lundi 11 avril 2022

Guerre(s) Russie - Ukraine : quels défis pour les mouvements de paix ? (IV et fin)

(English translation below)

 Pour écrire cet article, j'ai consulté plusieurs sites pacifistes que vous trouverez en fin d'article.
Depuis la fin de la Guerre froide, la mobilisation pour la paix pour chaque grand conflit a eu sa singularité. La première guerre d'Irak en 1991, lancée par une coalition internationale, pour punir l'Irak de son invasion du Koweit, bien qu'approuvée par une résolution de l'ONU, a vu une réaction forte des opinions publiques occidentales, qui ont condamné le retour de la guerre dans les relations internationales comme moyen de régler les conflits. "Quelle connerie la guerre !" était au coeur des rassemblements fin de l'année 1990, très importants jusqu'au déclenchement des bombardements alliés en janvier 1991 mais qui se sont essoufflés dans la quinzaine suivante.
Le conflit dans les pays de l'ex-Yougoslavie s'est étalé sur plusieurs années et a permis des interventions des Mouvements de paix dès le début du conflit (Caravane européenne de la paix en septembre 1992 qui se rend à Ljubljana, Zagreb, Belgrade, Sarajevo et organise dans cette dernière ville une chaîne de la paix de 7000 personnes entre les cinq édifices religieux de la ville). Ce n'est que lorsque le conflit s'enlise dans la guerre civile et que des bombardements de l'OTAN interviennent sur la Serbie, que l'intervention du Mouvement de la paix devient plus difficile même si des manifestations ont lieu à Paris, à Strasbourg jusqu'en 1999 sous le slogan "Ni bombardements, ni épuration ethnique".
La guerre d'Irak, début 2003, est marquée par plusieurs semaines de débats, qui permettent une mobilisation de l'opinion publique. Celle-ci culmine le 15 février 2003 avec des manifestations sur l'ensemble de la planète (plusieurs millions de manifestants recensés). Ces mobilisations faiblissent progressivement après l'entrée en guerre mais, malgré tout, le mouvement anti-guerre en Irak reste présent dans les esprits. Des manifestations ressurgissent aux États-Unis en septembre 2005 ou mars 2007.
Par contre, les conflits en Libye, en Syrie, au Yemen ont eu du mal à venir dans l'agenda des initiatives publiques pour la paix, en Europe, mais aussi en France bien que notre pays soit impliqué soit par sa participation (Libye), soit par des ventes d'armes (Yemen).
Comment s'est déroulé le débat autour de la guerre d'Ukraine ?

L'invasion russe en Ukraine se produit le 24 février 2022 sans que des mouvements d'opinion se soient manifestés réellement auparavant, même si des articles d'alerte sont publiés par plusieurs mouvements en janvier et février. Les trois premiers week-ends du 28 février, du 2 mars et du 9 mars voient des réactions anti-guerre, de solidarité au peuple ukrainien se produire en Europe, Amérique du nord, Japon : les foules peuvent être importantes comme en Allemagne, à Cologne et Berlin. Dès le 9 mars, on voit les mobilisations faiblir et peu à peu, sinon s'éteindre, avoir beaucoup de mal à être organisées et à rassembler plus que quelques dizaines de militants et militantes (voir la journée du 2 avril en France et au Royaume Uni sur les sites).
Un autre signe de la complexité des mobilisations réside dans l’absence de véritable coordination internationale ou même de mot d'ordre de journée internationale véritablement lancé et repris en mars et avril.
Plusieurs explications "basiques" peuvent être à ce stade apportées et qui ne sont pas originales et spécifiques à cette guerre d'Ukraine. Comme pour tous les conflits, il y a une réaction spontanée des opinions qui se révoltent à l'annonce d'une guerre et des menaces qu'elle peut entraîner sur leur futur. Dans les semaines suivantes, en fonction de l'évolution du conflit, si les menaces d'extension semblent maîtrisées, il y a une "accoutumance" qui s'installe et les protestations se rétrécissent au niveau militant.
Pour la guerre d'Ukraine, compte-tenu de la proximité géographique, de la saturation médiatique sur les destructions, les déplacés, le sentiment de solidarité humanitaire s'est développé vite et de manière forte. Il prime sur les initiatives politiques qui semblent loin de nos possibilités d'intervention individuelles.
D'une manière plus générale, on peut s'interroger pour essayer de comprendre quels autres facteurs ont pu intervenir pour gêner les mouvements de paix dans leur appréhension de la thématique de la guerre en Ukraine. Je vois deux catégories de raisons.
Premièrement, depuis une dizaine d'années, la priorité d'action de beaucoup de mouvements s'est déplacée sur des actions "sectorielles" : le désarmement nucléaire a repris de la vigueur autour de la campagne menée sur le traité d'interdiction de celles-ci jusqu’à l'extraordinaire percée de l'adoption du TIAN en septembre 2019. Pour d'autres groupes, l'action contre le commerce des armes a concentré des efforts là encore avec succès puisque le TCA a été signé en 2019. par contre, l'intervention sur les conflits locaux a été plus difficile. Des signaux avertisseurs auraient dû alerter avec la difficulté de mobiliser sur les questions de la Syrie et de la Libye.
Concernant plus spécifiquement l'Ukraine, la crise de 2014 qui s'était traduite par l'annexion de la Crimée et la neutralisation du Donbass n'avait pas vraiment suscité de réactions.
Deuxième catégorie de difficultés : on peut estimer que tant en 2014 qu'en 2022, la difficulté principale a d'abord été une difficulté d'ordre politique. Comment agir contre l'agresseur, comment resituer l'action pour la paix dans un cadre où l'agresseur principal et immédiat n'est apparemment pas l'impérialisme américain et son complice habituel, l'OTAN ? Certains mouvements radicaux (comme le CMP, No to NATO, les radicaux américains) ont réussi quand même, au prix d'une acrobatie théorique, à rendre l'OTAN et les USA responsables de la crise ukrainienne mais la majorité des mouvements de paix "sérieux" a condamné sans hésiter l'agression russe mais ensuite, pour autant, n'a pas réussi à développer des actions contre la Russie tout en critiquant aussi les "pousse aux crimes" de l'OTAN (pas de délégations dans les ambassades russes, par ex).
On avait connu ce type de difficultés politiques en 1999 avec la Serbie et l'OTAN. En France, le Mouvement de la paix avait réussi à tenir un équilibre avec le slogan "Ni bombardements, ni épuration ethnique" mais cela n'avait pas été sans débats internes vifs. Les anti-OTAN continuent de présenter cette époque sans nuances en condamnant les bombardements de l'OTAN et en oubliant les crimes de Milosevic (voir par ex le site du WPC). De même aujourd'hui, des organisations arrivent, en privilégiant les pressions de l'OTAN depuis 20 ans, en survalorisant le rôle des milices d'extrême-droite en Ukraine, à faire oublier qu'il y a une invasion russe (voir toujours WPC, US Peace Council, United National Antiwar Coalition ou No to NATO).
La difficulté à mobiliser contre la guerre et surtout pour une solution politique négociée a donc des causes multiples, auxquelles il faut rajouter les difficultés de la "bataille informationnelle" et de la pression médiatique que j'ai évoquées dans le IIIe volet de mes articles.

Au delà de ces considérations sur les stratégies à court terme, je pense qu'il faut aussi élargir encore la réflexion sur le fond : la lutte pour la paix ne doit-elle pas évoluer aussi en fonction des nouvelles stratégies guerrières, qu'elles soient appelées "boussole stratégique" ou "concept stratégique" ? En développant les réflexions qui suivent, j'ai conscience d'être aux limites du chercheur en relations internationales et de celles du militant, longtemps impliqué dans l'action pour la paix. Je souhaite ne pas apparaître en simple "yaqua" ou "ifoque", mais en simple lanceur d'idées pour stimuler un débat qui semble nécessaire.

