jeudi 29 octobre 2020

ONU : Et le mois d'octobre 2020 entra dans l'histoire

Le mois d'octobre est toujours un mois important dans la vie des Nations unies. C'est le 24 octobre 1945 qu'entra en vigueur la Charte des Nations unies, ce document fondateur de la grande alliance des peuples de la Terre qui commence de si belle façon : "Nous, peuples des Nations unies..". On peut considérer ce jour comme le jour anniversaire aussi de toute l'Organisation des Nations unies. En cette année 2020, nous célébrons le 75e anniversaire du rassemblement de 194 États maintenant sur la planète. En 1971, pour commémorer cet événement, l'Assemblée générale de l'ONU décida de faire du 24 octobre la "Journée des Nations unies". En 1978, l'Assemblée générale ajouta dans la foulée, du 24 au 30 octobre, une "Semaine du désarmement" pour rappeler le but premier de l'ONU : "Nous, peuples des Nations unies, RÉSOLUS, à préserver les générations futures du fléau de la guerre," et susciter des initiatives pour "booster" les progrès de celui-ci.
Le 24 octobre 2020 restera dans l'histoire de la paix et du désarmement puisque ce jour-là, un 50e État a ratifié le TIAN, Traité d'abolition des armes nucléaires, permettant son entrée en vigueur dès le 22 janvier prochain. Une situation absolument inédite est créée : pour la première fois, les armes nucléaires sont illégales. L'entrée en vigueur du Traité sur l'interdiction des armes nucléaires est l'aboutissement d'un mouvement mondial visant à attirer l'attention sur les conséquences humanitaires catastrophiques de toute utilisation d'armes nucléaires. Adopté le 7 juillet 2017 par 122 pays, lors d'une conférence des Nations Unies à New York, le Traité représente le premier instrument multilatéral juridiquement contraignant pour le désarmement nucléaire depuis deux décennies. Certes, les principales puissances nucléaires des États-Unis, du Royaume-Uni, de la Russie, de la Chine et de la France n'ont pas signé l'accord mais avec ce nouvel enrichissement du droit international, une situation inédite va s'ouvrir. L'idée que la meilleure manière de lutter contre les dangers des armes nucléaires est d'en interdire la possession trouve une traduction concrète sur laquelle vont s'appuyer des dizaines d'États et une opinion publique mondiale, tous décidés à faire entendre leur volonté de voir la planète débarrassée de ces armes de mort. Nous avons vécu une situation semblable lors de l'adoption de la Convention d'Ottawa, interdisant les mines anti-personnels. Les grands États poseurs de mines, États-Unis, Russie, Chine, ne la signèrent  pas, mais de fait, l'appliquent aujourd'hui.
Dans ce contexte, la France, puissance nucléaire, qui veut parfois se présenter comme le pays "vertueux" par excellence, a une grande responsabilité. Va-t-elle ou non saisir l'opportunité de faire progresser notre planète dans la construction de la paix, va-t-elle jouer un rôle d'incitateur auprès des autres pays nucléaires ?
Si le mois d'octobre se termine ainsi par cette fantastique lueur d'espoir pour une majeure partie de l'humanité, il avait connu aussi un début peu ordinaire.
Le 2 octobre était célébrée comme depuis treize ans (2007), la "Journée internationale de la non-violence", date anniversaire de la naissance du Mahatma Gandhi, pionnier de la non-violence et artisan de l'indépendance indienne. Cette journée est toujours d'une grande importance morale pour réfléchir aux paroles de Gandhi : « La non-violence est la plus grande force que l’humanité ait à sa portée. Elle est plus puissante que l’arme la plus destructive inventée par l’ingéniosité de l’homme ». Cette année, elle a été marquée par l'Appel renouvelé du Secrétaire de l'ONU à mettre en oeuvre un cessez-le-feu mondial pour se consacrer selon ses paroles "à notre ennemi commun : la COVID-19". "Le seul vainqueur, au cours d’un conflit en pleine pandémie, c’est le virus" a-t-il insisté. Au moment où se profile sur une partie importante du globe une nouvelle flambée de l'épidémie, ne faut-il pas faire pression sur tous les dirigeants, dans toutes les enceintes, pour redoubler d’efforts pour que ce cessez-le-feu mondial devienne une réalité d’ici à la fin de l’année, ce qui, selon Antonio Gutteres, "atténuerait d’immenses souffrances, réduirait le risque de famine et créerait des espaces de négociation en vue de la paix" ?
Une semaine après la journée de la non-violence, une autre nouvelle a réjoui tous ceux qui considèrent l'ensemble du système onusien comme essentiel dans la marche du monde aujourd'hui (voir mon article "75e anniversaire ONU : si elle n'existait pas, il faudrait l'inventer...").
Le 9 octobre, le prix Nobel de la paix a été décerné au Programme alimentaire mondial des Nations unies - le PAM - créé en 1962. Le PAM, qui emploie 17 000 personnes, est entièrement financé par des dons, la plupart venant des États. Il a levé 8 milliards de dollars en 2019. À travers le monde, pas moins d’1,1 million de femmes et d’enfants de moins de 5 ans reçoivent chaque mois un appui nutritionnel de la part du PAM. Il œuvre actuellement en Syrie, en République démocratique du Congo, au Nigeria, dans les États frappés par Boko Haram, au Burkina Faso, au Mali, au Niger et au Sud-Soudan. Le PAM se concentre sur l’aide d’urgence, ainsi que sur la reconstruction et l’aide au développement. Deux tiers de son travail s’effectue dans des zones de conflit. Mais il joue aussi un rôle éducatif dans la promotion d'une bonne alimentation avec des programmes alimentaires, éducatifs, nutritionnels. Le PAM est un exemple éclatant du rôle essentiel que joue la majorité des agences de l'ONU (PNUD, FAO, OMS, UNICEF, UNESCO, etc).
Enfin, dernière date de ce mois d'octobre exceptionnel, il faut noter que le 24 octobre célébrait aussi la "Journée mondiale d’information sur le développement". Cette journée vise à rappeler que les technologies de l'information et des communications représentent un formidable potentiel pour la réalisation des objectifs de développement durable. Des progrès considérables ont été accomplis ces dernières années dans l'accès aux technologies de l'information et des communications, notamment en ce qui concerne la progression régulière de l'accès à Internet (qui touche maintenant plus du quart de la population mondiale), la multiplication des propriétaires de téléphone portable et la disponibilité de contenu et de sites multilingues. Mais il reste néanmoins nécessaire de réduire la fracture numérique et de faire en sorte que les bienfaits des nouvelles technologies, surtout de l'information et des communications, s'offrent à tous. Il y a deux grands enjeux dans le développement des nouvelles technologies : le premier est de ne pas laisser la maîtrise de celles-ci aux seules mains des grandes sociétés privées et notamment des fameux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) ce qui souligne l'importance de la place des "logiciels libres". Le second enjeu est celui des contenus et de leur manipulation éventuelle. Comme l'a rappelé Antonio Gutteres, le monde doit être sûr que « les communications numériques contribuent à la paix et ne sont pas utilisées à mauvais escient pour répandre la haine et l'extrémisme ». Nous reviendrons dans un prochain article sur ces deux problématiques.

Décidément, oui, si l'on prend un peu de recul, malgré le poids très lourd que fait peser sur une partie de la planète la relance de la pandémie de la COVID-19, ce mois d'octobre 2020 a été exceptionnel. Il a brisé la "morosité" politique ambiante et marquera sans doute l'histoire mondiale récente en montrant concrètement que l'avenir est au renforcement du multilatéralisme et de la coopération internationale dans la construction d'un monde de demain meilleur.



dimanche 18 octobre 2020

Je défends la liberté d'expression

Nous sommes tous concernés face à l'assassinat commis contre Samuel Paty, professeur d'histoire à Conflans-Sainte-Honorine. Il est nécessaire de se rassembler largement dans la condamnation de cet acte terroriste odieux.
Au travers de ce professeur, ce sont tous les enseignants qui sont touchés dans leurs missions fondamentales d’éducation, visant à donner à chaque individu les moyens d’analyse de la réalité, et donc les moyens de sa liberté de conscience. Défendre ces hommes et ces femmes en charge de ces missions, sur tous les sujets (liberté de conscience, d’expression, égalité des genres, laïcité, éducation à la citoyenneté et à la tolérance…) est fondamental quelles que soient les pressions et leurs auteurs. C'est ce large débat qui être mené demain sans en restreindre le champ et sans instrumentalisation politicienne.

dimanche 4 octobre 2020

Covid-19 : si on changeait d'heure ?

(See English translation below)

L'irruption, le développement puis le maintien de la pandémie de la Covid-19 pèsent sur notre vie personnelle, notre activité citoyenne locale, notre vie commune nationale  mais aussi sur la situation internationale, les rapports entre États, les manières de vivre des populations de la planète.

Au plan local, une étrange torpeur engourdit la vie démocratique et sociale. Les activités de la vie associative, syndicale sont réduites comme peau de chagrin, suspendues ou gelées. Des restrictions démocratiques (droits de se réunir, de circuler, de manifester) jamais vues hors périodes de l'Occupation et de la guerre de 14-18, sont acceptées avec peu de réactions sinon très symboliques (le dernier vote prolongeant l'état d'urgence sanitaire pour six mois cette semaine s'est déroulé devant moins de 50 députés, avec aucune intervention publique, pétitions ou délégations). On semble attendre que l'orage passe, subsiste encore l'illusion à tous les niveaux qu'il y aura peut-être des "lendemains qui chantent" ou une "sortie du tunnel". Mais en réalité, il n'y aura pas de "monde de demain" mais seulement un "monde d'aujourd'hui" bien réel. Il n'y aura pas d'ère "post-Covid" comme il n'y a pas eu d'ère "post-ViH" par exemple. Il faut apprendre à dominer "la bête" et vivre, vivre mieux tout en la maîtrisant. Depuis plusieurs mois et ce fut passionnant, ont fleuri dans les médias, des réflexions d'intellectuels, de politologues sur "le monde d'après", le "monde de demain" mais avec souvent la faiblesse de ne pas intégrer le  "monde d'aujourd'hui" dans ces projections.
Comment le faire ? Essayons d'imaginer que l'humanité vit sous un cyclone mais qui se serait installé de manière permanente sur nos têtes, avec de simples modalités d'intensité. Nous devons donc, dans le vent et la pluie, continuer à vivre, consolider notre maison et améliorer son confort, resserrer le contact et l'entraide avec les voisins, trouver des solutions pour aller travailler, pour assurer la scolarité de nos enfants. Il nous faut bien sûr être bien habillés, avec bottes et cirés, mais l'enjeu n'est pas uniquement de nous protéger mais de vivre, construire notre vie avec nos voisins tout en nous protégeant. C'est cela notre défi, où aucune exigence n'est rabaissée mais où des solutions originales et concrètes doivent être trouvées pour poursuivre notre marche en avant. Pour mobiliser les citoyens sur cette attitude de lucidité, nous n'avons pas besoin d'informations anxiogènes, mais de transparence, de responsabilisation et de mesures concrètes et adaptées aux situations réelles au lieu de mesures globales, plus punitives qu'efficaces. Si on veut faire redémarrer la vie associative, par exemple, avant qu'une partie du tissu social ne se déchire, notamment pour tout ce qui concerne les retraités, le 3e âge, il ne suffira pas d'ajouter quelques financements complémentaires mais de monter des dispositifs humains au niveau des collectivités locales pour aider ces associations à gérer les nouvelles contraintes de fonctionnement qui, sinon, apparaîtront comme insurmontables et empêcheront les reprises d'activités.
En bref, il faut effectuer un changement d'horaire : ce mois d'octobre est traditionnellement celui des changements d'heure. Mettons nos pendules à l'heure... mais de la Covid-19 et agissons dans ce cadre.

