissuasion-nucleaire).
Mais l'idée progresse que la notion de "dissuasion" est devenue obsolète, qu'elle ne sert en fait qu"à "légitimer" la possession d'une arme de destruction massive à l'encontre de toutes les pratiques reconnues par le droit international du désarmement et le droit humanitaire, visant à protéger les populations civiles.
Le risque de prolifération ré-augmente aujourd'hui du fait de la frustration croissante de puissances moyennes, exaspérées par l'arrogance des puissances nucléaires dotées, notamment dans des zones comme le Proche et Moyen-Orient (leçons de la guerre d'Irak, de la Libye et de la Syrie).
L'arme nucléaire est l'arme dont le maintien est un risque permanent pour l'humanité. Elle ne dissuade personne réellement. Le « bisounours » est celui qui croit que la possession de l'arme nucléaire empêcherait Daesh de s'en servir contre nous.
La possession des armes nucléaires devient essentiellement un enjeu de représentation de puissance que les "possédants" cherchent à garder à tout prix en multipliant les opérations de communication ou de brouillage idéologique.
Mais, surtout, sur le plan conceptuel, la dissuasion a une énorme limite. Elle est sensée empêcher l'adversaire de nous attaquer. Est-ce que cela a fonctionné depuis cinquante ans ? Le débat est ouvert. Mais la principale faiblesse de la dissuasion est qu'elle ne s'attaque pas aux causes d'un conflit mais à ses effets et qu'elle n'empêche pas mais favorise la course aux armements. Chaque partie a pour seul but de surmonter la capacité de dissuasion de l'adversaire.
Déjà en 1999, des auteurs s'interrogeaient : "En dehors du domaine nucléaire (en dehors de sa « niche militaro-strategique », pour reprendre une de ces métaphores managériales qu’affectionnent les auteurs américains), la dissuasion comme forme stratégique générale est de moins en moins opérante. La dissuasion suppose un adversaire : elle s’exerce sur un décideur ou un centre de décision. Avec la prédominance de situations complexes, de conflits à trois camps, de menaces diffuses, difficilement attribuables ou assignables à un acteur central, la forme dissuasion perd une grande partie de sa pertinence. Au nouvel état du monde, caractérisé par la prolifération de conflits locaux, interétatiques et surtout intra-étatiques, correspond une nouvelle forme (ou langage) stratégique : la «prévention». (Maurice Ronai et Sami Makki CIRPES, Paris, mars 1999).
La sécurité aujourd'hui dans un monde instable, en transition, ne doit-elle pas travailler à développer avant tout la prévention ? Celle-ci est présentée sur le site du ministre de la défense ainsi : "Prévenir consiste à agir pour éviter l'apparition ou l'aggravation des menaces contre la sécurité" (http://www.defense.gouv.fr/air/presentation/fonctions-strategiques).
Sur le plan général, prévenir, c'est empêcher d'être attaqué en travaillant en amont sur les causes du conflits. La prévention privilégie donc les approches politiques. Sa logique interne n'est donc pas un équilibre des forces s'établissant toujours vers le haut mais elle induit une logique de désescalade. Cette logique débouche sur l'hypothèse d'une nécessaire et forte démilitarisation des relations internationales, le règlement des conflits, des points de fracture.
Elle pose donc inévitablement la nécessité du renforcement du système multilatéral donc des Nations unies, d'un maillage renforcé par le droit international, du règlement éventuel des menaces uniquement par l'action concertée, y compris militaire en dernier recours, de la communauté internationale.
Certes, une évolution des doctrines stratégiques ne sera pas simple et posera des problèmes pendant une longue période de transition. Mais cette évolution nécessaire est aujourd'hui plus crédible qu'il y a vingt ou trente ans : la révolution de l'information rend plus facile la transparence, la pression positive de l'opinion publique, la participation citoyenne (voir le nouveau phénomène des lanceurs d'alerte).
Il est très positif que le débat s'ouvre à la possibilité de la disparition de de l'arme nucléaire, mais doit-il se limiter, voire s'enfermer dans la seule problématique stratégique et conceptuelle de la dissuasion ? Ne faut-il pas débattre également de la priorité à donner aux politiques de prévention ?
Nous aborderons plus largement cette question dans un prochain article.
Le président Hollande a rappelé en février dernier la volonté gouvernementale de ne rien changer : "le temps de la dissuasion nucléaire n’est pas dépassé. Il ne saurait être question, y compris dans ce domaine, de baisser la garde".
Pour autant, la presse française s'est fait l'écho, ce qui est un phénomène relativement nouveau, des voix critiques comme celle du général Norlain ou de l'ancien ministre de la défense Paul Quilès.
Le chercheur André Dumoulin s'interroge en juin dernier sur ce débat français : "Nonobstant, le discours de la dissuasion française devra à l’avenir reposer sur une clarification doctrinale adaptée et sur une pédagogie renouvelée. Il y va de sa crédibilité et de son soutien, y compris dans le relationnel franco-britannique. Une condition finale étant aussi qu’au-delà du principe de précaution empêchant encore d’imaginer son effacement sans risque dans le monde incertain qui est le nôtre, le discours de la dissuasion doit rester « pur » et de stricte suffisance dans ses moyens de persuasion".(André Dumoulin "Vers une érosion du soutien à la dissuasion nucléaire française ?").
Un colloque organisé cette semaine par les clubs "Démmocratie" et "Participation et progrès" avance même une thématique plus ouverte : "Quelle dissuasion en l'absence d'arme nucléaire ?".
On ne peut que s'en féliciter, bien sûr.
Le site du Ministère de la défense continue pourtant d'affirmer que "De réelles menaces continuent de peser sur la sécurité du monde. La dissuasion, moyen exclusivement défensif, constitue l’assurance de la Nation contre toute menace d’origine étatique, d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la forme, visant les intérêts vitaux de la France". (http://www.defense.gouv.fr/actualites/articles/la-dissuasion-nucleaire).
Mais l'idée progresse que la notion de "dissuasion" est devenue obsolète, qu'elle ne sert en fait qu"à "légitimer" la possession d'une arme de destruction massive à l'encontre de toutes les pratiques reconnues par le droit international du désarmement et le droit humanitaire, visant à protéger les populations civiles.
Le risque de prolifération ré-augmente aujourd'hui du fait de la frustration croissante de puissances moyennes, exaspérées par l'arrogance des puissances nucléaires dotées, notamment dans des zones comme le Proche et Moyen-Orient (leçons de la guerre d'Irak, de la Libye et de la Syrie).
L'arme nucléaire est l'arme dont le maintien est un risque permanent pour l'humanité. Elle ne dissuade personne réellement. Le « bisounours » est celui qui croit que la possession de l'arme nucléaire empêcherait Daesh de s'en servir contre nous.
La possession des armes nucléaires devient essentiellement un enjeu de représentation de puissance que les "possédants" cherchent à garder à tout prix en multipliant les opérations de communication ou de brouillage idéologique.
Mais, surtout, sur le plan conceptuel, la dissuasion a une énorme limite. Elle est sensée empêcher l'adversaire de nous attaquer. Est-ce que cela a fonctionné depuis cinquante ans ? Le débat est ouvert. Mais la principale faiblesse de la dissuasion est qu'elle ne s'attaque pas aux causes d'un conflit mais à ses effets et qu'elle n'empêche pas mais favorise la course aux armements. Chaque partie a pour seul but de surmonter la capacité de dissuasion de l'adversaire.
Déjà en 1999, des auteurs s'interrogeaient : "En dehors du domaine nucléaire (en dehors de sa « niche militaro-strategique », pour reprendre une de ces métaphores managériales qu’affectionnent les auteurs américains), la dissuasion comme forme stratégique générale est de moins en moins opérante. La dissuasion suppose un adversaire : elle s’exerce sur un décideur ou un centre de décision. Avec la prédominance de situations complexes, de conflits à trois camps, de menaces diffuses, difficilement attribuables ou assignables à un acteur central, la forme dissuasion perd une grande partie de sa pertinence. Au nouvel état du monde, caractérisé par la prolifération de conflits locaux, interétatiques et surtout intra-étatiques, correspond une nouvelle forme (ou langage) stratégique : la «prévention». (Maurice Ronai et Sami Makki CIRPES, Paris, mars 1999).
La sécurité aujourd'hui dans un monde instable, en transition, ne doit-elle pas travailler à développer avant tout la prévention ? Celle-ci est présentée sur le site du ministre de la défense ainsi : "Prévenir consiste à agir pour éviter l'apparition ou l'aggravation des menaces contre la sécurité" (http://www.defense.gouv.fr/air/presentation/fonctions-strategiques).
Sur le plan général, prévenir, c'est empêcher d'être attaqué en travaillant en amont sur les causes du conflits. La prévention privilégie donc les approches politiques. Sa logique interne n'est donc pas un équilibre des forces s'établissant toujours vers le haut mais elle induit une logique de désescalade. Cette logique débouche sur l'hypothèse d'une nécessaire et forte démilitarisation des relations internationales, le règlement des conflits, des points de fracture.
Elle pose donc inévitablement la nécessité du renforcement du système multilatéral donc des Nations unies, d'un maillage renforcé par le droit international, du règlement éventuel des menaces uniquement par l'action concertée, y compris militaire en dernier recours, de la communauté internationale.
Certes, une évolution des doctrines stratégiques ne sera pas simple et posera des problèmes pendant une longue période de transition. Mais cette évolution nécessaire est aujourd'hui plus crédible qu'il y a vingt ou trente ans : la révolution de l'information rend plus facile la transparence, la pression positive de l'opinion publique, la participation citoyenne (voir le nouveau phénomène des lanceurs d'alerte).
Il est très positif que le débat s'ouvre à la possibilité de la disparition de de l'arme nucléaire, mais doit-il se limiter, voire s'enfermer dans la seule problématique stratégique et conceptuelle de la dissuasion ? Ne faut-il pas débattre également de la priorité à donner aux politiques de prévention ?
Nous aborderons plus largement cette question dans un prochain article.
samedi 17 octobre 2015
Syrie, ONU : quelles réflexions ?
Lors de l'ouverture de la 70e session de l'Assemblée générale des Nations unies, fin septembre et début octobre, plusieurs observateurs ont relevé que la diplomatie française et le président Hollande avaient du mal à ne pas paraître isolés dans leur obstination à refuser toute forme de participation du gouvernement syrien actuel à une grande alliance pour combattre les terroristes de Daech.
Barack Obama a déclaré à la tribune des Nations unies que "Bachar el-Assad doit quitter le poste présidentiel" mais il y a une semaine, le secrétaire d'État John Kerry a concédé que le calendrier de la sortie de Bachar al-Assad était négociable. Des dirigeants européens comme David Cameron et Angela Merkel notamment, plaidant le pragmatisme, n'écartent plus la collaboration avec le régime de Bachar al-Assad, comme le suggère Vladimir Poutine. Les principaux acteurs dans le conflit syrien, incluant les États-Unis, la Russie, l'Arabie saoudite, l'Iran, la Turquie et l'Égypte, se réuniront en octobre. « Quatre groupes de travail doivent être formés à Genève et la rencontre du groupe de contact incluant les principaux acteurs, je pense, se réunira en octobre après la session de l'Assemblée générale de l'ONU », a déclaré le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, cité par l'agence Ria Novosti.
M. Laurent Fabius a renouvelé ses critiques contre la Russie qui s'en prenait à «80-90%» à "l'opposition syrienne". Or, la notion "d'opposition syrienne" est trop ambiguë. Même si de multiples coalitions d'opposition contre Bachar al Assad existent, les plus puissantes sont composées de mouvements affiliés à Al-Qaida «canal historique» comme le Front al-Nosra ou la nébuleuse de Ahrar al-Cham comme le rappelle un spécialiste du renseignement, Alain Rodier. Le soutien militaire des occidentaux, français ou américains à l'Armée syrienne libre pose aussi question, d'autant plus qu'on sait qu'en septembre dernier, des rebelles syriens formés par les Américains ont remis une partie de leur équipement et munitions au dit Front al-Nosra. Va-t-on refaire les mêmes erreurs avec Al Nosra que les américains firent avec les talibans en Afghanistan en 1979-89 ?
Que sont devenues les armes françaises fournies aux groupes rebelles syriens dès 2012 alors que l’Union européenne avait imposé un embargo sur de telles livraisons ?
La France et la majorité des gouvernements occidentaux en 2011 ont cru que le régime de Bachar al Assad allait tomber en quelques mois à l'image de ce qui s'était passé en Égypte et en Tunisie : ce fut une erreur fondamentale.
Même si la répression des premières manifestations pacifiques par Bachar al Assad avait été sanglante et était insupportable, le soutien à une opposition militaire disparate, débouchant sur un processus de guerre civile, était de toute façon une erreur politique. Dès ce moment, seul un processus visant une solution politique avec l'implication première des Nations unies était viable, accompagné des actions nécessaires pour mettre en oeuvre le droit international, y compris en travaillant à traduire Bachar devant la cour pénale de justice.
L'échec de la politique suivie est d'autant moins excusable que le précédent libyen aux conséquences désastreuses aurait dû inciter à une approche différente.
Le chaos en Syrie a permis que dès le 29 juin 2014, Daech proclame un califat en Irak et en Syrie et annexe des régions frontalières. En septembre 2014, les États-Unis et leurs alliés occidentaux et arabes, soit une soixantaine de pays, ont entamé, sans mandat de l'ONU, des opérations aériennes contre Daech sur le territoire irakien. 6.550 frappes ont été conduites dont deux cents sont françaises. Rapportés aux moyens mobilisés, les résultats restent minces.
L'ensemble des frappes occidentales est illégal. Par exemple, la justification avancée par le gouvernement français pour ses bombardements d'agir "en état de légitime défense" est contestée par les juristes internationaux. La Charte des Nations unies, dans son chapitre VII, reconnaît ce droit dans des limites très strictes : " jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales". Or, rien de sérieux n'a été fait par la France pour faire aboutir une résolution du Conseil de sécurité permettant une "opération de police internationale armée" contre les terroristes, et surmonter les divergences politiques, notamment avec la Russie. Au contraire, pourrait-on dire, si l'on considère les déclarations du président Hollande et de Laurent Fabius. De plus, une telle opération même dans un cadre onusien ne pourrait être qu'un élément d'un plan politique de règlement du conflit.
Il reste que l'absence de recherche sérieuse de solution politique alternative à la guerre civile a conduit à une catastrophe humanitaire. 240.000 Syriens ont perdu la vie depuis le début de ce conflit (même si ce bilan produit par les opposants syriens est estimé surévalué par la Ligue arabe qui chiffre à un peu plus de 100 000 tués les victimes du conflit). Près de huit millions se sont déplacés dans les frontières intérieures fuyant les combats opposant les multiples factions au régime ou à l'EI. Quatre millions se sont réfugiés dans les pays voisins, au Liban notamment, dans la plus grande précarité. Quinze millions de Syriens sont en situation de détresse humanitaire.