Je reprendrai l'exemple français car il me semble significatif des débats existant aux États-Unis, au sein de l'OTAN et de l'UE. Je rappelle les citations du chef d'état-major français que j'ai évoquées dans mon dernier article.
En parlant du nouveau "concept stratégique français", il a déclaré qu'il fallait aujourd'hui : "gagner la guerre avant la guerre" !
« Avant, les conflits s’inscrivaient dans un schéma paix / crise / guerre”. Désormais, c’est plutôt un triptyque compétition / contestation / affrontement. […] La compétition est devenue l’état normal, que ce soit dans le champ économique, militaire, culturel ou politique, et les conflits dits périphériques appartiennent à cette compétition. On a vécu vingt ans durant lesquels la logique était l’engagement sur le terrain, mais aujourd’hui’ ce n’est plus l’unique solution », a ainsi développé le général Burkhard devant la presse.
L'enjeu pour les pacifistes est considérable : comment anticiper aujourd'hui l'action contre la guerre et pour la paix si la paix est remplacée par la "compétition permanente" ? L'action pour la paix doit-elle être permanente ? Sur le principe, c'est notre vision générale de l'action pacifiste mais concrètement, le mettons-nous en œuvre ? Quels dispositifs de veille active, d'interventions concrète de terrain en direction de l'opinion (et pas seulement, en se contentant d'une simple déclaration ou communiqué de presse) ?
Face à une compétition "multi-champs" (économique, militaire, culturel ou politique, précise le général Burkhard), que peut signifier une ACTION pour la paix (là encore, je précise bien action et non posture déclarative) multi-terrain : la "paix" par le désarmement (amplifier initiatives sur ventes d'armes françaises voir Salon du Bourget mais pas seulement), la baisse des dépenses militaires (comment reprendre des initiatives illustrant le contraste dépenses militaires et besoins de santé, d'éducation devant les écoles, les hôpitaux), le renforcement de la place de l'ONU et multilatéralisme (comment reprendre critique forte des G7, des Davos, etc), la pertinence des traités (quelles actions pédagogiques d'explication, quelle utilisation du siège des Nations unies à Genève).
Quelle "paix économique" : comment mieux voir le lien conflits et guerre et réalisation des ODD ; comment lier paix et pillages commerciaux des richesses des pays en voie de développement ; enfin, comment continuer et renforcer l'action menée pour lier paix et action pour une planète durable (l’embargo contre le gaz durable aboutit à favoriser l'exploitation du gaz de schiste US et la réouverture de mines de charbon !)?
Quelle "paix de l'information" pacifiée par la promotion du contrôle des faits (voir article précédent) ; quels soutiens à des médias indépendants orientés vers la défense de la paix ? Quelle implication dans les réseaux sociaux par les comités de paix (il y un retard  considérable, en France notamment sur l'utilisation de Facebook,Twitter, Instagram et besoin de formations massives des militants), la promotion de l'information collaborative, le soutien aux logiciels libres.
Quelle "paix citoyenne", quel soutien à l'engagement citoyen par l'éducation à la paix qui existe déjà, notamment en France, mais pour en faire une exigence de masse. Quel renforcement des coopérations pacifiques . Pour celles-ci, ne faudrait-il pas promouvoir l'idée de sommets mondiaux pour la paix réguliers, qui dépasseraient les structures actuellement sclérosées du CMP ou du BIP ?

Après cette énumération, on va me rétorquer : il n'y a rien de très nouveau dans tout cela, ce n'est que la répétition des Objectifs de la culture de paix.
Tout à fait d'accord, mais peut-être faut-il justement reprendre les objectifs de la culture à la lumière des nouveautés du monde, des nouveautés des stratégies des militaires et monter, nous aussi, de véritables stratégies.
Exemple : on voit bien que nous avons des difficultés à aborder la "guerre économique" d'un point de vue pacifiste, à aborder l'augmentation des dépenses d'armement de manière non formelle et routinière, dans leur globalité en lien avec les besoins sociaux, les injustices et inégalités mondiales (ODD), l'avenir de la planète sans se mettre à la remorque des organisations ou coalitions existantes mais en faisant de la paix le moteur des mouvements. Comment reprendre la question du respect et de la promotion du "droit international" de manière simple et politique et pas seulement technique. Nous rencontrons les mêmes difficultés pour développer des mouvements d'opinion, la "guerre sociétale" : créer des centrales d'action, de réseaux sociaux avec des activistes spécialisés, la création des éléments de langage".
Idem pour l'information, comment combattre la guerre de l'information, avec quelles ressources ? Comment fait-on pour être des producteurs d’informations, pour alimenter les réseaux sociaux. Nos smartphones sont devenus des producteurs de vidéos : ne réalisons pas un événement, pas un rassemblement, pas une réunion, pas une manifestation sans deux ou trois vidéos de une à deux minutes, sur Twitter, Facebook, Instagram, Diaspora. Il existe des réseaux alternatifs libres hors GAFAM, pourquoi ne pas les investir avec nos contenus, en faire des points de références ?

En fait, aujourd'hui, je pense que le mouvement pacifiste, sous toutes ses formes et dans toutes ses composantes, est confronté à de nouveaux enjeux, face aux changements dans le monde. le défi posé est comment concrètement "mondialiser la paix", pour reprendre un de nos slogans ? N'est-il pas urgent de travailler  à créer un grand mouvement mondial pour la paix, qui reprendrait les chantiers du "Forum du Millénaire" de l'an 2000 (voir http://www.onecountry.fr/index.php?page=article&article=82), pour démilitariser les relations internationales et démilitariser les esprits des humains ?
Pourquoi le Mouvement de la paix n'y travaillerait-il pas en menant un grand forum national de débats et de remise à plat des enjeux d'aujourd'hui s'étalant sur toute l'année 2023 ?
Peut-être, pourrions ainsi, en parodiant la formule des militaires "gagner la paix avant la paix" ?

Daniel Durand - 11 avril 2022

NB : Sites consultés :Mouvement de la paix en France (https://mvtpaix.org) de Peace Action aux USA (https://www.peaceaction.org/), de La Fondation pour la paix de Barcelone (http://fundipau.org/), de Stop the war coalition au Royaume-Uni (https://www.stopwar.org.uk/), de la Campaign for Peace, Disarmament and Common Security aux USA (https://www.cpdcs.org/), de United National Antiwar Coalition aux USA (https://www.unacpeace.org/)de la Société allemande pour la paix et des résistants à la guerre, DFG-VK (https://dfg-vk.de/), du réseau No to War, no to NATO (https://www.no-to-nato.org/), du Bureau International de la paix (https://www.ipb.org/), du Conseil mondial de la paix (https://www.wpc-in.org/).
 

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War(s) Russia - Ukraine: what challenges for the peace movements? (IV and end)

