mardi 25 avril 2023

À propos de la prochaine Loi de programmation militaire française (III sur III)

RÉFLEXIONS POUR AUJOURD’HUI ET POUR DEMAIN


L’examen approfondi de la Loi de programmation montre qu’elle est “plombée” par la priorité absolue donnée au renouvellement (donc plus qu’une « modernisation »), des armes nucléaires françaises.

Quelle pertinence pour le « tout-nucléaire » militaire ?

Premièrement, sur le plan du droit international, même si la France aujourd’hui refuse toute adhésion au Traité sur l’Interdiction des armes nucléaires (TIAN) – norme de droit international signée par 92 États et qui compte 68 États membres – elle s’est engagée juridiquement en ratifiant le TNP (Traité de non-prolifération nucléaire – août 1992) « à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire. » Comment la France compte-t-elle respecter cette obligation en mettant en œuvre une LPM qui lance la production de systèmes d’armes nucléaires qui seront en service jusque dans les années 2090 ?

De manière plus immédiate, quel signal envoie la France au moment où, au niveau du Conseil de sécurité, du G20 en novembre 2022, au G7 en avril, la préoccupation des grandes puissances grandit contre les risques de banalisation des armes nucléaires. Le G20 a déclaré que « L’emploi d’armes nucléaires ou la menace de leur emploi sont inacceptables ». Comment est-il possible que le projet de LPM 2024-2030 promeuve une politique dite « inacceptable » ?

Un réseau d’ONG international comme ICAN pose une question qui mériterait débat : pourquoi la France qui s’affirme comme une grande puissance militaire et un acteur qui pèse dans les relations internationales, ne participerait pas comme État observateur 1à la Seconde Réunion des États parties au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, qui se déroulera en novembre 2023 au siège des Nations unies ?

Il y a bien sûr un deuxième angle de vue : celui de la sécurité nationale.

Les missiles M51 modernisés qui équipent les sous-marins nucléaires français ont été installés en 2018 sur le Triomphant. Ils sont donc loin d’être obsolètes, leur portée est de plus de 6 000 km, puisqu’ils ont été conçus contre une menace russe mais aussi chinoise. Personne ne conteste que le processus pour inclure les États nucléaires actuels dans le TIAN sera long et compliqué, mais la France n’a-t-elle pas une carte diplomatique à jouer pour promouvoir cette démarche ? Ne serait-elle pas capable d’obtenir des avancées significatives dans les dix ans à venir ? Ce délai ne permettrait-il pas d’éviter de se précipiter dans le ruineux renouvellement des grands programmes nucléaires, sans compromettre dans la décennie à venir notre sécurité ?

Sans partager mes analyses, un site proche des milieux militaires comme DSI n’est peut-être pas si loin de ce constat lorsqu’il écrit : « 2035 laisse 12 ans au politique pour considérer que la réduction d’une menace russe implique que l’on puisse revoir à la baisse les ambitions budgétaires »2

Droit international, sécurité nationale, ces deux angles de vues ne doivent pas faire oublier le troisième : celui du danger grandissant que fait peser la persistance de l’existence des arsenaux nucléaires et cela pour deux raisons principales. La non-application complète du TNP accroît le sentiment chez certains gouvernements que, s’ils possédaient des armes nucléaires, ils seraient à l’abri des menaces des grandes puissances nucléaires. C’est vrai pour l’Iran, cela le fut pour l’Irak ou la Libye. L’ex-Président Bill Clinton, dans une déclaration d’une rare stupidité politique, a déclaré : « Je me sens personnellement concerné parce que j’ai obtenu (de l’Ukraine) qu’ils acceptent de renoncer à leurs armes nucléaires. Et aucun d’entre eux ne pense que la Russie aurait fait ce coup si l’Ukraine avait encore ses armes »3. Deuxième aspect : l’implication directe ou indirecte de puissances nucléaires dans des conflits régionaux, comme la guerre d’Ukraine, peut conduire en cas de provocations ou d’incidents, au déclenchement accidentel d’un conflit nucléaire. Rappelons que les niveaux d’alertes et les temps de réaction des missiles nucléaires, n’ont pas été baissés significativement depuis la fin de la Guerre froide. C’est sans doute un des côtés les plus dangereux de la guerre entre l’Ukraine, soutenue par l’OTAN, et la Russie.

Quelle « haute intensité » ?

Cela amène comme deuxième remarque à questionner l’argument avancé par le gouvernement et certains responsables militaires sur le risque de guerre de « haute intensité »4.

Si l’on parle de menace, il faut parler de l’agresseur potentiel. Quel peut être cet agresseur capable de mener une guerre de « haute intensité » ? Parle-t-on de la Russie qui n’arrive pas à conquérir quelques centaines de km, carrés à côté de ses frontières et bases logistiques et dont on peut penser qu’il lui faudra 10 ou 15 ans pour reconstituer et moderniser son potentiel offensif face à l’OTAN, dont nous sommes encore membres et face au potentiel nucléaire américain, britannique et français toujours présent dans la décennie à venir ?

Quel autre agresseur de ce niveau ? La rivalité qui se construit entre USA et Chine est condamnée à être soit limitée à des affrontements régionaux dans l’Asie du sud-est, soit à échapper à tout contrôle et devenir holocauste nucléaire mondial. Dans les deux cas, nous ne serions pas dans un cas de conflit de « haute intensité » classique.

L’insistance française sur la thématique de la « haute intensité » ne se comprend donc que dans la vision d’une France entraînée dans les guerres de l’OTAN sous la conduite des USA dans les rivalités de ceux-ci avec la Russie demain et la Chine après-demain. Elle est en fait surtout utilisée par les partisans du lobby militaro-industriel (responsables militaires, chefs d’industries et politiques) depuis deux ans pour obtenir la hausse des crédits militaires à 2 ou 3 % du PIB.

Après ces deux remarques, on comprend déjà que les deux décennies à venir seront capitales :

— Soit, s’enfoncer dans une militarisation incontrôlable et vers les 3 % du PIB en 2030 comme certains le réclament déjà, tel Nicolas Baverez le 13 mars dans Le Figaro : « les progressions de 3 milliards d’euros par an prévu de 2023 à 2025 sont insuffisantes pour répondre aux besoins les plus urgents. Les menaces existentielles qui pèsent sur la sécurité de notre nation ne laissent pas d’autre choix que de se fixer pour objectif de porter l’effort de défense à 3 % du PIB en 2030 »5.

- Soit, choisir une politique innovante visant à faire redémarrer et progresser tous les processus de désarmement à l’échelle internationale. Si l’on s’inscrit dans cette deuxième voie, dans cette période transitoire, on peut admettre qu’il faille maintenir en bonnes conditions les programmes d’armement existants terrestres et aériens (visés souvent par les “glissements” et “coupes” dans la LPM) pour conserver une base militaire solide dans le cadre européen, y compris par rapport à des partenaires aux décisions incertaines comme l’Allemagne et la Pologne, mais il s’agit plus de décisions « conservatoires » et non de la fuite en avant comme dans la Loi de programmation militaire prévue.

Si la guerre de « haute intensité » est une hypothèse peu crédible, des conflits asymétriques sont possibles et l’excellence en matière de technologies nouvelles, drones, cybersécurité doit bien sûr être recherchée et développée, là encore, de manière « conservatoire » pour la décennie à venir.

Mais dans tous les cas de figure, la priorité reste celle-ci : va-t-on ou non à la construction d’une paix mondiale durable, à un « Ci vis pacem, para pacem » et non au mortifère « Ci vis pacem, para bellum » ?

 

Quelle politique nouvelle de paix et de sécurité ?


Que peut signifier une « politique innovante visant à faire redémarrer et progresser tous les processus de désarmement à l’échelle internationale », comme je l’écris au-dessus. Cette alternative mérite un débat national approfondi plus ouvert, plus élargi encore que ceux qui ont eu lieu dans les dernières années en France sur des sujets sociaux. Pour contribuer à cette réflexion, j’avancerai quelques propositions.

