mardi 27 février 2024

Ukraine : le droit international, pas les troupes

« Il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée, des troupes au sol. Mais en dynamique, rien ne doit être exclu. Nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre », a déclaré le 26 février dernier, le président Emmanuel Macron, lors d’une conférence de chefs d’États européens, réunis à Madrid.
Pour le quotidien espagnol, El Païs, “ce qui est significatif, c’est que Macron, en résumant les résultats du sommet, l’a considéré comme une hypothèse plausible”.
Le président français a « brisé un tabou » selon le journal « Courrier international ».
« Irresponsabilité, folie », les réactions politiques en France, à ces propos, sont très négatives. À l’étranger, on peut noter que le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a été plus prudent et a déclaré que l’Alliance militaire n’avait pas l’intention d’envoyer des troupes de combat en Ukraine. « Les alliés de l’OTAN apportent un soutien sans précédent à l’Ukraine. Nous le faisons depuis 2014 et nous avons intensifié nos efforts après l’invasion à grande échelle. Mais il n’est pas prévu que des troupes de combat de l’OTAN soient déployées sur le terrain en Ukraine».
Mélanges de « comm » et d’approximation diplomatique, nous connaissons toutes les déclarations, suivies de marches arrières, sur la Russie en 2022, sur l’engagement au Sahel, de ce président, qui ignore tout des « temps longs » de la diplomatie, au profit des « coups » de communication, au risque de « retours de bâton » brutaux, comme il vient d’en essuyer un avec les agriculteurs français.

Au delà de l’irresponsabilité du président Macron qui envisage l’envoi de troupes en Ukraine, c’est-à-dire en fait, décide une entrée en guerre avec la Russie, sans consultation du Parlement français, notons-le, je voudrais insister sur un autre aspect.
Par cette déclaration de « bravache », il confirme en fait, qu’il ferme la porte à toute issue diplomatique et pacifique à la guerre russo-ukrainienne. « Empêcher la Russie de gagner » devient de fait, une simple clause de style. Emmanuel Macron estime, au travers de ces déclarations, que l’option militaire est la seule qui reste sur la table et donc que cette crise doit se terminer par une victoire totale du camp occidental sur la Russie, en l’occurrence.
Quelle illusion ! Premièrement, de nombreux spécialistes militaires disent que le conflit va durer plusieurs années, ce qui signifie que, pendant ce temps, les populations civiles ukrainiennes vont continuer de payer le lourd prix des morts et des destructions.
Deuxièmement, l’expérience des conflits des deux premières décennies de ce siècle montre que, partout, où ce sont des solutions militaires qui ont été priorisées, elles ont été en échec. Qu’on pense à la victoire des talibans en Afghanistan, au chaos en Irak, à l’effondrement de l’État en Libye, aux coups d’états militaires, et au renvoi peu glorieux des troupes françaises au Sahel.
Veux-t-on, là aussi, créer puis laisser subsister une crise, un abcès purulent, en Europe comme le sont devenus la Libye pour l’Afrique ou l’Afghanistan pour l’Asie du Sud-Est ?
Troisièmement, le point, peut-être le plus important pour moi, est que le président Macron, en écartant de fait toute perspective de solution diplomatique, démontre que les grandes puissances ne respectent pas le droit international et l’article Un de la Charte des Nations Unies. Celui-ci dit :
« Maintenir la paix et la sécurité internationale et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l’ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix ».
Cette obligation du droit international de régler les conflits par la diplomatie s’impose à tous, à toutes les parties et à toutes les grandes puissances en particulier.
Malgré les campagnes d’intoxication médiatique les plus extravagantes, dans lesquelles, on nous ressort, par exemple, la menace des chars russes sur les Champs-Élysées. il faut garder la tête froide.
Ce qu’écrivait déjà, en septembre dernier, le journaliste suisse, spécialiste de la Russie, Éric Hoesli, dans le journal Le Temps, est toujours vrai : « La guerre ne va pas venir jusqu’à nous, la Russie ne va pas, comme certains le prédisaient dans les semaines suivant l’invasion, conquérir la Pologne ou les pays baltes. Il n’y a plus grand monde même pour penser que l’ensemble de l’Ukraine soit menacé. Dans les esprits, l’enjeu s’est circonscrit et comme rétréci au Donbass et à la Crimée. Même en Russie, il n’y a plus que quelques ultras échauffés pour rêver d’une conquête de Kiev, de Dnipro ou de Kharkiv ».
La situation concrète est celle-ci : à l’est de l’Europe, un pays, la Russie, a contrevenu gravement au droit international et à la Charte des Nations unies. Il faut donc défendre fermement la souveraineté et l’intégrité de l’Ukraine. Cette défense doit se faire en déployant tous les moyens politiques et diplomatiques que le droit international nous propose.
Selon une étude menée par Datapaxis et YouGov pour le Conseil européen pour les relations internationales (ECFR), seuls 10 % des Européens croient en une victoire ukrainienne, alors qu’ils sont 20 % à penser que la Russie va l’emporter. Mais pour quasiment un Européen sur quatre, ce ne sont pas les armes qui mettront fin à la guerre. Ainsi, 37 % estiment qu’elle se soldera par un accord entre les deux pays. 41 % des Européens considèrent même que l’Union européenne devrait pousser l’Ukraine à négocier un accord de paix.
Comment y arriver en créant un rapport de forces à l’échelle internationale ? Je crois qu’il y a besoin d’un sursaut politique et éthique au niveau des états aux Nations unies, en s’appuyant en particulier sur les états du sud (« the Global South ») et les états émergents (comme les BRICS), les opinions publiques et les réseaux d’ONG pour créer une « coalition des bonnes volontés » (« coalition of the will »), promouvant l’exigence de solutions politiques au cœur de tous les efforts internationaux. Cela signifie de tourner le dos aux scénarios récents de réunions internationales, visant le renforcement des dépenses et équipements militaires, le renforcement des alliances militaires, la fuite en avant au seul bénéfice des lobbies militaro-industriels.
C’est cette démarche de bonne volonté qui honorerait le Président français, espérons que nombreux seront les parlementaires à l’exiger, si se tient, comme cela vient d’être annoncé ce lundi 27 février, une session de l’Assemblée nationale pour discuter d’une déclaration du gouvernement, « relative à l’accord bilatéral de sécurité conclu avec l’Ukraine » le 16 février, qui sera suivie d’un débat et d’un vote.
Daniel Durand