Au niveau international, le même raisonnement prévaut. En effet, quels sont les grands traits de la situation nouvelle actuelle ?
Profitant de la confusion liée à la pandémie, des puissances régionales montrent leurs muscles et gesticulent au risque de relancer des tensions guerrières dramatiques comme la Turquie en Méditerranée ou en Tunisie, la Chine à Hong-Kong ou Taïwan, les États-Unis qui annulent le traité INF sur les "euromissiles" ou boycottent l'OMS et la Cour pénale internationale. Peut-on laisser faire ces dérives et cette situation ne montre-t-elle pas que des défis anciens doivent aujourd'hui être considérés de manière nouvelle?

« Le virus est aujourd'hui la principale menace mondiale pour la sécurité dans notre monde » a rappelé Antonio Gutteres, secrétaire général des Nations unies. À l'heure de la COVID-19, le "tissu social planétaire", qu'on appelle le plus souvent "multilatéralisme" risque de se déchirer sous les assauts des individualismes nationaux, des égoïsmes de puissances. Or, le gage de survie et d'avenir pour la communauté mondiale est de consolider ce "filet de sécurité" que nous avons tissé et tissons obstinément depuis 75 ans. Il s'agit de la multitude de traités et d'accords internationaux, de l'action des dizaines d'institutions et d'agences de l'ONU, de l'organisation de forums, de lieux de rencontres autour de "l'arbre à palabres" onusien qui ont commencé de "civiliser" les relations internationales.  Toutes ces procédures provoquent parfois des pertes de temps mais sont indispensables pour nouer les compromis et les accords politiques qui construisent la vie commune de notre humanité.

Nous sommes face à plusieurs autres défis que j'ai soulignés dans mon article précédent sur le 75e anniversaire des Nations unies.
Le premier défi est celui du multilatéralisme et de la gouvernance mondiale et la nécessité de tout faire pour les défendre.
Le deuxième défi est de ne pas laisser la pandémie nous faire revenir en arrière sur le plan de la lutte contre la pauvreté et les inégalités mondiales.
Le troisième défi est celui de dégager des nouveaux moyens pour l'action de la communauté internationale dans cette période difficile, au travers de la lutte contre certains super-profits et contre les dépenses inutiles comme les dépenses militaires.

Mais le principal défi pour moi, ne consiste-t-il pas dans la capacité des dirigeants étatiques, des animateurs de la société civile, à ne pas rétrécir l'horizon des propositions d'actions mais au contraire à faire preuve d'audace et d'innovation des maintenant ?
Alors qu'il existe une pression des forces économiques dominantes pour rétrécir les champs d'actions au sanitaire et à l'économique (sous forme d'aide sans contrôle aux entrepreneurs), ne faut-il pas soutenir les propositions hardies du Secrétaire général de l'ONU qui plaide pour « une nouvelle génération de protection sociale, y compris pour les plus vulnérables, basée sur la couverture maladie universelle et la possibilité d'un revenu de base universel » ou qui juge nécessaire « de faire face aux profondes inégalités qui empêchent la dignité et les opportunités pour tous » et préconise d'investir davantage dans la cohésion sociale, en « reconnaissant que la diversité est une richesse et non une menace » ?
Sur le plan de la paix et du désarmement, la communauté internationale va ainsi être, très bientôt, confrontée à un nouveau challenge. Dans quelques semaines, le TIAN (traité d'interdiction des armes nucléaires) va recueillir les 50 ratifications nécessaires des États pour son entrée en vigueur. L'humanité va avoir une chance historique d'ouvrir une voie concrète pour l'élimination à jamais de ces armes redoutables et inhumaines.
Les gouvernements de la planète vont-ils saisir cette chance ? Les États nucléaires vont-il se raidir dans leur opposition ? Les États hésitants vont-ils s'enhardir pour dire : "oui, vraiment, il est temps d'essayer" ? Les États promoteurs de l'interdiction vont-ils faire preuve d'initiatives et d'ouverture diplomatique pour faire avancer les négociations pour une application concrète de l'interdiction ? Enfin, les forces de la société civile vont-elles réussir à faire de ce chantier une grande cause de l'humanité ?
 
Pour impulser ces grandes visions d'avenir, comme je l'ai écrit dans un dernier article, nous avons un outil, les Nations unies, mais travaillons à ce qu'il intègre vraiment "la société civile, les villes, les entreprises, les collectivités et la jeunesse », comme le souhaite le Secrétaire général de l'ONU. Ce doit être au coeur des réformes nécessaires de l'institution.
N'attendons pas des "jours meilleurs", des jours "post-covid", si incertains, tant au plan local de nos sociétés qu'à l'échelle internationale.
"Demain" ne se construit-il pas "aujourd'hui", dans "la lutte obstinée de ce temps quotidien" comme l'écrit le poète ?

Daniel Durand
Directeur de l'Institut de documentation et de recherches pour la paix (IDRP)  


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 Covid-19: what if we change the time?
The outbreak, development and then the maintenance of the Covid-19 pandemic weighs on our personal life, our local civic activity, our national life together, but also on the international situation, the relations between States, the way of life of the populations of the planet.
At the local level, a strange torpor is numbing democratic and social life. The activities of associations and trade unions are reduced to a state of sadness, suspended or frozen. Democratic restrictions (rights to meet, to move around, to demonstrate) never seen outside the periods of the Occupation and the war of 14-18, are accepted with little if any symbolic reaction (the last vote extending the state of health emergency for six months this week took place before less than 50 deputies, with no public intervention, petitions or delegations). We seem to be waiting for the storm to pass, and the illusion remains at all levels that there may be a "tomorrow that sings" or a "way out of the tunnel". But in reality, there will be no "tomorrow's world" but only a very real "today's world". There will be no "post-Covid" era, just as there has been no "post-ViH" era, for example. We must learn to dominate "the beast" and live, live better while mastering it. For several months now, and it has been fascinating, there have been many reflections in the media by intellectuals and political scientists on the "world after", the "world of tomorrow", but often with the weakness of not integrating the "world of today" into these projections.
How can this be done? Let's try to imagine that humanity lives under a cyclone, but which would have settled permanently on our heads, with simple modalities of intensity. We must therefore, in the wind and rain, continue to live, consolidate our house and improve its comfort, strengthen contact and mutual aid with our neighbours, find solutions to go to work, to ensure the schooling of our children. Of course we must be well dressed, with boots and oilskins, but the challenge is not only to protect ourselves but to live, to build our life with our neighbours while protecting ourselves. This is our challenge, where no requirements are lowered but where original and concrete solutions must be found to continue our progress. To mobilise citizens on this attitude of lucidity, we do not need anxiety-provoking information, but transparency, accountability and concrete measures adapted to real situations instead of global measures, more punitive than effective. If we want to restart associative life, for example, before part of the social fabric is torn apart, particularly as regards pensioners and the elderly, it will not be enough to add a few extra funds but to set up human resources measures at local authority level to help these associations manage the new operating constraints which will otherwise appear insurmountable and prevent them from resuming their activities.
In short, a change of schedule must be made: October is traditionally the month of time changes. Let's set our clocks to the right time... but the Covid-19 and let's act accordingly.
At the international level, the same reasoning prevails. Indeed, what are the main features of the current new situation? Taking advantage of the confusion linked to the pandemic, regional powers are showing their muscles and gesticulating at the risk of relaunching dramatic war tensions, such as Turkey in the Mediterranean or Tunisia, China in Hong Kong or Taiwan, the United States cancelling the INF treaty on "euromissiles" or boycotting the WHO and the International Criminal Court. Can we allow these abuses to continue and does this not show that old challenges must now be considered in a new way?;
"The virus is today the main global threat to security in our world", said UN Secretary-General Antonio Gutteres. At the time of COVID-19, the "planetary social fabric", most often referred to as "multilateralism", is in danger of being torn apart by the onslaught of national individualism and the selfishness of powers. The guarantee of survival and the future for the world community is to consolidate this "safety net" that we have been obstinately weaving and weaving for 75 years. It is the multitude of international treaties and agreements, the action of dozens of UN institutions and agencies, the organisation of forums and meeting places around the UN "palaver tree" that have begun to "civilise" international relations. All these procedures sometimes waste time, but they are essential for reaching the compromises and political agreements that build the common life of the United Nations.
We face several other challenges that I highlighted in my previous article on the 75th anniversary of the United Nations. The first challenge is that of multilateralism and global governance and the need to do everything possible to defend them. The second challenge is not to let the pandemic make us turn back the clock on the fight against poverty and global inequality. The third challenge is to find new ways for the international community to act in these difficult times, through the fight against certain super-profits and against unnecessary spending such as military spending.
But the main challenge for me is not the capacity of state leaders, of civil society leaders, not to narrow the horizon of proposals for action but, on the contrary, to show boldness and innovation now.
At a time when there is pressure from the dominant economic forces to narrow the fields of action to health and the economy (in the form of unchecked aid to entrepreneurs), should we not support the bold proposals of the UN Secretary General who advocates for "a new generation of social protection, including for the most vulnerable, based on universal health coverage and the possibility of a universal basic income" or which considers it necessary "to address the deep inequalities that prevent dignity and opportunities for all" and advocates greater investment in social cohesion, "recognising that diversity is a richness and not a threat"?
In the field of peace and disarmament, the international community will thus very soon be faced with a new challenge. In a few weeks' time, the TIAN (Treaty on the Prohibition of Nuclear Weapons) will receive the 50 ratifications required from States for its entry into force. Humanity will have a historic opportunity to pave the way for the elimination of these dreadful and inhuman weapons forever. Will the world's governments seize this opportunity? Will the nuclear states stiffen in their opposition? Will hesitant states take the bold step of saying "yes, really, it is time to try"? Will pro-banning states show initiative and diplomatic openness to move negotiations forward towards a concrete implementation of the ban? Finally, will the forces of civil society succeed in making this project a great cause for humanity?
To give impetus to these great visions for the future, as I wrote in a last article, we have a tool, the United Nations, but let's work to ensure that it really integrates "civil society, cities, businesses, communities and youth", as the UN Secretary General wishes. This must be at the heart of the necessary reforms of the institution.
Let's not wait for "better days", "post-covid" days, which are so uncertain, both locally in our societies and internationally.
Isn't "tomorrow" being built "today", in "the obstinate struggle of this daily time" as the poet writes?
Daniel Durand
Director of the Institute for Documentation and Research for Peace (IDRP) 


Translated with www.DeepL.com/Translator (free version)

mercredi 23 septembre 2020

75e anniversaire ONU : si elle n'existait pas, il faudrait l'inventer...