Cinq directions sont indispensables selon moi pour construire une telle politique :

 éliminer la menace nucléaire en travaillant à universaliser le TIAN en direction de toutes les puissances nucléaires, la persistance des arsenaux nucléaires est un véritable verrou de blocage pour des politiques de paix efficaces,

— travailler à la démilitarisation des relations internationales en renforçant le Traité sur le commerce des armes et en aboutissant à un vrai Traité sur la démilitarisation de l’espace. Aboutir à une véritable interdiction des ventes d’armes y compris au moyen de la création de zones d’exclusion de toutes fournitures d’armements est la clé pour tarir 90 % des conflits actuels. Enfin, la démilitarisation complète de l’espace est une nécessité absolue sinon, ce sera le champ d’affrontement de demain.

— renforcer le rôle des Nations unies pour qu’elles reprennent le leadership dans la résolution des conflits en lien avec les organisations régionales existantes au lieu de la survalorisation des organismes représentants les pays riches (G7 et G20) ou de la multiplication et pérennisation des multiples groupes informels de pays (groupe des Six sur l’Iran, format Normandie sur l’Ukraine, etc). Enfin, à l’heure de l’extension du rôle des réseaux sociaux, de l’information directe des citoyens, il est indispensable d’améliorer et renforcer les liens de l’Assemblée générale avec les représentants des peuples de la planète (ONG, élus locaux) comme l’Assemblée générale de l’ONU s’y était engagée en l’an 2000.

— le quatrième enjeu est de reprendre le chantier de la construction d’une infrastructure de sécurité commune en Europe, avec et non contre la Russie, en repartant sur ce qui avait commencé d’être bâti à la fin des années 1990 avec l’OSCE. Ce même travail doit être soutenu dans toutes les régions du monde : Afrique, Asie du sud-est, Moyen-Orient, Amérique du Sud. Ce renforcement des liens de sécurité commune au niveau des régions du monde en lien avec le Conseil de sécurité de l’ONU est la voie pour dépasser, rendre caduques, les alliances militaires, porteuses d’agressivité comme l’OTAN en Europe ou AUKUS dans le Pacifique.

La France peut jouer un rôle actif dans ce processus si elle tourne le dos à son suivisme des grandes puissances mené par les trois derniers Présidents de la République (Sarkozy, Hollande, Macron) et à la chimère dangereuse de reconstruction d’un bloc occidental ; qu’elle adopte une politique plus ouverte aux réalités du monde d’aujourd’hui : la montée de la place des BRICS, les frustrations persistantes du « Sud global ». Le point de convergence reste le respect de la Charte des Nations unies dans toutes ses dimensions : refus des rapports de force entre États, des « double standards’ de fait ».

Les opinions progressistes dans tous les pays où elles peuvent s’exprimer, ont un rôle important à jouer. En l’an 2000, elles avaient pesé pour faire entendre leur voix lors du Forum du Millénaire et adopter un « Plan d’action du Forum du millénaire »6 audacieux que les conséquences de l’attentat des Twin Towers, un an plus tard, et la lutte contre le terrorisme ont fait capoter en partie. Agir pour obtenir que le Secrétaire général des Nations unies travaille à l’organisation d’un nouveau Forum des peuples et un Sommet des États pour faire face aux nouveaux défis : menaces de guerre, menaces climatiques, pauvreté et problèmes sociaux encore trop aigus, devrait être une priorité d’action.

La société internationale vit une période transitoire. Elle essaie de s’organiser face aux nouveaux périls qui menacent notre planète. Elle s’est attaquée au premier défi du réchauffement climatique avec les Conventions climat ; elle avance péniblement avec la lutte pour réaliser les ODD, Objectifs de développement durable mais a montré sa capacité à surmonter une crise sanitaire majeure comme la COVID 19 ; elle n’a pas encore trouvé le chemin pour renforcer la construction d’une sécurité collective et de la paix entre les toutes les nations, même si des jalons solides ont été plantés avec les nouveaux traités de désarmement comme le TIAN ou le TCA.

Nous n’avancerons pas en écoutant les voix des hypocrites qui agitent les spectres de menaces multiples pour construire de nouveaux murs, préparer les nouvelles guerres de demain, pour assouvir leurs appétits de puissances et de profits financiers. Nous avancerons en étant déterminés à saisir toutes les opportunités de coopérations entre les peuples, en les transformant en actes positifs et concrets, dans l’esprit de la Charte des Nations unies, qui rassemble l’humanité depuis près de 80 ans, en commençant par ces mots : « We, the people » ! (« Nous les peuples » !).

Daniel Durand – 21 avril 2023

Président de l'IDRP (Institut de Documentation et de recherches sur la paix)


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3 - Entretien accordé à la chaîne irlandaise RTÉ, publié le 4 avril 2023 – https://www.bfmtv.com/international/europe/ukraine/bill-clinton-dit-regretter-d-avoir-œuvre-a-denucleariser-l-ukraine_AN-202304050511.html – vu le 21 avril 2023

À propos de la prochaine Loi de programmation militaire française (II sur III)

LES CARACTÉRISTIQUES DE LA LPM 2024-2030

 

Venons-en d’abord aux grandes lignes des programmes d’armements proposés par le Président de la République et qui seront discutées à l’Assemblée nationale puis au Sénat en mai-juin prochain.

Cette Loi de programmation militaire (LPM) augmente considérablement (plus d’un tiers) les crédits de la précédente LPM, qui étaient de 295 milliards d’euros sur cinq ans, en prévoyant une somme totale de 413 milliards d’euros jusqu’en 2030, soit sur sept ans. Il est prévu que ces objectifs soient actualisés avant la fin de l’année 2027 (c’est-à-dire révisés à la hausse si l’état d’esprit des gouvernants actuels ne change pas).

L’augmentation du budget des armées sera régulière dès cette année : elle sera comprise entre 3 et 4 milliards d’euros, l’objectif étant d’atteindre un budget de 69 milliards d’euros d’ici 2030.

En 2023, le budget de la défense, fixé d’abord à 43,9 milliards d’euros, devrait être augmenté de 1,5 milliard supplémentaire d’ici à la fin de l’année. Avec cette quatorzième LPM, ce budget augmentera ensuite de :

— 3,1 milliards d’euros en 2024 ;

— 3 milliards d’euros en 2025, 2026 et 2027 ;

— 4,3 milliards en 2028, 2029 et 2030.

Le pactole nucléaire

Quelle est l’enveloppe pour la dissuasion nucléaire dans cette LPM puisque le ministre de la Défense dit que la modernisation de la « dissuasion nucléaire » est un des fondamentaux de cette LPM ?

Le chiffrage exact n’est pas révélé. Seul, le total non détaillé des dépenses pour la dissuasion figure à chaque budget annuel : il s’élevait à 4,12 milliards en 2021.

1/ Le programme de recherche est lancé pour se doter d’une troisième génération de sous-marins nucléaires, lanceurs d’engin (SALE 3G).

Ces SALE 3G auront un tonnage équivalent à ceux de la Classe « Le Triomphant », lesquels affichent 12 685 t en surface et 14 335 t en plongée. L’effort portera donc sur la discrétion acoustique, la furtivité et les systèmes d’armes.

Les 16 missiles embarqués sur chacun d’eux seront le seul programme non entièrement nouveau, puisqu’il s’agira toujours de missiles M51, mais ils seront régulièrement modernisés et améliorés tout comme leurs têtes nucléaires,

2/ La LPM prévoit la construction d’un porte-avions à propulsion nucléaire de nouvelle génération amené à faire la jonction avec le « Charles-De-Gaulle » à l’horizon 2038,

Coût total du projet : 5 milliards d’euros jusqu’en 2030, sans doute plus de 10 Mds d’euros à l’arrivée.