To write this article, I consulted several peace websites that you will find at the end of the article.
Since the end of the Cold War, the mobilisation for peace for each major conflict has had its own singularity. The first Iraq war in 1991, launched by an international coalition to punish Iraq for its invasion of Kuwait, although approved by a UN resolution, saw a strong reaction from Western public opinion, which condemned the return of war to international relations as a means of settling conflicts. "What bullshit is war!" was at the heart of the rallies at the end of 1990, which were very important until the start of the allied bombing in January 1991 but which lost momentum in the following fortnight.
The conflict in the countries of ex-Yugoslavia lasted for several years and allowed the Peace Movements to intervene from the beginning of the conflict (European Peace Caravan in September 1992, which went to Ljubljana, Zagreb, Belgrade and Sarajevo and organised a peace chain of 7,000 people between the five religious buildings in the city). It is only when the conflict gets bogged down in civil war and NATO bombings intervene on Serbia, that the intervention of the Peace Movement becomes more difficult even if demonstrations take place in Paris and Strasbourg until 1999 under the slogan "No bombing, no ethnic cleansing".
The Iraq war, at the beginning of 2003, was marked by several weeks of debates, which allowed a mobilisation of public opinion. This culminated on 15 February 2003 with demonstrations all over the world (several million demonstrators were counted). These mobilisations progressively weakened after the start of the war but, despite everything, the anti-war movement in Iraq remained present in people's minds. Demonstrations resurfaced in the United States in September 2005 and March 2007.
On the other hand, the conflicts in Libya, Syria and Yemen have had difficulty in getting onto the agenda of public initiatives for peace in Europe, but also in France, even though our country is involved either through its participation (Libya) or through arms sales (Yemen).
How did the debate on the war in Ukraine unfold?
The Russian invasion of Ukraine occurred on 24 February 2022 without any real movement of opinion beforehand, although warning articles were published by several movements in January and February. The first three weekends of 28 February, 2 March and 9 March saw anti-war reactions and solidarity with the Ukrainian people in Europe, North America and Japan: the crowds could be large, as in Germany, in Cologne and Berlin. From 9 March onwards, we see mobilisations weakening and gradually, if not dying out, having great difficulty in being organised and gathering more than a few dozen activists (see the 2 April in France and the UK on the sites).
Another sign of the complexity of the mobilisations is the absence of any real international coordination or even of an international day of action that was really launched and taken up in March and April.
Several "basic" explanations can be given at this stage, which are not original and specific to this war in Ukraine. As with all conflicts, there is a spontaneous reaction of opinions that revolt at the announcement of a war and the threats that it may entail on their future. In the following weeks, depending on the evolution of the conflict, if the threats of extension seem to be under control, there is a "habituation" that settles in and the protests shrink to the militant level.
In the case of the war in Ukraine, given the geographical proximity and the media saturation of the destruction and the displaced, the feeling of humanitarian solidarity developed quickly and strongly. It takes precedence over political initiatives that seem far from our individual possibilities of intervention.
In a more general way, we can try to understand what other factors may have hindered the peace movements in their understanding of the war in Ukraine. I see two categories of reasons.
Firstly, over the last ten years or so, the priority of action for many movements has shifted to "sectoral" actions: nuclear disarmament has gained momentum around the campaign on the nuclear ban treaty until the extraordinary breakthrough of the adoption of the TIAN in September 2019. . For other groups, action against the arms trade has focused efforts, again with success as the ATT was signed in 2019. Warning signs should have been given with the difficulty of mobilising on the issues of Syria and Libya.
With regard to Ukraine more specifically, the 2014 crisis which resulted in the annexation of Crimea and the neutralisation of the Donbass did not really provoke any reaction.
Second category of difficulties: it can be said that both in 2014 and in 2022, the main difficulty was first of all a political one. How to act against the aggressor, how to resituate the action for peace in a framework where the main and immediate aggressor is apparently not US imperialism and its usual accomplice, NATO? Some radical movements (like the CMP, No to NATO, the American radicals) have managed, at the price of a theoretical acrobatics, to make NATO and the USA responsible for the Ukrainian crisis, but the majority of "serious" peace movements have condemned the Russian aggression without hesitation, but then, for all that, have not succeeded in developing actions against Russia, while also criticising the "pushes for crimes" of NATO (no delegations in the Russian embassies, for example)
This type of political difficulty was experienced in 1999 with Serbia and NATO. In France, the Mouvement de la paix had managed to maintain a balance with the slogan "Neither bombing nor ethnic cleansing" but this had not been without heated internal debate. The anti-NATO movement continues to present this era without nuance by condemning the NATO bombings and forgetting the crimes of Milosevic (see for example the WPC website). In the same way today, some organisations manage, by privileging the pressures of NATO for 20 years, by overvaluing the role of the extreme right militias in Ukraine, to make people forget that there is a Russian invasion (see always WPC, US Peace Council, United National Antiwar Coalition or No to NATO).
The difficulty of mobilising against the war and especially for a negotiated political solution has multiple causes, to which we must add the difficulties of the "informational battle" and the media pressure that I mentioned in the third part of my articles.

Beyond these considerations on short-term strategies, I think that we must also broaden our thinking on the substance: should the struggle for peace not also evolve according to new war strategies, whether they are called "defence policies" or "deterrence"? In developing the following reflections, I am aware of being at the limits of the researcher in international relations and of those of the activist, long involved in action for peace. I do not wish to appear as a simple "yaqua" or "ifoque", but as a simple thrower of ideas to stimulate a debate that seems necessary.

I will take the French example because it seems to me significant of the debates existing in the United States, within NATO and the EU. I recall the quotes from the French Chief of Staff that I mentioned in my last article.
Speaking about the new "French strategic concept", he said that today it was necessary to "win the war before the war"!
"Before, conflicts were part of a peace / crisis / war pattern. From now on, it is more like a triptych of competition / contestation / confrontation. [Competition has become the normal state of affairs, whether in the economic, military, cultural or political field, and the so-called peripheral conflicts belong to this competition. We lived through twenty years during which the logic was engagement on the ground, but today' this is no longer the only solution", General Burkhard thus developed before the press.
The challenge for pacifists is considerable: how can we anticipate action against war and for peace today if peace is replaced by "permanent competition"? Action for peace must be permanent? In principle, this is our general vision of peace action, but in practice, do we implement it? What are the mechanisms for active monitoring, for concrete interventions in the field aimed at public opinion (and not just by being satisfied with a simple declaration or press release)?
Faced with a "multi-field" competition (economic, military, cultural or political, as General Burkhard points out), what can an ACTION for peace mean (here again, I specify action and not declarative posture) on a multi-field basis: "peace" through disarmament (amplify initiatives on French arms sales, see the Paris Air Show, but not only that), the reduction of military expenditure (how to take up initiatives illustrating the contrast between military expenditure and health and education needs in front of schools and hospitals),  Strengthening the role of the UN and multilateralism (how to take up strong criticism of the G7, Davos, etc.), the relevance of the treaties (what educational explanatory actions, what use should be made of the United Nations headquarters in Geneva).
What "economic peace": how to better see the link between conflicts and war and the achievement of the MDGs; how to link peace and commercial plundering of the wealth of developing countries; finally, how to continue and strengthen the action taken to link peace and action for a sustainable planet (the embargo against sustainable gas leads to the exploitation of US shale gas and the reopening of coal mines!)?
What "peace of information" pacified by the promotion of fact-checking (see previous article); what support for independent media oriented towards the defence of peace? What involvement in social networks by peace committees (there is a considerable delay, in France in particular, in the use of Facebook, Twitter, Instagram and the need for massive training of activists), the promotion of collaborative information, support for free software.
What kind of "citizen peace", what kind of support for citizen commitment through peace education, which already exists, particularly in France, but to make it a mass requirement. How to strengthen peaceful cooperation. For these, should we not promote the idea of regular world peace summits, which would go beyond the currently sclerotic structures of the WPC or the BIP?

After this list, I will be told that there is nothing very new in all this, it is only the repetition of the Objectives of the Culture of Peace.
I agree, but perhaps we should take up the objectives of culture in the light of what's new in the world, what's new in the strategies of the military, and develop real strategies ourselves.
For example, it is clear that we have difficulty in tackling "economic warfare" from a pacifist point of view, in tackling the increase in arms spending in a non-formal and routine way, in their globality in relation to social needs, injustices and global inequalities (ODD), the future of the planet, without following the lead of existing organisations or coalitions, but making peace the driving force of movements. How to take up the issue of respect and promotion of "international law" in a simple and political way and not just a technical one. We encounter the same difficulties in developing opinion movements, the "societal war": creating centres of action, social networks with specialised activists, creating the elements of language.
The same goes for information, how to fight the information war, with what resources? How can we be producers of information, to feed social networks. Our smartphones have become video producers: we can't hold an event, a rally, a meeting or a demonstration without two or three one- or two-minute videos on Twitter, Facebook, Instagram or Diaspora. There are free alternative networks outside GAFAM, why not invest them with our content, make them points of reference?

In fact, today, I think that the peace movement, in all its forms and in all its components, is confronted with new challenges, in the face of changes in the world. The challenge is how to concretely "globalise peace", to use one of our slogans? Is it not urgent to work to create a great world movement for peace, which would take up the work of the "Millennium Forum" of the year 2000 (see http://www.onecountry.fr/index.php?page=article&article=82), to demilitarise international relations and demilitarise the minds of human beings?
Why wouldn't the Peace Movement work on this by conducting a major national forum for debate and rethinking today's issues throughout the year 2023?
Perhaps, parodying the military formula, we could "win the peace before the peace"?