En 2015, nous avons commémoré le 70e anniversaire des Nations unies en ayant tous en tête un autre anniversaire : celui de la fin de la 2e Guerre mondiale. Nous avons alors émis des critiques, fait des propositions pour une plus grande efficacité de l'ONU, mais, je dirais, sur un mode "tranquille", en ayant le sentiment que le temps nous appartenait pour façonner un monde meilleur.
En 2020, nous ne pouvons pas célébrer le 75e anniversaire de l'organisation de la même manière. La donne a changé considérablement avec la pandémie de la Covid-19 : celle-ci ébranle les solidarités internationales, creuse la pauvreté et les inégalités, favorise de nouvelles insécurités, en bref, met à mal le multilatéralisme.
Un constat me semble largement partagé : nous avons besoin plus que jamais, de solidarités mondiales, d'approches globales face à ces phénomènes de pandémies, de réchauffement climatiques, de flux de réfugiés, phénomènes qui dépassent les frontières des États, les limites mêmes des continents. Cette grande leçon d'interdépendance infligée par la pandémie avec ses conséquences sur l'emploi, la scolarisation, renforce le besoin d'enceintes où puissent se rencontrer tous les pays, d'organismes qui coordonnent les efforts sur les plans du sanitaire, du développement, de l'aide aux enfants et aux réfugiés, d'un ensemble d'accords et de traités pour réguler tout cela.
Seuls les aveugles ou les fous ne voient pas que nous avons déjà sous la main, tous ces outils avec l'Organisation des Nations unies, régie par une Charte exemplaire, avec des dizaines d'institutions couvrant tous les secteurs de la vie des populations mondiales, avec la définitions de normes, d'accords et de traités multiples qui tissent un filet de protection et de sécurité tel que l'humanité ne l'a jamais connu de son histoire. On voit bien que si l'ONU n'existait pas, il faudrait l'inventer...

Il s'agit d'une telle évidence qu'à l'ouverture de la nouvelle session de l'Assemblée générale ce 21 septembre, TOUS les pays ont adopté par consensus une déclaration commune qui dit : « Il n’existe pas d’autre organisation mondiale qui ait la légitimité, la puissance de rassemblement et le pouvoir normatif de l’Organisation des Nations Unies. Il n’en existe pas d’autre qui puisse donner à autant de personnes l’espoir d’un monde meilleur et faire que l’avenir que nous voulons se réalise. Il a rarement été aussi vital que tous les pays se rassemblent pour tenir la promesse des nations unies ».
Oui, aucun chef d'État n'a été assez fou pour s'opposer à cette affirmation même s'il n'en pense pas moins !
Cela signifie à mon sens que la question centrale du débat n'est pas comme certains voudraient le faire croire :  "l'ONU,  à quoi ça sert ?" mais, dès aujourd'hui, "à quoi cela doit-il servir ?".
Les agences de l'ONU ont mené une grande consultation mondiale depuis le 1er janvier auprès d'un million de personnes : que disent celles-ci ? Comme l'a dévoilé le Secrétaire général, M. Gutterès, « Les participants [..] estiment que la coopération internationale est indispensable pour faire face aux réalités de notre époque ». « Ils ont relevé que la pandémie de Covid-19 rendait cette solidarité plus urgente encore. Et ils ont souligné que le monde avait besoin de systèmes de santé et de services de base universels », a-t-il ajouté. « Les gens craignent la crise climatique, la pauvreté, les inégalités, la corruption et la discrimination systémique fondée sur la couleur de peau ou le genre ».
Les chefs d'État de la planète ont ainsi une feuille de route toute tracée. Chacun doit prendre ses responsabilités. Antonio Guetterès a souligné que  "personne ne souhaite de gouvernement mondial – mais nous devons œuvrer de concert pour améliorer la gouvernance mondiale ».
Cet appel à la responsabilité ne concerne pas que les chefs d'États : « Nous avons également besoin d’un multilatéralisme qui soit inclusif et s’appuie sur la société civile, les villes, les entreprises, les collectivités et la jeunesse », a-t-il ajouté.
 
Face aux coups de boutoir portés par le Covid-19, il faut reformuler sans attendre clairement les priorités d'abord à la jeunesse, à l'éducation. Selon l'Unesco, actuellement, 50 % des enfants du monde n'iraient pas à l'école à cause de la Covid-19 ! Et le Président Macron ne dit pas un mot dans sa déclaration à l'Assemblée générale, ce lundi, pour proposer, par exemple, au nom de la France que soit organisée une grande conférence internationale de soutien et de relance de la scolarisation de tous les enfants du monde ? Impensable !

Une autre priorité est celle des populations les plus faibles. Selon un rapport publié par le Haut Commissariat aux Réfugiés, la pandémie de Covid-19 constitue un « véritable effet multiplicateur », augmentant les besoins des réfugiés dans de nombreux pays, tout en les rendant encore plus difficiles à satisfaire. A ce jour, le HCR n’a reçu que 49% (soit 4,5 milliards de dollars) sur le montant de 9,1 milliards de dollars nécessaires à ses opérations mondiales cette année.
La question des financements est cruciale : ne faut-il pas insister sur l'idée de mobiliser l'argent réel sur les plans nationaux et internationaux, notamment en exigeant une action concertée européenne contre les profits exagérés comme ceux des GAFA ?
L'autre action d'urgence de recherche de financement ne doit-elle pas être de s'attaquer enfin franchement aux dépenses improductives et nuisibles que constituent les dépenses d'armement qui dépassent aujourd'hui les 1700 Mds de dollars annuels ?
Le Secrétaire général des Nations unies avait déjà appelé fin mars à un cessez-le-feu mondial afin de combattre plus efficacement la pandémie.
N'est-il pas temps d'appeler d'urgence à un moratoire, un gel mondial sur les dépenses d'armement et les budgets militaires, une sorte de "moratoire COVID" ?
Être lucide sur la durée de la pandémie n'oblige pas, à mon sens, à rétrécir notre horizon mais au contraire à faire preuve d'audace et d'innovation des maintenant.
Un des grands mérites des Nations unies est d'avoir été et d'être toujours une formidable caisse de résonance pour les grands défis de notre époque. Elles l'ont été pour la décolonisation, pour le développement humain et la sécurité humaine. Elles peuvent l'être pour la démilitarisation du monde à condition de ne pas attendre un hypothétique "post-covid" mais au contraire, d'affirmer : c'est le moment pour que "tout le monde se lève pour l'ONU" !


jeudi 30 avril 2020

Multilatéralisme et diplomatie, remèdes miracles de "l'après" ?

(See English translation below)
Dans les flux d'informations se déversant chaque jour autour de la pandémie du COVIT-19, une journée-anniversaire internationale est passée un peu inaperçue vendredi dernier, alors que sa thématique sous-tend la majorité des débats sur "l'après" crise sanitaire dans le monde.
Nous avons en effet célébré, pour la seconde fois seulement, il est vrai, la Journée internationale du multilatéralisme et de la diplomatie au service de la paix.
Celle-ci avait été proclamée par l'Assemblée générale des Nations Unies (A/RES/73/127) , le 12 décembre 2018, et fut célébrée pour la première fois le 24 avril en 2019. C'était une demande des pays non-alignés et elle fut adoptée malgré l'opposition des États-Unis et Israël.
Les concepts portés par cette journée sont essentiels pour accomplir des progrès en matière de paix et de sécurité, de développement durable et de droits de l'homme qui sont les trois piliers de l'Organisation des Nations Unies. Il faut rappeler que l'engagement de régler les différends par des moyens pacifiques et non par la force fait partie des principes fondamentaux de la Charte des Nations Unies dont nous fêterons en octobre prochain le 75e anniversaire.
La pandémie de COVID-19 montre à quel point, aujourd'hui, nous vivons dans un monde interdépendant : "Nous sommes tous dans le même bateau", a déclaré à juste titre, Antonio Gutterès, le Secrétaire général de l'ONU.
Or que constatons-nous ? Dans cette situation dramatique, les débats lancés à l'échelle internationale cachent mal les rivalités de puissance sous-jacentes. Les États-Unis relancent leur confrontation avec la Chine, inquiets de l'influence de celle-ci dans un certain nombre d'institutions, du fait de sa politique de présence et de lobbying. Les autres puissances occidentales lui emboîtent le pas, Emmanuel Macron suit à sa manière, les grands journaux français multiplient les articles, au contenu souvent plus idéologique que vraiment rigoureux : "L’OMS, une organisation affaiblie face à la stratégie sanitaire chinoise" (Le Monde), "Comment la Chine tire les ficelles de l’Organisation mondiale de la santé" (Le Figaro), "La Chine profite de la pandémie pour infiltrer l’OMS" (Valeurs actuelles).
Cette polémique rappelle que le système multilatéral actuel, et notamment le système onusien, est un système intergouvernemental, reposant en permanence sur des compromis entre les intérêts des États qui  tous, essaient d'y gagner des positions idéologiques (le "soft-power"). Le reproche fait à la Chine pour l'OMS vaut pour la France et l'Unesco, par exemple.
En permanence, doit donc se créer une pression diplomatique et d'opinion pour que les intérêts de la communauté prennent le pas sur les intérêts égoïstes des États. Or aujourd'hui, la pandémie de COVID-19 est une tragédie qui vient nous rappeler à quel point nous sommes unis les uns aux autres. Pour combattre le virus, "il nous faut œuvrer, ensemble, comme une même famille humaine" a rappelé Antonio Guterres, affirmant avec force, « Le temps est maintenant à l’unité ».
Il est clair que l'action de l'OMS est absolument essentielle aux efforts menés au niveau mondial pour gagner la guerre contre la COVID-19. Le débat sur le rôle de l'OMS dans la déclaration de la pandémie doit certes rester ouvert, tout comme la manière dont les grands pays ont abordé l'analyse de cette crise, mais je partage l'opinion, pourtant très critique sur le rôle de la Chine, du spécialiste de l'Institut Montaigne, François Godement, le 24 mars dernier : "La mutualisation des efforts que l'OMS permet - même si elle n’est pas en mesure d’atteindre cet objectif par elle-même - , tout comme sa capacité à relayer les informations, les "meilleures pratiques" et des lignes directrices, restent irremplaçables".
Et à côté de l'OMS, on voit combien les autres institutions des Nations unies sont, elles aussi, irremplaçables dans cette situation de crise, que ce soit la FAO pour empêcher que la faim dans le monde ne refasse un bond, l'UNRWA pour empêcher que les camps de réfugiés n'explosent sous la contamination, etc..
Combattre la politique d'affrontement international brutal d'un Donald Trump, privilégier toujours la diplomatie et les réponses politiques aux crises, sont donc essentiels et on peut se féliciter qu'Emmanuel Macron s'efforce d'obtenir depuis quinze jours que le Conseil de sécurité et d'abord les cinq "Grands" se mettent d'accord pour soutenir et renforcer la coopération internationale, mais... Est-ce suffisant ?

Antonio Guterres a eu une parole forte le 24 avril en affirmant : "Il ne suffit pas de clamer les vertus du multilatéralisme : nous devons continuer à prouver qu’il est plus qu’utile".