Ce porte-avions est l’outil de support privilégié de la 2e composante nucléaire, la composante aéroportée avec des missiles ASMP-A rénovés qui sont portés aujourd’hui par des Rafales.

On peut dire que la France a décidé non pas d’une simple modernisation mais d’un renouvellement quasi complet de ses forces nucléaires d’ici 2035.

Revenons sur le coût total de la dissuasion nucléaire, même si son montant total n’est pas divulgué, on peut faire des approximations fiables.

On a un point de repère avec les chiffres donnés par le DGA (Délégué général pour l’armement), lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le 1er février 20231. Il a déclaré que « 25 milliards d’euros ont été consacrés à la dissuasion pour la période 2019-2023. La loi de finances initiale pour 2022 y dédiait 5,3 milliards d’euros et le projet de loi de finances pour 2023 prévoit 5,6 milliards d’euros de crédits de paiement. La part des crédits consacrés à la dissuasion dans le budget de la mission défense hors pensions reste stable : 12,8 % en 2023 pour 12,9 % en 2022 ». Il a précisé que « La dissuasion est une part importante, c’est 13 % de l’enveloppe globale ». Comme l’a fait remarquer le réseau ICAN, 13 % de 413 Mds d’euros, cela représente une somme totale minimum de 53,9 Mds d’euros en sept ans pour la dissuasion nucléaire, c’est considérable !

Comme les programmes lancés ne s’achèveront qu’en 2035-2037, cela signifiera que la LPM suivant celle-ci comptera une somme équivalente pour les équipements nucléaires. La construction de nouvelles armes nucléaires et la modernisation de certaines représentera donc un coût total dans douze ans d’au moins cent milliards d’euros !

Il faut noter que ces coûts officiels n’intègrent pas toutes les dépenses liées à la mise en œuvre de cette force selon ICAN France.

En effet, il ne faut pas oublier qu’il faut compter en dehors de ces dépenses directes de la dissuasion, d’autres dépenses pour les équipements militaires d’accompagnement et pour le démantèlement des anciens équipements (chaudières nucléaires des SALE par ex).

Parmi les autres équipements, il y a les sous-marins nucléaires d’attaque, dont le premier exemplaire a été lancé en 2019 à Cherbourg par le président de la République, programme qui coûtera 9 milliards d’euros.

Autour du porte-avion nucléaire, il faut également compter tous les vaisseaux de surface, frégates, nécessaires à sa protection.

Nouveaux financements et « coupes inattendues »

À côté des programmes “principaux” ont été annoncés des financements en augmentation sur des secteurs liés à des problématiques de combats plus récentes :

— Selon le ministre Sébastien Lecornu, 5 milliards d’euros seront consacrés sur la période 2024-2030 à l’achat de drones2.

Concernant la cybersécurité, « la nouvelle LPM propose de tripler l’effort consacré au cyber, qui atteindra près de 4 milliards d’euros », indique Sébastien Lecornu dans le JDD du 9 avril 20233.

Enfin, le réapprovisionnement de stocks de munitions rendus exsangues en partie à cause du soutien militaire de la France à l’Ukraine est estimé à 16 Mds d’euros. À noter que les coûts spécifiques prévus par notre soutien à l’Ukraine sont estimés à 13 Mds d’euros, somme qui, selon le ministre, n’est pas incluse dans la LPM et sera financée en plus.

Après cet aperçu rapide des grands programmes d’armement, liés notamment aux forces nucléaires et aux dépenses d’innovation technologique, un autre moyen d’évaluation de cette LPM est de la considérer dans ses grandes masses.

Une première observation montre que sur les 413 Mds d’euros annoncés, 268 milliards d’euros sont prévus pour les équipements dont 100 milliards destinés aux grands programmes d’armement. Il faut aussi ajouter les sommes importantes destinées à augmenter les taux de disponibilité (maintenance) des équipements (49 milliards d’euros dédiés au maintien en condition opérationnelle, + 40 %),

La seconde remarque porte sur la place prépondérante que représente la dissuasion nucléaire. Les moyens accordés au nucléaire sont en augmentation constante depuis 2017. L’avancée des travaux sur les quatre futurs sous-marins lanceurs d’engins de troisième génération (SALE 3G), prévus pour 2035, mais aussi pour les évolutions du missile M51 et le nouveau missile aéroporté ASN4G, sont la cause de l’alourdissement de la facture.

Troisième remarque : selon le magazine Challenge (4), la hausse des effectifs du ministère va aussi consommer beaucoup de ressources : le nombre d’agents va augmenter de 700 postes en 2024 et en 2025, puis de 800 en 2026, 900 en 2027, 1 000 en 2028 et 2029, et 1 200 en 2030.

Quatrième remarque : l’inflation prévue est estimée par le ministère à 30 milliards d’euros sur la durée de la programmation. C’est presque un tiers de la hausse des crédits annoncée.

Cinquième remarque : le Service national universel (SNU) disparaît de la Loi de programmation militaire (LPM). Le projet est reporté compte tenu du contexte social en France.

La dernière observation n’est pas la moindre. La LPM 1924-1930 recèle une contradiction de taille : malgré cette somme colossale de 413 milliards d’euros, le ministère des Armées a dû réaliser soit des glissements ou reports de crédits importants sur des programmes majeurs, voire des « coupes claires ».

Voici des exemples de ces “coupes” ou “glissements”, selon le blog « Lignes de défense »5 :

— 200 chars *Leclerc* seront rénovés, dont 160 avant 2030. Mais la modernisation des 40 derniers exemplaires est reportée à l’horizon 2035,

— Pour les véhicules blindés, la mise en service (ainsi que la production) de 100 Jaguar (sur 300) (engin blindé de reconnaissance et de combat destiné à remplacer les AMX), 473 Griffon (sur 1827) (véhicule blindé multi-rôles (VBMR) qui doit remplacer les VAB) ainsi que 633 Serval (sur 2038) (autre véhicule blindé multirôles léger) sera reportée au-delà de 2030.

— mêmes glissements du côté de la Marine. La cible 2030 des frégates de défense et intervention (FDI) passe de 5 à 3, celle des drones SDAM passe de 15 à 8 et celle des avions de surveillance et d’intervention maritime Albatros passe de 13 à 8.

— pour l’armée de l’air, la cible de Rafales Air est réduite de 185 à 137 à l’horizon 2030. Pour les avions de transports de troupes A400M et C130, la cible est réduite de 49 avions (35 A400M et 14 C-130 H et J) pour 2030 à 39 en 2035 (plus des ATASM, avion de transport d’assaut du segment médian).

— Pour les drones MALE, la cible 2030 est réduite de 8 systèmes (24 drones) à 6 systèmes (18 drones), dont 5 systèmes Reaper et un système Eurodrone. Pour les avions de renseignement ALSR, la cible 2030 est réduite de 8 à 3 avions. Enfin, seulement 20 hélicoptères Guépard/HIL sont annoncés pour 2030, et 70 en 2035. La date pour atteindre la cible de 169 engins ne figure même plus dans les documents.

Certains commentateurs militaires ont parlé de « claque pour l’armée de terre »6.

Quelles conclusions tirer de l’ensemble de ces décisions dont certaines peuvent sembler contradictoires ?

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À propos de la prochaine Loi de programmation militaire française (I sur III)

Un projet de loi relatif à la programmation militaire (LPM) pour les années 2024 à 2030 a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 4 avril 2023, après avoir été adopté en Conseil des ministres.

Il avait été préparé par une « Revue nationale stratégique » (RNS)1 rendue publique le 9 novembre 2022 et une présentation des orientations cette Loi par le Président de la République sur la base aérienne de Mont-de-Marsan, le 20 janvier 20232.

J’ai traité des questions posées par les choix politiques et stratégiques de cette Loi dans un article précédent (voir « Une « guerre d’avance » ou une paix de retard ? » sur mon blog, le 7 avril dernier3) dont je reprends les grandes lignes ci-dessous.