Président de l’IDRP – 27 février 2024

mardi 20 février 2024

Ukraine - La paix, but central de notre action

Il y a deux ans exactement, la Russie lançait son agression contre l'Ukraine. Elle était ainsi, au début de ce 21e siècle, après les États-Unis en Irak en 2003, la deuxième grande puissance du Conseil de sécurité à violer ouvertement le droit international et la Charte des Nations unies (comme elle l'avait déjà fait en 2014 en occupant la Crimée).
Très vite,comme je l'ai écrit, il y a un an, deux scénarios se sont affrontés, si on écarte d’entrée celui qui aurait consisté à accepter sans protester le fait accompli de l’agression russe contre un pays indépendant, membre des Nations unies,
Le premier scénario, celui de rechercher une sortie de crise politique au conflit, a été quasiment étouffé dans l’œuf sous l'accusation de faire le jeu de Poutine. Les expressions ou initiatives pour la paix du Pape François, du premier ministre israélien, de la Turquie, de la Chine, de l'Inde, de l'Arabie saoudite, ont été rejetées sans discussion. Un "main stream", une pensée dominante, s'est installée dans les médias européens, reprenant presque tous les vieux poncifs de la propagande de guerre, décrits par l'universitaire Anna Morelli dans son ouvrage " Principes élémentaires de propagande de guerre".
C’est un second scénario, qui a été choisi très rapidement, par les pays européens et les États-Unis, qui ont formé un nouveau "bloc occidental". Il a été décidé, même si cela n’est pas assumé officiellement, de répondre "à la guerre par la guerre", en multipliant les sanctions économiques et politiques contre la Russie et en accordant une aide militaire de plus en plus importante au gouvernement ukrainien, tant sous forme de crédits que de fournitures d'armes.
Au bout de deux ans, il faut constater que cette option militaire, soutenue et choisie par les occidentaux, est en échec : chaque jour voit de nouvelles victimes militaires ou civiles, de nouvelles destructions. Des sources américaines estiment à environ 300 000 le nombre de militaires, tués, dont deux-tiers côté russe. Le HCR estime à plus de 10 000 le nombre de civils ukrainiens tués. Avec cynisme, l’armée russe s'est adaptée à ces combats stagnants et détruit méthodiquement des installations tant militaires que civiles, en commettant, de ce fait, de plus en plus de crimes de guerre. C'est la logique implacable de toutes les guerres : nous l'avons constaté en Irak, en Syrie, etc..
Cette option militaire du bloc occidental s'effectue de plus en plus en contradiction avec le droit international.
En effet, les grandes puissances du Conseil de sécurité des Nations unies, n'ont pas fait le maximum pour aboutir à l'arrêt des combats et à une solution diplomatique négociée, comme les y oblige l'article 1 de la Charte des Nations unies :
"Maintenir la paix et la sécurité internationale et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix".
C'est là que réside le coeur du droit international, le but central de la création des Nations unies. Il existe bien sûr un droit pour une nation agressée de se défendre, mais ce droit n'est que temporaire en attendant la mise en oeuvre de mesures pour "réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends".
Ce droit n'est d'ailleurs énoncé que dans l'article 51, à la fin du Chapitre VII (articles 39 à 51) et il dit précisément :
"Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations unies est l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales".
En ne menant aucun effort diplomatique sérieux pour ouvrir la voie à un processus de paix, les puissances occidentales ont conforté la Russie dans sa posture scandaleuse de pays qui se défend contre "les méchants occidentaux" et ont instrumentalisé le conflit et enclenché une surenchère de surarmement, pour gagner des avantages militaires et stratégiques, dans le cadre d'un futur affrontement qu'elles ne cherchent même plus à cacher, demain, contre la Chine. 

Tous ces choix politiques ont été faits, soyons clairs, sur le dos du peuple ukrainien que chaque jour de guerre supplémentaire enfonce dans ses souffrances, même si de nombreux experts militaires disent froidement que le conflit peut durer longtemps, voire de "très nombreuses années" (déclaration du secrétaire général de l'OTAN, Jens Stotenberg, 15 février 2023).
On assiste à une situation où la prolongation de la guerre fait le bonheur des lobbies d'armement tant russes et bien sûr iranien, nord-coréen, chinois que états-uniens, français, britanniques ou allemands.
Les déclarations alarmistes de dirigeants de pays européens ou de l'OTAN se multiplient sur la guerre probable en Europe et visent à créer une atmosphère alarmiste, justifiant une relance du surarmement.
Depuis maintenant des semaines, le ministre de la Défense allemand, Boris Pistorius [SPD], martèle sur toutes les ondes que l’Allemagne doit se préparer à une éventuelle guerre en Europe, estimant possible une confrontation avec la Russie d’ici cinq ans.
"Une défense forte nécessite une base industrielle solide. Celle-ci verra le jour si nous, Européens, regroupons nos commandes, si nous mettons en commun nos moyens et donnons ainsi à l'industrie des perspectives pour les 10, 20 ou 30 prochaines années", a souligné le chancelier Olaf Scholz, le 12 février dernier, en visitant l'usine d'obus Rheinmetall.
La présidente de l’exécutif européen, Ursula von der Leyen a estimé samedi 17 février qu'un nouveau poste de commissaire européen à la Défense devrait être créé au sein de la prochaine Commission européenne.
Ce choix de l'escalade militaire se manifeste en France par la décision du Président Macron d'accorder trois milliards d'euros de crédits militaires supplémentaires à l'Ukraine ce week-end et par, le lendemain, l'annonce du ministre Lemaire de couper un milliard d'euros dans le Fonds d'aide au développement pour les pays pauvres !
En définitive, si on rapproche ces deux constations : la première que la guerre va durer plusieurs années sans avantages décisifs pour une partie, la seconde qu’il y aura une intensification des dépenses d’armement et des fournitures d’armes ; la conclusion semble évidente. L’option militaire, malgré les beaux discours dans les forums inter-ministériels ou les couloirs de l'OTAN ne vise donc pas à abréger les souffrances de la population ou à raccourcir la durée de la guerre.
Il est nécessaire plus que jamais de sortir de cette impasse mortifère : agir pour la paix et l’arrêt des combats est une exigence éthique et morale, c'est la mise en oeuvre prioritaire du droit international et de l'article 1 de la Charte des nations unies qui s'impose à tous : "réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends".
Ceux qui déclarent que tout cessez-le-feu serait « déposer les armes », « entériner l’occupation » du territoire ukrainien, soient font fi des souffrances quotidiennes de la population lorsqu’il s’agit de “conseilleurs” extérieurs au pays, soient s’enferment dans une position nihiliste sans issue.
Une situation diplomatique n’est jamais figée définitivement, son évolution dépend des volontés politiques mises en œuvre. Travailler à des formules de cessez-le-feu global ou partiel ou temporaire n’est pas remettre en cause la souveraineté de l’Ukraine.
Cette exigence doit se tourner en priorité aujourd'hui vers le Président Macron et les dirigeants occidentaux pour qu'ils agissent conformément au droit international, pour mettre la pression diplomatique sur la Russie.
La mobilisation de l'opinion publique en France n'est pas à la hauteur des exigences. On constate même à la lecture de certaines déclarations, syndicales notamment, qu'on s'appuie sur la position d’« union sacrée » d’une partie des forces syndicales et militantes ukrainiennes pour appeler au soutien de cette résistance populaire (allant pour certains jusqu'à pour certains le soutien à la poursuite des fournitures d'armement), en ne rappelant pas l'urgence de l'ouverture d'un processus diplomatique pour la paix ou en y mettant des conditions préalables.  C’est une impasse politique qui nous ramènerait aux heures sombres de "l'union sacrée" de 1914.
Agir pour faire aboutir l'arrêt des combats en Ukraine et le démarrage d'une processus de paix doit être notre priorité, en ayant à l'esprit lés paroles d'Antonio Gutteres, Secrétaire général des nations unies, cette semaine, à la Conférence de Munich sur la sécurité : « Nous avons désespérément besoin d’une paix juste et durable pour l’Ukraine, pour la Russie et pour le monde. Une paix conforme à la Charte des Nations Unies et au droit international, qui établit l'obligation de respecter l'intégrité territoriale des États souverains".