Pour le responsable de l'ONU, il faut explorer deux directions, la première est "un multilatéralisme en réseau, dans lequel la coopération entre toutes les organisations multilatérales mondiales soit renforcée et auquel les organisations régionales puissent apporter une contribution vitale".
Cela pose la question du renforcement notamment des liens de l'Union européenne et de l'ONU. Pour moi, comme je l'ai déjà souvent écrit, la vocation de l'Union européenne n'est pas de devenir un pôle de puissance d'affrontement mais un pôle de puissance positive, au service de la paix, de la prévention des conflits et du développement durable. C'est dans ce sens que peut se concevoir une coopération militaire européenne, éventuellement pour aider les Nations unies dans les processus de rétablissement et consolidation de la paix. C'est d'ailleurs cette orientation qui permettrait un dépérissement progressif du rôle de l'OTAN et de sa disparition à terme.

La deuxième idée avancée par Antoinio Gutterès est celle "d'un multilatéralisme inclusif, qui repose sur des liens étroits avec la société civile, les entreprises, les autorités locales et régionales et les autres parties prenantes...".
C'est une idée, elle aussi importante, surtout en cette année du 75e anniversaire de la création des Nations unies. Le multilatéralisme aujourd'hui ne peut reposer sur la seule coopération entre États.
Il faut inventer, imaginer de nouvelles solutions, mais qui doivent reposer sur un postulat fondamental : les peuples et l'humain (le "We, the people" de Koffi Annan, reprenant la première phrase de la Charte des Nations unies) doivent être au centre des politiques internationales.
Un multilatéralisme "inclusif" : il est nécessaire que ce concept émerge du débat sur toute réforme de l'organisation onusienne et irrigue, par exemple, la réflexion sur une meilleure représentation des États émergents comme nouveaux membres permanents au Conseil de sécurité, et une représentation plus directe des peuples à côté de l'Assemblée générale des États, avec la création d'Assemblée des peuples, une Assemblée parlementaire mondiale ?

Alors, oui, dans le monde d'aujourd'hui, il ne "suffit pas de clamer les vertus du multilatéralisme", "encore faut-il le faire plus clairement : tous les progressistes, en particulier, doivent réaffirmer plus haut, plus fort, qu'un monde meilleur sera forcément un monde de coopérations multiples, plaçant sécurité humaine et culture de paix au coeur de ses objectifs, proclamer sans restriction et contorsion de langage, que ce monde se développera au sein de notre maison commune, les Nations unies. Deuxièmement, cet engagement doit se se traduire dans des actions politiques concrètes face à cette pandémie qui est aussi une crise mondiale multi-facettes, prioritairement, selon moi, autour de ces grands objectifs :  "cessez le feu mondial", "baisse des dépenses d'armements au service du développement et de la transition énergétique". Alors, oui, multilatéralisme et diplomatie seront parmi les remèdes miracles essentiels de "l'après".

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Multilateralism and diplomacy, miracle cures for the "after"?

In the daily flow of information surrounding the VITOC-19 pandemic, an international anniversary day went somewhat unnoticed last Friday, even though its theme underpins most of the debates on the "after" health crisis in the world.
Indeed, we celebrated, admittedly only for the second time, the International Day of Multilateralism and Diplomacy for Peace.
This was proclaimed by the United Nations General Assembly (A/RES/73/127) on 12 December 2018, and was celebrated for the first time on 24 April 2019. It was a request of the non-aligned countries and was adopted despite the opposition of the United States and Israel.
The concepts carried by this day are essential to achieve progress in peace and security, sustainable development and human rights, which are the three pillars of the United Nations. It should be recalled that the commitment to resolve disputes by peaceful means and not by force is one of the fundamental principles of the United Nations Charter, whose 75th anniversary we will celebrate next October.
The COVID-19 pandemic shows the extent to which today we live in an interdependent world: "We are all in the same boat", UN Secretary-General Antonio Gutterès rightly said.
But what do we see? In this dramatic situation, the debates launched at the international level do little to conceal the underlying power rivalries. The United States is re-launching its confrontation with China, worried about the latter's influence in a number of institutions, due to its presence and lobbying policy. The other Western powers follow suit, Emmanuel Macron follows in his own way, the major French newspapers multiply articles, often with content that is more ideological than really rigorous: "The WHO, an organisation weakened in the face of China's health strategy" (Le Monde), "How China is pulling the strings of the World Health Organisation" (Le Figaro), "China takes advantage of the pandemic to infiltrate the WHO" (Valeurs actuelles).
This polemic reminds us that the current multilateral system, and in particular the UN system, is an intergovernmental system, permanently based on compromises between the interests of States, which all try to win ideological positions (the "soft power"). The criticism levelled at China for the WHO applies to France and UNESCO, for example.
There must therefore be constant diplomatic pressure to ensure that the interests of the community take precedence over the selfish interests of States. Today, however, the COVID-19 pandemic is a tragedy that reminds us how united we are. To fight the virus, "we must work together as one human family," Antonio Guterres reminded us, forcefully asserting, "The time has come for unity.
It is clear that WHO's action is absolutely essential to global efforts to win the war against VIDOC-19. The debate on the role of WHO in declaring the pandemic must certainly remain open, as must the way in which the major countries have approached the analysis of this crisis, but I share the opinion, which is very critical of the role of China, of the specialist from the Montaigne Institute, François Godement, on 24 March last: "The pooling of efforts that the WHO makes possible - even if it is not able to achieve this objective on its own - as well as its ability to relay information, best practices' and guidelines, remain irreplaceable'.
And alongside the WHO, we can see how irreplaceable the other United Nations agencies are in this crisis situation, whether it is the FAO to prevent world hunger from taking another leap forward, UNRWA to prevent refugee camps from exploding under contamination, etc.
Fighting the policy of brutal international confrontation of a Donald Trump, always favouring diplomacy and political responses to crises, are therefore essential and we can be pleased that Emmanuel Macron has been trying for the past fortnight to get the Security Council and first of all the five "Great" countries to agree to support and strengthen international cooperation, but ... Is that enough?

Antonio Guterres had a strong word on 24 April when he said: "It is not enough to proclaim the virtues of multilateralism: we must continue to prove that it is more than useful".

For the head of the UN, two directions must be explored. The first is "a networked multilateralism, in which cooperation between all the world's multilateral organizations is strengthened and to which regional organizations can contribute their expertise".
That raises the question of strengthening the ties between the European Union and the United Nations. For me, as I have often written, the vocation of the European Union is not to become a pole of confrontational power but a pole of positive power, in the service of peace, conflict prevention and sustainable development. It is in this sense that European military cooperation can be conceived, possibly to help the United Nations in the processes of peacemaking and peace-building. It is, moreover, this is the direction that would allow NATO's role to gradually wither and eventually disappear.

The second idea put forward by Antoinio Gutterès is that of "an inclusive multilateralism, based on close links with civil society, business, local and regional authorities and other stakeholders.
This is an idea that is also important, especially in this year of the 75th anniversary of the creation of the United Nations. Multilateralism today cannot be based on cooperation between states alone.
It is necessary to invent, to imagine new solutions, but they must be based on a fundamental postulate: the peoples and the human being (Koffi Annan's "We, the people", taking up the first sentence of the United Nations Charter) must be at the centre of international policies.
An "inclusive" multilateralism: it is necessary that this concept emerges from the debate on any reform of the UN organisation and irrigates, for example, the reflection on a better representation of emerging States as new permanent members in the Security Council, and a more direct representation of peoples alongside the General Assembly of States, with the creation of an Assembly of Peoples, a global parliamentary assembly?

So, yes, in today's world, it is not "enough to proclaim the virtues of multilateralism", "it must be done more clearly: all progressives, in particular, must reaffirm more loudly and more forcefully that a better world will necessarily be a world of multiple cooperation, placing human security and a culture of peace at the heart of its objectives, proclaiming without restriction and contortion of language, that this world will develop within our common home, the United Nations. Secondly, this commitment must be translated into concrete political action in the face of this pandemic, which is also a multifaceted global crisis, focusing, in my view, primarily on these major objectives: global ceasefire', reducing arms expenditure in the service of development and energy transition'. So, yes, multilateralism and diplomacy will be among the miracle cures of the "after".

Translated with www.DeepL.com/Translator (free version)

lundi 20 avril 2020

COVID-19/SE RÉINVENTER - Nous sommes en guerre ? Alors, préparons la paix de demain ! (III/III)

(See English translation below)

« Nous sommes en guerre » : la posture adoptée par Emmanuel Macron est révélatrice d'une certaine culture : « La pandémie à laquelle nous sommes confrontés exige des mesures plutôt opposées à un temps de guerre » explique l’économiste Maxime Combes dans une tribune de Basta ! le 18 mars dernier. "Les impératifs actuels, au vu de la gravité et de l’ampleur de la situation, appellent à la solidarité et au maintien du lien social plus qu’à de discutables rhétoriques mobilisant des imaginaires de guerre totale ayant transformé le monde en un cimetière entre 1914 et 1945", fait remarquer l'historienne Claire Demoulin dans Libération du 19 mars dernier.
Le premier moment de surprise passée, de nombreuses voix se sont élevées pour critiquer cette posture et dire que, non, l'heure n'est pas à la mobilisation guerrière sauce 1914, mais à la mobilisation citoyenne, à l'appel à la responsabilité de chacun. Cette posture présidentielle, car il s'agissait d'une posture de communication, n'est pas sans conséquence sur la vie démocratique. Les modalités de l'état d'urgence, ses dimensions bureaucratiques et punitives, restreignent la vie démocratique, (bien que les parlementaires aient réussi à imposer un certain contrôle démocratique) et donc freinent le rassemblement des citoyens, notamment chez les jeunes. La vieille culture de guerre malgré les progrès a encore de beaux jours et la promotion d'une culture de paix et de citoyenneté nécessite toujours un débat au quotidien.

On perçoit de plus en plus clairement qu'actuellement nous vivons une nouvelle étape entre deux visions du monde et de la vie : coopérations ou affrontements, culture de guerre ou culture de paix, ce qui se traduit à l'échelle internationale plus plus de multilatéralisme ou plus de souverainisme, donc plus et mieux d'ONU, et non (en schématisant un peu, je le reconnais) plus d'OTAN et plus de conflits.

Aujourd'hui renaît un début de débat sur le multilatéralisme au travers notamment de deux questions :  la caractérisation de la mondialisation et la place de l'OMS (et derrière celle-ci de tous les organismes de l'ONU). Ce débat ne doit pas être biaisé comme l'avait fait Emmanuel Macron dans sa première intervention,  en ne parlant que du rôle du G20 et du G7 (les clubs des "riches" de la planète) et pas de l'ONU.
On devine bien aujourd'hui que, derrière le mauvais procès fait à l'OMS par Donald Trump, se cache l'aiguisement de l'affrontement de puissances, USA contre Chine, débat repris en France par Emmanuel Macron, sur le thème "que cache la Chine ?". Il y a une convergence des puissances occidentales pour empêcher la Chine de gagner en influence dans les pays en développement : ils veulent faire oublier la faiblesse de leur aide et ne supportent pas que la place vide qu'ils laissent soit occupée par une autre puissance, surtout si celle-ci est émergente. Les dirigeants chinois mènent une politique obscure et opaque, peu démocratique, nous ne sommes pas naïfs, mais rien ne peut cacher le fait que si la Chine, dont la population fait 20 fois celle de la France, avait eu un nombre de morts de la même ampleur, elle déplorerait environ 400 000 victimes...