« UNE « GUERRE D’AVANCE » OU UNE PAIX DE RETARD ? »


En présentant les orientations de la Loi de programmation militaire française le 20 janvier, le président de la République a voulu se montrer bon communicant en affirmant « Nous devons donc avoir une guerre d’avance ». Il a ajouté cette phrase audacieuse : « cette loi de programmation militaire devra donc tirer les conclusions de ce que notre époque porte en germe ».

« Avoir une guerre d’avance » est une obsession des dirigeants français qui essaient de gommer des esprits un siècle d’erreurs de choix militaires : les pantalons rouge garance et l’offensive en terrain découvert de 1914, la ligne Maginot statique de 1939, la méconnaissance de la guérilla révolutionnaire à Diên Biên Phu en 1954, la perte de la bataille de l’opinion publique nationale et internationale dans la Guerre d’Algérie en 1962 et enfin l’arrêt humiliant de l’opération Barkhane au Mali en 2021.

Si l’on considère que la sécurité de notre pays tout comme la sécurité internationale sont des concepts globaux, comprenant tout à la fois des dimensions militaires mais aussi diplomatiques, économiques, culturelles et politiques, se fixer comme but principal, sinon unique d’avoir « une guerre d’avance » est complètement réducteur et ne peut qu’atrophier la pertinence des choix militaires proprement dits.

En effet, que signifie « tirer les conclusions de ce que notre époque porte en germe » ? Dans une démonstration facile destinée à frapper le grand public et les médias, Emmanuel Macron résume le passé récent à une « accumulation des menaces dans tous les ordres et dans toutes les géographies ». Quelle courte vue de résumer le 21e siècle ainsi !

L’échec des solutions de force

Je propose une autre grille de lecture. Pour moi, les deux dernières décennies sont marquées par l’échec de toutes les solutions de force, de nature militaire essentiellement, qui ont été appliquées dans les diverses crises ou conflits.

Irak ? L’invasion par les États-Unis d’un État souverain, sur la base d’un mensonge sur la soi-disant présence d’armes de destruction massive, au mépris de la Charte des Nations-Unies, ressemble comme une sœur à l’agression des troupes russes en Ukraine. Le résultat est un pays, l’Irak, dévasté, à la vie économique et sociale ruinée. La conséquence collatérale en a été de conforter l’Iran dans l’intention de se doter un jour, si possible, de l’arme nucléaire pour ne pas être à la merci des aléas de la politique états-unienne.

L’exemple de la Libye est tout aussi éclairant : l’intervention militaire illégale des franco-britanniques, basée sur un dévoiement du sens de la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU du 17 mars 20114 a transformé une crise interne grave qui pouvait se régler avec des efforts et pressions diplomatiques soutenus sur Kadhafi en un désastre, avec là aussi, un pays aux fragiles structures sociales et tribales détruites, devenu un refuge et une plateforme d’action pour les groupes terroristes fuyant la Syrie.

Il faut ajouter à ces deux exemples, l’Afghanistan, où la guerre, puis l’occupation militaire US, puis otanienne, ont fait le lit des mollahs et réduit encore plus les femmes à la servitude ; la Syrie devenue un champ d’affrontements par procuration entre puissances régionales.

Pourtant les moyens militaires engagés dans ces pays n’ont pas manqué, l’OTAN est même sortie de son périmètre légal d’intervention, les diplomates de l’ONU ont été écartés !

Alors, est-ce la violence et les conflits qui ont provoqué le chaos dans ces régions, ou les solutions imposées par les grandes puissances, au service le plus souvent d’intérêts économiques et stratégiques qui ne sont pas difficiles à pointer dans chaque conflit ?

« Tirer les conclusions de ce que notre époque porte en germe » ? Oui, alors, reconnaissons que les solutions militaires ont été en échec depuis vingt ans et qu’il ne peut exister qu’une conclusion : les seules issues viables, crédibles aux conflits et aux crises internationales relèvent de l’action politique et diplomatique et le meilleur cadre pour déployer celle-ci dans le monde d’aujourd’hui est le cadre multilatéral, c’est-à-dire le cadre onusien.

L’outil diplomatique malmené

Si l’outil politique le plus efficace est l’outil politique et l’outil diplomatique, comment ne pas être scandalisé par la décision de supprimer la filière diplomatique en France au bénéfice des appels à des consultants privés ? On ne construit pas une force de frappe de négociations, de contacts et d’influence en se privant de l’arme principale !

Affirmer qu’il faut « avoir une guerre d’avance » ne peut signifier en toute logique qu’une chose : le but de l’action publique aujourd’hui n’est pas ou plus de préparer la paix mais clairement de préparer la guerre…

Le Président Macron devient le seul Président de la République à avoir doublé le budget militaire de la France en deux mandats électoraux (de 32 à 67 Mds d'€). 

Pour quels résultats ? La France est hors-jeu en Afrique, elle est à la remorque des USA et de l’Allemagne dans la stratégie occidentale de soutien à l’Ukraine, elle n’a joué qu’un rôle négatif dans les négociations qui ont abouti à un Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN). Enfin, Emmanuel Macron a subi l’affront en septembre dernier, lors de son discours devant l’Assemblée générale des Nations unies, de devoir parler avec un tiers des sièges vides, notamment ceux des pays africains.

Avant d’examiner concrètement une loi de programmation militaire et les besoins concrets de nos armées, qui sont réels et à discuter (même s’ils ne sont pas forcément ceux mis en avant par la communication gouvernementale), il faut d’abord un débat large au Parlement et dans le pays, sur les choix de la France en matière de paix et de sécurité. Sinon, nous n’aurons pas forcément « une guerre d’avance » mais peut-être, malheureusement, « une paix de retard ».

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vendredi 7 avril 2023

"Une « guerre d'avance » ou une paix de retard ? " - ma tribune dans le journal L'Humanité

 

Le Journal l'Humanité publie sur son site une tribune libre que je lui ai proposée à propos de la Loi de programmation militaire :  "Une « guerre d'avance » ou une paix de retard ? "

Vous la trouverez à cette adresse


Pour les non-abonnés au journal, je vous l'offre au format texte ci-dessous :


Une « guerre d'avance » ou une paix de retard ?
Par Daniel Durand 

Ancien secrétaire national du Mouvement de la paix, président de l’Institut de Documentation et de recherches sur la paix.