Si l'on prend un peu de recul politique, on constate que la diplomatie française, tant avec le président Sarkozy que François Hollande, ne croit pas au renforcement du multilatéralisme dans le monde dans les prochaines décennies. Elle pense que le monde ne peut évoluer que vers l'accentuation des rivalités de puissance, et comme les États-Unis se désengagent du Moyen-orient, elle estime qu'il y a une "place à prendre", qu'il est possible de "tirer les marrons du feu". Et pour cela, la diplomatie française renforce sa posture de "meilleur opposant occidental" aux puissances régionales comme la Russie ou l'Iran. Ce positionnement politique est désastreux car il recrée des oppositions de blocs rappelant l'époque de la guerre froide et, in fine, isole quand même la diplomatie française, car lors de l'aiguisement des crises, les "grands" acteurs, USA et Russie, règlent eux-même sans la France (comme on le voit pour l'accord nucléaire avec l'Iran, et demain sans doute avec la conférence sur la Syrie).
Comme je l'écrivais sur mon blog, il y a un an (http://culturedepaix.blogspot.fr/2014/09/enjeux-et-alternatives-pour-la-paix.html)
"Aujourd'hui, face aux tentations de certains dirigeants de décréter ce qui est bon ou non pour des peuples, face également à des forces obscures entendant proclamer leur vérité propre comme universelle, ne faut-il pas être beaucoup plus intransigeant sur le respect du droit international et, par exemple, sur le passage systématique par une résolution du Conseil de sécurité pour toute action dans une crise internationale, a fortiori si une intervention militaire est en jeu en donnant systématiquement la priorité à une solution politique ? "Rien sans l'ONU" n'est-il pas un slogan qui devrait reprendre une force nouvelle ?
On a vu en 2013 que, lorsque les dirigeants mondiaux ont été obligés de négocier une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies sur la Syrie, cela a obligé à trouver un compromis politique et aboutit à la résolution sur la destruction des armes chimiques syriennes ce qui était un élément de blocage international depuis vingt ans !
Aujourd'hui, il faut déboucher sur des solutions politiques (...) sous l'égide des Nations unies, notamment par le biais de conférences internationales : elles impliqueraient des mesures de démilitarisation, de protection des populations, d'implication de tous les acteurs locaux (en Syrie avec tous les acteurs, y compris gouvernementaux mais hors Daesh : (...). Le passage obligatoire par l'ONU empêcherait les déclarations péremptoires, à la limite de l'arrogance de chefs d'État, décidant qui est légitime ou non comme représentants d'un peuple, comme cela a été malheureusement fait pour la Libye et la Syrie, par les deux Présidents français".
Un an après, ces constatations restent valables. Veut-on laisser se créer un monde de pôles de puissance rivalisant entre eux, au risque d'une véritable "der des der" nucléaire, ou veut-on construire un monde multilatéral, assis sur le droit international, les coopérations mutuelles, la participation grandissante des citoyens de la planète, comme nous y convie le déploiement des moyens d'information et de connaissance ? Là reste la question centrale.
Barack Obama a déclaré à la tribune des Nations unies que "Bachar el-Assad doit quitter le poste présidentiel" mais il y a une semaine, le secrétaire d'État John Kerry a concédé que le calendrier de la sortie de Bachar al-Assad était négociable. Des dirigeants européens comme David Cameron et Angela Merkel notamment, plaidant le pragmatisme, n'écartent plus la collaboration avec le régime de Bachar al-Assad, comme le suggère Vladimir Poutine. Les principaux acteurs dans le conflit syrien, incluant les États-Unis, la Russie, l'Arabie saoudite, l'Iran, la Turquie et l'Égypte, se réuniront en octobre. « Quatre groupes de travail doivent être formés à Genève et la rencontre du groupe de contact incluant les principaux acteurs, je pense, se réunira en octobre après la session de l'Assemblée générale de l'ONU », a déclaré le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, cité par l'agence Ria Novosti.
M. Laurent Fabius a renouvelé ses critiques contre la Russie qui s'en prenait à «80-90%» à "l'opposition syrienne". Or, la notion "d'opposition syrienne" est trop ambiguë. Même si de multiples coalitions d'opposition contre Bachar al Assad existent, les plus puissantes sont composées de mouvements affiliés à Al-Qaida «canal historique» comme le Front al-Nosra ou la nébuleuse de Ahrar al-Cham comme le rappelle un spécialiste du renseignement, Alain Rodier. Le soutien militaire des occidentaux, français ou américains à l'Armée syrienne libre pose aussi question, d'autant plus qu'on sait qu'en septembre dernier, des rebelles syriens formés par les Américains ont remis une partie de leur équipement et munitions au dit Front al-Nosra. Va-t-on refaire les mêmes erreurs avec Al Nosra que les américains firent avec les talibans en Afghanistan en 1979-89 ?
Que sont devenues les armes françaises fournies aux groupes rebelles syriens dès 2012 alors que l’Union européenne avait imposé un embargo sur de telles livraisons ?
La France et la majorité des gouvernements occidentaux en 2011 ont cru que le régime de Bachar al Assad allait tomber en quelques mois à l'image de ce qui s'était passé en Égypte et en Tunisie : ce fut une erreur fondamentale.
Même si la répression des premières manifestations pacifiques par Bachar al Assad avait été sanglante et était insupportable, le soutien à une opposition militaire disparate, débouchant sur un processus de guerre civile, était de toute façon une erreur politique. Dès ce moment, seul un processus visant une solution politique avec l'implication première des Nations unies était viable, accompagné des actions nécessaires pour mettre en oeuvre le droit international, y compris en travaillant à traduire Bachar devant la cour pénale de justice.
L'échec de la politique suivie est d'autant moins excusable que le précédent libyen aux conséquences désastreuses aurait dû inciter à une approche différente.
Le chaos en Syrie a permis que dès le 29 juin 2014, Daech proclame un califat en Irak et en Syrie et annexe des régions frontalières. En septembre 2014, les États-Unis et leurs alliés occidentaux et arabes, soit une soixantaine de pays, ont entamé, sans mandat de l'ONU, des opérations aériennes contre Daech sur le territoire irakien. 6.550 frappes ont été conduites dont deux cents sont françaises. Rapportés aux moyens mobilisés, les résultats restent minces.
L'ensemble des frappes occidentales est illégal. Par exemple, la justification avancée par le gouvernement français pour ses bombardements d'agir "en état de légitime défense" est contestée par les juristes internationaux. La Charte des Nations unies, dans son chapitre VII, reconnaît ce droit dans des limites très strictes : " jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales". Or, rien de sérieux n'a été fait par la France pour faire aboutir une résolution du Conseil de sécurité permettant une "opération de police internationale armée" contre les terroristes, et surmonter les divergences politiques, notamment avec la Russie. Au contraire, pourrait-on dire, si l'on considère les déclarations du président Hollande et de Laurent Fabius. De plus, une telle opération même dans un cadre onusien ne pourrait être qu'un élément d'un plan politique de règlement du conflit.
Il reste que l'absence de recherche sérieuse de solution politique alternative à la guerre civile a conduit à une catastrophe humanitaire. 240.000 Syriens ont perdu la vie depuis le début de ce conflit (même si ce bilan produit par les opposants syriens est estimé surévalué par la Ligue arabe qui chiffre à un peu plus de 100 000 tués les victimes du conflit). Près de huit millions se sont déplacés dans les frontières intérieures fuyant les combats opposant les multiples factions au régime ou à l'EI. Quatre millions se sont réfugiés dans les pays voisins, au Liban notamment, dans la plus grande précarité. Quinze millions de Syriens sont en situation de détresse humanitaire.
Si l'on prend un peu de recul politique, on constate que la diplomatie française, tant avec le président Sarkozy que François Hollande, ne croit pas au renforcement du multilatéralisme dans le monde dans les prochaines décennies. Elle pense que le monde ne peut évoluer que vers l'accentuation des rivalités de puissance, et comme les États-Unis se désengagent du Moyen-orient, elle estime qu'il y a une "place à prendre", qu'il est possible de "tirer les marrons du feu". Et pour cela, la diplomatie française renforce sa posture de "meilleur opposant occidental" aux puissances régionales comme la Russie ou l'Iran. Ce positionnement politique est désastreux car il recrée des oppositions de blocs rappelant l'époque de la guerre froide et, in fine, isole quand même la diplomatie française, car lors de l'aiguisement des crises, les "grands" acteurs, USA et Russie, règlent eux-même sans la France (comme on le voit pour l'accord nucléaire avec l'Iran, et demain sans doute avec la conférence sur la Syrie).
Comme je l'écrivais sur mon blog, il y a un an (http://culturedepaix.blogspot.fr/2014/09/enjeux-et-alternatives-pour-la-paix.html)
"Aujourd'hui, face aux tentations de certains dirigeants de décréter ce qui est bon ou non pour des peuples, face également à des forces obscures entendant proclamer leur vérité propre comme universelle, ne faut-il pas être beaucoup plus intransigeant sur le respect du droit international et, par exemple, sur le passage systématique par une résolution du Conseil de sécurité pour toute action dans une crise internationale, a fortiori si une intervention militaire est en jeu en donnant systématiquement la priorité à une solution politique ? "Rien sans l'ONU" n'est-il pas un slogan qui devrait reprendre une force nouvelle ?
On a vu en 2013 que, lorsque les dirigeants mondiaux ont été obligés de négocier une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies sur la Syrie, cela a obligé à trouver un compromis politique et aboutit à la résolution sur la destruction des armes chimiques syriennes ce qui était un élément de blocage international depuis vingt ans !
Aujourd'hui, il faut déboucher sur des solutions politiques (...) sous l'égide des Nations unies, notamment par le biais de conférences internationales : elles impliqueraient des mesures de démilitarisation, de protection des populations, d'implication de tous les acteurs locaux (en Syrie avec tous les acteurs, y compris gouvernementaux mais hors Daesh : (...). Le passage obligatoire par l'ONU empêcherait les déclarations péremptoires, à la limite de l'arrogance de chefs d'État, décidant qui est légitime ou non comme représentants d'un peuple, comme cela a été malheureusement fait pour la Libye et la Syrie, par les deux Présidents français".
Un an après, ces constatations restent valables. Veut-on laisser se créer un monde de pôles de puissance rivalisant entre eux, au risque d'une véritable "der des der" nucléaire, ou veut-on construire un monde multilatéral, assis sur le droit international, les coopérations mutuelles, la participation grandissante des citoyens de la planète, comme nous y convie le déploiement des moyens d'information et de connaissance ? Là reste la question centrale.
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vendredi 16 octobre 2015
Culture de paix : 20 ans déjà...
C'est en 1995, il y a vingt ans, que la Conférence générale de l'UNESCO décidait de faire de la culture de paix sa priorité pour les années 1995-2001. Trois ans plus tard, le 13 septembre 1999 l'Assemblée générale des Nations unies adoptait une "Déclaration et un programme pour la culture de paix" autour de huit objectifs :
- le renforcement d'une culture de la paix par l'éducation,
-la promotion d'un développement durable sur les plans économique et social
- la promotion du respect de tous les droits de l'homme
- les mesures visant à assurer l'égalité entre les femmes et les hommes,
- les mesures visant à favoriser la participation à la vie démocratique
- les mesures visant à développer la compréhension, la tolérance et la solidarité
- les mesures visant à soutenir la communication participative et la libre circulation de l'information et des connaissances
- les mesures visant à promouvoir la paix et la sécurité internationales ».
20 ans après son adoption officielle par l'UNESCO, on peut faire trois séries de réflexions très schématiques sur le sens de l'apparition de ce concept, les problèmes posés pour sa mise en œuvre et sur le « et maintenant » ?
Premièrement, il faut bien voir que le développement puis l'officialisation du concept de Culture de paix constitue un changement de paradigme, une rupture historique avec la conception de la paix avant la fin de la guerre froide. Cette période avait été marquée à la fois par la « théorie des deux camps » issue du soviétique Jdanov (il y a le « camp de la guerre » et le « camp de la paix », les analyses sur l'« impérialisme fauteur de guerre », la conception que la paix est une simple « suspension de la guerre ». Il en découlait une lutte pour la paix ou plutôt contre la guerre tirée vers le haut et les affrontements des états, une lutte où les acteurs (et les victimes) sont en bas et les décideurs en haut. En même temps, il ne faut pas rejeter des aspects très positifs : cette lutte pour la paix a permis d'éviter la catastrophe de la guerre nucléaire en 1950 avec l'Appel de Stockholm, elle s'est traduite par le développement et le succès de la lutte pour décolonisation et l'indépendance des peuples, elle a participé enfin au développement historique, trop largement sous-estimé à mon avis, de « l'arbre à palabres » mondial unique qu'est l'Organisation des Nations Unies, phénomène historique extraordinaire, devant lequel on devrait s'émerveiller chaque matin en se levant.
La rupture historique qui intervient avec l'adoption du concept de culture de paix, c'est que la paix est considérée non plus comme un « état » (être ou ne pas être en paix) mais comme une « culture » c'est-à-dire comme une civilisation donc comme une construction vivante : il y a exigence d'absence de guerre, de disparition de la menace militaire et de désarmement, mais aussi de progrès du niveau de vie, du développement de l'emploi et de l'accomplissement personnel, de l'éducation, de la participation et de la démocratie. On assiste donc à un double basculement : d'un statut passif (un "état") à un statut actif (une "culture"), à un recentrage vers l'humain et plus seulement vers les états, les gouvernements. Enfin, en parlant de culture, on parle d'humains pour la porter : l'homme devient à la fois acteur et sujet, on passe du « vous devez faire » à « nous devons (ou pouvons) le faire » (« Yes, we can » !).
Deuxièmement, il faut reconnaître que le développement et la mise en œuvre de la culture de paix s'est avéré, s'avère et s'avérera forcément complexe, difficile et ce, d'abord pour les organisations de paix.
Il est parsemé d'écueils : d'abord, il ne peut pas se traduire par un émiettement, une dilution de la lutte pour la paix dans les différents domaines dont on dit qu'ils sont constitutifs de la culture de paix, mais au contraire, par un « aiguisement » de la visée d'une société de paix, de sa nécessaire présence au sein des différentes revendications portées dans tous ces domaines. En bref, l'enjeu, me semble-t-il, pour le « mouvement de paix », n'est pas de courir sur « tout ce qui bouge » (réfugiés, réchauffement climatique, kurdes, etc...) pour simplement s'y raccrocher ou le soutenir. À l'inverse, l'enjeu est de travailler à une « hégémonie de la culture de paix » (au sens gramscien) sur tous les problèmes du monde, sur toutes les démarches actives. L'enjeu est de faire comprendre à chacun que son action dans son domaine contribue à la construction d'un monde de paix : on mesure la difficulté.
Cela explique des progrès diffus partout du concept de culture de paix, se traduisant de façon brouillonne, parfois au niveau des bons sentiments et de la proclamation de foi ânonnée et inefficace.
Cela s'accompagne aussi d'un piétinement idéologique et de la tentation de revenir aux vieilles analyses du coupable, de la théorie « des deux camps ».