Derrière les nouveautés que revêtent certains aspects de la crise du COVID-19, on voit que perdurent vieilles idées et vieilles conceptions du monde. Oui, il faut inventer, imaginer de nouvelles solutions, mais elles ne peuvent que reposer sur un paradigme, peut-être ancien, mais fondamental : les peuples et l'humain (le "We, the people" de Koffi Annan) doivent être au centre des politiques, ce qui donne une jeunesse renouvelée à ce double concept des années 1990 : la nécessité de construire une sécurité humaine étendue, reposant sur une culture de paix généralisée.

Des solutions nouvelles, "se réinventer" ? Oui, mais est-ce que ce sera pour continuer d'affecter 2% des PIB aux dépenses militaires ou les dirigeants mondiaux vont-ils dès cette année réduire les dépenses militaires de 10 à 15% ? "C'est le moins qu'ils devraient faire maintenant, comme un premier pas vers une nouvelle conscience, une nouvelle civilisation", a fait remarquer Mikhaïl Gorbatchev. Il a raison.
Va-t-on pour se "réinventer" continuer à dépenser des centaines de milliards pour les armes nucléaires alors que les forces de "dissuasion" ont montré leurs limites devant une "simple" pandémie virale ?
Comme le fait remarquer IDN (Iniative pour le désarmement nucléaire) dans sa revue de presse du 17  avril, quasiment toutes les bases nucléaires américaines ainsi qu’au moins quatre porte-avions ont été touchés par le virus – situation qui rappelle celle du Charles-de-Gaulle en France (la moitié de l'équipage contaminé !). Même la pérennité de la fameuse "chaîne de commandement", l’autorité sur le lancement des armes devant éventuellement être déléguée, a pu être temporairement fragilisée comme le montre le cas de Boris Johnson au Royaume-Uni.
Est-ce que "se réinventer" serait un remake de la fameuse formule dans le Guépard écrit par Lampedusa et mis en scène par Fellini : "Il faut que tout change pour que rien ne change "!

Je suis de ceux qui pensent que cette crise doit déboucher d'abord sur un nouveau regard porté sur la priorité à donner aux besoins humains à l'échelle mondiale : la santé, le travail, le revenu décent pour vivre. Et c'est autour de ces préoccupations que doivent se mobiliser les intelligences et les forces sociales et politiques. Je pense également que la réflexion doit être élargie à la construction d'une mondialisation plus solidaire, qui n'oppose pas coopérations inter-étatiques et développements nationaux.

Cela passera forcément par un monde moins militarisé, où les intérêts égoïstes des États seront plus contenus, et où la voix des peuples se ferait plus entendre, ce qui serait une formidable innovation !.
On peut espérer que ce débat pourra émerger dans la seconde partie de l'année 2020 autour du 75e anniversaire de la création des Nations unies, de leur Charte et de l'ensemble des institutions. Il y a besoin d'un débat sur leur réforme et sur un double élargissement : une meilleure représentation des États émergents comme nouveaux membres permanents au Conseil de sécurité, une représentation plus directe des peuples à côté de l'Assemblée générale des États, avec la création d'Assemblée des peuples, une Assemblée parlementaire mondiale ?

Mais je suis convaincu que dès maintenant l'opinion devrait se mobiliser pour quelques grandes décisions simples et novatrices.
Il suffit d'écouter des grandes voix qui se sont élevées dans la cacophonie autour du virus COVID-19 : la première, celle du secrétaire général des Nations unies, Antonio Gutteres le 23 mars 2020 qui a déclaré : "La furie avec laquelle s’abat le virus montre bien que se faire la guerre est une folie. Mettons un terme au fléau de la guerre et luttons contre la maladie qui ravage notre monde. C’est la raison pour laquelle j’appelle aujourd’hui à un cessez-le-feu immédiat, partout dans le monde".
La seconde est celle du pape François  dans son traditionnel message de Pâques, prononcé le dimanche 12 avril 2020 appelant à l'abolition de la dette pour les pays les plus pauvres et au « courage » d'un « cessez le feu mondial » avec arrêt de la fabrication des armes.
Local et mondial sont liés ! Oui, sachons nous réinventer en tournant le dos aux vieux dogmes du passé, aux logiques d'affrontement, pour travailler lucidement à une vraie "mondialisation heureuse" !

Daniel Durand - 18 avril 2020

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COVID-19/REINVENTER - Are we at war? Then let's prepare for tomorrow's peace! (III/III)

"We are at war": the stance adopted by Emmanuel Macron is indicative of a certain culture: "The pandemic that we are facing requires measures that are rather the opposite of a time of war," explained the economist Maxime Combes in a Basta! tribune on March 18. "The current imperatives, given the gravity and scale of the situation, call for solidarity and the maintenance of social ties more than for debatable rhetoric mobilising imaginaries of total war that transformed the world into a cemetery between 1914 and 1945," notes historian Claire Demoulin in Libération on 19 March last.
Once the first moment of surprise had passed, many voices were raised to criticise this posture and say that, no, this is not the time for warlike mobilisation like in 1914, but for citizen mobilisation, for calling for everyone to take responsibility. This presidential posture, because it was a communication posture, is not without consequences for democratic life. The modalities of the state of emergency, its bureaucratic and punitive dimensions, restricted democratic life, (although parliamentarians succeeded in imposing a certain democratic control) and thus hindered the gathering of citizens, especially young people. The old culture of war, despite progress, still has a long way to go, and the promotion of a culture of peace and citizenship still requires daily debate.

It is becoming increasingly clear that we are currently experiencing a new stage between two visions of the world and of life: cooperation or confrontation, a culture of war or a culture of peace, which at the international level translates into more multilateralism or more sovereignism, and therefore more and better UN, and not (to put it mildly, I admit) more NATO and more conflicts.

Today, the debate on multilateralism has begun anew, notably through two questions: the characterization of globalization and the place of the WHO (and behind it of all UN bodies). This debate must not be biased as Emmanuel Macron did in his first intervention, when he spoke only of the role of the G20 and the G7 (the clubs of the world's "rich") and not of the UN.
We can now guess that behind the bad trial made at the WHO by Donald Trump, hides the sharpening of the confrontation of powers, USA against China, a debate taken up in France by Emmanuel Macron, on the theme "what is China hiding? There is a convergence of Western powers to prevent China from gaining influence in developing countries: they want to make people forget the weakness of their aid and cannot bear to see the empty space they leave occupied by another power, especially if it is an emerging one. The Chinese leaders are pursuing an obscure and opaque policy, not very democratic, we are not naïve, but nothing can hide the fact that if China, whose population is 20 times that of France, had had a death toll on the same scale, it would have suffered around 400,000 victims .

Behind the novelty of certain aspects of the VIDOC-19 crisis, we see that old ideas and old world views persist. Yes, new solutions must be invented and imagined, but they can only be based on a paradigm, perhaps old, but fundamental: peoples and the human being (Koffi Annan's "We, the people") must be at the centre of policies, which gives a renewed youthfulness to this double concept of the 1990s: the need to build a broad human security, based on a generalized culture of peace.

New solutions, "reinventing ourselves"? Yes, but will it be to continue to allocate 2% of GDP to military spending or will world leaders this year cut military spending by 10 to 15%? "This is the least they should do now, as a first step towards a new consciousness, a new civilization," Mikhail Gorbachev pointed out. He is right.
Are we going to "reinvent" ourselves by continuing to spend hundreds of billions on nuclear weapons when the forces of "deterrence" have shown their limits in the face of a "simple" viral pandemic?
As IDN (Iniative for Nuclear Disarmament) points out in its press review of 17 April, almost all American nuclear bases and at least four aircraft carriers have been affected by the virus - a situation reminiscent of that of the Charles-de-Gaulle in France (half the crew contaminated!). Even the continuity of the famous "chain of command", with authority over the launching of weapons possibly having to be delegated, was temporarily weakened, as shown by the case of Boris Johnson in the United Kingdom.

Would "reinventing oneself" be a remake of the famous formula in the Cheetah written by Lampedusa and directed by Fellini: ""Everything must change so that nothing changes"!

I am one of those who believe that this crisis must first lead to a new look at the priority to be given to human needs on a global scale: health, work, a decent income to live on. And it is around these concerns that intelligences and social and political forces must be mobilized. I also think that the reflection must be broadened to include the construction of a more inclusive globalization, which does not pit inter-state cooperation against national development.

This will inevitably involve a less militarized world, where the selfish interests of States will be more contained, and where the voice of the people will be heard more, which would be a formidable innovation!
It is to be hoped that this debate can emerge in the second half of the year 2020 around the 75th anniversary of the creation of the United Nations, its Charter and all its institutions. There is a need for a debate on their reform and on a double enlargement: a better representation of emerging States as new permanent members in the Security Council, a more direct representation of peoples alongside the General Assembly of States, with the creation of an Assembly of Peoples, a World Parliamentary Assembly?

But I am convinced that, from now on, public opinion should be mobilized for a few major, simple and innovative decisions.
Just listen to the great voices that have been raised in the cacophony around the COVID-19 virus: the first, that of UN Secretary-General Antoinio Gutteres on 23 March 2020, who said: "The fury with which the virus is being struck shows that making war on each other is madness. Let us put an end to the scourge of war and fight against the disease that is ravaging our world. That is why I am calling today for an immediate ceasefire throughout the world".
The second is that of Pope Francis in his traditional Easter message, delivered on Sunday 12 April 2020, calling for the abolition of debt for the poorest countries and for the "courage" of a "global ceasefire" with a halt to the manufacture of arms.
Local and global are linked! Yes, let us reinvent ourselves by turning our backs on the old dogmas of the past, on the logics of confrontation, to work lucidly towards a true "happy globalisation"!

Daniel Durand - 18 April 2020

dimanche 19 avril 2020

COVID-19/SE RÉINVENTER - l'aveuglement de l'après-Guerre froide (II/III)

(See English translation below)
Les armes, plus que la santé ? Est-ce que j'exagère beaucoup dans cette formule ? (voir article précédent)
Le 28 février 2015, l'Express écrit "Comment le gouvernement va économiser 3 milliards d'euros dans les hôpitaux ?" ; le 1er octobre 2019, Le Parisien titre "Budget 2020 de la Sécu : les hôpitaux publics à la diète" et explique : "Dans le budget 2020 de la Sécu, les hôpitaux publics, dont six sur dix sont en difficultés financières, devront encore faire 800 millions d’euros d’économies".

À la même époque, concernant les dépenses militaires, le discours est différent. Le Monde du 07 février 2018, écrit : "L’effort, tel qu’il est annoncé, est colossal : près de 300 milliards d’euros cumulés seront consacrés à la défense nationale à l’horizon 2025". Le but, explique le journal, est, selon la ministre des armées, la « régénération » des armées et « la préparation de l’avenir ». Cette priorité au militaire reçoit d'ailleurs un soutien politique large, malgré certaines ambiguïtés, jusque dans certains rangs de la gauche, puisque, explique toujours Le Monde, "Pour le groupe La France insoumise (LFI),  la LPM reste victime de l’austérité», alors que « c’est une augmentation rapide qui est indispensable ». commente le journal du 8 février.