En présentant les orientations de la Loi de programmation militaire française le 20 janvier, le président de la République a voulu se montrer bon communicant en affirmant "Nous devons donc avoir une guerre d'avance". Il a ajouté cette phrase audacieuse : "cette loi de programmation militaire devra donc tirer les conclusions de ce que notre époque porte en germe".
"Avoir une guerre d'avance" est une obsession des dirigeants français qui essaie de gommer des esprits un siècle d'erreurs de choix militaires : les pantalons rouge garance et l'offensive en terrain découvert de 1914, la ligne Maginot statique de 1939, la méconnaissance de la guérilla révolutionnaire à Diên Biên Phu en 1954, la perte de la bataille de l'opinion nationale et internationale dans la Guerre d'Algérie en 1962 et enfin l'arrêt humiliant de l'opération Barkhane en 2021.
Si l'on considère que la sécurité de notre pays tout comme la sécurité internationale sont des concepts globaux, comprenant tout à la fois des dimensions militaires mais aussi diplomatiques, économiques, culturelles et politiques, se fixer comme but principal sinon unique d'avoir "une guerre d'avance" est complètement réducteur et ne peut qu'atrophier les choix militaires proprement dits.
En effet, que signifie "tirer les conclusions de ce que notre époque porte en germe" ? Dans une démonstration facile destinée à frapper le grand public et les médias, Emmanuel Macron résume le passé récent à une "accumulation des menaces dans tous les ordres et dans toutes les géographies". Quelle courte vue de résumer le 21e siècle ainsi !
Je propose une autre grille de lecture. Pour moi, les deux dernières décennies sont marquées par l'échec de toutes les solutions de force, de nature militaire essentiellement, qui ont été appliquées dans les diverses crises ou conflits.
Irak ? L'invasion par les États-Unis d'un état souverain, sur la base d'un mensonge sur la soi-disant présence d'armes de destruction massive, au mépris de la Charte des Nations-Unies, ressemble comme une sœur à l'agression des troupes russes en Ukraine. Le résultat est un pays, l'Irak, dévasté, à la vie économique et sociale ruinée. La conséquence collatérale en a été de conforter l'Iran dans l'intention de se doter un jour, si possible, de l'arme nucléaire pour ne pas être à la merci des aléas de la politique états-unienne.
L'exemple de la Libye est tout aussi éclairant : l'intervention militaire illégale des franco-britanniques a transformé une crise interne grave qui pouvait se régler avec des efforts et pressions diplomatiques soutenus sur Khadafi en un désastre, avec là aussi, un pays aux fragiles structures sociales et tribales détruites, devenu un refuge et une plateforme d'action pour les groupes terroristes fuyant la Syrie.
Il faut ajouter à ces deux exemples, l'Afghanistan, où la guerre, puis l'occupation militaire US, puis otanienne, ont fait le lit des mollahs et réduit encore les femmes à la servitude ; la Syrie devenue un champ d'affrontements par procuration entre puissances régionales.
Pourtant les moyens militaires engagés dans ces pays n'ont pas manqué, l'OTAN est même sortie de son périmètre légal d'intervention, les diplomates de l'ONU ont été écartés !
Alors, est-ce la violence et les conflits qui ont provoqué le chaos dans ces régions, ou les solutions imposées par les grandes puissances, au service le plus souvent d'intérêts économiques et stratégiques qui ne sont pas difficiles à pointer dans chaque conflit ?
"Tirer les conclusions de ce que notre époque porte en germe" ? Oui, alors, reconnaissons que les solutions militaires ont été en échec depuis vingt ans et qu’il ne peut exister qu'une conclusion : les seules issues viables, crédibles aux conflits et aux crises internationales relèvent de l'action politique et diplomatique et le meilleur cadre pour déployer celle-ci dans le monde d'aujourd'hui est le cadre multilatéral, c'est-à-dire le cadre onusien.
Si l'outil politique le plus efficace est l'outil politique et l'outil diplomatique, comment ne pas être scandalisé par la décision de supprimer la filière diplomatique en France au bénéfice des appels à des consultants privés ? On ne construit pas une force de frappe de négociations, de contacts et d'influence en se privant de l'arme principale !
Assumez votre position, Monsieur le Président, puisque cette posture est à la mode dans le débat sur les retraites. Reconnaissez qu’affirmer qu'il faut "avoir une guerre d'avance" ne peut signifier en toute logique qu'une chose : le but de l'action publique aujourd'hui n'est pas ou plus de préparer la paix mais clairement de préparer la guerre... Vous serez le seul Président de la République à avoir doublé le budget militaire de la France en deux mandats électoraux (de 32 à 67 Mds d'€). Pour quels résultats ? La France est hors-jeu en Afrique, elle est à la remorque des USA et de l'Allemagne dans les discussions pour l'avenir de l'Ukraine, elle n'a joué qu'un rôle négatif dans les négociations qui ont abouti à un Traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN). Enfin, Emmanuel Macron a subi l'affront en septembre dernier, lors de son discours devant l'Assemblée générale des Nations unies, de devoir parler avec un tiers des sièges vides, notamment ceux des pays africains.
Avant d'examiner concrètement une loi de programmation militaire et les besoins concrets de nos armées, qui sont réels et à discuter (même s’ils ne sont pas forcément ceux mis en avant par la communication gouvernementale), il faut d'abord un débat large au Parlement et dans le pays, sur les choix de la France en matière de paix et de sécurité. Sinon, nous n'aurons pas forcément "une guerre d'avance" mais peut-être, malheureusement, "une paix de retard".

 

lundi 20 février 2023

Russia-Ukraine war: ONE YEAR ON, TIME FOR REAL CHOICES

On 24 February it will be one year since Russia attacked Ukraine in defiance of international law and the UN Charter. One year on, how do we assess the situation and what are the options at stake?

As of 13 January, the Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights (OHCHR) has recorded 18,096 civilian casualties since 24 February 2022. This total includes 6,952 people killed and 11,144 wounded. On the military side, an American estimate speaks of 200,000 military dead or wounded, split half and half between the two sides. The material destruction in Ukraine is considerable, including in terms of civilian infrastructure, deliberately targeted by Russian forces. However, one should not lose sight of the fact that these losses may be greater in other contemporary conflicts such as that in Yemen. Indeed, the Russian-Ukrainian conflict is not the only open or latent conflict on the planet today, nor is it the only catastrophic regional crisis.

The International Crisis Group think tank lists "Ten conflicts to watch in 2023". The list includes: 1. Ukraine; 2. Armenia and Azerbaijan; 3. Iran; 4. Yemen; 5. Ethiopia; 6. Democratic Republic of Congo and the Great Lakes; 7. The Sahel; 8. Haiti; 9. Pakistan; 10. Taiwan.

The Russian-Ukrainian war has a sinister originality, since it directly involves a nuclear power as a direct belligerent, as was the case in 2003 with the US aggression against Iraq.


There have been two scenarios over the past twelve months, if we discard the one that would have consisted in accepting without protest the fait accompli of Russian aggression against an independent country, a member of the United Nations,

The first scenario, that of seeking a political way out of the conflict, was almost nipped in the bud by the accusation of playing into Putin's hands. Expressions or initiatives for peace by Pope Francis, the Israeli Prime Minister and India were rejected without discussion. A "main stream", a dominant thought, has settled in the European media, taking up almost all the old clichés of war propaganda, described by the academic Anna Morelli in her book "Elementary principles of war propaganda".


It is a second scenario, which has been chosen over the past year by the European countries and the United States, which have formed a new "Western bloc". It has been decided, even if this is not officially assumed, to respond "to war with war" by multiplying economic and political sanctions against Russia and by granting more and more military aid to the Ukrainian government, both in the form of credits and arms supplies.

The vocabulary used, even if the "Westerners" claim that they are neither at war nor co-belligerents, confirms this choice. On Twitter on 4 January 2023, President Macron still speaks of "victory": "Until victory is achieved, until peace returns to Europe, our support for Ukraine will not waver. It is a victory over Russia and not a victory for international law, which is no small difference.


One year on, it has to be said that this military option, supported and chosen by the West, is failing: every day sees new military and civilian victims and new destruction. With cynicism, the Russian army has adapted to this stagnant fighting and is methodically destroying both military and civilian installations, thereby committing more and more war crimes. This is the implacable logic of all wars: we have seen it in Iraq, Syria, etc.

This choice of the military option has deeply divided the international community. While the United Nations General Assembly condemned the aggression by a majority, it did not support economic sanctions against Russia. In several votes, we note that the majority of African countries and non-aligned countries abstained, because the war in Ukraine appeared to them as a "European" war, and that the "double standards" seemed blatant to them, in the face of the indifference of Western countries to the bloody conflicts in Africa and the Middle East, and in the face of the complacency of the USA's imperial behaviour in Iraq and Afghanistan, and of France in Mali. This explains the renewed interest in the coalitions of emerging countries grouped within the BRICS.


Faced with this stalemate in Ukraine, the leaders of the Western coalition and NATO say coldly that the conflict may last for a long time, even for "many, many years" (statement by NATO Secretary General Jens Stotenberg, 15 February). Many observers believe that there will be no clear-cut victory for either side, as Emmanuel Macron acknowledges (According to him, "neither side can win entirely", JDD interview, 19 February).