Daniel Durand - 11 April 2022

NB: Websites consulted: Mouvement de la paix in France (https://mvtpaix.org), Peace Action in the USA (https://www.peaceaction.org/), Barcelona Peace Foundation (http://fundipau.org/), Stop the war coalition in the UK (https://www.stopwar.org.uk/), Campaign for Peace, Disarmament and Common Security in the USA (https://www.cpdcs. org/), the United National Antiwar Coalition in the USA (https://www.unacpeace.org/), the German Society for Peace and War Resisters, DFG-VK (https://dfg-vk.de/), the No to War, no to NATO network (https://www.no-to-nato.org/), the International Peace Bureau (https://www.ipb.org/), the World Peace Council (https://www.wpc-in.org/).


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jeudi 7 avril 2022

Guerre(s) Russie - Ukraine : la "guerre informationnelle" (III)

(English translation below)

Dans mon premier article sur la Guerre d'Ukraine, je parlais de "trois guerres en une" pour qualifier la superposition à une guerre classique, employant la force brutale, celle de l'armée russe en l'occurrence, d'une deuxième guerre qui ne veut pas dire son nom mais en est une véritable, la "guerre économique", juxtaposée à une nouvelle forme d'engagement des sociétés civiles, d'une autre guerre qui serait "sociétale". Pour être complet, il faut aussi enrober cela d'une bataille ancienne, celle qu'on appelait autrefois la "guerre de propagande" mais qui prend de tels degrés de diversités et de sophistication aujourd'hui qu'elle devient nouvelle, c'est la "guerre de l'information", la "guerre informationnelle" ou encore la guerre de la "communication", la "stratcom", la "guerre d'influence" des militaires.

La propagande de guerre est bien connue : les historiens de la guerre de 14-18 l'ont étudiée. La période de la 2e Guerre mondiale a vu exploser cette propagande : les affiches caricatures du juif, de la "5e colonne" sont dans les mémoires. On se souvient de Radio-Londres répondant à Radio-Paris "Radio-Paris ment, Radio-Paris est allemand".

La propagande repose sur la construction d'un "récit" servant d'appui, de justification aux actes. Ce récit repose toujours sur une vision binaire, "les gentils/les méchants", En France, trente ans après la fin de la guerre froide, les Russes sont toujours "les méchants" dans une majorité de l'opinion, tout comme ces mystérieux chinois.
Dans le cas de l'Ukraine, le pouvoir de Vladimir Poutine n'a pas lésiné sur les exagérations et les manipulations : la menace de "génocide" des populations russophones du Donbass, la nécessaire "dénazification" du pouvoir de Kiev, etc..

A-t-il été crédible ? j'en doute. La diffusion d'informations mensongères parfois grossières est efficace surtout sur les populations "captives" de l'information d'un pouvoir : en Russie, les plus sensibles sont les personnes âgées, les populations des villes moyennes et des zones rurales. Ce sont des populations où les sources d'information restent traditionnelles : journaux, télévision, radio. En Russie comme toujours dans l'histoire des guerres, cela passe par le contrôle des médias, voire l'interdiction des indociles et la censure. Les populations urbaines ou plus jeunes utilisent d'autres moyens d'information avec les réseaux sociaux. C'est pourquoi le pouvoir russe a fermé Facebook, mais d'autres réseaux cryptés comme Telegram permettent d'échapper pour une part à cette censure absolue. Nous avons hélas connu cela en France pendant la guerre d'Algérie : là aussi, le gouvernement français ne menait pas une "guerre" mais une "opération de pacification" et les journaux d'opposition comme l'Humanité, Combat étaient souvent interdits de parution ou paraissaient avec des grandes zones blanches à la place des articles censurés.
Cette propagande classique est utilisée par les deux pouvoirs, russes comme nous l'avons vu, comme ukrainien qui a, lui aussi, diffusé de fausses nouvelles (le pilote de chasse "fantôme", les 13 marins héroïques, etc...).
Cette guerre de propagande a pris dans ce conflit des formes nouvelles, marquant une évolution commencée depuis les années 90.
Les sources d'information et les canaux de diffusion se sont aujourd'hui diversifiés et pour une part, individualisés. Les sources d'infos peuvent êtres des messages, des "posts" sur Facebook, assortis de vidéos sur Twitter ou Instagram. Ces messages relaient des images truquées, prises hors contexte (images de guerre construites à partir de jeux vidéos par ex).  Les grands médias reconnaissent que les vidéos d'amateurs, prises par les smartphones, et qui circulent sur les réseaux sociaux, deviennent des sources qui vont alimenter ensuite médias classiques, télés et journaux papier.
Ces images, ces vidéos peuvent provenir de citoyens, qui peuvent être des témoins précieux, mais qui peuvent être aussi des militants d'une cause et qui vont essayer, en trichant, de peser sur l'interprétation de la réalité. De plus en plus, une partie importante de ces messages sont fournis par des salariés, véritables "soldats informationnels", chargés de peser sur la perception des événements par l'opinion publique au travers des réseaux sociaux, et cela tant du côté russe qu'ukrainien.
La question de la vérification des informations véhiculées par les réseaux sociaux (le fact-check, "examen des faits") devient donc une question centrale.
Il faut reconnaître que cette question a traversé beaucoup de rédactions de presse et interrogé beaucoup de journalistes :ces uns pour des exigences déontologiques, les autres par souci de garder une crédibilité nécessaire pour conserver la confiance des lecteurs.
Ces réflexions ont abouti à la construction d'une plateforme sur internet qui réunit des fact-checks de médias français de référence – l'AFP, 20 Minutes, Libération, Les Surligneurs, Franceinfo – ainsi que des tutoriels, des analyses et des outils pour aider enseignants, chercheurs et grand public à décrypter les fake news.
La plateforme française, membre du collectif international EDMO, s'appelle DE FACTO. Elle est portée par Sciences Po, l'AFP, le CLEMI – Centre pour l’éducation aux médias et à l’information, et XWiki SAS : https://defacto-observatoire.fr/Main/#
De nombreux journaux ont aussi leur page spéciale de checknews. en voici une liste non-exhaustive :
https://c.leprogres.fr/societe/desinfox
https://www.liberation.fr/checknews/
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/03/04/guerre-en-ukraine-notre-guide-pour-detecter-les-infox-et-les-fausses-images_6116197_4355770.html
https://factuel.afp.com/
https://factuel.afp.com/fact-checking-search-results?keywords=ukraine
L'association Acrimed a monté également un site de critique des médias : https://www.acrimed.org/

Dans les mois précédant le conflit, beaucoup d'articles circulaient sur la capacité des Russes à manipuler ainsi l'opinion. Il faut pourtant constater un relatif échec de la propagande russe, qui fait penser que, tout comme sur le plan militaire, la Russie est peut-être plus un "tigre de papier" que la menace épouvantable dont on a tant agité l'épouvantail.