Cela conduit, par exemple, à lutter plus contre « Israël » et pas assez sur les luttes convergentes pour la coexistence de deux états indépendants,
à critiquer exclusivement les « USA impérialistes » ou « Hollande va-t-en-guerre » en Syrie et moins travailler aux conditions politiques du règlement du problème syrien, à la protection des réfugiés sur place, au retour des Nations unies comme cœur du règlement politique de la crise.
De la même manière au niveau étatique, des dirigeants politiques occidentaux se dressent contre la Russie "menaçante" et l'aventurisme poutinien, contre l'Iran "antisémite" pour défendre d'illusoires intérêts de puissance, au lieu de travailler à l'intégration systématique des puissances régionales concernées dans le règlement des conflits en-cours.
Cette difficulté dans la mise en œuvre de cette conception de la culture de paix, à y intégrer les citoyens dans des actions qui rassemblent et non qui divisent, est aggravée par un contexte international incertain et changeant.
C'est un troisième point. Pour poursuivre et approfondir la promotion de la culture de paix, il est nécessaire de se dégager de l'actualité et ses contingences, de prendre du recul historique : il faut voir que nous sommes dans une période de transition historique du système international : dangereuse, avec des hauts et des bas, des contradictions mais qui n'est pas « pire » que les décennies précédentes, au contraire.
Il serait dramatique de céder à des analyses catastrophiques erronées qui conduiraient les acteurs de paix soit à se replier ou se rétrécir, voire se radicaliser devant ce monde qui deviendrait "horrible", soit à se réfugier dans de simples proclamations de principe inefficaces.
L'enjeu reste de continuer à penser en terme de « transformation de civilisation » ce qui est un défi politique, social qui nécessite de travailler sur des objectifs clairs, qui dénoncent l'état de chose existant mais qui surtout rassemblent et non divisent.
Pour cela, il faut continuer de s'appuyer sur les transformations du monde. Celles-ci portent notamment sur l'essor de l'information, notamment au travers d'internet, des communications (voir le rôle des smartphones pour les réfugiés aujourd'hui) et des réseaux télévisés, donc des connaissances, et sur le désir de participation collaborative et consultation qui grandit.
En conclusion, voyons bien que toutes les transformations du monde donnent plus de latitude d'action aux individus et s'inscrivent donc au cœur du concept de la culture de paix. C'est un formidable potentiel d'espoir !
- le renforcement d'une culture de la paix par l'éducation,
-la promotion d'un développement durable sur les plans économique et social
- la promotion du respect de tous les droits de l'homme
- les mesures visant à assurer l'égalité entre les femmes et les hommes,
- les mesures visant à favoriser la participation à la vie démocratique
- les mesures visant à développer la compréhension, la tolérance et la solidarité
- les mesures visant à soutenir la communication participative et la libre circulation de l'information et des connaissances
- les mesures visant à promouvoir la paix et la sécurité internationales ».
20 ans après son adoption officielle par l'UNESCO, on peut faire trois séries de réflexions très schématiques sur le sens de l'apparition de ce concept, les problèmes posés pour sa mise en œuvre et sur le « et maintenant » ?
Premièrement, il faut bien voir que le développement puis l'officialisation du concept de Culture de paix constitue un changement de paradigme, une rupture historique avec la conception de la paix avant la fin de la guerre froide. Cette période avait été marquée à la fois par la « théorie des deux camps » issue du soviétique Jdanov (il y a le « camp de la guerre » et le « camp de la paix », les analyses sur l'« impérialisme fauteur de guerre », la conception que la paix est une simple « suspension de la guerre ». Il en découlait une lutte pour la paix ou plutôt contre la guerre tirée vers le haut et les affrontements des états, une lutte où les acteurs (et les victimes) sont en bas et les décideurs en haut. En même temps, il ne faut pas rejeter des aspects très positifs : cette lutte pour la paix a permis d'éviter la catastrophe de la guerre nucléaire en 1950 avec l'Appel de Stockholm, elle s'est traduite par le développement et le succès de la lutte pour décolonisation et l'indépendance des peuples, elle a participé enfin au développement historique, trop largement sous-estimé à mon avis, de « l'arbre à palabres » mondial unique qu'est l'Organisation des Nations Unies, phénomène historique extraordinaire, devant lequel on devrait s'émerveiller chaque matin en se levant.
La rupture historique qui intervient avec l'adoption du concept de culture de paix, c'est que la paix est considérée non plus comme un « état » (être ou ne pas être en paix) mais comme une « culture » c'est-à-dire comme une civilisation donc comme une construction vivante : il y a exigence d'absence de guerre, de disparition de la menace militaire et de désarmement, mais aussi de progrès du niveau de vie, du développement de l'emploi et de l'accomplissement personnel, de l'éducation, de la participation et de la démocratie. On assiste donc à un double basculement : d'un statut passif (un "état") à un statut actif (une "culture"), à un recentrage vers l'humain et plus seulement vers les états, les gouvernements. Enfin, en parlant de culture, on parle d'humains pour la porter : l'homme devient à la fois acteur et sujet, on passe du « vous devez faire » à « nous devons (ou pouvons) le faire » (« Yes, we can » !).
Deuxièmement, il faut reconnaître que le développement et la mise en œuvre de la culture de paix s'est avéré, s'avère et s'avérera forcément complexe, difficile et ce, d'abord pour les organisations de paix.
Il est parsemé d'écueils : d'abord, il ne peut pas se traduire par un émiettement, une dilution de la lutte pour la paix dans les différents domaines dont on dit qu'ils sont constitutifs de la culture de paix, mais au contraire, par un « aiguisement » de la visée d'une société de paix, de sa nécessaire présence au sein des différentes revendications portées dans tous ces domaines. En bref, l'enjeu, me semble-t-il, pour le « mouvement de paix », n'est pas de courir sur « tout ce qui bouge » (réfugiés, réchauffement climatique, kurdes, etc...) pour simplement s'y raccrocher ou le soutenir. À l'inverse, l'enjeu est de travailler à une « hégémonie de la culture de paix » (au sens gramscien) sur tous les problèmes du monde, sur toutes les démarches actives. L'enjeu est de faire comprendre à chacun que son action dans son domaine contribue à la construction d'un monde de paix : on mesure la difficulté.
Cela explique des progrès diffus partout du concept de culture de paix, se traduisant de façon brouillonne, parfois au niveau des bons sentiments et de la proclamation de foi ânonnée et inefficace.
Cela s'accompagne aussi d'un piétinement idéologique et de la tentation de revenir aux vieilles analyses du coupable, de la théorie « des deux camps ».
Cela conduit, par exemple, à lutter plus contre « Israël » et pas assez sur les luttes convergentes pour la coexistence de deux états indépendants,
à critiquer exclusivement les « USA impérialistes » ou « Hollande va-t-en-guerre » en Syrie et moins travailler aux conditions politiques du règlement du problème syrien, à la protection des réfugiés sur place, au retour des Nations unies comme cœur du règlement politique de la crise.
De la même manière au niveau étatique, des dirigeants politiques occidentaux se dressent contre la Russie "menaçante" et l'aventurisme poutinien, contre l'Iran "antisémite" pour défendre d'illusoires intérêts de puissance, au lieu de travailler à l'intégration systématique des puissances régionales concernées dans le règlement des conflits en-cours.
Cette difficulté dans la mise en œuvre de cette conception de la culture de paix, à y intégrer les citoyens dans des actions qui rassemblent et non qui divisent, est aggravée par un contexte international incertain et changeant.
C'est un troisième point. Pour poursuivre et approfondir la promotion de la culture de paix, il est nécessaire de se dégager de l'actualité et ses contingences, de prendre du recul historique : il faut voir que nous sommes dans une période de transition historique du système international : dangereuse, avec des hauts et des bas, des contradictions mais qui n'est pas « pire » que les décennies précédentes, au contraire.
Il serait dramatique de céder à des analyses catastrophiques erronées qui conduiraient les acteurs de paix soit à se replier ou se rétrécir, voire se radicaliser devant ce monde qui deviendrait "horrible", soit à se réfugier dans de simples proclamations de principe inefficaces.
L'enjeu reste de continuer à penser en terme de « transformation de civilisation » ce qui est un défi politique, social qui nécessite de travailler sur des objectifs clairs, qui dénoncent l'état de chose existant mais qui surtout rassemblent et non divisent.
Pour cela, il faut continuer de s'appuyer sur les transformations du monde. Celles-ci portent notamment sur l'essor de l'information, notamment au travers d'internet, des communications (voir le rôle des smartphones pour les réfugiés aujourd'hui) et des réseaux télévisés, donc des connaissances, et sur le désir de participation collaborative et consultation qui grandit.
En conclusion, voyons bien que toutes les transformations du monde donnent plus de latitude d'action aux individus et s'inscrivent donc au cœur du concept de la culture de paix. C'est un formidable potentiel d'espoir !
lundi 28 septembre 2015
Nations unies : marre de l'ONU-"bashing" !
Les commentaires en ces temps de 70e anniversaire de la création des Nations unies : adoption de sa Charte, établissement des différentes structures (Assemblée générale, Conseil de sécurité), des multiples offices (Unesco, Fao, Oms, etc..) ne sont pas à la hauteur de l'événement. Spécialistes et hommes politiques détaillent les multiples défauts, échecs partiels, regrets en omettant de souligner l'extraordinaire exploit qu'a représenté le rassemblement de tous les peuples de la planète sous le même "arbre à palabres".
Alors, ne mégotons pas, foin de ceux qui jouent "petit bras", allons à l'essentiel !
70 ans après leur création, oui, les Nations unies ont un bilan positif et même exceptionnel. Elles ont permis pour la première fois, la coexistence et la collaboration de tous les États de la terre, l'émergence et le développement des droits humains, le début d'une prise de conscience du "village global".
Parler des Nations unies en 2015, de leur rôle, c'est évoquer d'abord les énormes changements intervenus dans le monde depuis 70 ans : 193 états au lieu de 35, la mondialisation et la multiplication des échanges économiques, l'extraordinaire révolution des moyens de communication (internet, téléphone portable) qui a aboli le temps donc relativisé l'espace, les frontières. Nous sommes sortis du monde statique des états de l'avant-guerre à un monde plus complexe, où à côté des états, des nouveaux acteurs jouent un rôle grandissant, qui ne connaissent pas ou moins les frontières (ONGs, médias, entreprises multinationales, mafias et réseaux divers, extrémistes parfois).
Les Nations unies ne se réduisent pas seulement à un texte fondateur, sa Charte, d'une potentialité extraordinaire, mais l'ensemble de la structure onusienne a produit et produit en permanence de nouvelles coopérations entre les humains qui peuple cette planète. C'est cet ensemble : Charte et structures, qui a changé la manière de considérer le monde de la part des peuples, un monde où personne ne peut, aujourd'hui regarder son destin sans penser qu'il est tributaire de 192 autres peuples !
L'ONU est devenue productrice d'un nouveau « lien social » planétaire, sans lequel des dizaines d'états risqueraient de s'effondrer. Elle conforte ainsi la base de la sécurité commune, en témoigne la multiplication des opérations de maintien de la paix et l'extension des buts de ces missions, devenus de plus en plus globaux.
Parallèlement, l'ONU est devenue le creuset de la démilitarisation du monde par la diversité des traités de désarmement existants. Ceux-ci constituent une base essentielle du droit international, par les mesures de vérification et parfois de sanction qu'ils contiennent et qui sont essentiels pour développer la confiance et la sécurité commune. Demain, même les armes nucléaires seront inévitablement englobées dans des traités de contrôle voire d'interdiction.
Enfin, les Nations unies sont le creuset d'une nécessaire Culture de la paix. Leur action a été essentielle dans la naissance et l'évolution du concept.
Il n'est évidemment pas question de se satisfaire d'un bilan qui, même s'il est bon, comporte encore tellement de drames et de problèmes à résoudre ! Mais il faut savoir "décoller le nez de la fenêtre" pour ne pas se laisser décourager par l'actualité immédiate.
Pour un monde encore meilleur, oui, nous avons besoin de plus d'ONU et de « mieux » d'ONU.
N'ayons pas peur d'affirmer que, plus jeunes que jamais, les Nations unies sont l'avenir du « vivre ensemble » planétaire
Cela implique de travailler à inverser la prédominance des états au profit du renforcement des institutions multilatérales, du droit international et de la démocratie. Cela signifie de placer encore plus les Nations unies au centre des relations mondiales en renforçant les moyens donnés aux interventions onusiennes sous tous leurs aspects.
Cela nécessite des réformes institutionnelles pour intégrer le Fonds monétaire international et la Banque mondiale dans les règles et la transparence du système onusien, des réformes pour la transparence des règles commerciales édictées par l'OMC (Organisation mondiale du commerce).
Demain, les Nations unies peuvent être au coeur d'une mondialisation juste et pacifiée, d'une gouvernance mondiale pour la liberté, la paix et la justice, permettant l'épanouissement de tous les humains sur la terre
Dans ce but, il faut évidemment tenir compte des mutations des dernières décennies en procédant à un "rééquilibrage du monde". Le premier d'entre eux consiste à donner un poids plus grands aux pays émergents au Conseil de sécurité en élargissant le nombre de membres permanents. Il est nécessaire de limiter drastiquement, dès maintenant, le droit de veto des membres permanents aux seules questions existentielles de la planète et de renforcer le rôle de l'Assemblée générale.
Le second rééquilibrage est un droit de consultation systématique, sous des formes à imaginer, des citoyens et de l'opinion publique par le biais des ONGs, des élus nationaux lors des grandes décisions internationales.
Les citoyens du monde seront décisifs pour réussir ces nouveaux défis. C'est possible car l'efficacité de leur intervention se démultiplie grâce aux mutations du monde tant dans l'information, qu'avec les nouvelles technologies.
Il est temps que l'avenir des Nations unies redevienne un objet politique actif, qu'il sorte du camp des « rêveurs » et soit réapproprié par tous les progressistes comme thème central des alternatives.
Alors, ne mégotons pas, foin de ceux qui jouent "petit bras", allons à l'essentiel !
70 ans après leur création, oui, les Nations unies ont un bilan positif et même exceptionnel. Elles ont permis pour la première fois, la coexistence et la collaboration de tous les États de la terre, l'émergence et le développement des droits humains, le début d'une prise de conscience du "village global".
Parler des Nations unies en 2015, de leur rôle, c'est évoquer d'abord les énormes changements intervenus dans le monde depuis 70 ans : 193 états au lieu de 35, la mondialisation et la multiplication des échanges économiques, l'extraordinaire révolution des moyens de communication (internet, téléphone portable) qui a aboli le temps donc relativisé l'espace, les frontières. Nous sommes sortis du monde statique des états de l'avant-guerre à un monde plus complexe, où à côté des états, des nouveaux acteurs jouent un rôle grandissant, qui ne connaissent pas ou moins les frontières (ONGs, médias, entreprises multinationales, mafias et réseaux divers, extrémistes parfois).