Ce mouvement en faveur des militarisations est très marqué en France mais il s'inscrit dans une tendance beaucoup plus globale puisqu'en 2018, le total des dépenses militaires mondiales a augmenté pour la deuxième année consécutive, au niveau le plus élevé depuis 1988. Il a atteint 1822 milliards de dollars selon les données du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI).

Sur le plan sanitaire mondial, l'OMS a été contrainte après 2000 à se tourner vers des financements privés pour compléter son budget, ce qui l'a conduite à une gestion hasardeuse et alarmiste de la crise du HN1 sous la pression des intérêts des firmes pharmaceutiques. Aujourd'hui, avec sa nouvelle direction issue pour la première fois d'un pays du Sud (ce qui n'a pas plu particulièrement aux pays occidentaux, USA et France compris), elle a créé un programme de gestion des situations d’urgence sanitaire doté de son propre budget et lancé des appels au dépistage massif du coronavirus (avec le slogan «Test, test, test !») qui n’ont pourtant pas été entendus par la grande majorité des gouvernements. Par définition, l’OMS est une organisation intergouvernementale, avec les contraintes politiques et financières que cela suppose. Elle ne peut agir qu’en fonction des moyens et des pouvoirs que les 194 Etats qui la composent lui confèrent. Comme l'écrit la chercheuse Auriane Guilbaud, dans Libération du 16 avril, "Ce que révèle la crise actuelle, c’est donc le besoin de plus d’OMS, pas de moins. Par exemple, si l’OMS avait autorité pour se rendre dans un pays en cas d’émergence d’une maladie infectieuse, sans avoir à négocier l’entrée sur le territoire des Etats, cela lui éviterait d’avoir à ménager leur susceptibilité comme elle l’a certainement fait avec la Chine. Si c’est là le problème principal, chiche, une fois la crise passée, étendons le mandat de l’organisation et donnons-lui plus de pouvoir "!

Comme l'écrit B. Girard, sur son blog http://journaldecole.canalblog.com/, ne faut-il pas se poser cette question simple : "Chaque année, le contribuable offre donc à l’armée plusieurs centaines de blindés supplémentaires, des avions, un sous-marin etc mais combien de lits médicalisés aux hôpitaux, de masques de protection, de tests de détection ?".
Il poursuit et je partage complètement son point de vue : " En 2020, si la menace ne vient certes plus de l’Allemand, de l’Anglais ni même du Chinois, ce changement pourtant radical dans l’ordre du monde n’a que peu fait bouger les images mentales ; la sécurité est toujours largement perçue sous l’angle militaire (et policier). Une représentation archaïque qui empêche de prendre la juste mesure – et donc de décider d’une juste politique – des nouveaux défis, bien réels ceux-là (environnementaux, sanitaires etc) qu’il faut dès aujourd’hui affronter".
C'est la même idée que développe le chercheur Bertrand Badie (Ouest-France du 26/03/2020) : " Cela fait vingt-cinq ans que le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) attire notre attention sur les nouvelles insécurités humaines et notamment sanitaires, et que l’on continue à raisonner en termes militaires".
Des voix de plus en plus fortes et diverses s'élèvent sur la planète. "Ce dont nous avons besoin de toute urgence maintenant, c'est de repenser l'ensemble du concept de sécurité", a écrit l'ancien dirigeant de l'URSS, Mikhaïl Gorbatchev, dans un éditorial publié par le magazine TIME. "Même après la fin de la guerre froide, cela a été envisagé principalement en termes militaires. Au cours des dernières années, nous n'avons entendu parler que d'armes, de missiles et de frappes aériennes" L'épidémie de COVID-19 a souligné une fois de plus que les menaces auxquelles l'humanité est confrontée aujourd'hui sont de nature mondiale et ne peuvent être traitées que collectivement par les nations. "Les ressources actuellement dépensées pour les armes doivent être préparées à de telles crises", a déclaré Gorbatchev.

Nous ne partons pas de rien. Au coeur du concept de sécurité humaine, élaboré à la fin des années 90, figurent aujourd'hui les Objectifs de Développement durable, d'ici 2030.
Ces ODD ont été adoptés le 25 septembre 2015 par les chefs d'État et de Gouvernement réunis lors du Sommet spécial sur le développement durable à l'ONU. Ils fixent 17 objectifs de développement durable (ODD). Les ODD présentent une vision transversale du développement durable : d'abord ils associent à la lutte contre la pauvreté, la préservation de la planète face aux dérèglements climatiques ; ensuite les enjeux du développement durable englobent l'ensemble des pays de la planète ; enfin ils sont le fruit d'une consultation large d'un ensemble d'acteurs, comme la recherche, la société civile, le secteur privé ou les collectivités locales.
Cet Agenda 2030 confirme la priorité au développement durable qui accompagne les Accords de Paris sur le climat, qui visent à limiter la hausse de la température mondiale à 2°C.
La réussite de ces ODD nécessite un financement de 4 000 à 5 000 Mds de dollars chaque année : le déficit annuel est estimé selon l'économiste Jonathan Thébault dans BSI-economics à environ 2 500 Mds de dollars annuels.
Or, aujourd'hui, outre la redirection de dépenses militaires extravagantes pointées par le SIPRI, on sait maintenant avec la crise du COVIT-19 que les principaux pays développés peuvent mobiliser, d'un claquement de doigt, entre 4 000  à 5 000 Mds de $ dans le système financier international ! Alors, quels choix politiques innovants pour demain va-t-on prendre ?


Ces remarques qui semblent de bon sens sont apparemment loin d'être partagées. La manière dont a été abordée la crise et son traitement par les hommes d'état et les médias le montre.
À suivre : COVID-19/SE RÉINVENTER - Nous sommes en guerre ? Alors, préparons la paix de demain ! (III/III)


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COVID-19/SE RÉINVENTER - Post-Cold War Blinding (II/III)

Weapons, more than health? Am I exaggerating a lot in this formula?
On 28 February 2015, L'Express wrote "How the government is going to save 3 billion euros in hospitals"; on 1 October 2019, Le Parisien headlined "Budget 2020 de la Sécu: les hôpitaux publics à la diète" and explained: "In the 2020 budget of the Sécu, public hospitals, six out of ten of which are in financial difficulty, will still have to make 800 million euros in savings".

At the same time, on military spending, the discourse is different. Le Monde, on 7 February 2018, wrote: "The effort, as announced, is colossal: nearly 300 billion euros will be devoted to national defence by 2025". The aim, the newspaper explains, is, according to the Minister of the Armed Forces, the "regeneration" of the armies and "the preparation of the future". This priority for the military is also receiving broad political support, even among certain ranks of the left, since, as Le Monde continues to explain, "For the group La France insoumise (LFI), "the LPM remains a victim of austerity", whereas "it is a rapid increase that is indispensable". "Notably to compensate in 2018 for the cancellation of 850 million euros in credits for the year 2017 which triggered the resignation of Mr. de Villiers" commented the newspaper on February 8.

This movement in favour of militarisation is very marked in France, but it is part of a much more global trend since in 2018 total world military spending increased for the second consecutive year, to its highest level since 1988. It has reached 1822 billion dollars according to data from the Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI).

On the global health front, WHO was forced after 2000 to turn to private funding to supplement its budget, which led it to a risky and alarmist management of the HN1 crisis under pressure from the interests of pharmaceutical companies. Today, with its new management coming for the first time from a country of the South (which did not particularly please Western countries, including the USA and France), it has created a programme for managing health emergencies with its own budget and launched calls for massive screening for coronavirus (with the slogan "Test, test, test!") which have nevertheless not been heard by the vast majority of governments. By definition, WHO is an intergovernmental organization, with the political and financial constraints that this entails. It can only act according to the means and powers that the 194 States that make it up have at its disposal.
confer. As researcher Auriane Guilbaud wrote in Libération on April 16, "What the current crisis reveals is the need for more WHO, not less. For example, if the WHO had the authority to go to a country in the event of the emergence of an infectious disease, without having to negotiate entry into the territory of states, it would avoid having to spare their susceptibility, as it has certainly done with China. If this is the main problem, then let's not bother, once the crisis is over, let's extend the organisation's mandate and give it more power"!

As B. writes Girard, on his blog http://journaldecole.canalblog.com/, shouldn't we ask ourselves this simple question: "Every year, the taxpayer therefore gives the army several hundred additional armoured vehicles, planes, a submarine etc., but how many medical beds in hospitals, protective masks, detection tests, etc."?
He continues and I completely share his point of view: "In 2020, although the threat certainly no longer comes from German, English or even Chinese, this radical change in the world order has done little to change mental images; security is still widely perceived from a military (and police) point of view. An archaic representation that prevents us from taking the right measure - and therefore from deciding on the right policy - of the new, very real challenges (environmental, health, etc.) that we must face today.
This is the same idea developed by researcher Bertrand Badie (Ouest-France, 26/03/2020): "For twenty-five years now, the United Nations Development Programme (UNDP) has been drawing our attention to the new human insecurities, particularly health insecurities, which continue to be reasoned in military terms".
Increasingly strong and diverse voices are being raised around the world. "What we urgently need now is to rethink the whole concept of security," wrote former USSR leader Mikhael Gorbachev in an editorial published by TIME magazine. "Even after the end of the Cold War, this was seen mainly in military terms. In recent years, we have heard nothing but talk of weapons, missiles and air strikes"" The COVID-19 epidemic has once again underlined that the threats facing humanity today are global in nature and can only be addressed collectively by nations. "The resources currently spent on weapons must be prepared for such crises," said Gorbachev.

We are not starting from scratch. At the heart of the concept of human security, developed in the late 1990s, are now the Goals for Sustainable Development by 2030.
These SDGs were adopted on 25 September 2015 by the Heads of State and Government meeting at the UN Special Summit on Sustainable Development. They set 17 sustainable development goals (SDOs). The SDOs present a cross-cutting vision of sustainable development: firstly, they associate the fight against poverty and the preservation of the planet in the face of climate change; secondly, the challenges of sustainable development encompass all the countries of the planet; finally, they are the result of a broad consultation of a range of actors, such as research, civil society, the private sector and local authorities.
This Agenda 2030 confirms the priority of sustainable development that accompanies the Paris Climate Agreements, which aim to limit the rise in global temperature to 2°C.
The success of these SDOs requires funding of 4,000 to 5,000 billion dollars each year: the annual shortfall is estimated by economist Jonathan Thébault in BSI-economics at around 2,500 billion dollars annually.
Today, however, in addition to the redirection of extravagant military spending pointed out by SIPRI, we now know with the COVIT-19 crisis that the main developed countries can mobilize, with a snap of the fingers, between $4,000 to $5,000 billion in the international financial system! So what innovative policy choices for tomorrow are we going to make?