Daniel Durand

Président de l'IDRP
20 février 2020

mardi 31 octobre 2023

Trêve humanitaire à Gaza, vite ! 120 pays le demandent à l’ONU !

 

Un des sentiments les plus répandus parmi les militants de la cause palestinienne est que les Nations unies sont impuissantes dans le conflit israélo-palestinien, que de nombreuses résolutions ont été votées et jamais appliquées, et qu’ainsi un véritable « double standard » s’est installé.

Ce raisonnement n’est pas faux puisque dès le départ, une situation anormale s’est créée. Ainsi, en 1947, l’Assemblée générale de l’ONU adopta un plan de partage de la Palestine (alors sous mandat britannique) en deux États indépendants, un juif et un arabe, Jérusalem étant placée sous régime internationali. Ce plan n’a jamais été mis en œuvre et dès 1948, Israël adopta la politique du fait accompli et proclama unilatéralement son indépendance en chassant par la force les paysans palestiniens de leurs terres (C’est la Naqbaii, la « catastrophe » pour les Palestiniens) et en battant les armées arabes qui l’attaquèrent.

Le deuxième grand rendez-vous manqué avec les Nations unies est 1967 : lors de la Guerre des Six joursiii, Israël réoccupa la majorité des territoires au-delà du Jourdain (Cisjordanie). Quelques mois après cette guerre de juin, le Conseil de sécurité de l’ONU vota la résolution 242iv, qui demanda le retrait des forces armées israéliennes des « territoires occupés ». On appelle la frontière tracée alors, la « ligne verte », ce qui demeurera la référence pour la communauté internationale.

En 1979, le Conseil de sécurité exigea l’arrêt des « pratiques israéliennes visant à établir des colonies de peuplement dans les territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés depuis 1967 »v, déclara que ces pratiques « n’ont aucune validité en droit » et demanda à Israël de respecter la convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre.

En 2003, le Conseil de sécurité, encore lui, se déclara « attaché à la vision d’une région dans laquelle deux États, Israël et la Palestine, vivent côte à côte, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues »vi, et demanda en conséquence aux parties en conflit de s’acquitter des obligations relatives à la « feuille de route » du Quartet.

À chaque fois après 1947, la discussion a eu lieu au Conseil de sécurité dont les membres permanents n’ont jamais introduit une clause de contrainte, qui est toujours possible si la résolution est inscrite dans le cadre de la défense de la sécurité internationale et fait référence au chapitre VII de la Charte des Nations unies, permettant d’utiliser la force armée pour faire respecter une décision.

À chaque fois, ce qui a manqué, il faut le dire aussi, c’est une pression suffisante des opinions publiques, d’un nombre suffisant d’États divers pour peser sur les grandes puissances pour l’application de ces résolutions.

Aujourd’hui, nous sommes des millions, à nous désespérer devant la situation dramatique des populations gazaouis, prises au piège des bombardements aveugles de l’armée israélienne. À tous, il faut dire qu’une voie politique existe depuis le 27 octobre pour obtenir une trêve humanitaire afin venir en aide à ces centaines de milliers de civils piégés dans cet enfer. Cette voie est très étroite, difficile et demande que chaque acteur politique sur cette planète prenne ses responsabilités.

Le vendredi 27 octobre, lors d’une session extraordinaire d’urgence, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la résolution intitulée « Protection des civils et respect des obligations juridiques et humanitaires »vii, par 120 voix pour, 14 contre soit la majorité requise des deux tiers. Celle-ci « demande une trêve humanitaire immédiate, durable et soutenue, menant à la cessation des hostilités ».

Pour mesurer l’importance de l’événement, il faut savoir que l’Assemblée générale de l’ONU ne peut aborder les questions de paix et sécurité internationale que si le Conseil de sécurité est reconnu être dans l’impasse, à cause du droit de veto des membres permanents.

En effet, en vertu du chapitre cinq de la Charte des Nations unies, le Conseil de sécurité est normalement chargé de maintenir la paix et la sécurité internationales. Cependant, le 3 novembre 1950, l'Assemblée générale a adopté la résolution 377 (« Union pour le maintien de la paix »)viii qui a élargi son autorité pour examiner des sujets qui étaient auparavant réservés uniquement au Conseil de sécurité. En vertu de la résolution, si le Conseil de sécurité ne peut parvenir à une décision sur une question en raison d'un manque d'unanimité, l'Assemblée générale peut tenir une session extraordinaire d'urgence dans les 24 heures pour examiner la même question.