Les Nations unies ne se réduisent pas seulement à un texte fondateur, sa Charte, d'une potentialité extraordinaire, mais l'ensemble de la structure onusienne a produit et produit en permanence de nouvelles coopérations entre les humains qui peuple cette planète. C'est cet ensemble : Charte et structures, qui a changé la manière de considérer le monde de la part des peuples, un monde où personne ne peut, aujourd'hui regarder son destin sans penser qu'il est tributaire de 192 autres peuples !
L'ONU est devenue productrice d'un nouveau « lien social » planétaire, sans lequel des dizaines d'états risqueraient de s'effondrer. Elle conforte ainsi la base de la sécurité commune, en témoigne la multiplication des opérations de maintien de la paix et l'extension des buts de ces missions, devenus de plus en plus globaux.
Parallèlement, l'ONU est devenue le creuset de la démilitarisation du monde par la diversité des traités de désarmement existants. Ceux-ci constituent une base essentielle du droit international, par les mesures de vérification et parfois de sanction qu'ils contiennent et qui sont essentiels pour développer la confiance et la sécurité commune. Demain, même les armes nucléaires seront inévitablement englobées dans des traités de contrôle voire d'interdiction.
Enfin, les Nations unies sont le creuset d'une nécessaire Culture de la paix. Leur action a été essentielle dans la naissance et l'évolution du concept.
Il n'est évidemment pas question de se satisfaire d'un bilan qui, même s'il est bon, comporte encore tellement de drames et de problèmes à résoudre ! Mais il faut savoir "décoller le nez de la fenêtre" pour ne pas se laisser décourager par l'actualité immédiate.
Pour un monde encore meilleur, oui, nous avons besoin de plus d'ONU et de « mieux » d'ONU.
N'ayons pas peur d'affirmer que, plus jeunes que jamais, les Nations unies sont l'avenir du « vivre ensemble » planétaire
Cela implique de travailler à inverser la prédominance des états au profit du renforcement des institutions multilatérales, du droit international et de la démocratie. Cela signifie de placer encore plus les Nations unies au centre des relations mondiales en renforçant les moyens donnés aux interventions onusiennes sous tous leurs aspects.
Cela nécessite des réformes institutionnelles pour intégrer le Fonds monétaire international et la Banque mondiale dans les règles et la transparence du système onusien, des réformes pour la transparence des règles commerciales édictées par l'OMC (Organisation mondiale du commerce).
Demain, les Nations unies peuvent être au coeur d'une mondialisation juste et pacifiée, d'une gouvernance mondiale pour la liberté, la paix et la justice, permettant l'épanouissement de tous les humains sur la terre
Dans ce but, il faut évidemment tenir compte des mutations des dernières décennies en procédant à un "rééquilibrage du monde". Le premier d'entre eux consiste à donner un poids plus grands aux pays émergents au Conseil de sécurité en élargissant le nombre de membres permanents. Il est nécessaire de limiter drastiquement, dès maintenant, le droit de veto des membres permanents aux seules questions existentielles de la planète et de renforcer le rôle de l'Assemblée générale.
Le second rééquilibrage est un droit de consultation systématique, sous des formes à imaginer, des citoyens et de l'opinion publique par le biais des ONGs, des élus nationaux lors des grandes décisions internationales.
Les citoyens du monde seront décisifs pour réussir ces nouveaux défis. C'est possible car l'efficacité de leur intervention se démultiplie grâce aux mutations du monde tant dans l'information, qu'avec les nouvelles technologies.
Il est temps que l'avenir des Nations unies redevienne un objet politique actif, qu'il sorte du camp des « rêveurs » et soit réapproprié par tous les progressistes comme thème central des alternatives.
vendredi 5 juin 2015
Nucléaire encore... toujours ? (3) - Vers un "surpassement" du TNP ?
La Conférence internationale chargée d'examiner le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires s'est déroulée du 27 avril au 22 mai 2015 au siège de l'ONU à New York. Depuis l'entrée en vigueur du Traité en 1970, des conférences semblables se sont tenues tous les cinq ans afin d'en examiner le fonctionnement. Celle-ci s'est terminée sans qu'un texte final n'ait été adopté comme ce fut le cas en 2000 et 2005.
Le prétexte officiel en a été le refus de Washington, Londres et Ottawa qui ont indiqué qu'ils s'opposaient à une partie du projet de document final. Celui-ci fixait au 1er mars 2016 la date limite pour convoquer une conférence sur la création d'une zone exempte d'armes nucléaires au Proche-Orient et chargeait le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon de faire progresser cette initiative lancée en 1995.
Pourtant, en 2010, le texte final, adopté alors par consensus, prévoyait qu'une réunion devait se tenir à Helsinki en 2012 pour parler du projet de zone dénucléarisée au Proche-Orient. Mais elle n'a jamais pu avoir lieu, en raison notamment des réticences d'Israël.
Si cette question de la dénucléarisation du Moyen-Orient a été la raison officielle des désaccords, la conférence de 2015 a révélé sur le fond la situation dégradée du TNP (Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires).
Alors que la Conférence de 2010 avait adopté un document comportant trois plans d'actions sur les trois piliers du TNP, plus, une sorte de quatrième plan d'action, même s'il n'est pas nommé ainsi, établissant une série de recommandations pour établir une zone exempte d'armes nucléaires et de destruction massive au Moyen-Orient (voir analyse sur ce blog : http://culturedepaix.blogspot.fr/2010_05_01_archive.html). Depuis cette date, les puissances nucléaires ont poursuivi la modernisation de leur arsenal nucléaire, la coopération entre États-Unis et Russie est au point mort depuis la crise ukrainienne, la Conférence prévue sur le Moyen-Orient n'a pas eu lieu, aucun accord n'a encore officiellement été trouvé sur le programme nucléaire iranien, la Corée du Nord a poursuivi ses essais nucléaires, des rumeurs d'achats possibles d'armes nucléaires au Pakistan par Daesch ou l'Arabie saoudite circulent.
Cette dégradation de la situation a été relevée d'ailleurs le 27 avril, à l'ouverture de la conférence, par le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon.
Notons que, depuis deux ans, une campagne s'est développée, à l'initiative de plusieurs États dont l'Autriche, des ONGs comme le réseau ICAN (Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires) pour remettre la question de l'interdiction des armes nucléaires sur un terrain fondamental : celui des conséquences d'une explosion ou d'un conflit nucléaire sur l'humanité.
Dans ce contexte, l'échec de la Conférence du TNP a montré une sorte de crainte des puissances nucléaires officielles, les "P5", devant un processus qui sortirait des débats classiques sur la sécurité et la dissuasion. Cela a conduit à l'élaboration d'un projet de texte dans les couloirs dont les formulations étaient nettement en retrait sur 2010 (voir les analyses du site Reaching Critical Will : http://www.reachingcriticalwill.org/disarmament-fora/npt/2015/nir/10049-final-edition-vol-13-no-17). Les États-Unis, dont la priorité manifeste est la réussite d'un accord avec l'Iran sur son programme nucléaire, ont préféré faire capoter la conférence pour ne pas mécontenter davantage leur allié israëlien (dont il faut noter qu'il assistait pour la première fois, en tant qu'observateur à cette Conférence du TNP, Israël étant un des seuls pays avec l'Inde et le Pakistan à ne pas être État-partie). Le paradoxe fut donc que le lobbying d'un état, non-signataire comme Israël, a abouti au rejet par les USA, le Royaume-Uni et le Canada du texte pour empêcher la tenue d'une Conférence sur la dénucléarisation du Moyen-Orient !
À noter quand même un autre paradoxe, positif celui-ci, que fut la présence à cette Conférence pour la première fois mais en tant qu'État-partie, donc signataire, de la République de Palestine !
Comme l'a relevé Kingston Reif, directeur du désarmement pour l'ONG spécialisée Arms Control Association, cet échec "va probablement accroître la frustration croissante des pays non dotés de l'arme nucléaire devant le peu d'empressement des pays dotés à désarmer" (AFP du 23/05/2015).
L'ambiance "plombée" de cette Conférence s'est traduit par un renforcement du nombre de pays impliqués dans un processus de recherche de l'interdiction des armes nucléaires au regard du droit humanitaire. Lors d'une Conférence tenue à Vienne en décembre 2014, l'Autriche avait proposé un texte en ce sens. Ce texte, désormais appelé "Engagement humanitaire", a été soutenu par 107 pays pendant la Conférence du TNP de New-York.
"Quelque soit le résultat de cette 9éme conférence d’Examen du TNP, l'Engagement humanitaire doit être à la base des négociations d'un nouveau traité visant à interdire les armes nucléaires", a déclaré Béatrice Fihn, Directrice exécutive du réseau international d'ONGs, ICAN. "Il s’est révélé évident que les États dotés d'armes nucléaires ne sont pas résolus à prendre de nouveaux engagements en faveur du désarmement, alors c’est au reste du monde de commencer un processus pour interdire les armes nucléaires à l’occasion du 70e anniversaire des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki."
Les 107 états vont-ils, comme le souhaitent les ONGs, décider de lancer un processus pour l'interdiction des armes nucléaires, parallèle aux circuits diplomatiques classiques (Conférence du désarmement, Conférences du TNP), imitant ainsi les processus d'Ottawa (sur les mines antipersonnel) ou d'Oslo (sous-munitions) ? Nous le verrons peut-être, lors des cérémonies commémoratives des bombardements Hiroshima en août prochain. Ce serait un événement considérable.
Le prétexte officiel en a été le refus de Washington, Londres et Ottawa qui ont indiqué qu'ils s'opposaient à une partie du projet de document final. Celui-ci fixait au 1er mars 2016 la date limite pour convoquer une conférence sur la création d'une zone exempte d'armes nucléaires au Proche-Orient et chargeait le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon de faire progresser cette initiative lancée en 1995.
Pourtant, en 2010, le texte final, adopté alors par consensus, prévoyait qu'une réunion devait se tenir à Helsinki en 2012 pour parler du projet de zone dénucléarisée au Proche-Orient. Mais elle n'a jamais pu avoir lieu, en raison notamment des réticences d'Israël.
Si cette question de la dénucléarisation du Moyen-Orient a été la raison officielle des désaccords, la conférence de 2015 a révélé sur le fond la situation dégradée du TNP (Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires).
Alors que la Conférence de 2010 avait adopté un document comportant trois plans d'actions sur les trois piliers du TNP, plus, une sorte de quatrième plan d'action, même s'il n'est pas nommé ainsi, établissant une série de recommandations pour établir une zone exempte d'armes nucléaires et de destruction massive au Moyen-Orient (voir analyse sur ce blog : http://culturedepaix.blogspot.fr/2010_05_01_archive.html). Depuis cette date, les puissances nucléaires ont poursuivi la modernisation de leur arsenal nucléaire, la coopération entre États-Unis et Russie est au point mort depuis la crise ukrainienne, la Conférence prévue sur le Moyen-Orient n'a pas eu lieu, aucun accord n'a encore officiellement été trouvé sur le programme nucléaire iranien, la Corée du Nord a poursuivi ses essais nucléaires, des rumeurs d'achats possibles d'armes nucléaires au Pakistan par Daesch ou l'Arabie saoudite circulent.
Cette dégradation de la situation a été relevée d'ailleurs le 27 avril, à l'ouverture de la conférence, par le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon.
Notons que, depuis deux ans, une campagne s'est développée, à l'initiative de plusieurs États dont l'Autriche, des ONGs comme le réseau ICAN (Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires) pour remettre la question de l'interdiction des armes nucléaires sur un terrain fondamental : celui des conséquences d'une explosion ou d'un conflit nucléaire sur l'humanité.
Dans ce contexte, l'échec de la Conférence du TNP a montré une sorte de crainte des puissances nucléaires officielles, les "P5", devant un processus qui sortirait des débats classiques sur la sécurité et la dissuasion. Cela a conduit à l'élaboration d'un projet de texte dans les couloirs dont les formulations étaient nettement en retrait sur 2010 (voir les analyses du site Reaching Critical Will : http://www.reachingcriticalwill.org/disarmament-fora/npt/2015/nir/10049-final-edition-vol-13-no-17). Les États-Unis, dont la priorité manifeste est la réussite d'un accord avec l'Iran sur son programme nucléaire, ont préféré faire capoter la conférence pour ne pas mécontenter davantage leur allié israëlien (dont il faut noter qu'il assistait pour la première fois, en tant qu'observateur à cette Conférence du TNP, Israël étant un des seuls pays avec l'Inde et le Pakistan à ne pas être État-partie). Le paradoxe fut donc que le lobbying d'un état, non-signataire comme Israël, a abouti au rejet par les USA, le Royaume-Uni et le Canada du texte pour empêcher la tenue d'une Conférence sur la dénucléarisation du Moyen-Orient !
À noter quand même un autre paradoxe, positif celui-ci, que fut la présence à cette Conférence pour la première fois mais en tant qu'État-partie, donc signataire, de la République de Palestine !
Comme l'a relevé Kingston Reif, directeur du désarmement pour l'ONG spécialisée Arms Control Association, cet échec "va probablement accroître la frustration croissante des pays non dotés de l'arme nucléaire devant le peu d'empressement des pays dotés à désarmer" (AFP du 23/05/2015).
L'ambiance "plombée" de cette Conférence s'est traduit par un renforcement du nombre de pays impliqués dans un processus de recherche de l'interdiction des armes nucléaires au regard du droit humanitaire. Lors d'une Conférence tenue à Vienne en décembre 2014, l'Autriche avait proposé un texte en ce sens. Ce texte, désormais appelé "Engagement humanitaire", a été soutenu par 107 pays pendant la Conférence du TNP de New-York.
"Quelque soit le résultat de cette 9éme conférence d’Examen du TNP, l'Engagement humanitaire doit être à la base des négociations d'un nouveau traité visant à interdire les armes nucléaires", a déclaré Béatrice Fihn, Directrice exécutive du réseau international d'ONGs, ICAN. "Il s’est révélé évident que les États dotés d'armes nucléaires ne sont pas résolus à prendre de nouveaux engagements en faveur du désarmement, alors c’est au reste du monde de commencer un processus pour interdire les armes nucléaires à l’occasion du 70e anniversaire des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki."
Les 107 états vont-ils, comme le souhaitent les ONGs, décider de lancer un processus pour l'interdiction des armes nucléaires, parallèle aux circuits diplomatiques classiques (Conférence du désarmement, Conférences du TNP), imitant ainsi les processus d'Ottawa (sur les mines antipersonnel) ou d'Oslo (sous-munitions) ? Nous le verrons peut-être, lors des cérémonies commémoratives des bombardements Hiroshima en août prochain. Ce serait un événement considérable.
Nucléaire encore... toujours ? (5 et fin) - La dissuasion nucléaire vers l'obsolescence ?
La dissuasion nucléaire est un concept né pendant la guerre froide, lors de l'affrontement entre les "deux blocs" d'états antagonistes : ceux de l'ouest emmenés par les USA et ceux de l'est emmenés par l'URSS.
Elle reposait sur le schéma qu'entre deux puissances structurées et supposées "raisonnables", le sentiment de conservation et les intérêts de l'État empêchaient ceux-ci d'accepter une "destruction mutuelle assurée". Seule pendant la période maoïste, la Chine populaire sembla risquer d'échapper à ce schéma mental, lorsque certains dirigeants chinois assurèrent que, grâce à ses 600 millions d'habitants, elle pourrait toujours survivre à un holocauste nucléaire.