These seemingly common sense remarks are apparently far from being shared. The way in which the crisis has been approached and its treatment by statesmen and the media shows this.
Next: COVID-19/REINVENT - Are we at war? Then let's prepare for tomorrow's peace! (III/III)

samedi 18 avril 2020

COVID-19/SE RÉINVENTER - situation nouvelle, causes anciennes ? (I/III)

(See English translation below)
La crise sanitaire du COVID-19 fera sans doute date dans l'histoire des siècles modernes, non par le nombre de victimes (150 000 mi-avril) assez éloigné de catastrophes récentes comme le HIV et ses 32 millions de morts depuis 1981, la grippe asiatique en 1957-58 avec 1,1 million de morts, la grippe espagnole en 1918-1919 avec 50 millions de morts, mais par des caractéristiques complètement nouvelles. La contagion a été ultra-rapide, accélérée par la mondialisation croissante des échanges, l'émotion à juste titre dans l'opinion à l'échelle planétaire a été grande, avec la résonance donnée par les réseaux sociaux, l'ampleur des décisions de protection des populations et de mise en veilleuse de l'économie a été inédite. Les sommes annoncées pour soutenir l'activité par les principales puissances sont colossales : un plan de soutien de 540 Mds d'euros décidé par l'Union européenne, 100 Mds par la France, 1100 Mds d'euros en Allemagne, 2 000 Mds d'euros aux USA, tout cela dans des pays d'économie libérale, réticents aux interventions de l'État.

Ces dimensions exceptionnelles donnent lieu à des commentaires souvent très emphatiques sur le mode "plus rien ne sera comme avant", "un changement de monde".. Oui, peut-être, mais comme les mesures financières annoncées ne semblent pas être conditionnées particulièrement à des nouveaux critères de développement, liés par exemple à la transition énergétique ou aux priorités sociétales, il n'est pas sûr qu'on n'assiste pas à une simple tentative de reconstruction du système  "à l'identique"...
Je suis également un peu dubitatif en voyant se multiplier sur tout l'arc politique et idéologique des déclarations, la main sur le coeur, affirmant, "il faut innover", foin des vieilles recettes, inventons des solutions nouvelles face à ces défis nouveaux. Nous avons même entendu le Président de la République déclarer "il faudra se réinventer, moi le premier", diantre ! Je suis généralement partant lorsqu'il s'agit d'examiner ou de mettre en oeuvre des idées neuves, mais à condition qu'elles reposent sur des fondations sérieuses.
C'est pourquoi je pense que cette énorme crise sanitaire aux dimensions politiques, économiques, sociales, sociétales, souvent inédites mérite de prendre du recul pour en examiner les origines et le contexte de son développement.
Que constate-t-on d'abord sur le plan de la pandémie et de son développement ? Surprenant, inattendu ? Oui, pour une part mais nous découvrons jour après après jour que les signaux d'alerte existaient depuis assez longtemps.
En 2007 déjà, des chercheurs de Hong Kong tiraient la sonnette d’alarme dans Clinical Microbiology Reviews. Que disaient-ils ? «La présence d’un large réservoir de virus de type SARS-CoV chez les chauves-souris rhinolophes, combinée à une culture de consommation de mammifères exotiques dans le sud de la Chine, est une bombe à retardement».
De nombreux chercheurs, historiens, politiques ont mis en cause la destruction de la biodiversité liée à une mondialisation mue par la rentabilité financière, le développement d'une agriculture productiviste mondialisée, l'interdépendance économique et industrielle non maîtrisée. Le but de cet article n'est pas d'aborder ces aspects aussi je m'en tiendrai à l'analyse de certains choix de société effectués depuis 30 ans.
D'un point de vue géostratégique, la question du risque des pandémies est traité dans un rapport d'information de la CIA, écrit en 2005, traduit et publié en France en 2008 (Le nouveau rapport de la CIA : Comment sera le monde en 2025 ? Alexandre Adler - Robert Lafond).
On peut y lire : "L'apparition d'une nouvelle maladie respiratoire humaine virulente, extrêmement contagieuse, pour laquelle il n'existe pas de traitement adéquat, pourrait déclencher une pandémie mondiale. Si une telle maladie apparaît d'ici 2025, des tensions et des conflits internes ou trans-frontaliers ne manqueront pas d'éclater.[..] Si une maladie pandémique se déclare, ce sera sans doute dans une zone à forte densité de population, de grande proximité entre humains et animaux, comme il en existe en Chine et dans le Sud-Est asiatique".
En 2017, dans "la Revue stratégique de défense et sécurité nationale" , qui a servi à préparer en 2018 la Loi de Programmation militaire, il y a un chapitre dans lequel est écrit : "Risques sanitaires - L’accroissement de la mobilité de la population favorise l’extension des aires de diffusion de certaines maladies, ainsi que la propagation rapide et à grande échelle de virus à l’origine d’épidémies diverses (syndrome respiratoire aigu sévère – SRAS). Le service de santé des armées et ses capacités de recherche sont ainsi régulièrement mobilisés pour faire face à ce type de situation. [..] Le risque d’émergence d’un nouveau virus franchissant la barrière des espèces ou échappant à un laboratoire de confinement est réel".
Or ce qui fait problème, c'est de constater quelles réponses ont été apportées à ce risque identifié ? Sans caricaturer outre-mesure, l'épine dorsale de la sécurité de la France telle qu'elle a encore été décidée est essentiellement celle-ci : "Face aux menaces décrites précédemment, la France doit maintenir sur le long terme une dissuasion nucléaire reposant sur deux composantes complémentaires, et relever simultanément quatre défis majeurs.[..] Le premier est celui de la protection du territoire national,[..] Le deuxième défi est celui de la capacité à répondre à une crise dans notre voisinage, ayant aussi un impact direct sur le territoire national. La combinaison des risques peut ainsi conduire nos forces à intervenir, éventuellement seules, dans un conflit à forte dimension humanitaire et migratoire". Toutes les réponses envisagées sont d'ordre militaire, alors qu'on évoque de nouveaux risques sociaux : pandémies, migrations, risques climatiques, AUCUN de ces risques n'est pris en compte dans la détermination du concept de sécurité, censé être développé dans la Loi de programmation militaire.
Mieux ou pire, le service de santé des Armées a été mis au régime sec. Déjà en 2000,  l'établissement du Giat, à Rennes, qui fabriquaient des abris techniques mobiles (les « shelters", c'est à dire des hôpitaux de campagne) avait été démantelé. Notons qu'il a fallu 10 jours à l'armée pour installer à Mulhouse un hôpital militaire de campagne de 30 lits alors qu'à Londres,  un hôpital de campagne de 4 000 lits a été construit en une semaine...

Cela doit faire réfléchir à certaines orientations prises ces dernières décennies en France, mais aussi de manière générale dans une grande partie du monde : les dépenses militaires ont été privilégiées dans le monde depuis 2000. Dans le débat politique, elles ont été présentées comme une "assurance-vie", des "investissements" à "sanctuariser", par contre, les dépenses de santé ou de protection sociale ont été elles montrées comme un "coût" à contenir : il faut "boucher le trou de la Sécu", mettre fin aux "gaspillages des hôpitaux", combler le déficit des retraites.
Exagération ? Je vais m'expliquer.
À suivre :  COVID-19/SE RÉINVENTER : l'aveuglement de l'après-Guerre froide (II/III)
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ENGLISH TRANSLATION

 COVID-19/SE RÉINVENTER - new situation, old causes? (I/III)
The COVID-19 health crisis will undoubtedly be a milestone in the history of modern centuries, not by the number of victims (150,000 in mid-April) far removed from recent disasters such as HIV and its 32 million deaths since 1981, the Asian flu in 1957-58 with 1.1 million deaths, the Spanish flu in 1918-1919 with 50 million deaths, but by completely new characteristics. The contagion has been ultra-rapid, accelerated by the increasing globalisation of trade, the emotion rightly felt in public opinion worldwide has been great, with the resonance given by social networks, the scale of the decisions to protect populations and to put the economy on the back burner has been unprecedented. The sums announced by the major powers to support activity are colossal: a support plan of EUR 540 billion decided by the European Union, EUR 100 billion by France, EUR 1 100 billion in Germany, EUR 2 000 billion in the USA, all in countries with a liberal economy, reluctant to state intervention.

These exceptional dimensions give rise to comments that are often very emphatic about "nothing will ever be the same again", "a change of world"... Yes, perhaps, but as the financial measures announced do not seem to be particularly conditioned to new development criteria, linked for example to energy transition or societal priorities, it is not certain that we are not witnessing a simple attempt to rebuild the system "as it was before"...
I am also a little sceptical when I see the number of declarations multiplying across the political and ideological arc, with their hands on their hearts, saying, "we must innovate", hiding behind old recipes, let us invent new solutions in the face of these new challenges. We have even heard the President of the Republic declare "we will have to reinvent ourselves, I am the first", for God's sake! I am generally in favour of examining or implementing new ideas, but only if they are based on serious foundations.
That is why I think that this enormous health crisis, with its political, economic, social and societal dimensions, which are often unprecedented, deserves to take a step back to examine its origins and the context of its development.
What is the first thing we see in terms of the pandemic and its development? Surprising, unexpected? Yes, in part, but we are discovering day after day that the warning signals have existed for quite some time.
Already in 2007, researchers in Hong Kong were sounding the alarm in Clinical Microbiology Reviews. What did they say: "The presence of a large reservoir of SARS-CoV viruses in fruit bats, combined with a consumption culture of exotic mammals in southern China, is a ticking time bomb.
Many researchers, historians and politicians have questioned the destruction of biodiversity linked to a globalization driven by financial profitability, the development of a globalized production-oriented agriculture and uncontrolled economic and industrial interdependence. The purpose of this article is not to address these aspects, so I will limit myself to an analysis of certain social choices made over the past 30 years.
From a geostrategic point of view, the question of the risk of pandemics is dealt with in a CIA information report, written in 2005, translated and published in France in 2008 (Le nouveau rapport de la CIA : Comment sera le monde en 2025 ? Alexandre Adler - Robert Lafond).
It states: "The emergence of a new virulent, highly contagious human respiratory disease, for which there is no adequate treatment, could trigger a global pandemic. If such a disease emerges by 2025, internal or cross-border tensions and conflicts will inevitably erupt [...] If a pandemic disease occurs, it is likely to be in an area of high population density and close proximity between humans and animals, such as exists in China and South-East Asia".
In 2017, in the "Strategic Review of Defence and National Security", which was used to prepare the 2018 Military Planning Act, there is a chapter in which it is written: "Health risks - The increased mobility of the population favours the extension of the areas of spread of certain diseases, as well as the rapid and large-scale spread of viruses that cause various epidemics (Severe Acute Respiratory Syndrome - SARS). The armed forces health service and its research capabilities are therefore regularly mobilised to deal with this type of situation. The risk of a new virus emerging that crosses the species barrier or escapes from a containment laboratory is real".
The problem is, however, to see what responses have been made to this identified risk? Without oversimplifying, the backbone of France's security as it has yet been decided is essentially this: "Faced with the threats described above, France must maintain a nuclear deterrent based on two complementary components over the long term, and simultaneously take up four major challenges... The first is that of protecting the national territory... The second challenge is that of the capacity to respond to a crisis in our neighbourhood, which also has a direct impact on the national territory. The combination of risks can thus lead our forces to intervene, possibly alone, in a conflict with a strong humanitarian and migratory dimension". All the responses envisaged are of a military nature, while new social risks are mentioned: pandemics, migration, climatic risks. None of these risks are taken into account in the determination of the concept of security, which is supposed to be developed in the Military Planning Law.
Better or worse, the Armed Forces Health Service has been put on a dry diet. Already in 2000, the Giat establishment in Rennes, which manufactured mobile technical shelters ("shelters", i.e. field hospitals) had been dismantled. It should be noted that it took the army 10 days to set up a 30-bed military field hospital in Mulhouse, while in London, a 4,000-bed field hospital was built in one week .
This should make us reflect on some of the directions taken in recent decades in France, but also in a general way in a large part of the world: military spending has been favoured in the world since 2000. In the political debate, they have been presented as "life insurance", "investments" to be "sanctified", on the other hand, spending on health or social protection has been shown as a "cost" to be contained: we must "plug the hole in the social security system", put an end to "hospital wastage" and make up the pension deficit.
Exaggeration? Let me explain.
Next: COVID-19/REINVENTING: the post-Cold War blindness (II/III)