In spite of this, announcements are being made about the intensification of arms deliveries to Ukraine. A new step has just been taken with the delivery of heavy battle tanks. It should be noted that, despite declarations that apparently call for restraint, the French President gave the political signal to lift the taboo on the delivery of tanks on 5 January by announcing the sending of French AMX-10 RC tanks to Ukraine. The newspaper Le Progrès headlined: "French tanks delivered to Kiev: why it is a gesture heavy with symbolism". The Americans and the British followed suit, as well as the German government which gave the green light for the delivery of Leopard II tanks. These tanks are integrated into the armies of some fifteen countries in Europe, for a total of nearly 2500 units.

I must admit that, for someone of my generation, the prospect of hundreds of German tanks rolling out onto the plains of Central Europe, even if officially in the name of the defence of freedom, is not without a certain unease....

How far can this escalation in the supply of increasingly sophisticated weapons go? On 15 February, the European Parliament voted on a resolution calling on its member countries "to give real consideration to the delivery of suitable Western fighter planes, helicopters and missile systems to Ukraine".


In the final analysis, if we compare these two observations: the first that the war will last several years without any decisive advantage for one side, the second that there will be an intensification of arms expenditure and supplies, the conclusion seems obvious. The military option, despite the rhetoric in inter-ministerial forums or in the corridors of NATO, does not aim to shorten the suffering of the population or to shorten the duration of the war.


At this stage, two additional observations emerge. The first is that this "long-term" war might not have, in the minds of certain political leaders or military chiefs, the hidden aim of profoundly weakening Russia in order to prevent it from being a useful ally in the US/Western confrontation against China that has already begun?

The second is this: doesn't this obstinate choice of the "all-military" solution set up a series of mechanisms that could one day escape all international political control and trigger the real "der des der", the third atomic world war?

To understand this risk, let us think of the First World War of 1914-1918. It was preceded in the years before 1914 by a series of commercial and political diplomatic incidents and the construction of a system of competing alliances. All it took was a pistol shot on a bridge in Sarajevo to set off the mechanisms of alliances, which eventually led to a world conflict.

Who does not see that in Ukraine we are at the mercy of a real or simulated provocation: flying over the territory of a NATO country, sending a missile into a Russian city to trigger mechanisms that quickly get out of hand... Some incidents of the last few months, real or simulated, with the visible insistence in some incidents of President Zelinsky to involve NATO directly in the conflict, should give pause for thought.


It was this borderline absurd situation that justified the words of UN Secretary General Antonio Gutteres on 6 February 2023 before the UN General Assembly: "I fear that the world is not being led blindly into a bigger war. It is doing so with its eyes wide open. The world needs peace. Peace in accordance with the UN Charter and international law.

Even if these words have been partially relayed by the international media, should not much more be done to make them known and meditate on?


Today, after a year of suffering for the Ukrainian people and destruction in this country, should we not resolutely change course? We know that there will be no military outcome, even President Macron recognised this on Sunday 19 February ("I am convinced that in the end it will not be concluded militarily"). Of course, we know the megalomaniac obstinacy of Vladimir Putin, who makes any Ukrainian power a geopolitical nightmare. We know that Ukraine has great resistance, thanks in particular to Western military support, even if this country is divided with a quarter of its population excluded from the debate and rampant corruption even in the spheres of government (see the scandal surrounding the Minister of Defence).

But we must be aware that if the leaders of the Western bloc, the large emerging countries such as China, India and Turkey decide to do so, diplomatic resources and mechanisms can be activated and become effective in the search for a diplomatic process towards peace.

Rosemary DiCarlo, UN Under-Secretary-General for Political Affairs and Peacebuilding, reminded the Security Council on 13 January that "all wars end, and this one will too. Ukraine, Russia and the world cannot afford for this war to continue. The Secretary-General stands ready to assist the parties to end this senseless and unjustified conflict on the basis of the UN Charter and international law.

It is sometimes forgotten that negotiations have already led to an agreement allowing the export of Ukrainian wheat, supplemented by another agreement on Russian fertiliser exports. The circulation of wheat and fertilisers (ammonia) is essential for many developing countries, especially in Africa.


Let us repeat that concluding a cease-fire and partial peace agreements is not a capitulation: it is the condition for allowing discussions to take place, for negotiating partial agreements. Let us bear in mind that, during this time, the population can breathe, live again, scattered families can be reconstituted, construction can begin. Diplomats know that it is over time, with discussions, pressure and guarantees that are developed, that new solutions can be built without losing sight for a moment of the framework of respect for international law and the United Nations Charter, which is the essential condition for these compromises to become lasting solutions


For this to happen, a movement of opinion must grow to make the aggressor feel that he cannot continue like this, but at the same time to demand that the other countries, more or less directly involved in the conflict, suspend the military route and take another path, that of diplomacy and political solutions.

In this respect, the days of 24 and 25 February will be important to observe, as major peace organisations (International Peace Bureau, Europe for Peace) are calling for peace demonstrations in several European countries.


The central condition for the success of any peace process is to put the United Nations, its diplomats and its agencies back at the centre of this new process.

This was not the case in 2014 for the Minsk agreements. A UN official recently recalled that "the United Nations has not been formally part of any mechanism related to the peace process in Ukraine, such as the Normandy Format (including the Donbass belligerents as well as Germany, France and Russia), nor to the Minsk negotiations or the efforts of the OSCE trilateral contact group".

This reliance on the UN was one of the weaknesses of the agreements. In spite of this, the UN leadership has continued to work for the successful implementation of the agreements in co-operation with the OSCE. They have consistently warned all relevant actors of the dangers of complacency in the implementation of the Minsk agreements and the risks of keeping this conflict unresolved.

Today, armed with the experience of the failures of the last eight years, the solutions and safeguards to be implemented are known to all the leaders in the region. The challenge is to impose a political will on all the actors: if the key figure is Russia, the responsibility of Western countries and NATO is also clearly engaged.

One year after the start of the war in Ukraine, the inflammatory rhetoric and military escalations must stop. The time for choice has arrived. There is no intermediate position as Emmanuel Macron claimed with his formula "defeating Russia without crushing it", an ambiguous position that reveals his inability to resolutely take another path than the military solution.

The choice to be made is radically simple, even if it is far from easy: either the choice of warlike escalation for several years, as NATO is preparing, with the aggravation of the suffering of the populations, the risks of uncontrolled slippage into a Third World War, or the choice of priority to the opening of political and diplomatic channels towards a cease-fire, a process of partial agreements, and then later, the re-discussion of the conditions of a stable and balanced regional security for all.

Daniel Durand - 20 February 2023

Translated with Deep - 

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Guerre Russie – Ukraine : UN AN APRÈS, L’HEURE DES VRAIS CHOIX

Le 24 février il y aura un an que la Russie agressait l’Ukraine au mépris du droit international et de la Charte des Nations Unies. Un an après, comment évaluer la situation et quelles sont les options en jeu ?
Au 13 janvier dernier, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a recensé 18.096 victimes civiles depuis le 24 février 2022. Ce total comprend 6.952 personnes tuées et 11.144 blessées. Sur le plan militaire, une estimation américaine parle de 200 000 morts ou blessés militaires, répartis moitié-moitié entre les deux camps. Les destructions matérielles en Ukraine sont considérables, y compris sur le plan des infrastructures civiles, visées délibérément par les forces russes. Pour autant,, il ne faut pas perdre à l’esprit que ces pertes peuvent être plus importantes dans d'autres conflits contemporains comme celui du Yémen. En effet, le conflit russo-ukrainien n'est pas le seul conflit ouvert ou latent aujourd'hui sur la planète, ni la seule crise régionale catastrophique.
Le think tank « International Crisis group » recense « Dix conflits à surveiller en 2023 ». Dans la liste, on note : 1. Ukraine ; 2. Arménie et Azerbaïdjan ; 3. Iran ; 4. Yémen ; 5. Éthiopie ; 6. La République démocratique du Congo et les Grands Lacs ; 7. Le Sahel ; 8. Haïti ; 9. Pakistan ; 10. Taïwan.
La guerre russo-ukrainienne a une sinistre originalité, puisqu’elle implique directement une puissance nucléaire comme belligérant direct, comme cela avait été le cas en 2003 avec l’agression des USA contre l’Irak.