Les sessions extraordinaires d'urgence sont rares, il n'y a eu que 11 sessions de ce type dans l'histoire de l'ONU.

Les résolutions adoptées alors par cette Assemblée générale extraordinaire d’urgence, ne sont, certes pas contraignantes, mais représentent réellement la volonté de la communauté internationale, ce qui signifie que chaque État est confronté à sa responsabilité politique voire morale de respecter celle-ci.

En 2022, après l’agression de la Russie contre l’Ukraine, face, là aussi, à la paralysie du Conseil de sécurité, une Assemblée générale extraordinaire avait voté le 2 mars, la résolution « Agression contre l’Ukraine »ix par 141 voix contre 5. Cette résolution exigeait que « la Fédération de Russie cesse immédiatement d’employer la force contre l’Ukraine ». Elle se félicitait « des efforts soutenus déployés par le Secrétaire général, les États Membres » et encourageait « la poursuite de ces efforts ». C’est en s’appuyant sur cette résolution, qui constituait un socle politique et juridique, que les États-Unis, le G7, l’OTAN, l’UE déployèrent des sanctions politiques, économiques et militaires de plus en plus larges contre la Russie.

Aujourd’hui, nous sommes dans une situation où, de la même façon qu’en 2022, la communauté internationale, dans le cadre de l’Assemblée générale extraordinaire des Nations unies, a pris, à une large majorité, des décisions pour mettre fin, sinon directement au conflit israélo-palestinien, mais, au moins, à la grave crise humanitaire qui se développe et pourrait se transformer en un énorme crime de guerre de masse.

Cette résolution demande plusieurs choses, notamment :

— « une trêve humanitaire immédiate, durable et soutenue, menant à la cessation des hostilités », « que la fourniture aux civils, dans l’ensemble de la bande de Gaza, de biens et services essentiels,[…] soit assurée de façon immédiate, continue, sans entrave et en quantités suffisantes », « l’annulation de l’ordre donné par Israël […] d’évacuer toutes les zones de la bande de Gaza situées au nord de Wadi Gaza », « la libération immédiate et inconditionnelle de tous les civils qui sont retenus illégalement en captivité ».

Enfin, la résolution exprime « son ferme appui à l’action menée sur les plans régional et international pour aboutir à une cessation immédiate des hostilités, assurer la protection des civils et fournir une aide humanitaire », et « demande à toutes les parties de faire preuve de la plus grande retenue et à tous les acteurs qui ont une influence sur elles d’œuvrer à la réalisation de cet objectif ».

Cela signifie pour tous les pays membres des Nations unies, s’ils veulent montrer la même volonté de travailler à la paix et à la sécurité internationale dans cette guerre au Moyen-Orient qu’ils l’ont fait dans le cas de la guerre Russie-Ukraine, de prendre immédiatement des initiatives politiques pour permettre l’application de cette résolution.

Comment contraindre efficacement le gouvernement de M. Netanyahou de proclamer « une trêve humanitaire immédiate, durable et soutenue », comment assurer sans entrave l’acheminement des secours, faire preuve de retenue en application du droit international ? Cette responsabilité politique vaut pour les États-Unis même s’ils ont voté contre la résolution, s’ils veulent respecter la communauté internationale. Cela vaut pour la France, qui a voté pour cette résolution si elle ne veut pas être accusée de pratiquer un double langage diplomatique. Cela vaut pour l’Union européenne et Mme Ursula von der Layen, si active pour soutenir l’Ukraine, et qui doit s’engager ici à promouvoir activement ces recommandations des Nations unies.

La question est posée de la prise de mesures politiques, économiques concrètes pour accentuer efficacement la pression sur M. Netanyahou. Ne faut-il pas envisager d’aller à des mesures de boycott comme l’arrêt de fournitures d’armements, munitions et de renseignements à Israël par les USA, de boycott commercial et financier par l’Union européenne ? Toujours sur le plan économique, on sait que la Turquie pourrait exercer une pression considérable en bloquant le pipeline qui la traverse depuis l’Azerbaïdjan ou le Kurdistan irakien et fournit une part importante des ressources énergétiques d’Israël. Concernant la libération des prisonniers et otages, là encore, quelles mesures et quelles pressions des USA sur Israël et de l’Iran sur le Hamas ?

Ce qui a été possible pour soutenir la population ukrainienne face à la guerre impitoyable russe doit être possible face à la réplique militaire aveugle de l’armée israélienne. Les mairies de France ont été illuminées aux couleurs de l’Ukraine. Pourquoi, aujourd’hui, ne porteraient-elles pas ce cri d’urgence : « TRÊVE HUMANITAIRE À GAZA, VITE ! »

Dans toutes les opinions publiques du Moyen-Orient, domine l’impression qu’il existe un « double standard » dans l’application du droit international. Emmanuel Macron a essayé sans grand succès de s’en dégager, lors de sa visite sur place, en affirmant qu’il ne faisait pas de distinction entre les victimes israéliennes et palestiniennes. La mise en œuvre rapide, efficace et sincère des recommandations de la résolution « Protection des civils et respect des obligations juridiques et humanitaires » de l’Assemblée générale extraordinaire des Nations unies du 27 octobre dernier sera un test décisif pour montrer les vraies volontés des principales puissances mondiales de tracer un chemin politique concret pour sauver la vie de dizaines de milliers de civils à Gaza, mais aussi en Cisjordanie et en Israël, pour ouvrir une voie vers la coexistence pacifique demain des deux peuples, israéliens et palestiniens, dans deux États souverains.

Daniel Durand - 30 octobre 2023

Président de l’IDRP (Institut de documentation et de relations internationales)

30 octobre 2023

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NOTES

lundi 23 octobre 2023

Israël – Palestine : un État ou deux États ? Débat académique et enjeu politique

Les populations civiles palestiniennes et israéliennes sont une fois de plus dans la tourmente après les attaques terroristes du Hamas le 7 octobre dernier et la riposte démesurée et illégale de l’armée israélienne sur Gaza. La diplomatie française a pris peu d’initiatives pour obtenir un cessez-le-feu et s’est contentée par la voix de la ministre, Mme Colonna, de réaffirmer que « c’est la paix qui apportera la sécurité et qu’il faut se diriger vers une solution à deux États, où chacun pourra vivre en paix et en sécurité »i.

