L'annonce par Donald Trump d'ouverture de discussions avec Vladimir Poutine sur une solution politique à la guerre russo-ukrainienne n'a été une surprise que pour ceux qui ont bien voulu être surpris. Depuis le début de l'hiver tant la probable arrivée au pouvoir de Trump que la situation sur le terrain militaire en Ukraine laissaient prévoir que la question de l'issue politique devenait de plus en plus probable. Les pertes ukrainiennes, les difficultés pour les troupes de Zélensky à maintenir le niveau d'armement nécessaire étaient évidentes, même si l'avantage russe se payait par des pertes humaines considérables avec un niveau de dépenses militaires pesant de plus en plus fortement sur l'économie. Enfin, il ne pas fallait négliger les informations diffusées au compte-goutte de chaque côté sur la lassitude grandissante dans l'opinion publique russe devant la guerre, lassitude devenue majoritaire en Ukraine, où plus de 100 000 soldats ont été inculpés en vertu des lois ukrainiennes sur la désertion depuis l'invasion massive du pays par la Russie en 2022. En 2024, l'Ukraine a ouvert 60 000 dossiers de désertion, soit deux fois plus qu'au cours des deux années de guerre précédentes.
Pourquoi la France et l'Allemagne n'ont-elles pris plus tôt l'initiative d provoquer elles-mêmes un processus politique pour explorer les possibilités d'ouverture de discussions publiques ?
Elles seraient aujourd'hui dans une bien meilleure posture diplomatique et ne seraient pas mises devant le fait accompli. Comme je l'ai écrit plusieurs fois dans des articles, il ne faut pas oublier l'obligation faite par la Charte des Nations unies dès son préambule de la Charte qui exprime les objectifs fondamentaux de l’ONU, notamment : "Préserver les générations futures du fléau de la guerre" et "recourir à des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, pour le règlement des différends internationaux". Cela établit une obligation morale et politique pour les États membres de rechercher une solution diplomatique aux conflits.
Cette obligation est renforcée par l’Article 1 qui précise qu'il faut maintenir la paix et la sécurité internationales, y compris par "des mesures efficaces de prévention et d’élimination des menaces contre la paix" ; "développer des relations amicales entre les nations, fondées sur l’égalité des peuples et le respect du droit international ; réaliser la coopération internationale pour résoudre les conflits par des moyens pacifiques".
Cela signifie que les États membres du Conseil de sécurité ont aussi une obligation formelle d’agir pour une solution politique, et pas seulement une responsabilité morale.
Au bout de trois ans de conflit, les États membres du Conseil de sécurité ne peuvent plus se contenter d'invoquer "le droit de l'Ukraine à la légitime défense individuelle ou collective en cas d'agression armée", inscrit dans l'article 51 de la Charte des Nations Unies, sans mettre aussi en application la deuxième partie de cet article qui précise "jusqu'à ce que le Conseil de sécurité prenne les mesures nécessaires au maintien de la paix et de la sécurité internationales". Les États membres du Conseil de sécurité auraient dû depuis plusieurs mois prendre des mesures pour trouver une issue politique au conflit. Le possible usage du droit de veto par la Russie ne peut être un prétexte à l'absence d'initiatives.
Aujourd'hui, la démarche volontariste de Trump envers Poutine crée une situation nouvelle : deux membres permanents du Conseil de sécurité amorcent un processus politique.
L'enjeu politique n'est pas de pleurnicher ou de protester contre cette démarche qui a un caractère unilatéral évident mais de la replacer dans le contexte du droit international et de la Charte des Nations unies.
Tout en critiquant les dimensions de coup de force et de droit du plus fort que sous-tend cette démarche, certains dirigeants européens voudraient en profiter pour faire avancer de nouvelles militarisations, en terme de défense européenne, voire de création d'un "OTAN européen" bis; C'est un véritable danger !
Au contraire, il s'agit de remettre les Nations unies, le droit international au centre du jeu. Il est nécessaire que des pays, membres permanents du Conseil de sécurité comme la France, prennent l'initiative d'initier une convocation du Conseil de sécurité pour examiner la démarche et surtout pour lui donner un cadre multilatéral. Cela suppose que le Secrétaire général des Nations unies soit associé aux discussions, que l'Ukraine le soit bien sûr, que soit consultés les autres membres du Conseil de sécurité, des représentants de l'Union européenne.
Demain, également, l'implication du seul organisme européen de sécurité qui inclut pays occidentaux et Russie, c'est-à-dire l'OSCE (Organisme pour la sécurité et la coopération en Europe) doit être incontournable. Le contenu final de cet accord doit être conforme à la Charte des Nations unies en respectant la souveraineté des États, les principes de sécurité humaine et de droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
En résumé, il s'agit d'agir avec fermeté pour transformer une initiative, qui a un caractère unilatéral, en un véritable processus multilatéral, conforme au droit international.
Daniel Durand - IDRP
14 février 2025
Ce blog est dédié aux problématiques de la paix et du désarmement, des institutions internationales (ONU, OTAN), à la promotion d'une culture de la paix. Textes sous license Creative Commons by-nc-sa
vendredi 14 février 2025
Discussions Trump - Poutine - les nécessités d'un recadrage
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