Depuis le début de la guerre, on constate que la partie ukrainienne a reçu le renfort de nombreuses sociétés ou groupes anglo-saxons qui font que, de plus en plus, c'est le "récit" ukrainien qui domine sur tous les canaux d'information. Participe de cette "guerre informationnelle" l'engagement médiatique sans précédent des dirigeants politiques occidentaux, notamment du trio, Jo Biden, Boris Johnson, Emmanuel Macron, dont l'empressement à trouver des formules choc pour faire le "buzz", a pu conduire à des déclarations hasardeuses, "limites" sur le plan diplomatique par Jo Biden ("le boucher", "remplacer Poutine").
Il s'agit bien, en fait, d'une véritable guerre qui a aussi des côtés matériels avec la cyberguerre, l'utilisation d'informaticiens, de "hackers", pour lancer des attaques virales contre des institutions, des systèmes de gestion bancaires, des installations industrielles ou étatiques ; une guerre qui suppose de disposer des outils pour répercuter ces "informations". C'est ainsi que le soutien du milliardaire Elon Musk et de son réseau de satellites a été décisif pour Zélensky, pour conserver le contrôle de ses communications.
Il y a ainsi un déplacement du champ de bataille, celui-ci n'est plus seulement sur terre avec les chars et lance-missiles, ni dans le ciel avec les chasseurs-bombardiers, il est dans les esprits et donc, dans les opinions publiques.
Seuls les spécialistes ont prêté attention aux interventions du général Thierry Burkhard, nouveau chef d'État-major français à l'automne dernier, qui, en parlant du nouveau "concept stratégique français", a déclaré qu'il fallait aujourd'hui : "gagner la guerre avant la guerre" !
« Avant, les conflits s’inscrivaient dans un schéma paix / crise / guerre”. Désormais, c’est plutôt un triptyque compétition / contestation / affrontement. […] La compétition est devenue l’état normal, que ce soit dans le champ économique, militaire, culturel ou politique, et les conflits dits périphériques appartiennent à cette compétition. On a vécu vingt ans durant lesquels la logique était l’engagement sur le terrain, mais aujourd’hui ce n’est plus l’unique solution », a ainsi développé le général Burkhard devant la presse.
Voyons donc que, dans cette logique, l'état de paix n'existe plus mais est remplacé par une compétition "pacifico-guerrière" permanente ! Il y a là un nouveau sujet de réflexion pour les militants pour la paix et les organisations internationales! Que deviennent des notions comme le "maintien de la paix", le "rétablissement de la paix", etc.. ?
Quelles premières conclusions en tirer ?
Nous vivons actuellement, même dans notre pays, un régime "d'information de guerre", même s'il est différent de celui des pays impliqués à fond dans le conflit. Cela appelle beaucoup de vigilance, de la lucidité nécessaire. Par exemple, malgré les efforts de recherches d'informations objectives, les médias français ont une tendance quasi naturelle à privilégier les informations venant du côté des victimes, ici le côté  ukrainien. Certaines informations sont ainsi reprises telles quelles pendant plusieurs heures avant que les vérifications soient effectuées, et les rectificatifs, alors que certains sont nécessaires passent beaucoup plus inaperçus.
Il faut donc un effort permanent pour aller vérifier toutes les informations importantes publiées, par exemple sur les sites de checknews.
Une boussole permanente doit nous guider, juger toutes les décisions politiques et actions internationales à l'aune du droit international. J'avais ainsi fait part de mes réserves dans un précédent article sur la multiplication de sanctions internationales unilatérales hors de toutes normes claires de droit. Les évolutions récentes de celles-ci, s'appuyant sur les images révoltantes du massacre de Bourcha, aggravent ces distorsions. Cela m'amène à penser qu'on ne combat pas le comportement de voyou de Poutine par d'autres méthodes de voyou. Cela risque de d'avoir des conséquences dommageables pour la vie internationale de demain. Ce n'est pas ainsi qu'on renforcera la justice internationale.
Je reviendrai dans un IVe et dernier article sur les problèmes nouveaux posés par ce conflit aux partisans de la paix et d'un monde multilatéral.
Daniel Durand
7 avril 2022

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In my first article on the War in Ukraine, I spoke of "three wars in one" to qualify the superimposition on a classical war, employing brutal force, that of the Russian army in this case, of a second war which does not want to say its name but is a real one, the "economic war", juxtaposed to a new form of engagement of civil societies, another war which would be "societal". To be complete, we must also include an old battle, the one that used to be called the "propaganda war" but which is taking on such degrees of diversity and sophistication today that it is becoming new, it is the "information war", the "informational war" or even the war of "communication", the "stratcom", the "war of influence" of the military.

War propaganda is well known: historians of the 14-18 war have studied it. The period of the Second World War saw an explosion of this propaganda: the posters caricaturing the Jew, the "5th column" are remembered. We remember Radio-London answering Radio-Paris "Radio-Paris lies, Radio-Paris is German".

Propaganda is based on the construction of a "narrative" that serves as a support and justification for actions. In France, thirty years after the end of the Cold War, the Russians are still "the bad guys" in a majority of the opinion, just like these mysterious Chinese.
In the case of Ukraine, the power of Vladimir Putin has not skimped on exaggerations and manipulations: the threat of "genocide" of the Russian-speaking populations of Donbass, the necessary "denazification" of the power in Kiev, etc..

Was he credible? I doubt it. The dissemination of misleading information, which is sometimes crude, is especially effective on populations that are "captive" to the information of a power: in Russia, the most sensitive are the elderly, the populations of medium-sized cities and rural areas. These are populations where the sources of information remain traditional: newspapers, television, radio. In Russia, as always in the history of wars, this is done by controlling the media, even banning the indociles and censorship. The urban and younger populations use other means of information with social networks. This is why the Russian government has closed Facebook, but other encrypted networks such as Telegram allow to escape this absolute censorship. Unfortunately, we experienced this in France during the Algerian war: there too, the French government was not waging a "war" but a "pacification operation" and opposition newspapers such as L'Humanité and Combat were often banned from publication or appeared with large white areas in place of the censored articles.
This classic propaganda is used by both powers, Russian as we have seen, as well as Ukrainian, which also disseminated false news (the "phantom" fighter pilot, the 13 heroic sailors, etc...).
This propaganda war has taken on new forms in this conflict, marking an evolution that began in the 1990s.
The sources of information and the channels of diffusion have now diversified and, in part, individualized. The sources of information can be messages, "posts" on Facebook, accompanied by videos on Twitter or Instagram. These messages relay fake images, taken out of context (e.g. war images constructed from video games).  The mainstream media recognize that amateur videos taken by smartphones and circulating on social networks are becoming sources that will then feed the traditional media, TV and newspapers.
These images, these videos can come from citizens, who can be precious witnesses, but who can also be militants of a cause and who will try, by cheating, to influence the interpretation of reality. More and more, an important part of these messages are provided by employees, real "informational soldiers", in charge of influencing the perception of the events by the public opinion through social networks, and this both on the Russian and Ukrainian sides.
The question of the verification of the information conveyed by social networks (the fast-check) thus becomes a central issue.
It is necessary to recognize that this question has crossed many editors and questioned many journalists: some for deontological requirements, the others by concern to keep a credibility necessary to keep the readers' trust.
These reflections have led to the construction of an internet platform that brings together fact-checks from leading French media - AFP, 20 Minutes, Libération, Les Surligneurs, Franceinfo - as well as tutorials, analyses and tools to help teachers, researchers and the general public to decipher fake news.
The French platform, a member of the international EDMO collective, is called DE FACTO. It is supported by Sciences Po, AFP, CLEMI - Centre pour l'éducation aux médias et à l'information, and XWiki SAS: https://defacto-observatoire.fr/Main/#
Many newspapers also have their own checknews page. Here is a non-exhaustive list:ttps://c.leprogres.fr/societe/desinfox
https://www.liberation.fr/checknews/
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/03/04/guerre-en-ukraine-notre-guide-pour-detecter-les-infox-et-les-fausses-images_6116197_4355770.html
https://factuel.afp.com/
https://factuel.afp.com/fact-checking-search-results?keywords=ukraine
The association Acrimed has also set up a media criticism site: https://www.acrimed.org/

In the months preceding the conflict, many articles were circulating about the ability of the Russians to manipulate opinion in this way. However, it is necessary to note a relative failure of Russian propaganda, which makes us think that, just as on the military level, Russia is perhaps more of a "paper tiger" than the terrible threat that has been so much agitated.