La perspective de la cohabitation des deux États semblait, jusqu’à présent, être la solution de base admise partout, mais, depuis ces dernières années, un débat s’est ouvert dans la presse, les milieux universitaires, voire politiques, en particulier dans les pays occidentaux. Le journal Politis donne le ton : sous le titre « Regarder enfin le conflit en face », il assène : « Que veut dire la litanie de la solution « à deux États », répétée machinalement par Macron et Biden, quand on laisse faire la colonisation » ?ii

 Pour le chercheur Thomas Vescovi, « D’autres voies existent pour apporter la paix. Il faut prendre en compte le fait que les relations entre les deux peuples sont asymétriques »iii. L’IRIS consacre un dossier à la question et estime en présentation que « l’éventualité d’une solution à un seul État a refait surface et est à nouveau sujette à débat, notamment au vu de l’impasse dans laquelle se trouve les négociations israélo-palestiniennes »iv.

Pour autant, l’universitaire américain Jeff Halper, militant engagé pour la paix en Israël et partisan de cette solution, estime que « Elle n’est pas sur la table, mais elle deviendra pertinente, car avec l’effondrement que j’entrevois [...], la solution à deux États sera anéantie et tout le monde cherchera une alternative »v.

Regards sur l’histoire de la genèse de la notion d’État palestinien

En 1947, l’Assemblée générale de l’ONU adopte un plan de partage de la Palestinevi (alors sous mandat britannique) en deux États indépendants, un juif et un arabe. Jérusalem est placée sous régime international. Ce plan n’a jamais été mis en œuvre et dès 1948, Israël proclame son indépendance en chassant par la force les paysans palestiniens de leurs terres (C’est la Naqbavii, la « catastrophe » pour les Palestiniens) et en battant les armées arabes qui l’attaquèrent. Seuls restent hors contrôle israélien la Cisjordanie, la bande de Gaza, le Golan et Jérusalem, territoires administrés par la Jordanie.

En 1967, lors de la Guerre des Six joursviii, Israël réoccupe la majorité de ces territoires. Ces actions n'ont pas été reconnues par la communauté internationale. Quelques mois après cette guerre de juin, le Conseil de sécurité de l’ONU vote la résolution 242ix, qui demande le retrait des forces armées israéliennes des « territoires occupés ». On appelle la frontière tracée alors, la « ligne verte », ce qui demeurera la référence pour la communauté internationale.

L’expression politique palestinienne se structure dans les années suivantes pour former l’OLP (Organisation de libération de la Palestine qui milite alors pour la constitution d’n seul État laïc, binational, à l’ouest du Jourdain, mais commence à accepter l’idée d’un État palestinien séparé en Cisjordanie et à Gaza sur des terres qu’Israël évacuerait selon la résolution 242 du Conseil de sécurité. Dans ce cadre, les colonies devaient être démantelées et les réfugiés palestiniens devaient avoir le droit de revenir (en Israël et dans la nouvelle Palestine).

Du côté israélien, la solution d’un État binational n’est soutenue que par quelques groupes pacifistes radicaux, dont le journaliste et militant trotskiste, Michel Warschawski, est un des porte-drapeau, créateur de l’AIC (Alternative Information Center).

En 1998, après la première Intifada, révolte populaire palestinienne, la charte de l’OLP est amendéex pour reconnaître l’État d’Israël et assigner à l’OLP le but de créer un État palestinien à côté d’Israël. On peut dire que c’est à partir de cette date que l’OLP a échangé officiellement sa politique favorable à l’État binational pour la solution à deux États.

C’est cette décision historique qui permit le déroulement des accords de paix d’Oslo en 1994, de Charm-el-Cheikh en septembre 1999, puis de Tabaxi en janvier 2001. Ces accords posèrent alors les modalités de l’établissement d’un État palestinien, des conditions de souveraineté et les pourparlers à Taba présentèrent une amorce de solution sur la difficile question du retour des réfugiés. Il faut rappeler que si ces processus s’arrêtèrent, ce fut de la responsabilité du Premier ministre travailliste, Ehoud Barak, qui interrompit les pourparlers de Taba en démissionnant, provoquant les élections qui portèrent Ariel Sharon au pouvoir.

On connaît la suite : la politique de destruction systémique de tout le processus de paix par les premiers ministres israéliens Sharon puis Netanyahou, l’accélération des colonisations illégales en Cisjordanie, le soutien souterrain des ultras israéliens à la prise du pouvoir par le Hammas à Gaza pour casser l’influence du gouvernement légitime de l’Autorité palestinienne.

Comme le rappelle fort justement Christian Picquet sur son blogxii, le programme du Hammas n’est pas « la proclamation de l’État palestinien indépendant d’Israël, comme d’aucuns l’imaginent, mais la création d’une théocratie, d’un califat islamique ». Il est étrange de voir en Occident des démocrates qui sont horrifiés par la politique régressive des Talibans en Afghanistan décerner des brevets de bons résistants à cette organisation terroriste !

Deux États ou un État binational : un débat académique ?

C’est l’universitaire américain Jeff Halper, pourtant favorable à la solution d’un État binational qui estime que : « À l’heure actuelle, la solution à un État reste un débat académique »xiii.

Pour certains chercheurs : « Israël parle vaguement d’un État palestinien, mais c’est comme un fromage gruyère : à peine 30 % de toute la Cisjordanie pourrait revenir aux Palestiniens selon les termes dans lesquels parlait Israël », dit Najib Lairinixiv.

L’analogie alimentaire est utile aussi à M. Rabkinxv : « C’est comme si on était en train de négocier comment partager une pizza en deux, et l’un d’entre nous la mange en même temps. »

Effectivement, entre les accords de paix d’Oslo et 2021, le nombre de colons israéliens a quadruplé en Cisjordanie, passant de 116 300 à 465 400. Ces colonies ont grignoté le territoire palestinien et éloigné de fait la solution des deux États.

Cela fait dire avec pessimisme, au chercheur Bertrand Badie, « En tout cas, aucune des conditions nécessaires pour la faire avancer n’est réunie. Il y en a au moins trois : une pression conjuguée de la communauté internationale (avec un vote unanime du Conseil de Sécurité, par exemple) ; l’intégration par Israël de cette solution dans ses projets à moyen et long terme ; l’adhésion de l’ensemble des forces palestiniennes au projet »xvi.

Bien que le pessimisme envers la solution à deux États ait grandi dans le monde des chercheurs internationalistes, l’unanimité n’y règne pourtant pas. Le chercheur Frédéric Encelxvii est de ceux pour qui « La solution à deux États pour les deux peuples est toujours possible » !