Ce concept a apparemment fonctionné et recueilli un quasi-consensus politique jusqu'en 1989 et la fin de la guerre froide.
45 ans sans guerre mondiale : "grâce à la dissuasion" dirent ses partisans, "malgré l'épée de Damoclès nucléaire", objectèrent les adversaires de la dissuasion. Il est vrai que pendant cette période, à plusieurs reprises, des incidents graves (fausses alertes d'attaques nucléaires), des tensions diplomatiques (crise des missiles de Cuba en 1962) faillirent provoquer l'embrasement.
Après la chute du mur de Berlin en 1989, une nouvelle période des relations internationales commença à prendre forme. En 1995, le TNP (Traité de non-prolifération des armes nucléaires), entré en vigueur en 1970, fut prorogé "indéfiniment".
Cette décision était extrêmement positive puisqu'elle impliquait un engagement de la communauté internationale à stopper l'extension du nombre des puissances nucléaires et qu'elle impliquait des efforts de la part des pays nucléaires pour aller vers le désarmement nucléaire. Très vite, un aspect pervers de cette prorogation indéfinie se fit jour : elle fut interprétée de fait comme un gel d'une situation inégalitaire entre États "dotés" (de l'arme nucléaire) et États "non-dotés". Dès lors, des puissances régionales comme l'Inde et le Pakistan lancèrent leur programme nucléaire, d'autres pays furent tentés par la possession d'armes nucléaires comme "protection ultime" après les interventions internationales contre l'Irak, la Serbie, etc... D'autant plus, que la communauté internationale, après l'arrestation du scientifique Vanunu en Israël apprit de manière claire que des puissances occidentales, dont la France, avaient aidé l'État hébreu à mettre sur pied un arsenal nucléaire.
Au tournant des années 2000, il est devenu évident aux yeux d'une partie importante de la communauté internationale : États non-nucléaires, ONGs que la rhétorique de la "dissuasion nucléaire" était devenue obsolète.
Elle reposait sur la notion d'États forts et stables : le mythe implosa après 1989. La désintégration de l'URSS après 1992 laissa quatre États en possession d'armes nucléaires : Russie, Ukraine, Bélarus et Kazakhstan. Il fallut des prouesses diplomatiques pour que le stock d'armes nucléaires soit regroupé sous contrôle dans la seule Russie. Au début des années 2000, l'extension du fanatisme taliban en Afghanistan et au Pakistan a pu laisser craindre que le contrôle de la centaine de missiles et d'ogives nucléaires pakistanais passe aux mains des sympathisants d'Oussama Ben Laden.
Aujourd'hui, les rumeurs et déclarations autour d'un possible achat d'armes nucléaires par les terroristes de Daesh, donc de gens fort éloignés de la notion de "raisonnables", au même Pakistan, même s'il s'agit essentiellement d'une intox médiatique, montrent que l'existence même d'armes nucléaires est un danger partout. Aucune nation nucléaire n'est à l'abri d'une destabilisation ou d'un "docteur Folamour". Quelle serait la base théorique d'une dissuasion française avec Marine Le Pen à la présidence de la République ?
La possession des armes nucléaires devient essentiellement un enjeu de représentation de puissance que les "possédants" cherchent à garder à tout prix en multipliant les opérations de communication ou de brouillage idéologique.
De fait, la réalité mondiale aujourd'hui des armes nucléaires est la suivante : les armes nucléaires restent la seule catégorie d'armes de destruction massive à ne pas relever d'un traité de désarmement et d'un régime juridique d'interdiction.
La notion de "dissuasion" est devenu obsolète comme nous l'avons vu, celle-ci ne sert en fait qu"à "légitimer" la possession d'une arme de destruction massive à l'encontre de toutes les pratiques reconnues par le droit international du désarmement et le droit humanitaire, visant à protéger les populations civiles.
La protection invoquée "d'intérêts vitaux" par les puissances nucléaires ne tient plus, car pourquoi un pays aurait-il le droit de protéger ses "intérêts vitaux" par l'arme nucléaire et pas un autre pays ?
C'est ce vide juridique et cette anomalie dans le droit international face à la nécessaire protection des populations en cas de déflagration nucléaire qui est pointé par les 107 pays qui soutiennent "l'engagement humanitaire" initié par l'Autriche.
Le processus d'interdiction de l'arme nucléaire, s'il est lancé effectivement cette année, en août, à Hiroshima, permettra certainement de poser le débat sur l'obsolescence du concept de dissuasion nucléaire d'une manière nouvelle. Il devra s'accompagner d'une réflexion approfondie sur les conditions renforcées de la sécurité commune et de la "dissuasion partagée".
Ce serait un bouleversement des approches classiques du désarmement nucléaire.
Elle reposait sur le schéma qu'entre deux puissances structurées et supposées "raisonnables", le sentiment de conservation et les intérêts de l'État empêchaient ceux-ci d'accepter une "destruction mutuelle assurée". Seule pendant la période maoïste, la Chine populaire sembla risquer d'échapper à ce schéma mental, lorsque certains dirigeants chinois assurèrent que, grâce à ses 600 millions d'habitants, elle pourrait toujours survivre à un holocauste nucléaire.
Ce concept a apparemment fonctionné et recueilli un quasi-consensus politique jusqu'en 1989 et la fin de la guerre froide.
45 ans sans guerre mondiale : "grâce à la dissuasion" dirent ses partisans, "malgré l'épée de Damoclès nucléaire", objectèrent les adversaires de la dissuasion. Il est vrai que pendant cette période, à plusieurs reprises, des incidents graves (fausses alertes d'attaques nucléaires), des tensions diplomatiques (crise des missiles de Cuba en 1962) faillirent provoquer l'embrasement.
Après la chute du mur de Berlin en 1989, une nouvelle période des relations internationales commença à prendre forme. En 1995, le TNP (Traité de non-prolifération des armes nucléaires), entré en vigueur en 1970, fut prorogé "indéfiniment".
Cette décision était extrêmement positive puisqu'elle impliquait un engagement de la communauté internationale à stopper l'extension du nombre des puissances nucléaires et qu'elle impliquait des efforts de la part des pays nucléaires pour aller vers le désarmement nucléaire. Très vite, un aspect pervers de cette prorogation indéfinie se fit jour : elle fut interprétée de fait comme un gel d'une situation inégalitaire entre États "dotés" (de l'arme nucléaire) et États "non-dotés". Dès lors, des puissances régionales comme l'Inde et le Pakistan lancèrent leur programme nucléaire, d'autres pays furent tentés par la possession d'armes nucléaires comme "protection ultime" après les interventions internationales contre l'Irak, la Serbie, etc... D'autant plus, que la communauté internationale, après l'arrestation du scientifique Vanunu en Israël apprit de manière claire que des puissances occidentales, dont la France, avaient aidé l'État hébreu à mettre sur pied un arsenal nucléaire.
Au tournant des années 2000, il est devenu évident aux yeux d'une partie importante de la communauté internationale : États non-nucléaires, ONGs que la rhétorique de la "dissuasion nucléaire" était devenue obsolète.
Elle reposait sur la notion d'États forts et stables : le mythe implosa après 1989. La désintégration de l'URSS après 1992 laissa quatre États en possession d'armes nucléaires : Russie, Ukraine, Bélarus et Kazakhstan. Il fallut des prouesses diplomatiques pour que le stock d'armes nucléaires soit regroupé sous contrôle dans la seule Russie. Au début des années 2000, l'extension du fanatisme taliban en Afghanistan et au Pakistan a pu laisser craindre que le contrôle de la centaine de missiles et d'ogives nucléaires pakistanais passe aux mains des sympathisants d'Oussama Ben Laden.
Aujourd'hui, les rumeurs et déclarations autour d'un possible achat d'armes nucléaires par les terroristes de Daesh, donc de gens fort éloignés de la notion de "raisonnables", au même Pakistan, même s'il s'agit essentiellement d'une intox médiatique, montrent que l'existence même d'armes nucléaires est un danger partout. Aucune nation nucléaire n'est à l'abri d'une destabilisation ou d'un "docteur Folamour". Quelle serait la base théorique d'une dissuasion française avec Marine Le Pen à la présidence de la République ?
La possession des armes nucléaires devient essentiellement un enjeu de représentation de puissance que les "possédants" cherchent à garder à tout prix en multipliant les opérations de communication ou de brouillage idéologique.
De fait, la réalité mondiale aujourd'hui des armes nucléaires est la suivante : les armes nucléaires restent la seule catégorie d'armes de destruction massive à ne pas relever d'un traité de désarmement et d'un régime juridique d'interdiction.
La notion de "dissuasion" est devenu obsolète comme nous l'avons vu, celle-ci ne sert en fait qu"à "légitimer" la possession d'une arme de destruction massive à l'encontre de toutes les pratiques reconnues par le droit international du désarmement et le droit humanitaire, visant à protéger les populations civiles.
La protection invoquée "d'intérêts vitaux" par les puissances nucléaires ne tient plus, car pourquoi un pays aurait-il le droit de protéger ses "intérêts vitaux" par l'arme nucléaire et pas un autre pays ?
C'est ce vide juridique et cette anomalie dans le droit international face à la nécessaire protection des populations en cas de déflagration nucléaire qui est pointé par les 107 pays qui soutiennent "l'engagement humanitaire" initié par l'Autriche.
Le processus d'interdiction de l'arme nucléaire, s'il est lancé effectivement cette année, en août, à Hiroshima, permettra certainement de poser le débat sur l'obsolescence du concept de dissuasion nucléaire d'une manière nouvelle. Il devra s'accompagner d'une réflexion approfondie sur les conditions renforcées de la sécurité commune et de la "dissuasion partagée".
Ce serait un bouleversement des approches classiques du désarmement nucléaire.
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Nucléaire encore... toujours ? (4) - Le Moyen-Orient, un jour dénucléarisé ?
Ainsi que je le rappelle dans mon article précédent, la réunion des pays signataires du Traité de non prolifération nucléaire (TNP) s'est terminée le 23 mai sur un échec, les Etats-Unis et leurs alliés rejetant une initiative arabe sur la création d'une zone exempte d'armes nucléaires au Proche-Orient. Pourtant en 2010, la déclaration finale de la conférence de suivi prévoyait qu'une réunion devait se tenir à Helsinki en 2012 pour parler de ce projet de zone dénucléarisée au Proche-Orient. Mais elle n'a jamais pu avoir lieu, en raison notamment des réticences d'Israël. L'Etat hébreu, crédité de quelque 200 ogives par des experts, n'a jamais reconnu officiellement disposer de la bombe.
Si les États-Unis ont voulu satisfaire Israël en "torpillant" la déclaration finale, c'est qu'ils souhaitent à l'évidence arriver à finaliser le pré-accord conclu avec l'Iran sur son programme nucléaire le 2 avril dernier à Lausanne et dont la date de conclusion définitive a été fixée au 30 juin.
Cet accord revêt pour les USA une importance stratégique capitale. Il devrait d'abord limiter sérieusement dans le futur les possibilités pour l'Iran d'arriver à la construction d'armes nucléaires.
Pour l'essentiel, cet accord devrait permettre que le nombre de centrifugeuses de l'Iran passe de 19.000, dont 10.200 en activité, à 6104 (une réduction de deux tiers). Sur les 6104, seules 5060 auront le droit de produire de l'uranium enrichi pendant 10 ans. Il s'agira de centrifugeuses de première génération. Téhéran réduirait son stock d'uranium faiblement enrichi (LEU) de 10.000 kg à 300 kg enrichi à 3,67% pendant 15 ans. L'Iran accepterait de ne pas enrichir d'uranium à plus de 3,67% pendant au moins 15 ans. Le matériel excédentaire serait entreposé sous surveillance de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) et ne pourrait servir qu'à des remplacements. Téhéran aurait accepté de ne pas construire de nouvelles installations d'enrichissement d'uranium pendant 15 ans.
Cet accord-cadre passé entre l'Iran et ses six interlocuteurs : France, Royaume-Uni, Russie, Chine, Allemagne), s'il est finalisé fin juin, pourrait devenir un événement historique et pourrait avoir des conséquences majeures dans la région. Comme l'écrit le journaliste René Backmann, sur le site Médiapart, il "met un terme à une hostilité réciproque de 35 ans entre les États-Unis et la République islamique. (...) Mais ce passé encombrant n’empêche plus désormais ni les échanges diplomatiques, ni une certaine forme – complexe, il faut l’admettre – de tolérance tactique réciproque sur le terrain. Ennemis en Syrie, où Téhéran tient le régime de Bachar al-Assad à bout de bras, grâce au Hezbollah et à son corps expéditionnaire de Gardiens de la révolution, tandis que Washington aide prudemment les adversaires du régime, les deux pays combattent de fait côte à côte en Irak, où les soldats et miliciens iraniens participent, comme les conseillers militaires et les aviateurs américains et occidentaux, à la bataille contre l’État islamique pour préserver ce qui peut l’être du régime de Bagdad".
Cet accord-cadre est loin d'être finalisé car il suscite de multiples oppositions : aux États-Unis même, où Henry Kissinger et George Shulz, deux anciens Secrétaires d’Etat américains, se sont montrés sceptiques dans une tribune conjointe publiée par le Wall Street Journal. En Israël, l'opposition du premier ministre, Netanyahou, s'est traduite par une intense activité de lobbying, pour tenter d’entraver les progrès des négociateurs vers un accord global ; campagne contre laquelle le président Obama a mené lui aussi une offensive médiatique soutenue, en conte-attaquant sur l'intransigeance de Netanyaho sur la question du processus de paix avec les Palestiniens : «Le danger est qu'Israël perde sa crédibilité. D'ores et déjà la communauté internationale ne croit pas qu'Israël soit sérieux à propos de la solution de deux États», a affirmé le président américain à une chaîne de télévision privée canadienne. Et interrogé sur le veto imposé par les États-Unis aux résolutions condamnant Israël à l'ONU, le président a affirmé que le maintien de cette politique allait être «difficile».
Parmi les pays arabes, les monarchies sunnites du Golfe, et au premier rang d'entre elles, l'Arabie saoudite, s'inquiètent du retour comme acteur politique de premier plan d'une puissance régionale de 80 millions d’habitants, dotée d'une puissance économique, aux richesses gazières et pétrolières de près de 100 milliards de dollars libérés par une éventuelle levée des sanctions.
Malgré ces craintes diverses, le président Barack Obama poursuit un projet plus vaste. Comme le relève le journaliste Thierry Coville, de Politis, celui-ci veut "trouver un accord sur le nucléaire pour pouvoir réintégrer l'Iran dans le jeu diplomatique. Pour le président américain, l'Iran peut jouer un rôle constructif en vue de sortir des crises au Yémen, en Irak et en Syrie".