Deux scénarios se sont affrontés pendant les douze derniers mois, si on écarte d’entrée celui qui aurait consisté à accepter sans protester le fait accompli de l’agression russe contre un pays indépendant, membre des Nations unies,
Le premier scénario, celui de rechercher une sortie de crise politique au conflit, a été quasiment étouffé dans l’œuf sous l'accusation de faire le jeu de Poutine. Les expressions ou initiatives pour la paix du Pape François, du premier ministre israélien, de l'Inde ont été rejetées sans discussion. Un "main stream", une pensée dominante, s'est installée dans les médias européens, reprenant presque tous les vieux poncifs de la propagande de guerre, décrits par l'universitaire Anna Morelli dans son ouvrage " Principes élémentaires de propagande de guerre".

C’est un second scénario, qui a été choisi depuis un an par les pays européens et les États-Unis, qui ont formé un nouveau "bloc occidental". Il a été décidé, même si cela n’est pas assumé officiellement, de répondre "à la guerre par la guerre" en multipliant les sanctions économiques et politiques contre la Russie et en accordant une aide militaire de plus en plus importante au gouvernement ukrainien, tant sous forme de crédits que de fournitures d'armes.
Le vocabulaire employé, même si les "occidentaux" clament qu’ils ne sont ni en guerre, ni co-belligérants, confirme ce choix. Sur Twitter le 4 janvier 2023, le président Macron parle encore de "victoire"  : "Jusqu’à la victoire, jusqu'au retour de la paix en Europe, notre soutien à l'Ukraine ne faiblira pas". On parle de victoire sur la Russie et non de victoire du droit international, la différence n'est pas mince.

Un an après, il faut constater que cette option militaire, soutenue et choisie par les occidentaux, est en échec : chaque jour voit de nouvelles victimes militaires ou civiles, de nouvelles destructions. Avec cynisme, l’armée russe s'est adaptée à ces combats stagnants et détruit méthodiquement des installations tant militaires que civiles, commet de ce fait de plus en plus de crimes de guerre. C'est la logique implacable de toutes les guerres : nous l'avons constaté en Irak, en Syrie, etc..
Ce choix de l'option militaire a divisé profondément la communauté internationale. Si l'Assemblée générale des Nations unies a condamné majoritairement l'agression, il n'en a pas été de même pour soutenir des sanctions économiques contre la Russie. Dans plusieurs votes, on constate que la majorité des pays d'Afrique, des pays non-alignés se sont abstenus, car la guerre en Ukraine leur est apparue comme une guerre "européenne", que le système "deux poids, deux mesures" leur a semblé flagrant, face à l'indifférence des pays occidentaux devant les conflits sanglants en Afrique, au Moyen-Orient, face à la complaisance devant les comportements impériaux des USA en Irak et Afghanistan, de la France au Mali. Cela explique le regain d'intérêt pour les coalitions de pays émergents regroupés au sein des BRICS.

Face à ce blocage de la situation en Ukraine, les dirigeants de la coalition occidentale et de l'OTAN disent froidement que le conflit peut durer longtemps, voire de "très nombreuses années" (déclaration du secrétaire général de l'OTAN, Jens Stotenberg, 15 février). Beaucoup d'observateurs estiment qu'il n'y aura pas de victoire nette d'un côté ou de l'autre comme le reconnaît Emmanuel Macron (Selon lui, « aucun des deux côtés ne peut l’emporter entièrement », interview JDD du 19 février).
Malgré ce constat, des annonces se multiplient pour l'intensification des livraisons d'armes à l'Ukraine. Un nouveau pas vient d'être franchi avec la livraison de chars lourds de combat. Notons que, malgré des déclarations qui, apparemment, appellent à la retenue, le président français avait donné le signal politique de levée du tabou de la livraison de chars, le 5 janvier dernier, en annonçant l'envoi de chars français AMX-10 RC à l'Ukraine. Le journal Le Progrès titrait : "Chars français livrés à Kiev : pourquoi c'est un geste lourd de symboles". Américains, anglais ont emboîté le pas, ainsi que le gouvernement allemand qui a donné le feu vert pour des livraisons de chars Léopard II. Ces chars sont intégrés aux armées d'une quinzaine de pays en Europe, pour un total de près de 2500 exemplaires.
J’avoue que, pour quelqu’un de ma génération, la perspective de voir des centaines de chars allemands se déployer dans les plaines d’Europe centrale, même si c’est officiellement au nom de la défense de la liberté, n’est pas sans me procurer un certain malaise….
Jusqu'où peut aller cette escalade dans la fournitures d'armes de plus en plus sophistiquées ? Le Parlement européen vient de voter le 15 février  une résolution demandant à ses pays membres "d'envisager réellement la livraison à l'Ukraine d'avions de chasse, d'hélicoptères et de systèmes de missiles adéquats occidentaux".

En définitive, si on rapproche ces deux constations : la première que la guerre va durer plusieurs années sans avantages décisifs pour une partie, la seconde qu’il y aura une intensification des dépenses d’armement et des fournitures d’armes ; la conclusion semble évidente. L’option militaire, malgré les beaux discours dans les forums inter-ministériels ou les couloirs de l'OTAN ne vise donc pas à abréger les souffrances de la population ou à raccourcir la durée de la guerre.

Deux constations annexes se dégagent à ce stade de la réflexion. La première est que cette guerre de "longue durée" n’aurait-elle pas, dans les cerveaux de certains dirigeants politiques ou de certains chefs militaires, comme but caché d'affaiblir profondément la Russie pour l'empêcher d'être un allié utile dans la confrontation USA/Occident contre la Chine qui a déjà commencé ?
La seconde est celle-ci : ce choix obstiné de la solution « tout militaire » ne met-il pas en place une série de mécanismes qui risquent un jour d’échapper à tout contrôle politique international et déclencher la vraie « der des der », la 3e Guerre mondiale atomique ?
Pour comprendre ce risque, pensons à la 1ère Guerre mondiale de 1914-1918. Elle fut précédée dans les années avant 1914 d’une série d'incidents diplomatiques commerciaux, politiques et de la construction d'un système d'alliances concurrentes. Il aura suffi alors d'un coup de pistolet sur un pont de Sarajevo pour déclencher des mécanismes d'alliances, finissant par déclencher un conflit mondial.
Qui ne voit qu'en Ukraine, nous sommes à la merci d'une provocation réelle ou simulée : survol du territoire d'un pays de l'OTAN, envoi d'un missile sur une ville russe pour déclencher des mécanismes qui deviennent vite incontrôlables... Certains incidents des derniers mois, réels ou simulés, avec l'insistance visible dans certains incidents du président Zélinsky à impliquer directement l'OTAN dans le conflit, devraient donner à réfléchir.

C’est cette situation à la limite de l’absurde qui a justifié ces paroles du Secrétaire général des Nations unies, Antonio Gutteres, le 6 février 2023 devant l’Assemblée générale des Nations unies : « Je crains que le monde ne se laisse pas entraîner en aveugle dans une guerre plus grande. Il le fait les yeux grands ouverts. Le monde a besoin de paix. Une paix dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international ».
Même si ces paroles ont été partiellement relayées par les médias internationaux, ne faut-il pas faire beaucoup plus encore pour les faire connaître et méditer ?