Il rappelle que « en 1982, à la suite des accords de paix de Camp David de 1978, Israël évacuait la totalité des bases et des huit implantations du Sinaï égyptien ; le premier ministre était alors pourtant le faucon Menahem Begin. En 2005, Israël évacuait les bases et les vingt colonies de peuplement de la bande de Gaza ; le premier ministre était aussi un faucon, en l’espèce Ariel Sharon. Dans les deux cas, l’opinion suivit largement ».

Le débat est donc aujourd’hui largement ouvert au niveau des chercheurs, politiques qui travaillent sur cette question. La complexité du débat, voire la perplexité devant l’issue de celui-ci est résumée ainsi par le spécialiste Dominique Vidal : « Cela peut prendre la forme d’un État commun, d’un État binational ou d’une confédération avec la Jordanie. Comment traduire politiquement l’idée d’égalité ? Certains affirment que l’État commun serait une utopie irréaliste. Sans doute, mais il en va de même avec la solution à deux États »xviii.

En même temps, ce débat se déroule concrètement sur le terrain et dans les instances de négociations internationales, ce que j’appelle le champ de la politique en action.

La solution à deux États et la reconnaissance universelle de l’État de Palestine : le seul horizon opérationnel ?

Christian Picquet, résume en une phrase, ce qui pour moi, doit être le point de départ de la réflexion « Ne cédons toutefois pas à l’illusion que constitue l’idée de structuration étatique unique, à laquelle ni les Palestiniens, ni les Israéliens ne se montrent prêts, [...]. Une coexistence future suppose, après tant d’années de face-à-face dévastateur, que le peuple nié dans ses droits puisse exercer sa souveraineté dans un cadre qui lui fût propre ».

Le chemin de la reconnaissance par les Palestiniens de l’existence d’Israël comme État, ayant une identité juive particulière, a été long et difficile, mais reste une clé de tout processus de compréhension réciproque entre les deux peuples.

Inversement, la reconnaissance et l’existence d’un État palestinien, d’une République de Palestine, est la clé d’entrée de plusieurs problématiques : la question des frontières, des terres et surtout, la question du droit au retour des Palestiniens. L’acquisition pleine et entière d’une nationalité est, par exemple, la seule vraie possibilité pour tous les Palestiniens, et notamment, ceux qui croupissent dans les camps de réfugiés comme au Liban, aujourd’hui apatrides, d’accéder à une réelle citoyenneté, un véritable passeport et non une simple autorisation de voyager comme maintenant.

Cela ouvrirait, à condition qu’il y ait un engagement d’accueil de la part des États-Unis et des grands pays européens (Allemagne, France, Royaume-Uni), la possibilité pour eux, de choisir leur vie librement et dignement : revenir dans la terre de leurs ancêtres ou pour la majorité d’entre eux, je pense, et surtout pour les plus jeunes, reconstruire leur vie en émigrant dans les pays occidentaux, qui restent aujourd’hui un rêve d’émissions et de séries télévisées.

Ne nous voilons pas la face : c’est la problématique de la solution à deux États qui permet à l’Autorité palestinienne d’exister au plan international, de se battre pour la reconnaissance de la Palestine et une solution de paix à l’ONU, où elle est reconnue comme nation observatrice, à l’égal du Vatican, ainsi qu’à l’Unesco où elle est membre à part entière.

Les attentats du Hamas du 7 octobre dernier, l'offensive aérienne de Tsahal et leurs conséquences sur les civils ont renforcé la « détermination » de Joe Biden en faveur de la solution à deux États, a assuré le président américain lors d'un déplacement en Israël. ou le président chinois, Xi Jinping, qui a rappelé que « la solution fondamentale pour résoudre le conflit récurrent entre Palestiniens et Israël est de mettre en œuvre la solution dite à deux États, d’établir un État palestinien indépendant et de parvenir à une coexistence pacifique entre la Palestine et Israël »xix.

C’est ce qui fournit le socle au soutien très fort des Nations unies, rappelé par le Secrétaire général de l’ONU à l’occasion de la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien (22 novembre 2022) : « La position des Nations Unies est claire, la paix doit progresser – l'occupation doit prendre fin. Nous sommes fermement déterminés à concrétiser la vision de deux États, Israël et la Palestine, vivant côte à côte, dans la paix et la sécurité, avec Jérusalem comme capitale des deux États »xx.

Enlever cette perspective politique des deux États, ce défi de la reconnaissance de la République de Palestine, serait faire s’écrouler aux yeux des puissants de ce monde, la matérialité du peuple palestinien, déstabiliser complètement l’Autorité palestinienne, s’ôter les moyens d’accentuer la pression et le rapport de forces qu’il est nécessaire de faire grandir dans l’opinion et dans les enceintes internationales.

C’est dans ce seul combat politique qu’existe des perspectives, faibles certes, mais les seules possibles aujourd’hui., comme celles qu’évoque par exemple, Frédéric Encel « Si l’Autorité palestinienne acceptait de reprendre en charge Gaza – forte de l’aide internationale à la reconstruction qui ne manquerait pas de parvenir – et si une coalition gouvernementale centriste advenait en Israël, tout serait de nouveau possible. Cela fait deux « si » difficiles à réunir ? Peut-être, mais il n’est pas d’alternative sérieuse »xxi.

J’ajoute qu’il ne faut pas perdre de vue la possibilité d’un revirement politique de Biden, la possibilité que celui-ci décide un jour, s’il le juge nécessaire, de « tordre le bras » à Netanyahou, s’il estime que l’aggravation de la situation politique au Moyen-Orient, pourrait porter préjudice à la politique générale américaine.

N’oublions pas cet autre objectif politique que constitue la nécessité de la reprise en main politique de Gaza par le gouvernement légitime palestinien, suppose l’élimination politique du Hammas : on voit bien alors que le débat sur la qualification de « terrorisme » pour l’action de celui-ci le 7 octobre dernier prend toute sa signification.