Since the beginning of the war, we note that the Ukrainian side has received the reinforcement of many Anglo-Saxon companies or groups which make that, more and more, it is the Ukrainian "story" which dominates on all the information channels. Part of this "informational war" is the unprecedented media involvement of Western political leaders, especially the trio Jo Biden, Boris Johnson and Emmanuel Macron, whose eagerness to find shocking formulas to create a "buzz" has led to hazardous statements, "borderline" in diplomatic terms by Jo Biden ("the butcher", "replacing Putin").
In fact, this is a real war that also has material sides with cyberwarfare, the use of computer scientists, of "hackers", to launch viral attacks against institutions, banking management systems, industrial or state installations; a war that supposes having the tools to pass on this "information". This is how the support of billionaire Elon Musk and his network of satellites was decisive for Zélensky, in order to keep control of his communications.
There is thus a shift in the battlefield, which is no longer only on the ground with tanks and missile launchers, nor in the sky with fighter-bombers, it is in the minds and therefore, in public opinion.
Only specialists have paid attention to the interventions of General Thierry Burkhard, the new French Chief of Staff last autumn, who, speaking of the new "French strategic concept", declared that today it was necessary to "win the war before the war"!
"Before, conflicts were part of a peace/crisis/war pattern. From now on, it is rather a triptych of competition / contestation / confrontation. [Competition has become the normal state of affairs, whether in the economic, military, cultural or political fields, and the so-called peripheral conflicts belong to this competition. We have lived through twenty years during which the logic was engagement on the ground, but today this is no longer the only solution," General Burkhard thus developed before the press.
So let us see that, in this logic, the state of peace no longer exists but is replaced by a permanent "peace-warrior" competition! This is a new subject for reflection for peace activists and international organizations! What is happening to concepts like "peacekeeping", "peacemaking", etc.?
What are the first conclusions to be drawn?
We are currently living, even in our country, in a regime of "war information", even if it is different from that of the countries fully involved in the conflict. This calls for a great deal of vigilance and the necessary lucidity. For example, despite the efforts to seek objective information, the French media have an almost natural tendency to favor information from the side of the victims, here the Ukrainian side. Some information is thus repeated as it is for several hours before verifications are made, and corrections, although some are necessary, go much more unnoticed.
It is therefore necessary to make a permanent effort to check all the important information published, for example on the checknews sites.
A permanent compass must guide us, judging all political decisions and international actions by the yardstick of international law. In a previous article, I expressed my reservations about the multiplication of unilateral international sanctions outside of any clear legal norms. The recent evolution of these sanctions, based on the revolting images of the Bourcha, aggravate these distortions. This leads me to believe that we do not fight Putin's rogue behavior with other rogue methods. This could have damaging consequences for the international life of tomorrow. This is not the way to strengthen international justice.
I will return in a fourth and final article to the new problems posed by this conflict to the supporters of peace and a multilateral world.
Daniel Durand
April 7, 2022


Translated with www.DeepL.com/Translator (free version)

dimanche 3 avril 2022

Guerre(s) Russie - Ukraine : une guerre inattendue ? (II)

(English translation below)

L'invasion brutale de l'Ukraine le 24 février par les troupes russes, décidée par Vladimir Poutine a choqué des millions de personnes, ému les opinions devant la détresse des civils fuyant la guerre, émotion parfois un peu égoïste : "ce n'est pas possible aujourd'hui" et c'est "presque chez nous" "aux portes de l'Europe". On oublie facilement devant son poste de télévision que se déroule une guerre encore plus sanglante au Yémen, qui a fait 377 000 morts depuis 2014 ; la majeure partie de ceux-ci étant dus à la coalition dirigée par l'Arabie saoudite (qui comprend également le Qatar, qui va accueillir la Coupe du monde de football), abondamment équipée grâce aux ventes d'armes françaises.
C'est cette "surprise" des citoyens européens devant l'attaque qui a justifié les décisions annoncées très vite par plusieurs gouvernements d'augmenter leur budget militaire devant cette "nouvelle menace russe".
Les titres de la  presse sont parlants : "Pour faire front face à Vladimir Poutine, qui a ordonné une offensive des troupes russes en Ukraine, l'UE a adopté cette semaine des mesures sans précédent" (1/03/2022), "Plusieurs pays voisins de la Russie renforcent leur défense. C'est notamment le cas de la Pologne, de la Norvège ou du Danemark" (23/03/2022). Ces réactions apparaissent légitimes au premier abord, mais si on regarde de plus près l'évolution des budgets militaires de plusieurs pays européens (voir le Figaro du 23/03/2022), on peut faire les observations suivantes : entre 2019 et 2021, les dépenses militaires du Royaume-Uni sont passées de 59,4 Mds de $ à 61,5 puis 71,6 - celles de la France 52,1 à 54,9 puis 59,3 - celles de l'Allemagne de 48,4 à 52,1 puis 56,1. Ces sommes sont à comparer au budget américain qui est de 754 Mds de $, aux dépenses de la Russie qui s'élèvent nominalement à 62,2 Mds $ (180 Mds de $ en pouvoir d'achat réel) et à celles de la Chine à 207 Mds de $ nominaux (307 Mds de $ en pouvoir d'achat).
Remarquons que l'UE consacre ainsi 200 milliards de dollars par an, soit 1,5% de son PIB, pour la défense. « C'est trois ou quatre fois le budget de la Russie et autant que la Chine. Mais ce n'est pas assez », estime Josep Borrell, le reponsable européen aux affaires extérieures.

Ces chiffres montrent que les nouvelles augmentations de budgets militaires annoncées en mars 2202 ne sont pas vraiment des "virages" dus à une situation nouvelle mais s'inscrivent largement dans une trajectoire mise en place depuis trois ans, décidée après 2014 et l'invasion de la Crimée. La guerre d'Ukraine avait été plus ou moins anticipée dans la relance des militarisations. Si l'on ajoute à ces éléments le fait que le président US, Jo Biden, a annoncé, dès le 20 janvier 2022, l'imminence d'une invasion russe de l'Ukraine, une question se pose : quelles ont été les initiatives diplomatiques fortes pour désamorcer le risque de guerre, en dehors "d'effets de manches" sous la forme de menaces de sanctions, de "réactions fermes" ? Peut-on aller jusqu'à dire que les États-Unis notamment se sont accomodés par réalisme politique de l'inéluctabilité du déclenchement d'un conflit par Poutine ?
Il y a deux pistes à creuser autour de cette réflexion :
- le déroulement des rapports des puissances occidentales depuis 1990 avec la Russie
- l'examen des événements survenus depuis le 24 février, début de l'agression russe, vu du point de vue des intérêts US.
Première piste de réflexion : le débat porte sur cette question : l'OTAN a-t-elle rompu un accord passé à la fin de la Guerre froide prévoyant qu'elle n'étendrait pas ses frontières à l'Est ? La réponse est complexe. De nombreux documents dont certains publiés récemment par le journal Der Spiegel indiquent que cette question  a été abordée à plusieurs reprises, mais de manière orale seulement, par les officiels occidentaux et soviétiques de l'époque. Mais aucun document écrit ne semble avoir été signé alors. L'OTAN a beau jeu de déclarer "il n'y a jamais eu, de la part de l'Ouest, d'engagement politique ou juridiquement contraignant de ne pas élargir l'OTAN au-delà des frontières d'une Allemagne réunifiée". "Juridiquement contraignant"; le diable est évidemment dans les détails, cela ne signifie pas qu'il n'y ait pas eu de promesses verbales...
Le premier élargissement de l'OTAN vers l'Est se fit donc lors de l'acceptation de l'ancienne RDA dans l'Alliance, en accord avec Moscou. Puis en 1999, la Pologne, la République Tchèque et la Hongrie furent, elles-aussi, admises au sein de l'Alliance nord-atlantique.
"Si les Russes avaient eu un traité formel qui interdisait à ce moment-là l'expansion de l'OTAN, on aurait eu des oppositions très fortes, et il n'y en a pas eu. Au contraire, la Russie négocie son rapprochement avec l'OTAN, puisqu'on a la signature de l'acte fondateur OTAN-Russie en 1997 puis en 2002 le conseil OTAN-Russie, une structure de partenariat inédite entre les deux", estime la chercheuse Amélie Zima.
En 2004, une nouvelle vague de pays rejoint les rangs de l'OTAN : la Bulgarie, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. Dix pays de l'est de l'Europe ont ansi rejoint l'Europe. En accusant l'OTAN de ne pas avoir respecté des promesses de non-élargissement, Vladimir Poutine cherche-t-il uniquement à justifier son annexion de la Crimée et aujourd'hui son invasion de l'Ukraine ? Pour une part certainement, et en même temps, depuis les années 2008, beaucoup de choses ont changé dans les rapports géopolitiques.
Les accords de partenariat entre OTAN et Russie ont été suspendus complètement depuis 2014, les illusions qui pouvaient exister de voir la Russie considérée comme un partenaire dans les affaires européennes envolées. Le concept stratégique adopté par l'OTAN en novembre 2010 entérine la volonté de l'alliance d'intervenir sur des théâtres d'opération extérieurs à ses frontières comme elle l'avait fait en Afghanistan. C'est dans ce nouveau contexte géopolitique que l'élargissement de l'OTAN à l'est de l'Europe peut être considéré comme un encerclement stratégique de fait. L'éventualité de l'entrée un jour de l'Ukraine et de la Géorgie dans l'OTAN, même si les processus n'étaient pas encore formalisés, aggravaient encore cette situation. Il n'est donc pas surprenant que le débat sur la neutralité éventuelle de l'Ukraine figure en bonne place dans les négociations de sortie de crise entre Russes et Ukrainiens.
Élément aggravant, cette dégradation continue des rapports entre Russes et occidentaux, matérialisée par l'extension de l'OTAN, s'est traduite progressivement également par la mise à l'écart et la perte de substance de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) qui aurait pu constituer le cadre idéal de la construction d'une nouvelle sécurité commune entre tous les pays européens).
Ne pas accepter la brutalité et l'illégalité de la décision de Poutine d'envahir militairement un autre pays n'empêche pas d'être lucide sur le contexte géo-politique dans lequel s'est produite cette agression.