Translated with www.DeepL.com/Translator (free version)

vendredi 14 février 2020

E. Macron et la dissuasion nucléaire : le recyclage des vieilles idées

Le premier discours officiel du président Emmanuel Macron sur la dissuasion nucléaire était attendu. Allait-il faire entendre la voix de la France à l'unisson de tous ceux qui s'inquiètent de l'avenir de notre planète ? Allait-il annoncer une initiative diplomatique forte en direction des autres puissances nucléaires pour se tourner avec esprit d'ouverture envers les 122 pays qui ont exprimé leur souhait de voir éliminer toutes les armes nucléaires ? Que nenni.
Au lieu d'une vision prospective à la mesure de ce que pourrait être une diplomatie française inventive et audacieuse, nous avons entendu un discours ancien, reprenant sans génie un schéma de pensée datant de la fin des années 1990.
Plus de "jeunisme" mais un discours réactionnaire essayant de repeindre des vieilles idées datant de vingt ans comme "le désarmement exemplaire de la France", n'hésitant pas à mentir sur ses adversaires accusés faussement de prôner "le désarmement unilatéral", réécrivant l'histoire de l'après-guerre froide, en parlant "d'idéalisme" des dirigeants d'alors qu'au contraire, a prévalu après la Guerre froide la brutalité de "l'otanisation" forcée en Europe.

Ce discours s'articule toujours sur un même schéma, un même argumentaire depuis 1996.
1/ Le noircissement de la situation sur le thème du monde dangereux : "Les risques, les menaces, se sont accrus et diversifiés" (EM). En 2015, Hollande dit "la réapparition d'une menace étatique majeure pour notre pays, ne peut être exclue" ; en 2008, Sarkozy affirme "nous sommes confrontés à l’affirmation de nouvelles puissances, de nouvelles ambitions, de nouvelles menaces et donc de nouvelles rivalités" ; en 2001, Chirac prévient "l'évolution des menaces et des technologies contribue également à réduire les distances, et peut transporter, au coeur même du territoire national, la violence d'affrontements qui se déroulent loin de nos frontières".
2/ L'affirmation sans preuve que la dissuasion nucléaire garantit notre sécurité : "notre force de dissuasion nucléaire demeure, en ultime recours, la clé de voûte de notre sécurité et la garantie de nos intérêts vitaux" (EM). En 2008, Sarkozy affirme :"Et qu’en toutes circonstances, notre indépendance nationale et notre autonomie de décision soient préservées. La dissuasion nucléaire en est la garantie ultime" ; en 2001, Chirac rappelle "notre sécurité est et sera avant tout garantie par la dissuasion nucléaire. C'est vrai aujourd'hui, cela le sera plus encore demain".
3/ Menaces, nécessité de la nécessité, donc il faudrait accepter des sacrifices financiers pour l'arme nucléaire : "j’ai décidé qu’un effort budgétaire inédit serait accompli dans le domaine de la défense" (EM). En 2008, Sarkozy annonce "Garantir la sécurité de la Nation a un coût important. Chaque année, la dissuasion nucléaire coûte aux Français la moitié du budget de la justice ou de celui des transports. [...] Mais je suis déterminé à assumer ce coût" ; en 2001,Chirac prévient "Un effort significatif doit être consenti pour maintenir à niveau notre système de défense".
4/ L'affirmation rituelle que la dissuasion française est liée à l'OTAN et à l'Europe : "je souhaite que se développe un dialogue stratégique avec nos partenaires européens qui y sont prêts sur le rôle de la dissuasion nucléaire française dans notre sécurité collective" (EM). En 2015, Hollande dit " la France ne conçoit pas sa stratégie de défense de manière isolée, même dans le domaine nucléaire" ; en 2008, Sarkozy indique "je propose d’engager avec ceux de nos partenaires européens qui le souhaiteraient, un dialogue ouvert sur le rôle de la dissuasion et sa contribution à notre sécurité commune" ;  en 2001 déjà, Chirac dit "à terme, la France envisage d'ailleurs de proposer à ses partenaires européens l'extension de son parapluie nucléaire".
5/ L'affirmation anonnée depuis 20 ans que la France n'a pas besoin de faire plus pour le désarmement, car elle a beaucoup fait déjà. Cet argumentaire, qui n'a jamais été modifié depuis, date de la conférence du TNP de 2010 où avait été distribuée une luxueuse plaque de "com" par la délégation française. Mais, en fait, depuis cette date, la France n'a pris AUCUNE mesure nouvelle de désarmement. Voici le catéchisme : "elle a, à cet égard, un bilan unique au monde, conforme à ses responsabilités comme à ses intérêts, ayant démantelé de façon irréversible sa composante nucléaire terrestre, ses installations d’essais nucléaires, ses installations de production de matières fissiles pour les armes, et réduit la taille de son arsenal, aujourd’hui inférieure à 300 armes nucléaires" (EM). En 2015, Hollande dit "tout pareil" : "La France a été exemplaire, en application du principe de stricte suffisance. Elle a donc réduit, ces dernières années, de moitié le nombre total de ses armes. De moitié ! Elle a diminué d'un tiers la composante nucléaire aéroportée. Elle a renoncé au missile sol-sol" ; en 2008, dans son style vantard, Sarkozy plastronne : "Elle a aujourd’hui un bilan exemplaire, et unique au monde, en matière de désarmement nucléaire. La France, premier Etat, avec le Royaume-Uni, à avoir signé et ratifié le traité d’interdiction complète des essais nucléaires ; la France, premier État à avoir décidé la fermeture et le démantèlement de ses installations de production de matières fissiles à des fins explosives ; la France, seul Etat à avoir démantelé, de manière transparente, son site d’essais nucléaires situé dans le Pacifique ; la France, seul Etat à avoir démantelé ses missiles nucléaires sol-sol ; la France, seul Etat à avoir réduit volontairement d’un tiers le nombre de ses sous-marins nucléaires lanceurs d’engins" ; mais dès 2001, Chirac avait donné le signal : "Première puissance nucléaire à avoir éliminé les systèmes sol-sol, la France a ratifié en avril 1998 le traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Et, seule parmi les puissances nucléaires, elle a entrepris le démantèlement de son centre d'expérimentation et de ses installations de production de matière fissile pour les armes nucléaires".

Si l'on écarte le vernis technocratique et moderniste du discours présidentiel (par exemple, on parle de 3 ruptures mondiales, 4 piliers stratégiques, 3 défis de défense, on s'y perd même un peu), reste que l'argumentation d'Emmanuel Macron est donc dans la lignée de celle de ses prédécesseurs, sous la pression comme nous le savons du lobby militaire et du lobby militaro-industriel nucléaire.
En fait, la seule grande nouveauté de ce discours réside dans son contenu finalement très défensif devant les sollicitations et questionnements de plus en plus pressantes des grandes autorité morales de la planète pour stopper la course aux armements : le pape parlant de "l'immoralité" des armes nucléaires dans ses discours prononcés à Hiroshima et Nagasaki, le secrétaire général de l'ONU à Genève alertant la communauté internationale, la pression des institutions humanitaires comme le CICR, la pression des réseaux citoyens comme ICAN. Emmanuel Macron y consacre deux pages.
En 2001, Chirac avait pu se contenter de dire : "Un large consensus existe en France sur notre politique de défense et de sécurité". Mais, déjà en 2015, François Hollande avait été obligé de justifier le choix de garder deux composantes pour la force nucléaire (sous-marins plus avions). Et aujourd'hui, Emmanuel Macron est obligé d'argumenter sur l'existence même des armes nucléaires, sur leur caractère moralement inacceptable et sur la nouvelle proposition d'un Traité d'interdiction des armes nucléaires (TIAN). Il l'a fait en trichant : peu de monde demande, comme il l'a prétendu, le désarmement unilatéral de la France, mais de plus en plus de personnes pensent que la France pourrait jouer un rôle positif en facilitant les discussions et rapprochements entre puissances nucléaires et le reste du monde, notamment en construisant des passerelles de discussions entre TNP et TIAN

Si ce discours avait été prononcé dès le début du mandat présidentiel, on aurait peut-être regardé avec quelque intérêt des proclamations comme celle concernant "la hauteur des ambitions que porte la France pour la paix, le multilatéralisme et le droit". Mais nous avons constaté depuis 2017, au travers des discours aux Nations unies ou ceux devant les ambassadeurs, que les belles déclarations d'Emmanuel Macron n'étaient pas suivies d'effets concrets. Le multilatéralisme est devenu "fort", puis "fort et efficace" puis "qui réussisse" : ces définitions multiples et restrictives cachent mal le virage de plus en plus net sur la préférence qu'éprouve Emmanuel Macron à se délecter de réflexions sur la place centrale de la puissance dans les relations internationales. Dans son texte de douze pages, ne trouve-t-on pas 24 fois le mot "puissance" ? L'Europe de demain est vue uniquement dans la perspective de la création d'un "pôle de puissance" qui s'ajouterait à un monde de multipolarités rivales rappelant les affrontements d'alliances d'avant la première Guerre mondiale.
Le discours sur la puissance est illusoire s'il cache l'incapacité à lancer et surtout faire aboutir des grandes solutions politiques aux problèmes de la planète. Les grandes crises mondiales n'ont pas été résolues par une réponse militaire mais par une réponse politique et par la capacité des hommes d'État à trouver une issue négociée : crise des missiles de Cuba en 1962 (Kennedy - Kroutchev), des euromissiles en Europe en 1987 (Reagan - Gorbatchev), guerre israélo-arabe en 1978 (Sadate-Begin avec Carter).

Il ne suffit pas de parler de "France puissance d'équilibre" si l'équilibre est la stagnation politique ou la chimère nucléaire. Il ne suffit pas de parler d'action pour la paix, d'action au service du multilatéralisme, si aucune initiative diplomatique n'est prise pour renforcer la place des Nations unies dans les discussions de désarmement.
"Regardons notre avenir avec lucidité et détermination" a conclu Emmanuel Macron : entièrement d'accord !
Je pense en effet qu'il faut de la lucidité pour comprendre l'urgence de stopper la militarisation des relations internationales et pour s'attaquer au dogme de la dissuasion ; je crois aussi qu'il faut une réelle détermination pour surmonter les obstacles, les pressions sur cette voie.
Le Président de la République française actuel peut-il être à la hauteur de ces enjeux ? Au fil des mois, la réponse est de de plus en plus négative. Heureusement que parallèlement, le mouvement pacifiste dans le monde a montré dans ces dernières années que, lui, savait prendre ses responsabilités, en particulier au travers de l'action pour faire progresser l'idée d'un Traité d'interdiction des armes nucléaires. C'est donc de ce côté que se situe l'espoir...