C’est pourquoi, dans certains appels à manifester le dernier week-end du 21 octobre, j’ai vu avec effarement que si il y avait généralement condamnation des opérations criminelles du Hammas, celles-ci n’étaient pas toujours qualifiées de « terrorisme », ce qui amène l’idée sous-jacente qu’il s’agit de simples « bavures » dans une opération de résistance militaire légitime, alors qu’il est clair que les massacres généralisés de civils avaient été planifiées comme but final par les dirigeants du Hamas. De même dans ces mêmes appels à manifester, la revendication de la reconnaissance de l’État de Palestine notamment par la France et les États-Unis et l’exigence d’une solution à deux États se retrouvaient gommés au profit de vagues formules sur « la reconnaissance des droits du peuple palestinien » ou « l’application des résolutions des Nations unies ».

Soyons clairs et parlons vrai : l’ambiguïté ou l’absence de mention de ces deux notions fondamentales affaiblit l’action de la République de Palestine, affaiblit le combat pour une paix juste et durable dans cette région. Soyons donc très précis dans nos mots d’ordre pour la paix au Moyen-Orient !

Qu’en est-il sur place du sentiment des populations ?

En septembre dernier, une enquête a été menée par le Pew Research Centerxxii en Israël, à Gaza et en Cisjordanie, il a été demandé aux personnes interrogées si une solution pouvait être trouvée par la formation d'un État palestinien indépendant et si celui-ci pouvait coexister pacifiquement avec Israël. 35 % seulement des israéliens interrogés estiment qu'une coexistence pacifique entre Israël et la Palestine est possible. Cela représente une baisse de 15 points, par rapport à il y a dix ans.

Pour les Palestiniens, près d'un tiers des Palestiniens se déclarent aujourd'hui favorables à la solution des deux États, selon une enquête réalisée en septembre, par le Palestinian Center for Policy and Survey Research. Si le soutien à la solution des deux États a légèrement augmenté, une majorité de 67 % des Palestiniens s'opposent à la solution des deux États, citant l'expansion des colonies comme l'une des principales raisons de leur scepticisme.

Selon une autre étude, réalisée par « YouGiv » pour le site d'information « Arab News », réalisée à l'occasion du 75e anniversaire de la Nakba, 51 % des personnes interrogées soutiennent la solution à deux États, surtout parmi les Palestiniens plus âgés - elle est soutenue par 63 % des personnes âgées de plus de 45 ans, contre seulement 42 % des personnes âgées de 18 à 29 ansxxiii.

Le 6 octobre, à la veille de la journée sanglante, plusieurs centaines de femmes du mouvement israélien Women Wage Peace (Les femmes œuvrent pour la paix) et de l’association palestinienne Women of the Sun (Les femmes du soleil) ont manifesté en faveur de la paix à Jérusalem et près de la mer Morte.

Aujourd'hui,les positions n'ont guère évolué. Les organisations pacifistes radicales qui étaient en faveur d'un État bi-national, continuent de l'être comme Michel Warchaski. Les autres, continuent de soutenir la proposition d'un État palestinien indépendant. Ainsi, Lior Amihai, animateur de Shalom Akhshav en Israël, voit « trois missions immédiates pour la Paix maintenant » : « la première, c’est de faire pression sur le gouvernement pour obtenir la libération des nombreux otages aux mains du Hamas ». « Il faut ensuite continuer de diffuser l’analyse – désormais partagée par beaucoup je pense – que la raison pour laquelle nous en sommes là est qu’Israël a préféré payer le Hamas pour s’établir à Gaza au détriment des voix modérées de l’OLP parce qu’il voulait détruire l’idée d’un État palestinien. Enfin, l’opération militaire devra s’accompagner d’un agenda politique en faveur des droits des Palestiniens à un État et à l’auto-détermination »xxiv.

Le choix de l’action

Le lecteur de cette étude comprendra que, au-delà de l’analyse des conditions et des conséquences de la question territoriale en Israël et Palestine : État bi-national ou deux États vivant côte-à-côte, j’ai voulu montrer que nous étions arrivés à un moment de l’Histoire où les considérations géopolitiques les plus éclairées, ne suffisent plus et qu’il faut créer les conditions d’avancées concrètes, au plan diplomatique, pour créer un nouvel environnement de construction de la paix au Proche-Orient.

Il est insupportable de laisser des centaines de milliers de civils, soit vivre dans la peur des attentats aveugles, soit dans l’angoisse d’être obligés de vivre dans la crainte des bombardements tout aussi aveugles, ou encore de non-vivre dans l’anonymat et la désespérance des camps de réfugiés.

Une seule solution politique a été suffisamment discutée, élaborée, dans toutes ses moindres conséquences : c’est celle dite à « deux États ». C’est autour d’elle que s’est bâti le système diplomatique de reconnaissance d’une République de Palestine que 123 États du monde ont déjà reconnue.

Elle sera difficile, nous le savons, y compris avec les dirigeants actuels des deux côtés. Les dirigeants israéliens sont discrédités, les grandes manifestations récentes l’ont montré. Les dirigeants palestiniens ont perdu de leur autorité morale. Peut-il y avoir un « phénomène Mandela » avec Marwan Barghouti qui a maintenant 63 ans et est emprisonné depuis 21 ans ? Mandela avait été libéré à 72 ans après 27 ans de prison… C’est l’avenir et le peuple palestinien qui le diront, si les prisonniers politiques sont libérés.

En tout état de cause, vouloir rebâtir de zéro la question étatique serait suicidaire. Il faut, par contre, lever un obstacle de taille, celui de l’hypocrisie des grandes puissances occidentales : États-Unis, France et Royaume-Uni. Ils doivent cesser de parler de solution politique « à deux États » et ne rien faire. Ils doivent agir.

Il faut que se rassemblent toutes les bonnes volontés pour dire : Pour la paix entre Israéliens et Palestiniens, reconnaissez MAINTENANT la République de Palestine, construisez la solution à « deux États », réglez la question du retour des réfugiés et de la libération des prisonniers politiques ! Just do it NOW !