Quelle solution ? De fait, demain, tous les éléments pour reconstruire la confiance entre pays européens seront à reconstruire, l'hypothèse avancée par beaucoup d'une nouvelle Conférence européenne pourrait permettre de remettre sur la table tous ces problèmes, à condition qu'y soient associés, sous une forme adaptée, les divers composants des sociétés civiles européennes dont l'expérience et l'implication ont beaucoup grandi depuis 1975, date de la Conférence d'Helsinki, qui, dans un autre contexte, avait contribué à donner un élan à la coopération en Europe.

Ma deuxième piste de réflexion relative à l'attitude des différents États avant et pendant le déroulement de la guerre d'invasion russe est de comprendre à qui, en dehors des absurdes et criminels fantasmes de puissance de la russie, profite le chaos ainsi créé.
Il est clair que depuis 2014, la militarisation de la région a connu un essor extraordinaire.  L'armée russe a réorganisé sa structuration et modernisé ses armements. Le complexe militaire-industriel russe a connu un développement rapide et représente en 2016, 50 % de la production brute de l'industrie manufacturière selon le chercheur Vladislav Inozemtsev (IFRI). Malgré les obstacles provoqués par les sanctions économiques occidentales, notamment sur le plan technologique, les renouvellements de matériels militaires nécessaires ppour compenser les pertes russes donneront encore un coup de fouet au secteur.
De l'autre côté, depuis 2014, l'Ukraine a reçu un fort soutien militaire occidental, l'ambassadeur américain à Kiev a affirmé que depuis 2014, les États-Unis ont fourni à l’Ukraine plus de 2,5 milliards de dollars d’aides pour renforcer sa sécurité.
Depuis le début de l'attaque russe, au moins seize pays de l'Otan, ainsi que deux habituellement neutres, selon un décompte du journal "Les Échos", ont fourni des armes au gouvernement ukrainien. Washington a et va procurer 1400 missiles portables Stinger contre les hélicoptères, en sus des 500 fournis par l'Allemagne et de ceux promis par la Lettonie, la Lituanie, l'Italie et les Pays-Bas. Berlin a offert 2.700 missiles sol-air Strela des entrepôts de l'ex-RDA, Washington va aussi fournir 2.000 missiles Javelin, d'une portée de 2,5 km, en sus des 2.600 déjà acheminés contre les chars. Beaucoup de pays de l'Est offrent des stocks de matériels de l'ère-soviétique et réclament à l'OTAN, en échange, leur remplacement par des modèles dernier cri (mais qui coûtent beaucoup plus cher). Le complexe militaro-industriel, notamment américain, voit donc sans déplaisir le prolongement des hostilités qui viennent alimenter un secteur qui était en ralentissement économique.
Ce n'est pas être cynique ou "complotiste" d'évoquer cet aspect sinistre de la guerre car il faut toujours avoir en mémoire la déclaration, pleine de lucidité du Président US Einsenhower après son mandat en 1961, « Dans les assemblées du gouvernement, nous devons donc nous garder de toute influence injustifiée, qu'elle ait ou non été sollicitée, exercée par le complexe militaro-industriel".
La guerre profite toujours à des puissances quelles qu'elles soient :  c'est évident sur les plans politique ou stratégique mais c'est vrai aussi sur le plan économique. Le resserrement politique autour de l'OTAN va se traduire probablement par de nouvelles commandes dans le domaine de l'aéronautique avec l'achat de nombreux  chasseurs F35 par des pays européens tels l’Italie, la Belgique    et les Pays-Bas    – au détriment du Rafale de    Dassault. Les discours sur l'indépendance énergétique des pays européens du Nord et de l'Allemagne vis à vis du gaz russe devraient se traduire par la percée des exportations américains de gaz de schiste (GNL) vers l'Europe. Un accord a été signé le 25 mars entre l'UE et les USA qui prévoit que les États-Unis livreront 15 milliards de mètres de cubes (Gm3) de gaz naturel liquéfié, importé par navires, en Europe, en 2022, en sus des 25 Gm3 déjà prévus. L’objectif est de se passer des 155 Gm3 de gaz russe – dont 40 par l’Allemagne – qui fournissent 30 % de la consommation européenne.
Ce qui se passe sur le terrain donne ainsi raison à certains politologues qui estimaient avant le 24 février que les USA avaient intérêt à un affrontement avec la Russie pour l'affaiblir dans la compétition internationale, réouvrir de nouveaux marchés (gaz), empêcher la création d'un bloc solide Russie/Chine, renforcer un nouveau bloc du "monde libre".
Ce n'est pas une des moindres contradiction à surmonter dans la lutte pour la paix : la priorité reste l'obtention de l'arrêt de l'agression militaire russe, la conclusion d'un cessez-le-feu et d'une solution politique ouvrant un chemin vers la paix, puisque le centre de toute action politique internationale reste la sécurité des populations civiles ukrainiennes.
En conclusion partielle, on peut donc observer que la guerre livrée par la Russie à l'Ukraine offre, derrière la condamnation sans équivoque de cette atteinte au droit international, un arrière-plan, beaucoup plus complexe où se mêlent considérations géo-politiques depuis trente ans, poursuite d'intérêts économiques et stratégiques, où la morale et les sentiments généreux n'ont que peu de choses à voir.
Ce n'est pas une caractéristique nouvelle pour ce conflit, il en est ainsi de toute guerre. par contre, je reviendrai dans une troisième partie sur des aspects plus nouveaux de ce qu'on pourrait appeler une "4ème guerre dans la guerre", la "guerre de l'information", la "stratcom", bien éloignée des simples batailles de "propagande" des guerres d'autrefois, avec tous les nouveaux défis que cela pose dans la lutte pour la paix.

Daniel Durand
3 avril 2022

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War(s) Russia - Ukraine: an unexpected war? (II)

The brutal invasion of Ukraine on February 24 by Russian troops, decided Vladimir Putin has shocked millions of people, moved opinions in front of the distress of civilians fleeing the war, emotion sometimes a little selfish: "it is not possible today" and it is "almost home" "at the gates of Europe". It is easy to forget in front of one's television set that an even bloodier war is being waged in Yemen, which has caused 377 OOO deaths since 2014; most of these being due to the Saudi-led coalition (which also includes Qatar, which is going to host the soccer World Cup), abundantly equipped thanks to French arms sales.
It is this "surprise" of the European citizens in front of the attack which justified the decisions announced very quickly by several governments to increase their military budget in front of this "new Russian threat".
The press headlines speak for themselves: "To face Vladimir Putin, who ordered an offensive by Russian troops in Ukraine, the EU adopted unprecedented measures this week" (1/03/2022), "Several countries neighboring Russia are strengthening their defense. This is notably the case of Poland, Norway and Denmark" (23/03/2022). These reactions appear legitimate at first glance, but if we look more closely at the evolution of the military budgets of several European countries (see Le Figaro of 23/03/2022), we can make the following observations: between 2019 and 2021, the United Kingdom's military expenditure has risen from $59.4 billion to $61.5 and then to $71.6 - that of France from $52.1 to $54.9 and then to $59.3 - that of Germany from $48.4 to $52.1 and then to $56.1. These sums are to be compared with the American budget of $754 billion, with Russia's expenditure of $62.2 billion nominally ($10 billion in real purchasing power) and with China's expenditure of $207 billion nominally ($307 billion in purchasing power).
Note that the EU spends $200 billion per year, or 1.5% of its GDP, on defense. "This is three or four times the budget of Russia and as much as China. But it is not enough," says Josep Borrell, the European Commissioner for External Affairs.