La responsable de la diplomatie européenne Federica Mogherini, soutient également cet accord et a twitté aussitôt "Bonnes nouvelles". Le secrétaire général des Nations unies a lui aussi estimé qu'"une solution complète, négociée au problème du nucléaire iranien contribuera à la paix et à la stabilité dans la région et permettra à tous les pays de coopérer de manière urgente sur les nombreux et graves défis en matière de sécurité qu'ils doivent affronter".
Du côté français, Laurent Fabius n'a salué que timidement l'accord préliminaire sur le nucléaire iranien. Il a juste estimé que cet accord constituait une "avancée importante pour la sécurité et pour la paix". Cet accord "confirme le droit de l'Iran à l'énergie nucléaire civile, mais exclut de sa part tout accès à l'arme nucléaire", a ajouté le ministre, estimant que "Genève constituait une "première étape majeure". En fait, américains et iraniens se sont entendus en direct et la diplomatie française a été mise devant le fait accompli comme cela s’est passé lors du vote de la résolution de l’ONU consacrée à la Syrie, fin septembre.
L'enjeu maintenant, semble-t-il, est d'abord d'arriver à la finalisation de l'accord sur le nucléaire iranien mais en ayant conscience que tous les dossiers régionaux sont liés. Une solution régionale globale pour la dénucléarisation de tout le Proche-Orient est urgente. Malgré l'échec du texte final à la Conférence du TNP, les puissances nucléaires doivent respecter leur « engagement - pris en 2010 - en faveur de l’application intégrale de la résolution de 1995 sur le Moyen-Orient » prévoyant l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires (ZEAN) et autres armes de destruction massive.
La pression internationale doit y entraîner Israël car c'est dans cette perspective que réside sa meilleure garantie de sécurité. L'administration Obama semble, par ailleurs, multiplier les efforts diplomatiques pour peser sur Israël et aboutir à une solution pacifique avec les palestiniens, comme je l'ai écrit précédemment. De la même façon, la déclaration finale de la réunion des 22 États membres de la Coalition internationale anti-Daesh (plus les Nations unies et l’Union européenne), tenue le 2 juin 2015 à Paris, indique que les participants « ont rappelé leur souhait de préserver l’unité et la souveraineté de la Syrie et ont appelé au prompt lancement d’un véritable processus politique inclusif, sous les auspices des Nations Unies, en vue de mettre en œuvre les principes du communiqué de Genève – y compris la mise en place, par consentement mutuel, d’un organe de gouvernement transitoire doté de la plénitude du pouvoir exécutif. Ils ont affirmé que seule une transition politique permettra d’établir les conditions nécessaires pour renverser la vague d’extrémisme et de radicalisme engendrée par les abus du régime et de lutter efficacement contre toutes les organisations terroristes en Syrie, y compris Daech». Cette position confirme une entente entre USA et Russie. Cette position s'oppose d'ailleurs aux précédentes déclarations françaises jusqu'alors jusqu'au-boutistes qui subordonnaient le départ de Bachar el-Assad à tout démarrage de processus politique.
Ces évolutions montrent les contradictions existant dans les relations internationales qui ne peuvent qu'encourager l'opinion à essayer d'exercer des pressions en faveur de solutions politiques des crises internationales, en refusant les logiques de rapports de force et de dominations.
Si les États-Unis ont voulu satisfaire Israël en "torpillant" la déclaration finale, c'est qu'ils souhaitent à l'évidence arriver à finaliser le pré-accord conclu avec l'Iran sur son programme nucléaire le 2 avril dernier à Lausanne et dont la date de conclusion définitive a été fixée au 30 juin.
Cet accord revêt pour les USA une importance stratégique capitale. Il devrait d'abord limiter sérieusement dans le futur les possibilités pour l'Iran d'arriver à la construction d'armes nucléaires.
Pour l'essentiel, cet accord devrait permettre que le nombre de centrifugeuses de l'Iran passe de 19.000, dont 10.200 en activité, à 6104 (une réduction de deux tiers). Sur les 6104, seules 5060 auront le droit de produire de l'uranium enrichi pendant 10 ans. Il s'agira de centrifugeuses de première génération. Téhéran réduirait son stock d'uranium faiblement enrichi (LEU) de 10.000 kg à 300 kg enrichi à 3,67% pendant 15 ans. L'Iran accepterait de ne pas enrichir d'uranium à plus de 3,67% pendant au moins 15 ans. Le matériel excédentaire serait entreposé sous surveillance de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) et ne pourrait servir qu'à des remplacements. Téhéran aurait accepté de ne pas construire de nouvelles installations d'enrichissement d'uranium pendant 15 ans.
Cet accord-cadre passé entre l'Iran et ses six interlocuteurs : France, Royaume-Uni, Russie, Chine, Allemagne), s'il est finalisé fin juin, pourrait devenir un événement historique et pourrait avoir des conséquences majeures dans la région. Comme l'écrit le journaliste René Backmann, sur le site Médiapart, il "met un terme à une hostilité réciproque de 35 ans entre les États-Unis et la République islamique. (...) Mais ce passé encombrant n’empêche plus désormais ni les échanges diplomatiques, ni une certaine forme – complexe, il faut l’admettre – de tolérance tactique réciproque sur le terrain. Ennemis en Syrie, où Téhéran tient le régime de Bachar al-Assad à bout de bras, grâce au Hezbollah et à son corps expéditionnaire de Gardiens de la révolution, tandis que Washington aide prudemment les adversaires du régime, les deux pays combattent de fait côte à côte en Irak, où les soldats et miliciens iraniens participent, comme les conseillers militaires et les aviateurs américains et occidentaux, à la bataille contre l’État islamique pour préserver ce qui peut l’être du régime de Bagdad".
Cet accord-cadre est loin d'être finalisé car il suscite de multiples oppositions : aux États-Unis même, où Henry Kissinger et George Shulz, deux anciens Secrétaires d’Etat américains, se sont montrés sceptiques dans une tribune conjointe publiée par le Wall Street Journal. En Israël, l'opposition du premier ministre, Netanyahou, s'est traduite par une intense activité de lobbying, pour tenter d’entraver les progrès des négociateurs vers un accord global ; campagne contre laquelle le président Obama a mené lui aussi une offensive médiatique soutenue, en conte-attaquant sur l'intransigeance de Netanyaho sur la question du processus de paix avec les Palestiniens : «Le danger est qu'Israël perde sa crédibilité. D'ores et déjà la communauté internationale ne croit pas qu'Israël soit sérieux à propos de la solution de deux États», a affirmé le président américain à une chaîne de télévision privée canadienne. Et interrogé sur le veto imposé par les États-Unis aux résolutions condamnant Israël à l'ONU, le président a affirmé que le maintien de cette politique allait être «difficile».
Parmi les pays arabes, les monarchies sunnites du Golfe, et au premier rang d'entre elles, l'Arabie saoudite, s'inquiètent du retour comme acteur politique de premier plan d'une puissance régionale de 80 millions d’habitants, dotée d'une puissance économique, aux richesses gazières et pétrolières de près de 100 milliards de dollars libérés par une éventuelle levée des sanctions.
Malgré ces craintes diverses, le président Barack Obama poursuit un projet plus vaste. Comme le relève le journaliste Thierry Coville, de Politis, celui-ci veut "trouver un accord sur le nucléaire pour pouvoir réintégrer l'Iran dans le jeu diplomatique. Pour le président américain, l'Iran peut jouer un rôle constructif en vue de sortir des crises au Yémen, en Irak et en Syrie".
La responsable de la diplomatie européenne Federica Mogherini, soutient également cet accord et a twitté aussitôt "Bonnes nouvelles". Le secrétaire général des Nations unies a lui aussi estimé qu'"une solution complète, négociée au problème du nucléaire iranien contribuera à la paix et à la stabilité dans la région et permettra à tous les pays de coopérer de manière urgente sur les nombreux et graves défis en matière de sécurité qu'ils doivent affronter".
Du côté français, Laurent Fabius n'a salué que timidement l'accord préliminaire sur le nucléaire iranien. Il a juste estimé que cet accord constituait une "avancée importante pour la sécurité et pour la paix". Cet accord "confirme le droit de l'Iran à l'énergie nucléaire civile, mais exclut de sa part tout accès à l'arme nucléaire", a ajouté le ministre, estimant que "Genève constituait une "première étape majeure". En fait, américains et iraniens se sont entendus en direct et la diplomatie française a été mise devant le fait accompli comme cela s’est passé lors du vote de la résolution de l’ONU consacrée à la Syrie, fin septembre.
L'enjeu maintenant, semble-t-il, est d'abord d'arriver à la finalisation de l'accord sur le nucléaire iranien mais en ayant conscience que tous les dossiers régionaux sont liés. Une solution régionale globale pour la dénucléarisation de tout le Proche-Orient est urgente. Malgré l'échec du texte final à la Conférence du TNP, les puissances nucléaires doivent respecter leur « engagement - pris en 2010 - en faveur de l’application intégrale de la résolution de 1995 sur le Moyen-Orient » prévoyant l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires (ZEAN) et autres armes de destruction massive.
La pression internationale doit y entraîner Israël car c'est dans cette perspective que réside sa meilleure garantie de sécurité. L'administration Obama semble, par ailleurs, multiplier les efforts diplomatiques pour peser sur Israël et aboutir à une solution pacifique avec les palestiniens, comme je l'ai écrit précédemment. De la même façon, la déclaration finale de la réunion des 22 États membres de la Coalition internationale anti-Daesh (plus les Nations unies et l’Union européenne), tenue le 2 juin 2015 à Paris, indique que les participants « ont rappelé leur souhait de préserver l’unité et la souveraineté de la Syrie et ont appelé au prompt lancement d’un véritable processus politique inclusif, sous les auspices des Nations Unies, en vue de mettre en œuvre les principes du communiqué de Genève – y compris la mise en place, par consentement mutuel, d’un organe de gouvernement transitoire doté de la plénitude du pouvoir exécutif. Ils ont affirmé que seule une transition politique permettra d’établir les conditions nécessaires pour renverser la vague d’extrémisme et de radicalisme engendrée par les abus du régime et de lutter efficacement contre toutes les organisations terroristes en Syrie, y compris Daech». Cette position confirme une entente entre USA et Russie. Cette position s'oppose d'ailleurs aux précédentes déclarations françaises jusqu'alors jusqu'au-boutistes qui subordonnaient le départ de Bachar el-Assad à tout démarrage de processus politique.
Ces évolutions montrent les contradictions existant dans les relations internationales qui ne peuvent qu'encourager l'opinion à essayer d'exercer des pressions en faveur de solutions politiques des crises internationales, en refusant les logiques de rapports de force et de dominations.
dimanche 15 mars 2015
Nucléaire encore... toujours ? (2)
Nous avons abordé dans le premier article de cette série le retour dans l'actualité médiatique de l'arme nucléaire au travers des débats sur le nucléaire et l'Iran (discours de Netanyahou au Congrès US), sur les écrans français (autour de la contestation de MM Norlain et Quilès), dans le débat politique avec le discours de François Hollande à Istres le 19 février.
Ce dernier discours se veut être le "grand" discours sur la dissuasion nucléaire que chaque Président de la République française prononce une fois par mandat. Il fait écho au discours de Nicolas Sarkozy à Cherbourg le 21 mars 2008 et à celui de Jacques Chirac le 19 janvier 2006 à l'Île longue, près de Brest.
Il m'a semblé intéressant de comparer ces trois textes, d'en relever les similitudes (continuité ou sclérose ?) et les éventuelles nuances. Je propose ci-dessus un tableau comparatif avec de brefs commentaires que je développerai dans un troisième article, la semaine prochaine.
J'ai choisi de faire cette comparaison autour de quelques thématiques, choisies certes arbitrairement, mais qui me paraissent importantes.
Les menaces et le contexte : "ne pas baisser la garde"...
FH : "Alors en tant que chef de l’État, j’ai le devoir impératif de prendre ces menaces en compte, car rien ne doit atteindre notre indépendance. Le contexte international n’autorise aucune faiblesse. Et c’est pourquoi, le temps de la dissuasion nucléaire n’est pas dépassé. Il ne saurait être question, y compris dans ce domaine, de baisser la garde."
NS : "Le devoir de tout responsable politique, c’est de se créer des marges de manœuvre pour exercer pleinement sa capacité de décision. J’ai choisi de construire l’avenir avec quelques repères simples : notre stratégie, nos ambitions, nos alliances, l’objectif européen. Et un principe, simple lui aussi : j’exclus absolument de baisser la garde."
JC : "Mais nous ne sommes à l'abri, ni d'un retournement imprévu du système international, ni d'une surprise stratégique. Toute notre histoire nous l'enseigne.(...) 10% de notre effort de défense, c'est le prix juste et suffisant pour doter notre pays d'une assurance de sécurité qui soit crédible et pérenne. Et je vous le dis, la mettre en cause serait parfaitement irresponsable".
COMMENTAIRE : on est dans le quasi copier-coller. "Ne pas baisser la garde" renvoie au combattant qui se protège d'un adversaire, mais dans ce cas, ne prend pas en compte le fait que cette "garde" est en même temps une affirmation de puissance et d'arrogance qui invite les spectateurs à eux-aussi prendre les armes et favorise donc la prolifération...
L'arme nucléaire, arme de non-emploi ?
FH : " J’ajoute que pour la France, l’arme nucléaire n’est pas destinée à remporter un avantage quelconque dans un conflit. En raison des effets dévastateurs de l’arme nucléaire, elle n’a pas sa place dans le cadre d’une stratégie offensive, elle n’est conçue que dans une stratégie défensive".
NS : "Elle est strictement défensive. L’emploi de l’arme nucléaire ne serait à l’évidence concevable que dans des circonstances extrêmes dé légitime défense, droit consacré par la Charte des Nations Unies."
JC : "Mais, notre concept d'emploi des armes nucléaires reste bien le même. Il ne saurait, en aucun cas, être question d'utiliser des moyens nucléaires à des fins militaires lors d'un conflit. C'est dans cet esprit que les forces nucléaires sont parfois qualifiées "d'armes de non emploi"."
COMMENTAIRE : nous avons là le cœur de la constitution de la notion dépassée de dissuasion. Nous y reviendrons la semaine prochaine.
La défense des intérêts vitaux, mais lesquels ?
FH: "La dissuasion nucléaire vise à protéger notre pays de toute agression d’origine étatique contre ses intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne, et quelle qu’en soit la forme.(...) L’intégrité de notre territoire, la sauvegarde de notre population constituent le cœur de nos intérêts vitaux. (...) La définition de nos intérêts vitaux ne saurait être limitée à la seule échelle nationale, parce que la France ne conçoit pas sa stratégie de défense de manière isolée, même dans le domaine nucléaire".
NS : "Notre dissuasion nucléaire nous protège de toute agression d’origine étatique contre nos intérêts vitaux – d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la forme. Ceux-ci comprennent bien sûr les éléments constitutifs de notre identité et de notre existence en tant qu’État-nation, ainsi que le libre exercice de notre souveraineté. Ma responsabilité, en tant que Chef de l’État, est d’en apprécier à tout moment la limite, car dans un monde qui change, celle-ci ne saurait être figée".