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NOTES

xiiiJeff Halper - ibidem

xvLe Devoir - ibidem

xxiEncel - ibidem

mercredi 11 octobre 2023

Israël – Palestine : parler clair

Des centaines de victimes civiles innocentes israéliennes, après les attaques du Hamas, chiffre effroyable auquel répond dans une dérisoire balance, des centaines de victimes civiles palestiniennes. Demain, ce terrible décompte risque d’exploser en cas de blocus total et de bombardements de masse israéliens contre la population de Gaza.
Devant une situation aussi grave, il est temps de parler clair.
Il n’y a pas de « droit à une résistance militaire » face à l'occupation israélienne, sans respect du  droit international humanitaire. Dans la cas de l’attaque du Hamas, quels objectifs militaires ont-ils été poursuivis ? Combien de militaires israéliens ont-ils été tués dans ces assauts ? Combien de postes militaires organes de représentation de l'autorité israélienne ont-ils été attaqués ? Combien de postes de lancement de missiles ont-ils été détruits ? Aucun. Le seul bilan de ces attaques a été le massacre de centaines de jeunes gens et de jeunes filles écoutant de la musique ; le massacre de dizaines de familles d’agriculteurs dans des fermes coopératives ; des actions visant uniquement à « terroriser » les populations civiles, ce qui est interdit par le droit international.
Le masque du Hamas est tombé : ce n'est pas une organisation de résistance palestinienne et il ne représente pas le peuple palestinien. Les résistants palestiniens, ce sont les paysans luttant pour garder le droit de récolter leurs olives, les villageois empêchant la démolition de leurs maisons par les colons fanatiques israéliens, ce sont toutes les associations palestiniennes qui agissent au quotidien pour faire vivre leurs villages en Cisjordanie. Ce ne sont pas les racketteurs du Hamas qui détournent une large partie de l’aide internationale destinée aux Gazaouis..
Continuer à parler de résistance militaire et politique à propos du Hamas est une faute politique qu'il faut arrêter de commettre.
Il y a deux urgences aujourd’hui. La première est d'empêcher qu'à un massacre injustifiable de civils israéliens réponde tragiquement un autre massacre tout aussi injustifiable, au regard du droit international, de la population civile palestinienne. On ne répond pas à des crimes contre l'humanité par d'autres crimes contre l’humanité. La loi du talion doit rester dans les oubliettes de l’histoire.
Il n'y a pas d’autres priorités pour les États membres du Conseil de sécurité que de répondre à l'appel du Secrétaire général des Nations Unies pour faire lever le blocus israélien contre la population civile Gaza, blocus qui est interdit par le droit international, afin d’empêcher la mort de milliers de victimes innocentes.
Il n'y a pas de démarche sélective à avoir et à choisir les « bonnes » victimes : une maman palestinienne qui vient de perdre son enfant équivaut à une maman israélienne qui vient aussi de perdre le sien, un jeune homme ou une jeune fille israélienne qui vient d'être massacré en écoutant de la musique équivaut à un jeune homme ou une jeune fille palestinienne tué à un barrage de l’armée israélienne.
La seconde urgence  pour tous les citoyens et citoyennes du monde qui veulent qu’un jour, la paix règne en Israël et Palestine est de redoubler d'efforts pour la reconnaissance universelle de l'État de Palestine.
138 pays sur les 193 que compte l’ONU ont déjà effectué cette reconnaissance. Seules trois grandes puissances bloquent encore : les États-Unis, le Royaume-Uni et la France. Notre pays avait, dans les années 2000, contribué de manière positive à faire avancer les processus de paix au Moyen-Orient. Aujourd’hui, la France refuse de reconnaître l'État de Palestine, sous prétexte d’attendre d’abord la mise au point de la solution diplomatique « à deux États ».
C’est une position hypocrite : au contraire, la reconnaissance universelle de l'État de Palestine permettra de débloquer la situation. Elle permettra les progrès des négociations pour créer deux États indépendants côte à côte avec Jérusalem comme capitale.
Il y a urgence à relancer la pression de l’opinion publique nationale envers le Président Emmanuel Macron pour qu’il reconnaisse, comme les 138 autres pays dans le monde, la République de Palestine, qu’il prenne des initiatives diplomatiques fortes pour relancer les négociations pour une solution « à deux États » afin qu’un jour, enfin, ces deux peuples puissent co-exister pacifiquement. Nous avons une responsabilité comme citoyen et citoyenne français, luttant pour la paix. Mais, pour cela, nous devons parler clair et avec détermination dans la situation actuelle.
Daniel Durand
10 octobre 2023

dimanche 10 septembre 2023

Daniel DURAND sera l'invité d'Espaces Marx Aquitaine en visioconférence le Mardi 12 Septembre à 19h autour de son livre "La paix, c'est mon droit !" 21e siècle, vers la guerre ou vers la paix ?

Mardi 12 Septembre à 19h, en visioconférence, 

Espaces Marx organise une Conférence-débat 

avec la participation de Daniel DURAND 

autour de son livre 

"La paix, c'est mon droit !" 21e siècle, vers la guerre ou vers la paix ? 

publié en aoüt 2023 aux éditions "Books on Demand". 

 Pour Participer à la réunion Zoom : https://us02web.zoom.us/j/87533432394 

 Après avoir été un acteur actif du Mouvement de la paix à l'échelle nationale et internationale dans les années 2000, Daniel Durand a publié plusieurs ouvrages sur les institutions internationales ("Changer le monde, changer l'ONU" en 2006), les conflits ("Irak, qui a gagné ?" en 2003), le désarmement ("Désarmer ou périr" en 2008 et "Désarmement nucléaire, le rebond" en 2010). En 2018, il présente ses réflexions sur l'histoire de la lutte pour la paix ("1914-1918, cent ans après, LA PAIX !" ). Aujourd'hui, dans cet ouvrage, il trace un panorama complet des évolutions du monde et des incertitudes de ce siècle, face à la question de la guerre et de la paix. En affirmant "La paix, c'est mon droit !", il prend clairement parti pour une humanité débarrassée du fléau de la guerre. 

(196 pages - Éditeur : Books on Demand - 15 € ou e-book : 5,99 €). 

Pour la commande de ce livre au format papier et au format e-book, aller sur la page de BoD à https://www.bod.fr/librairie/la-paix-cest-mon-droit-daniel-durand-9782322487745. Outre le site internet ci-dessus, il est possible de le commander directement auprès de l'auteur par chèque de 21 €, transport inclus - renseignements par mail à ddurand42@gmail.com

JOURNALISTES : un service de presse gratuit sous forme d'e-book peut être fourni aux journalistes qui le souhaitent (le demander par mail : ddurand42@gmail.com). 

https://ddurand42.wixsite.com/culturedepaix/a-propos https://culturedepaix.blogspot.com/2023/08/la-paix-cest-mon-droit-dernier-livre-de.html 

Rencontre organisée par Espaces Marx Aquitaine - Mardi 12 Septembre 2023 à 19h Participer à la réunion Zoom 

https://us02web.zoom.us/j/87533432394 

La soirée sera animée par Dominique BELOUGNE