These figures show that the new increases in military budgets announced in March 2002 are not really "turns" due to a new situation, but are largely part of a trajectory set up three years ago, decided after 2014 and the invasion of Crimea. The war in Ukraine had been more or less anticipated in the re-launch of militarizations. If we add to these elements the fact that the US President, Jo Biden, announced, as early as January 20, 2022, the imminence of a Russian invasion of Ukraine, a question arises: what were the strong diplomatic initiatives to defuse the risk of war, apart from "sleeve effects" in the form of threats of sanctions, of "firm reactions"? Can we go so far as to say that the United States in particular has accommodated the inevitability of Putin's triggering a conflict out of political realism?
There are two avenues to explore in this reflection:
- the course of the relations of the Western powers since 1990 with Russia
- the examination of the events that have occurred since February 24, the beginning of the Russian aggression, seen from the point of view of US interests.
First line of thought: the debate is about this question: did NATO break an agreement made at the end of the Cold War that it would not extend its borders to the East? The answer is complex. Numerous documents, including some recently published by Der Spiegel, indicate that this issue was discussed on several occasions, but only orally, by Western and Soviet officials at the time. But no written document seems to have been signed at the time. NATO is at liberty to state that "there has never been a political or legally binding commitment by the West not to expand NATO beyond the borders of a reunified Germany. "Legally binding"; the devil is obviously in the details, it does not mean that there were no verbal promises...
The first enlargement of NATO to the East was thus made when the former GDR was accepted into the Alliance, in agreement with Moscow. Then in 1999, Poland, the Czech Republic and Hungary were also admitted to the North Atlantic Alliance.
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"If the Russians had had a formal treaty prohibiting the expansion of NATO at that time, there would have been very strong opposition, and there was none. On the contrary, Russia negotiated its rapprochement with NATO, since the NATO-Russia Founding Act was signed in 1997, and in 2002 the NATO-Russia Council was created, an unprecedented partnership structure between the two," says researcher Amélie Zima.
In 2004, a new wave of countries joined the ranks of NATO: Bulgaria, Estonia, Latvia, Lithuania, Romania, Slovakia and Slovenia. Ten Eastern European countries have now joined Europe. By accusing NATO of not having respected its promises of non-enlargement, is Vladimir Putin only trying to justify his annexation of Crimea and now his invasion of Ukraine? On the one hand, certainly, and at the same time, since 2008, many things have changed in geopolitical relations.
The partnership agreements between NATO and Russia have been suspended completely since 2014, the illusions that could exist to see Russia considered as a partner in European affairs gone. The strategic concept adopted by NATO in November 2010 endorses the alliance's willingness to intervene in theaters of operation outside its borders, as it had done in Afghanistan. It is in this new geopolitical concept that the enlargement of NATO to the east of Europe can be considered as a de facto strategic encirclement. The possibility of Ukraine and Georgia joining NATO one day, even if the processes were not yet formalized, further aggravated this situation. It is not surprising, therefore, that the debate over Ukraine's possible neutrality figures prominently in the crisis exit negotiations between Russians and Ukrainians.
What makes matters worse is that this continuous deterioration of relations between Russians and Westerners, materialized by the expansion of NATO, has also progressively resulted in the sidelining and loss of substance of the OSCE (Organization for Security and Cooperation in Europe), which could have been the ideal framework for the construction of a new common security between all European countries.)
Not accepting the brutality and illegality of Putin's decision to militarily invade another country does not prevent us from being lucid about the geo-political context in which this aggression took place.
What solution? In fact, tomorrow, all the elements for rebuilding trust between European countries will have to be rebuilt, and the hypothesis put forward by many of a new European Conference could make it possible to put all these problems back on the table, provided that the various components of European civil societies, whose experience and involvement have grown considerably since 1975, the date of the Helsinki Conference, which, in another context, helped to give impetus to cooperation in Europe, are associated with it, in an appropriate form.

My second line of thought regarding the attitude of the various states before and during the course of the Russian invasion war is to understand who, apart from Russia's absurd and criminal fantasies of power, benefits from the chaos thus created.
It is clear that since 2014 there has been an extraordinary upsurge in the militarization of the region.  The Russian army has reorganized its structuring and modernized its armaments. The Russian military-industrial complex has grown rapidly and in 2016 accounted for 50% of gross manufacturing output according to researcher Vladislav Inozemtsev (IFRI). Despite the obstacles caused by Western economic sanctions, especially in terms of technology, the renewals of military equipment necessary pp to compensate for Russian losses will still give a boost to the sector.
On the other hand, since 2014, Ukraine has received strong Western military support, the U.S. ambassador in Kiev said that since 2014, the United States has provided Ukraine with more than $ 2.5 billion in aid to strengthen its security.
Since the beginning of the Russian attack, at least sixteen Nato countries, as well as two usually neutral, according to a count by the newspaper "Les Echos", have provided weapons to the Ukrainian government. Washington has and will provide 1,400 portable Stinger missiles against helicopters, in addition to the 500 provided by Germany and those promised by Latvia, Lithuania, Italy and the Netherlands. Berlin offered 2,700 Strela surface-to-air missiles from the warehouses of the former GDR, and Washington will also provide 2,000 Javelin missiles, with a range of 2.5 km, in addition to the 2,600 already delivered against tanks. Many Eastern European countries are offering stocks of Soviet-era equipment and are demanding that NATO replace them with the latest models (which cost much more). ). The military-industrial complex, especially the American one, is therefore not unhappy with the extension of hostilities, which are feeding a sector that was in economic slowdown.
It is not cynical or "conspiratorial" to evoke this sinister aspect of the war, because we must always remember the lucid declaration of US President Einsenhower after his term of office in 1961, ""In the governmental assemblies, we must therefore guard against any unjustified influence, whether solicited or unsolicited, exerted by the military-industrial complex".
War always benefits powers of any kind: this is obvious on the political or strategic level, but it is also true on the economic level. The political tightening around NATO will probably result in new orders in the field of aeronautics with the purchase of numerous F35 fighters by European countries such as Italy, Belgium and the Netherlands - to the detriment of the Dassault Rafale. The talk of energy independence for northern European countries and Germany from Russian gas should result in a breakthrough in American shale gas (LNG) exports to Europe. An agreement was signed on 25 March between the EU and the USA which provides that the USA will deliver 15 billion cubic metres (bcm) of liquefied natural gas, imported by ship, to Europe in 2022, in addition to the 25 bcm already planned. The aim is to do away with the 155 Gm3 of Russian gas - 40 of which is supplied by Germany - which provides 30% of European consumption.
What is happening on the ground thus vindicates certain political scientists who, before 24 February, believed that the United States had an interest in a confrontation with Russia in order to weaken it in international competition, to reopen new markets (gas), to prevent the creation of a solid Russia/China bloc, and to strengthen a new "free world" bloc.
This is not the least of the contradictions to be overcome in the struggle for peace: the priority remains to obtain a halt to Russian military aggression, the conclusion of a cease-fire and a political solution opening a path to peace, since the center of all international political action remains the safety of the Ukrainian civilian population.
As a partial conclusion, we can therefore observe that behind the unequivocal condemnation of Russia's war against Ukraine there is a much more complex background, where geo-political considerations for the last thirty years, the pursuit of economic and strategic interests, where morality and generous feelings have little to do.
This is not a new characteristic of this conflict, as it is with any war. On the other hand, I will come back in a third part to the newer aspects of what could be called a "4th war in the war", the "information war", far from the simple "propaganda" battles of the wars of the past, with all the new challenges that this poses in the struggle for peace.

Daniel Durand
April 3rd, 2022