JC : "Une telle politique de défense repose sur la certitude que, quoiqu'il arrive, nos intérêts vitaux seront garantis. C'est le rôle attribué à la dissuasion nucléaire qui s'inscrit dans la continuité directe de notre stratégie de prévention. (...) L'intégrité de notre territoire, la protection de notre population, le libre exercice de notre souveraineté constitueront toujours le cœur de nos intérêts vitaux. Mais ils ne s'y limitent pas. La perception de ces intérêts évolue au rythme du monde, un monde marqué par l'interdépendance croissante des pays européens et aussi par les effets de la mondialisation. Par exemple, la garantie de nos approvisionnements stratégiques ou la défense de pays alliés, sont, parmi d'autres, des intérêts qu'il convient de protéger".
COMMENTAIRE : après la dérive de Jacques Chirac en 2006, ramenant les intérêts vitaux de la France à la défense des voies d'approvisionnements, les deux derniers présidents s'en tiennent pour l'essentiel à la menace de nature étatique.
Un ultime avertissement ?
FH : " Néanmoins, je ne peux exclure qu’un adversaire se méprenne sur la délimitation de nos intérêts vitaux. C’est pourquoi je veux rappeler ici, que la France peut, en dernier ressort, marquer sa volonté à défendre nos intérêts vitaux par un avertissement de nature nucléaire ayant pour objectif le rétablissement de la dissuasion".
NS: "Nous ne pouvons exclure qu’un adversaire se méprenne sur la délimitation de nos intérêts vitaux, ou sur notre détermination à les sauvegarder. Dans le cadre de l’exercice de la dissuasion, il serait alors possible de procéder à un avertissement nucléaire, qui marquerait notre détermination. Il serait destiné à rétablir la dissuasion".
JC : "Par ailleurs, nous nous réservons toujours, cela va de soi, le droit d'utiliser un ultime avertissement pour marquer notre détermination à protéger nos intérêts vitaux.(...) Contre une puissance régionale, notre choix n'est pas entre l'inaction et l'anéantissement. La flexibilité et la réactivité de nos forces stratégiques nous permettraient d'exercer notre réponse directement sur ses centres de pouvoir, sur sa capacité à agir. Toutes nos forces nucléaires ont été configurées dans cet esprit. C'est dans ce but, par exemple, que le nombre des têtes nucléaires a été réduit sur certains des missiles de nos sous-marins".
COMMENTAIRE : l'arme nucléaire peut-elle en rester à un simple avertissement ? Beaucoup d'experts en doutent, nous ne sommes plus en 1945 à l'époque d'Hiroshima, les conséquences aujourd'hui en serait probablement désastreuses : terrorisme biologique, chimique, notamment...
Dissuasion nucléaire et Europe :
FH : "Nous participons au projet européen, nous avons construit avec nos partenaires une communauté de destin, l’existence d’une dissuasion nucléaire française apporte une contribution forte et essentielle à l’Europe. La France a en plus, avec ses partenaires européens, une solidarité de fait et de cœur. Qui pourrait donc croire qu’une agression, qui mettrait en cause la survie de l’Europe, n’aurait aucune conséquence ? C’est pourquoi notre dissuasion va de pair avec le renforcement constant de l’Europe de la Défense".
NS : "S’agissant de l’Europe, c’est un fait, les forces nucléaires françaises, par leur seule existence, sont un élément clef de sa sécurité. Un agresseur qui songerait à mettre en cause l’Europe doit en être conscient. Tirons-en, ensemble, toutes les conséquences logiques : je propose d’engager avec ceux de nos partenaires européens qui le souhaiteraient, un dialogue ouvert sur le rôle de la dissuasion et sa contribution à notre sécurité commune".
JC : "En outre, le développement de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense, l'imbrication croissante des intérêts des pays de l'Union européenne, la solidarité qui existe désormais entre eux, font de la dissuasion nucléaire française, par sa seule existence, un élément incontournable de la sécurité du continent européen. En 1995, la France avait émis l'idée ambitieuse d'une dissuasion concertée afin d'initier une réflexion européenne sur le sujet. Ma conviction demeure que nous devrons, le moment venu, nous poser la question d'une Défense commune, qui tiendrait compte des forces de dissuasion existantes, dans la perspective d'une Europe forte, responsable de sa sécurité".
COMMENTAIRE : Nous sommes là en pleine ambiguïté, puisque d'un côté on affirme que la définition des intérêts vitaux reste nationale et autonome, mais que, en même temps, on pourrait dépendre de l'action extravagante d'un allié européen : voir les risques si l'Ukraine était membre de l'Union avec un gouvernement aussi aventurier.
Garder les deux composantes ?
FH : "Pour ce qui me concerne, je me détermine à partir du seul enjeu qui vaille : la sécurité ultime de la France. J’ai donc décidé de maintenir une composante océanique et une composante aéroportée. (...) La composante aéroportée donne, en cas de crise majeure, une visibilité à notre détermination à nous défendre, évitant ainsi un engrenage vers des solutions extrêmes. Voilà l’intérêt des deux composantes, si je puis dire : une qui ne se voit pas et une autre qui se voit".
NS : "J’ai aussi la conviction qu’il est indispensable de maintenir deux composantes nucléaires, une océanique et une aéroportée. (...) En effet, leurs caractéristiques respectives, notamment en termes de portée et de précision, les rendent complémentaires. Pour faire face à toute surprise, le chef de l’État doit pouvoir compter sur elles en permanence".
JC : "Grâce à ces deux composantes, différentes et complémentaires, le chef de l’État dispose d'options multiples, couvrant toutes les menaces identifiées".
COMMENTAIRE : la notion de complémentarité avancée, voire même l'image de "celle qui se voit" est un artifice de communication mais ne répond aux problèmes soulevés par la pertinence ou non de la notion "d'ultime avertissement".
La modernisation continue :
FH : " Il convient aussi de maintenir les capacités et la crédibilité de ces deux composantes. Ce qui suppose de traduire dans les faits, c’est-à-dire dans les armes, les évolutions technologiques dans le domaine de la défense aérienne, de la défense antimissiles, de la détection sous-marine. (...) La loi de programmation militaire est justement celle qui nous permet de poursuivre l’adaptation des SNLE, nos sous-marins, aux M51, qui nous permet de mettre en service la tête nucléaire océanique à partir de 2016, de lancer les études de conception du SNLE de troisième génération et de remplacer, d’ici à 2018, les derniers Mirage 2000N par des Rafale emportant le missile ASMPA. Par ailleurs, la loi de programmation militaire a engagé le renouvellement de la flotte des avions ravitailleurs, 12 avions Phénix ont été commandés et les deux premiers seront livrés à partir de 2018. (...) Des études ont été également réalisées pour explorer ce que pourra être le successeur de l’ASMPA. (...) J’ai parallèlement, donné instruction au Commissariat à l’énergie atomique de préparer, à l’échéance de leur fin de vie, l’évolution nécessaire des têtes nucléaires (...)".
NS : " Garantir la sécurité de la Nation a un coût important. Chaque année, la dissuasion nucléaire coûte aux Français la moitié du budget de la justice ou de celui des transports. Ce coût, il doit bien entendu être maîtrisé autant que possible, dans le contexte financier que j’ai évoqué précédemment. Mais je suis déterminé à assumer ce coût".
JC : "La modernisation et l'adaptation de ces capacités sont donc tout à fait nécessaires. Notre dissuasion doit conserver son indispensable crédibilité dans un environnement géographique qui évolue".
COMMENTAIRE : concilier la notion de respect des traités de désarmement avec une politique de modernisation et perfectionnement est fortement critiqué par les ONG et par la grande majorité des pays non-nucléaires qui y voient une forme élevée de duplicité !
La France et le désarmement :
FH : "Mais en même temps qu’elle est prête à se défendre, elle ne veut pas pour autant renoncer à l’objectif même du désarmement, y compris du désarmement nucléaire. (...) Je partage donc l’objectif, à terme, de l’élimination totale des armes nucléaires, mais j’ajoute : quand le contexte stratégique le permettra. La France continuera d’agir sans relâche dans cette direction. (...) La France a été exemplaire, en application du principe de stricte suffisance. Elle a donc réduit, ces dernières années, de moitié le nombre total de ses armes. De moitié ! Elle a diminué d’un tiers la composante nucléaire aéroportée. Elle a renoncé au missile sol-sol. Nous n’avons pas parlé du désarmement ; nous l’avons fait jusqu’au point nécessaire".
NS : "Plutôt que de faire des discours et des promesses, sans les traduire en actes, la France, elle, agit. Elle respecte ses engagements internationaux et notamment le Traité de Non Prolifération Nucléaire. Elle a aujourd’hui un bilan exemplaire, et unique au monde, en matière de désarmement nucléaire. (...) La France, premier État, avec le Royaume-Uni, à avoir signé et ratifié le traité d’interdiction complète des essais nucléaires ; la France, premier État à avoir décidé la fermeture et le démantèlement de ses installations de production de matières fissiles à des fins explosives ; la France, seul État à avoir démantelé, de manière transparente, son site d’essais nucléaires situé dans le Pacifique ; la France, seul État à avoir démantelé ses missiles nucléaires sol-sol ; la France, seul État à avoir réduit volontairement d’un tiers le nombre de ses sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. La France n’a jamais participé à la course aux armements".
JC : "Dans le même temps, nous continuons à soutenir les efforts internationaux en faveur du désarmement général et complet, et, en particulier, la négociation d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à usage nucléaire. Mais nous ne pourrons évidemment avancer sur la voie du désarmement que si les conditions de notre sécurité globale sont maintenues et si la volonté de progresser est unanimement partagée".
COMMENTAIRE : le thème de la France "exemplaire" en matière de désarmement s'appuie uniquement sur les décisions de Jacques Chirac en 1996 après la calamiteuse reprise des essais nucléaires (fermeture du site de missiles sol-sol d'Albion, du site d'essais de Mururoa, de la production de matières fissiles) : ils ne s'agissait pas alors de décisions de désarmement nucléaire mais d'un "mix" politique de recul face à l'opinion publique internationale et de la croyance illusoire que l'heure était venue de la priorité "aux forces de projection" et à un retour dans l'OTAN. Les dirigeants et les militaires français ont toujours regretté ensuite ces choix.
Vous avez dit transparence ?
FH : "La France a été exemplaire quant au volume de son stock d’armes, c'est-à-dire 300. Pourquoi 300 ? Parce que cela correspond à l’évaluation que nous faisons du contexte stratégique. (...) Je veux encore aller plus loin dans la transparence, que ce soit sur notre doctrine, c’est ce que je fais aujourd’hui, devant vous, donc devant le monde entier ; transparence aussi sur nos arsenaux et sur nos efforts concrets de désarmement. C’est la raison pour laquelle je ne crains pas d’informer que la France dispose de trois lots de 16 missiles portés par sous-marins, et de 54 vecteurs ASMPA. Et je souhaite que tous les États disposant de l’arme nucléaire fasse le même effort de vérité, celui que je fais devant vous, pour toutes les catégories d’armes de leur arsenal nucléaire. Dans ce même esprit de transparence, de vérité, la France proposera très prochainement la visite des nouveaux sites qui n’accueillent plus d’armes nucléaires ; le plateau d’Albion, où les silos qui abritaient la composante sol-sol sont complètement démantelés, la base de Luxeuil dont les dépôts de stockage d’armes sont maintenant vides, et là aussi je souhaite que ce geste inspire l’attitude d’autres puissances nucléaires, avec des visites auxquelles nos experts pourront également se rendre".
NS : "J’ai également décidé que la France pouvait et devait être transparente sur son arsenal nucléaire, comme personne au monde ne l’a encore fait. Après cette réduction, notre arsenal comprendra moins de 300 têtes nucléaires. (...) Enfin, j’ai décidé d’inviter des experts internationaux à venir constater le démantèlement de nos installations de production de matières fissiles militaires de Pierrelatte et de Marcoule".
JC : " C'est dans ce but, par exemple, que le nombre des têtes nucléaires a été réduit sur certains des missiles de nos sous-marins".
COMMENTAIRE : la "transparence" s'est limitée à chaque fois à énoncer publiquement ce que tous les spécialistes, les acteurs impliqués connaissaient depuis longtemps. À noter que, ni Nicolas Sarkozy, ni François Hollande, n'ont redonné des précisions, comme Jacques Chirac l'avait amorcé, sur le nombre exact de têtes nucléaires sur chaque missile des sous-marins nucléaires alors que le Royaume-Uni l'a fait. Cela a alimenté longtemps la spéculation sur le fait qu'un missile M51, en étant muni seulement d'une seule tête nucléaire au lieu de six, pouvait être utilisé seul pour une frappe "d'avertissement", donc en fait pour une frappe d'emploi contre un "état-voyou"...
Dans un troisième article, nous reviendrons sur les questions de fond liées à la promotion persistante par la France de la pertinence de la dissuasion nucléaire et de la posture : "parlons d'abord de la non-Prolifération, on discutera du désarmement après"...
Ce dernier discours se veut être le "grand" discours sur la dissuasion nucléaire que chaque Président de la République française prononce une fois par mandat. Il fait écho au discours de Nicolas Sarkozy à Cherbourg le 21 mars 2008 et à celui de Jacques Chirac le 19 janvier 2006 à l'Île longue, près de Brest.
Il m'a semblé intéressant de comparer ces trois textes, d'en relever les similitudes (continuité ou sclérose ?) et les éventuelles nuances. Je propose ci-dessus un tableau comparatif avec de brefs commentaires que je développerai dans un troisième article, la semaine prochaine.
J'ai choisi de faire cette comparaison autour de quelques thématiques, choisies certes arbitrairement, mais qui me paraissent importantes.
Les menaces et le contexte : "ne pas baisser la garde"...
FH : "Alors en tant que chef de l’État, j’ai le devoir impératif de prendre ces menaces en compte, car rien ne doit atteindre notre indépendance. Le contexte international n’autorise aucune faiblesse. Et c’est pourquoi, le temps de la dissuasion nucléaire n’est pas dépassé. Il ne saurait être question, y compris dans ce domaine, de baisser la garde."
NS : "Le devoir de tout responsable politique, c’est de se créer des marges de manœuvre pour exercer pleinement sa capacité de décision. J’ai choisi de construire l’avenir avec quelques repères simples : notre stratégie, nos ambitions, nos alliances, l’objectif européen. Et un principe, simple lui aussi : j’exclus absolument de baisser la garde."
JC : "Mais nous ne sommes à l'abri, ni d'un retournement imprévu du système international, ni d'une surprise stratégique. Toute notre histoire nous l'enseigne.(...) 10% de notre effort de défense, c'est le prix juste et suffisant pour doter notre pays d'une assurance de sécurité qui soit crédible et pérenne. Et je vous le dis, la mettre en cause serait parfaitement irresponsable".
COMMENTAIRE : on est dans le quasi copier-coller. "Ne pas baisser la garde" renvoie au combattant qui se protège d'un adversaire, mais dans ce cas, ne prend pas en compte le fait que cette "garde" est en même temps une affirmation de puissance et d'arrogance qui invite les spectateurs à eux-aussi prendre les armes et favorise donc la prolifération...
