J'écrivais le 2 février dernier sur mon blog : « Ne nous trompons pas d’objectif politique prioritaire ! Nous sommes devant ce défi de taille : avec la bataille pour la permanence du cessez-le-feu à Gaza, allons-nous enfin construire un vrai rapport de force pérennisant le silence des armes et permettant de construire les bases de la construction d’une paix, d’une sécurité, d’une communauté de vie entre les peuples du Moyen-Orient ?»
Le fait que Donald Trump ait annoncé, le mardi 4 février, vouloir que les États-Unis prennent le contrôle de la bande de Gaza, change-t-il les priorités politiques au Moyen-Orient ?
À mon avis, non, car sur le terrain, la situation des populations n’a encore que peu changé. Il reste encore 70 otages israéliens à rendre à leurs familles. Leur situation tend à se dégrader. La Croix-Rouge internationale a appelé, dans un communiqué, à ce que les prochains échanges entre prisonniers palestiniens et otages israéliens se déroulent de façon "digne et privée". Des centaines de prisonniers palestiniens sont encore à libérer, des centaines et des centaines de tonnes de nourriture à faire parvenir à la population.
Le projet de Donald Trump est jugé irréaliste, dangereux, contraire au droit international par de très nombreux pays.
Les responsables de JCALL (« le réseau juif européen pour Israël et pour la paix ») estiment qu’une « telle annonce met aujourd’hui en danger la vie des otages encore aux mains du Hamas. L’accord de cessez-le-feu doit se poursuivre pour aboutir à la fin de la guerre ».
Il est clair que des négociations politiques ne peuvent exister et se poursuivre que parce que les armes se sont tues sur le terrain. C’est pourquoi les opérations militaires que l’armée israélienne continue de mener en Cisjordanie sont autant de menaces sur la poursuite des discussions de paix.
C’est dans ce cadre déjà qu’il faut apprécier la nocivité des déclarations de Donald Trump : en menaçant de déporter la population de Gaza, elles ne peuvent que mettre en danger la vie des otages israéliens, priver de tout espoir les civils gazaouis qui veulent choisir eux-mêmes leur avenir.
Cela pose donc la question d’une deuxième exigence politique pour la communauté internationale : celle de tout faire pour protéger la population palestinienne, et d’abord celle de Gaza. En protégeant la population palestinienne de Gaza contre l’aventurisme des États-Unis, on protège aussi la population israélienne qui a tout à perdre de la déstabilisation politique de la région.
Protéger la population palestinienne ne peut signifier qu’une chose aujourd’hui : ACCÉLÉRER LA RECONNAISSANCE UNIVERSELLE DE L’ÉTAT PALESTINIEN !
L’existence d’un État palestinien, reconnu par la quasi-totalité des pays, notamment des pays européens, qui sont ceux qui traînent le plus, ce serait bloquer Trump dans ses projets insensés. Ceux-ci deviendraient alors de purs actes d’annexion de pays, d’agression envers un pays souverain, d’atteinte grave à la Charte des Nations unies.
Dans cette démarche, la France a une responsabilité de premier plan : elle peut permettre par le geste diplomatique fort de la reconnaissance officielle de la Palestine, de faire basculer l’Allemagne et tous les autres pays de l’Union européenne, rejoignant ainsi la démarche faite en mai 2024 par l’Espagne, l’Irlande et la Norvège. L’heure n’est plus aux finasseries diplomatiques. En juin 2024, Emmanuel Macron avait déclaré que "La France reconnaîtra l'État de Palestine quand cela sera l'élément qui permettra la paix et la sécurité de tous dans la région". C’est aujourd’hui le cas ; c’est la seule posture permettant de « recadrer » Donald Trump et Netanyahou et de les faire revenir à une approche plus réaliste de la situation.
C’est ce qu’a exprimé Hala Abou Hassira, ambassadrice, Chef de la mission de Palestine en France, le 5 février : « C’est le moment de protéger ce territoire en reconnaissant l’État de Palestine, afin de donner de l’espoir au peuple palestinien en premier lieu ».
Elle a ajouté que la paix «sera le résultat du respect du droit international et des droits fondamentaux, dont celui du peuple palestinien à l’autodétermination dans un État indépendant et souverain dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est pour capitale. C’est la seule manière de vivre en paix avec Israël. L’établissement de l’État palestinien est le préalable à la paix ».
Fondamentalement, ce n’est pas différent de ce que pense Alain Rozenkier, responsable de « La Paix maintenant » pour qui, « C’est la solution la plus juste et la seule à même d’apporter la sécurité aux Israéliens et aux Palestiniens. Toute autre solution est chimérique et le nettoyage ethnique que propose Trump est obscène ».
Personne ne doute qu’un tel processus sera difficile, notamment du fait de l’attitude néo-fasciste des nouveaux colons implantés en Cisjordanie. Personne ne croit à un chemin bordé de roses.
Il y faudra aussi un changement de l’attitude des dirigeants américains. Peut-on penser que Trump pourra continuer et imposer, y compris aux milieux dirigeants à Washington, au Pentagone et à Wall Street, une politique aventuriste au Moyen-Orient au détriment des grands enjeux géo-politiques dans le Pacifique, face à la Chine ?
Aux Européens d’être plus hardis dans le respect du droit international, et à leurs opinions publiques de faire pression plus fortement.
Daniel Durand – IDRP
9 février 2024
Cet article est en ligne sur le site du média d'informations Pressenza
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