Aujourd’hui, après un an de souffrances du peuple ukrainien et de destructions dans ce pays, ne faut-il pas changer de cap résolument ? On sait qu’il n'y aura pas d'issue militaire, même le président Macron l'a reconnu ce dimanche 19 février (« je suis convaincu qu’à la fin ça ne se conclura pas militairement »). Certes on connaît l'obstination mégalomane d'un Vladimir Poutine qui fait d'une quelconque puissance ukrainienne un cauchemar géopolitique. On sait que la résistance de l'Ukraine est grande, grâce notamment au soutien militaire occidental, même si ce pays est divisé avec un quart de sa population écartée du débat et une corruption rampante jusque dans les sphères du gouvernement (voir le scandale autour du Ministre de la Défense).
Mais il faut être conscient que si les dirigeants du bloc occidental, les grands pays émergents comme la Chine, l’Inde, la Turquie le décident, des ressources et des mécanismes diplomatiques peuvent être actionnés et devenir efficaces dans la recherche d’un processus diplomatique vers la paix.
Rosemary DiCarlo, Secrétaire générale adjointe des Nations Unies aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a rappelé devant le Conseil de sécurité, le 13 janvier dernier : « toutes les guerres ont une fin, et ce sera le cas aussi pour celle-ci. L’Ukraine, la Russie, le monde ne peuvent pas se permettre que cette guerre continue. Le Secrétaire général est prêt à aider les parties à mettre fin à ce conflit insensé et injustifié, sur la base de la Charte des Nations Unies et du droit international ».
On oublie parfois que, déjà, des négociations ont permis un accord permettant l’exportation du blé ukrainien, accord complété par un autre accord sur les exportations des engrais russes. La circulation du blé et des engrais (ammoniaque) est essentielle pour de très nombreux pays en voie de développement notamment en Afrique.

Répétons-le, conclure un cessez-le-feu, des accords de paix partiels ne constitue pas une capitulation : c'est la condition pour permettre la tenue de discussions, de négociation d'accords partiels. Ayons à l'esprit que, pendant ce temps, la population peut souffler, revivre, des familles éparpillées se reconstituer, des constructions commencer. Les diplomates savent que c'est au fil du temps, des discussions, des pressions, des garanties qui s'élaborent que de nouvelles solutions peuvent se bâtir sans perdre de vue un seul moment le cadre du respect du droit international et de la Charte des Nations Unies, ce qui est la condition essentielle pour que ces compromis puissent devenir des solutions pérennes

Pour cela, il faut que grandisse un mouvement d’opinion qui fasse sentir à l’agresseur qu’il ne peut plus continuer comme cela, mais en même temps, pour exiger des autres pays, engagés plus ou moins directement dans le conflit, qu’ils suspendent la voie militaire, qu’ils empruntent un autre chemin, celui de la diplomatie et des solutions politiques.
À cet égard, les journées des 24 et 25 février seront importantes à observer, car des grandes organisations pacifistes (Bureau international de la paix, Europe for peace) appellent à manifester pour la paix dans plusieurs pays d’Europe.

La condition centrale de la réussite de tout processus de paix est de remettre les Nations unies, ses diplomates, ses agences au centre de ce nouveau processus.
Cela n'avait pas été le cas en 2014 pour les accords de Minsk. Un responsable de l'ONU a rappelé récemment que «l’Organisation des Nations Unies n’a fait officiellement partie d’aucun mécanisme lié au processus de paix en Ukraine, tel que le Format Normandie (incluant les belligérants du Donbass ainsi que l’Allemagne, la France et la Russie), ni aux négociations de Minsk ou aux efforts du groupe de contact trilatéral de l’OSCE".
Cette mise à l’égard de l’ONU a été une des faiblesses des accords. Malgré cela, les dirigeants de l’ONU n'ont cessé de travailler à la réussite de l'application de ces accords en coopération avec l'OSCE. Ils n'ont eu de cesse de mettre en garde tous les acteurs concernés contre les dangers de la complaisance concernant la mise en œuvre des accords de Minsk et les risques de maintenir ce conflit sans solution.
Aujourd'hui, forts de l'expérience des échecs des huit dernières années, les solutions, les garde-fous à mettre en œuvre sont connus de tous les dirigeants de la région. L'enjeu est d'imposer une volonté politique à tous les acteurs : si le personnage clé est la Russie, la responsabilité des pays occidentaux et de l'OTAN est aussi clairement engagée.
Un an après le début de la guerre en Ukraine,les discours incendiaires, les escalades militaires doivent cesser. Le temps du choix est arrivé. Il n’y a pas de position intermédiaire comme l'a prétendu Emmanuel Macron avec sa formule "la défaite de la Russie sans l'écraser", position ambiguë qui révèle son incapacité à prendre résolument un autre chemin que la solution militaire.
Le choix à faire est radicalement simple, même s’il est loin d’être facile : ou le choix de l’escalade guerrière pendant plusieurs années, comme le prépare l’OTAN, avec l’aggravation des souffrances des populations, les risques de dérapages incontrôlés en 3e Guerre mondiale ou le choix de la priorité à l’ouverture de voies politiques et diplomatiques vers un cessez-le-feu, un processus d’accords partiels, puis plus tard, la re-discussion des conditions d’une sécurité régionale stable et équilibrée pour tous.

Daniel Durand – 20 février 2023



samedi 18 février 2023

Paix en Ukraine : les leçons de l'intelligence artificielle !

Paix en Ukraine ?  Depuis quelques temps, je me posais la question de savoir comment l'IA (Intelligence artificielle) répondrait à cette question tant controversée... Je me suis décidé à lancer le fameux logiciel d'IA, Chatgpt, sur ma tablette, et je lui ai posé la question : "How to make peace in Ukrainian war ?". Sa réponse est instructive, la voici ci-dessous (traduite par Deepl) :

" COMMENT CONSTRUIRE LA PAIX EN UKRAINE ?

Le conflit en Ukraine est un problème complexe et permanent qui trouve ses racines dans des différences historiques, culturelles et politiques. Bien qu'il n'existe pas de solution simple pour mettre fin au conflit, voici quelques mesures qui pourraient être prises pour contribuer à la paix :

    Dialogue et négociations : Toutes les parties impliquées dans le conflit doivent s'engager dans un dialogue et des négociations sérieuses dans le but de trouver une solution pacifique et durable au conflit. Cela peut nécessiter la participation d'une tierce partie neutre pour servir de médiateur dans les négociations.

    Cessez-le-feu : Un cessez-le-feu complet et durable est nécessaire pour créer les conditions d'une résolution pacifique du conflit. Il faudrait pour cela que toutes les parties acceptent de cesser les hostilités et de travailler à la désescalade.

    S'attaquer aux causes profondes : Les problèmes sous-jacents qui ont conduit au conflit, tels que les inégalités politiques et économiques, les différences culturelles et les griefs historiques, doivent être traités. Cela peut nécessiter des réformes constitutionnelles, des investissements économiques et des efforts pour promouvoir la compréhension culturelle et la réconciliation.

    Soutien international : Les acteurs internationaux, y compris les pays voisins et les organisations mondiales, peuvent soutenir les efforts de paix en fournissant une aide financière, un soutien politique et des efforts diplomatiques.

    Réconciliation et justice transitionnelle : Pour assurer une paix durable, des efforts doivent être faits pour promouvoir la réconciliation et la justice transitionnelle. Il peut s'agir de commissions de vérité et de réconciliation, de réparations pour les victimes et d'efforts pour s'attaquer aux causes du conflit afin de prévenir toute violence future.

Il est important de noter que la fin du conflit en Ukraine nécessitera des efforts soutenus de la part de toutes les parties concernées, tant à l'intérieur du pays qu'au-delà de ses frontières".

Certes, me direz-vous, Chatgpt donne une réponse bien générale mais elle a le mérite de rappeler des principes fondamentaux : négociations - cessez-le-feu - réformes - soutien international au processus de paix, réconciliation et justice.

On ne peut pas remplacer tous les chefs d'État par une I.A (encore que, dans ce  cas...). 

Mais, peut-être, peut-on faire plus pression pour qu'ils se posent réellement la question : COMMENT CONSTRUIRE LA PAIX EN UKRAINE ? et non, COMMENT POURSUIVRE LA GUERRE pendant plusieurs années, comme vient de le prédire le Secrétaire général de l'OTAN.