L'arme nucléaire, arme de non-emploi ?
FH : " J’ajoute que pour la France, l’arme nucléaire n’est pas destinée à remporter un avantage quelconque dans un conflit. En raison des effets dévastateurs de l’arme nucléaire, elle n’a pas sa place dans le cadre d’une stratégie offensive, elle n’est conçue que dans une stratégie défensive".
NS : "Elle est strictement défensive. L’emploi de l’arme nucléaire ne serait à l’évidence concevable que dans des circonstances extrêmes dé légitime défense, droit consacré par la Charte des Nations Unies."
JC : "Mais, notre concept d'emploi des armes nucléaires reste bien le même. Il ne saurait, en aucun cas, être question d'utiliser des moyens nucléaires à des fins militaires lors d'un conflit. C'est dans cet esprit que les forces nucléaires sont parfois qualifiées "d'armes de non emploi"."
COMMENTAIRE : nous avons là le cœur de la constitution de la notion dépassée de dissuasion. Nous y reviendrons la semaine prochaine.
La défense des intérêts vitaux, mais lesquels ?
FH: "La dissuasion nucléaire vise à protéger notre pays de toute agression d’origine étatique contre ses intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne, et quelle qu’en soit la forme.(...) L’intégrité de notre territoire, la sauvegarde de notre population constituent le cœur de nos intérêts vitaux. (...) La définition de nos intérêts vitaux ne saurait être limitée à la seule échelle nationale, parce que la France ne conçoit pas sa stratégie de défense de manière isolée, même dans le domaine nucléaire".
NS : "Notre dissuasion nucléaire nous protège de toute agression d’origine étatique contre nos intérêts vitaux – d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la forme. Ceux-ci comprennent bien sûr les éléments constitutifs de notre identité et de notre existence en tant qu’État-nation, ainsi que le libre exercice de notre souveraineté. Ma responsabilité, en tant que Chef de l’État, est d’en apprécier à tout moment la limite, car dans un monde qui change, celle-ci ne saurait être figée".
JC : "Une telle politique de défense repose sur la certitude que, quoiqu'il arrive, nos intérêts vitaux seront garantis. C'est le rôle attribué à la dissuasion nucléaire qui s'inscrit dans la continuité directe de notre stratégie de prévention. (...) L'intégrité de notre territoire, la protection de notre population, le libre exercice de notre souveraineté constitueront toujours le cœur de nos intérêts vitaux. Mais ils ne s'y limitent pas. La perception de ces intérêts évolue au rythme du monde, un monde marqué par l'interdépendance croissante des pays européens et aussi par les effets de la mondialisation. Par exemple, la garantie de nos approvisionnements stratégiques ou la défense de pays alliés, sont, parmi d'autres, des intérêts qu'il convient de protéger".
COMMENTAIRE : après la dérive de Jacques Chirac en 2006, ramenant les intérêts vitaux de la France à la défense des voies d'approvisionnements, les deux derniers présidents s'en tiennent pour l'essentiel à la menace de nature étatique.
Un ultime avertissement ?
FH : " Néanmoins, je ne peux exclure qu’un adversaire se méprenne sur la délimitation de nos intérêts vitaux. C’est pourquoi je veux rappeler ici, que la France peut, en dernier ressort, marquer sa volonté à défendre nos intérêts vitaux par un avertissement de nature nucléaire ayant pour objectif le rétablissement de la dissuasion".
NS: "Nous ne pouvons exclure qu’un adversaire se méprenne sur la délimitation de nos intérêts vitaux, ou sur notre détermination à les sauvegarder. Dans le cadre de l’exercice de la dissuasion, il serait alors possible de procéder à un avertissement nucléaire, qui marquerait notre détermination. Il serait destiné à rétablir la dissuasion".
JC : "Par ailleurs, nous nous réservons toujours, cela va de soi, le droit d'utiliser un ultime avertissement pour marquer notre détermination à protéger nos intérêts vitaux.(...) Contre une puissance régionale, notre choix n'est pas entre l'inaction et l'anéantissement. La flexibilité et la réactivité de nos forces stratégiques nous permettraient d'exercer notre réponse directement sur ses centres de pouvoir, sur sa capacité à agir. Toutes nos forces nucléaires ont été configurées dans cet esprit. C'est dans ce but, par exemple, que le nombre des têtes nucléaires a été réduit sur certains des missiles de nos sous-marins".
COMMENTAIRE : l'arme nucléaire peut-elle en rester à un simple avertissement ? Beaucoup d'experts en doutent, nous ne sommes plus en 1945 à l'époque d'Hiroshima, les conséquences aujourd'hui en serait probablement désastreuses : terrorisme biologique, chimique, notamment...
Dissuasion nucléaire et Europe :
FH : "Nous participons au projet européen, nous avons construit avec nos partenaires une communauté de destin, l’existence d’une dissuasion nucléaire française apporte une contribution forte et essentielle à l’Europe. La France a en plus, avec ses partenaires européens, une solidarité de fait et de cœur. Qui pourrait donc croire qu’une agression, qui mettrait en cause la survie de l’Europe, n’aurait aucune conséquence ? C’est pourquoi notre dissuasion va de pair avec le renforcement constant de l’Europe de la Défense".
NS : "S’agissant de l’Europe, c’est un fait, les forces nucléaires françaises, par leur seule existence, sont un élément clef de sa sécurité. Un agresseur qui songerait à mettre en cause l’Europe doit en être conscient. Tirons-en, ensemble, toutes les conséquences logiques : je propose d’engager avec ceux de nos partenaires européens qui le souhaiteraient, un dialogue ouvert sur le rôle de la dissuasion et sa contribution à notre sécurité commune".
JC : "En outre, le développement de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense, l'imbrication croissante des intérêts des pays de l'Union européenne, la solidarité qui existe désormais entre eux, font de la dissuasion nucléaire française, par sa seule existence, un élément incontournable de la sécurité du continent européen. En 1995, la France avait émis l'idée ambitieuse d'une dissuasion concertée afin d'initier une réflexion européenne sur le sujet. Ma conviction demeure que nous devrons, le moment venu, nous poser la question d'une Défense commune, qui tiendrait compte des forces de dissuasion existantes, dans la perspective d'une Europe forte, responsable de sa sécurité".
COMMENTAIRE : Nous sommes là en pleine ambiguïté, puisque d'un côté on affirme que la définition des intérêts vitaux reste nationale et autonome, mais que, en même temps, on pourrait dépendre de l'action extravagante d'un allié européen : voir les risques si l'Ukraine était membre de l'Union avec un gouvernement aussi aventurier.
Garder les deux composantes ?
FH : "Pour ce qui me concerne, je me détermine à partir du seul enjeu qui vaille : la sécurité ultime de la France. J’ai donc décidé de maintenir une composante océanique et une composante aéroportée. (...) La composante aéroportée donne, en cas de crise majeure, une visibilité à notre détermination à nous défendre, évitant ainsi un engrenage vers des solutions extrêmes. Voilà l’intérêt des deux composantes, si je puis dire : une qui ne se voit pas et une autre qui se voit".
NS : "J’ai aussi la conviction qu’il est indispensable de maintenir deux composantes nucléaires, une océanique et une aéroportée. (...) En effet, leurs caractéristiques respectives, notamment en termes de portée et de précision, les rendent complémentaires. Pour faire face à toute surprise, le chef de l’État doit pouvoir compter sur elles en permanence".
JC : "Grâce à ces deux composantes, différentes et complémentaires, le chef de l’État dispose d'options multiples, couvrant toutes les menaces identifiées".
COMMENTAIRE : la notion de complémentarité avancée, voire même l'image de "celle qui se voit" est un artifice de communication mais ne répond aux problèmes soulevés par la pertinence ou non de la notion "d'ultime avertissement".
La modernisation continue :
FH : " Il convient aussi de maintenir les capacités et la crédibilité de ces deux composantes. Ce qui suppose de traduire dans les faits, c’est-à-dire dans les armes, les évolutions technologiques dans le domaine de la défense aérienne, de la défense antimissiles, de la détection sous-marine. (...) La loi de programmation militaire est justement celle qui nous permet de poursuivre l’adaptation des SNLE, nos sous-marins, aux M51, qui nous permet de mettre en service la tête nucléaire océanique à partir de 2016, de lancer les études de conception du SNLE de troisième génération et de remplacer, d’ici à 2018, les derniers Mirage 2000N par des Rafale emportant le missile ASMPA. Par ailleurs, la loi de programmation militaire a engagé le renouvellement de la flotte des avions ravitailleurs, 12 avions Phénix ont été commandés et les deux premiers seront livrés à partir de 2018. (...) Des études ont été également réalisées pour explorer ce que pourra être le successeur de l’ASMPA. (...) J’ai parallèlement, donné instruction au Commissariat à l’énergie atomique de préparer, à l’échéance de leur fin de vie, l’évolution nécessaire des têtes nucléaires (...)".
NS : " Garantir la sécurité de la Nation a un coût important. Chaque année, la dissuasion nucléaire coûte aux Français la moitié du budget de la justice ou de celui des transports. Ce coût, il doit bien entendu être maîtrisé autant que possible, dans le contexte financier que j’ai évoqué précédemment. Mais je suis déterminé à assumer ce coût".
JC : "La modernisation et l'adaptation de ces capacités sont donc tout à fait nécessaires. Notre dissuasion doit conserver son indispensable crédibilité dans un environnement géographique qui évolue".
COMMENTAIRE : concilier la notion de respect des traités de désarmement avec une politique de modernisation et perfectionnement est fortement critiqué par les ONG et par la grande majorité des pays non-nucléaires qui y voient une forme élevée de duplicité !
La France et le désarmement :
FH : "Mais en même temps qu’elle est prête à se défendre, elle ne veut pas pour autant renoncer à l’objectif même du désarmement, y compris du désarmement nucléaire. (...) Je partage donc l’objectif, à terme, de l’élimination totale des armes nucléaires, mais j’ajoute : quand le contexte stratégique le permettra. La France continuera d’agir sans relâche dans cette direction. (...) La France a été exemplaire, en application du principe de stricte suffisance. Elle a donc réduit, ces dernières années, de moitié le nombre total de ses armes. De moitié ! Elle a diminué d’un tiers la composante nucléaire aéroportée. Elle a renoncé au missile sol-sol. Nous n’avons pas parlé du désarmement ; nous l’avons fait jusqu’au point nécessaire".
NS : "Plutôt que de faire des discours et des promesses, sans les traduire en actes, la France, elle, agit. Elle respecte ses engagements internationaux et notamment le Traité de Non Prolifération Nucléaire. Elle a aujourd’hui un bilan exemplaire, et unique au monde, en matière de désarmement nucléaire. (...) La France, premier État, avec le Royaume-Uni, à avoir signé et ratifié le traité d’interdiction complète des essais nucléaires ; la France, premier État à avoir décidé la fermeture et le démantèlement de ses installations de production de matières fissiles à des fins explosives ; la France, seul État à avoir démantelé, de manière transparente, son site d’essais nucléaires situé dans le Pacifique ; la France, seul État à avoir démantelé ses missiles nucléaires sol-sol ; la France, seul État à avoir réduit volontairement d’un tiers le nombre de ses sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. La France n’a jamais participé à la course aux armements".
JC : "Dans le même temps, nous continuons à soutenir les efforts internationaux en faveur du désarmement général et complet, et, en particulier, la négociation d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à usage nucléaire. Mais nous ne pourrons évidemment avancer sur la voie du désarmement que si les conditions de notre sécurité globale sont maintenues et si la volonté de progresser est unanimement partagée".
COMMENTAIRE : le thème de la France "exemplaire" en matière de désarmement s'appuie uniquement sur les décisions de Jacques Chirac en 1996 après la calamiteuse reprise des essais nucléaires (fermeture du site de missiles sol-sol d'Albion, du site d'essais de Mururoa, de la production de matières fissiles) : ils ne s'agissait pas alors de décisions de désarmement nucléaire mais d'un "mix" politique de recul face à l'opinion publique internationale et de la croyance illusoire que l'heure était venue de la priorité "aux forces de projection" et à un retour dans l'OTAN. Les dirigeants et les militaires français ont toujours regretté ensuite ces choix.
Vous avez dit transparence ?
FH : "La France a été exemplaire quant au volume de son stock d’armes, c'est-à-dire 300. Pourquoi 300 ? Parce que cela correspond à l’évaluation que nous faisons du contexte stratégique. (...) Je veux encore aller plus loin dans la transparence, que ce soit sur notre doctrine, c’est ce que je fais aujourd’hui, devant vous, donc devant le monde entier ; transparence aussi sur nos arsenaux et sur nos efforts concrets de désarmement. C’est la raison pour laquelle je ne crains pas d’informer que la France dispose de trois lots de 16 missiles portés par sous-marins, et de 54 vecteurs ASMPA. Et je souhaite que tous les États disposant de l’arme nucléaire fasse le même effort de vérité, celui que je fais devant vous, pour toutes les catégories d’armes de leur arsenal nucléaire. Dans ce même esprit de transparence, de vérité, la France proposera très prochainement la visite des nouveaux sites qui n’accueillent plus d’armes nucléaires ; le plateau d’Albion, où les silos qui abritaient la composante sol-sol sont complètement démantelés, la base de Luxeuil dont les dépôts de stockage d’armes sont maintenant vides, et là aussi je souhaite que ce geste inspire l’attitude d’autres puissances nucléaires, avec des visites auxquelles nos experts pourront également se rendre".
NS : "J’ai également décidé que la France pouvait et devait être transparente sur son arsenal nucléaire, comme personne au monde ne l’a encore fait. Après cette réduction, notre arsenal comprendra moins de 300 têtes nucléaires. (...) Enfin, j’ai décidé d’inviter des experts internationaux à venir constater le démantèlement de nos installations de production de matières fissiles militaires de Pierrelatte et de Marcoule".
JC : " C'est dans ce but, par exemple, que le nombre des têtes nucléaires a été réduit sur certains des missiles de nos sous-marins".
COMMENTAIRE : la "transparence" s'est limitée à chaque fois à énoncer publiquement ce que tous les spécialistes, les acteurs impliqués connaissaient depuis longtemps. À noter que, ni Nicolas Sarkozy, ni François Hollande, n'ont redonné des précisions, comme Jacques Chirac l'avait amorcé, sur le nombre exact de têtes nucléaires sur chaque missile des sous-marins nucléaires alors que le Royaume-Uni l'a fait. Cela a alimenté longtemps la spéculation sur le fait qu'un missile M51, en étant muni seulement d'une seule tête nucléaire au lieu de six, pouvait être utilisé seul pour une frappe "d'avertissement", donc en fait pour une frappe d'emploi contre un "état-voyou"...
Dans un troisième article, nous reviendrons sur les questions de fond liées à la promotion persistante par la France de la pertinence de la dissuasion nucléaire et de la posture : "parlons d'abord de la non-Prolifération, on discutera du désarmement après"...
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