dimanche 3 avril 2022

Guerre(s) Russie - Ukraine : une guerre inattendue ? (II)

(English translation below)

L'invasion brutale de l'Ukraine le 24 février par les troupes russes, décidée par Vladimir Poutine a choqué des millions de personnes, ému les opinions devant la détresse des civils fuyant la guerre, émotion parfois un peu égoïste : "ce n'est pas possible aujourd'hui" et c'est "presque chez nous" "aux portes de l'Europe". On oublie facilement devant son poste de télévision que se déroule une guerre encore plus sanglante au Yémen, qui a fait 377 000 morts depuis 2014 ; la majeure partie de ceux-ci étant dus à la coalition dirigée par l'Arabie saoudite (qui comprend également le Qatar, qui va accueillir la Coupe du monde de football), abondamment équipée grâce aux ventes d'armes françaises.
C'est cette "surprise" des citoyens européens devant l'attaque qui a justifié les décisions annoncées très vite par plusieurs gouvernements d'augmenter leur budget militaire devant cette "nouvelle menace russe".
Les titres de la  presse sont parlants : "Pour faire front face à Vladimir Poutine, qui a ordonné une offensive des troupes russes en Ukraine, l'UE a adopté cette semaine des mesures sans précédent" (1/03/2022), "Plusieurs pays voisins de la Russie renforcent leur défense. C'est notamment le cas de la Pologne, de la Norvège ou du Danemark" (23/03/2022). Ces réactions apparaissent légitimes au premier abord, mais si on regarde de plus près l'évolution des budgets militaires de plusieurs pays européens (voir le Figaro du 23/03/2022), on peut faire les observations suivantes : entre 2019 et 2021, les dépenses militaires du Royaume-Uni sont passées de 59,4 Mds de $ à 61,5 puis 71,6 - celles de la France 52,1 à 54,9 puis 59,3 - celles de l'Allemagne de 48,4 à 52,1 puis 56,1. Ces sommes sont à comparer au budget américain qui est de 754 Mds de $, aux dépenses de la Russie qui s'élèvent nominalement à 62,2 Mds $ (180 Mds de $ en pouvoir d'achat réel) et à celles de la Chine à 207 Mds de $ nominaux (307 Mds de $ en pouvoir d'achat).
Remarquons que l'UE consacre ainsi 200 milliards de dollars par an, soit 1,5% de son PIB, pour la défense. « C'est trois ou quatre fois le budget de la Russie et autant que la Chine. Mais ce n'est pas assez », estime Josep Borrell, le reponsable européen aux affaires extérieures.

Ces chiffres montrent que les nouvelles augmentations de budgets militaires annoncées en mars 2202 ne sont pas vraiment des "virages" dus à une situation nouvelle mais s'inscrivent largement dans une trajectoire mise en place depuis trois ans, décidée après 2014 et l'invasion de la Crimée. La guerre d'Ukraine avait été plus ou moins anticipée dans la relance des militarisations. Si l'on ajoute à ces éléments le fait que le président US, Jo Biden, a annoncé, dès le 20 janvier 2022, l'imminence d'une invasion russe de l'Ukraine, une question se pose : quelles ont été les initiatives diplomatiques fortes pour désamorcer le risque de guerre, en dehors "d'effets de manches" sous la forme de menaces de sanctions, de "réactions fermes" ? Peut-on aller jusqu'à dire que les États-Unis notamment se sont accomodés par réalisme politique de l'inéluctabilité du déclenchement d'un conflit par Poutine ?
Il y a deux pistes à creuser autour de cette réflexion :
- le déroulement des rapports des puissances occidentales depuis 1990 avec la Russie
- l'examen des événements survenus depuis le 24 février, début de l'agression russe, vu du point de vue des intérêts US.
Première piste de réflexion : le débat porte sur cette question : l'OTAN a-t-elle rompu un accord passé à la fin de la Guerre froide prévoyant qu'elle n'étendrait pas ses frontières à l'Est ? La réponse est complexe. De nombreux documents dont certains publiés récemment par le journal Der Spiegel indiquent que cette question  a été abordée à plusieurs reprises, mais de manière orale seulement, par les officiels occidentaux et soviétiques de l'époque. Mais aucun document écrit ne semble avoir été signé alors. L'OTAN a beau jeu de déclarer "il n'y a jamais eu, de la part de l'Ouest, d'engagement politique ou juridiquement contraignant de ne pas élargir l'OTAN au-delà des frontières d'une Allemagne réunifiée". "Juridiquement contraignant"; le diable est évidemment dans les détails, cela ne signifie pas qu'il n'y ait pas eu de promesses verbales...
Le premier élargissement de l'OTAN vers l'Est se fit donc lors de l'acceptation de l'ancienne RDA dans l'Alliance, en accord avec Moscou. Puis en 1999, la Pologne, la République Tchèque et la Hongrie furent, elles-aussi, admises au sein de l'Alliance nord-atlantique.
"Si les Russes avaient eu un traité formel qui interdisait à ce moment-là l'expansion de l'OTAN, on aurait eu des oppositions très fortes, et il n'y en a pas eu. Au contraire, la Russie négocie son rapprochement avec l'OTAN, puisqu'on a la signature de l'acte fondateur OTAN-Russie en 1997 puis en 2002 le conseil OTAN-Russie, une structure de partenariat inédite entre les deux", estime la chercheuse Amélie Zima.
En 2004, une nouvelle vague de pays rejoint les rangs de l'OTAN : la Bulgarie, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. Dix pays de l'est de l'Europe ont ansi rejoint l'Europe. En accusant l'OTAN de ne pas avoir respecté des promesses de non-élargissement, Vladimir Poutine cherche-t-il uniquement à justifier son annexion de la Crimée et aujourd'hui son invasion de l'Ukraine ? Pour une part certainement, et en même temps, depuis les années 2008, beaucoup de choses ont changé dans les rapports géopolitiques.
Les accords de partenariat entre OTAN et Russie ont été suspendus complètement depuis 2014, les illusions qui pouvaient exister de voir la Russie considérée comme un partenaire dans les affaires européennes envolées. Le concept stratégique adopté par l'OTAN en novembre 2010 entérine la volonté de l'alliance d'intervenir sur des théâtres d'opération extérieurs à ses frontières comme elle l'avait fait en Afghanistan. C'est dans ce nouveau contexte géopolitique que l'élargissement de l'OTAN à l'est de l'Europe peut être considéré comme un encerclement stratégique de fait. L'éventualité de l'entrée un jour de l'Ukraine et de la Géorgie dans l'OTAN, même si les processus n'étaient pas encore formalisés, aggravaient encore cette situation. Il n'est donc pas surprenant que le débat sur la neutralité éventuelle de l'Ukraine figure en bonne place dans les négociations de sortie de crise entre Russes et Ukrainiens.
Élément aggravant, cette dégradation continue des rapports entre Russes et occidentaux, matérialisée par l'extension de l'OTAN, s'est traduite progressivement également par la mise à l'écart et la perte de substance de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) qui aurait pu constituer le cadre idéal de la construction d'une nouvelle sécurité commune entre tous les pays européens).
Ne pas accepter la brutalité et l'illégalité de la décision de Poutine d'envahir militairement un autre pays n'empêche pas d'être lucide sur le contexte géo-politique dans lequel s'est produite cette agression.

Quelle solution ? De fait, demain, tous les éléments pour reconstruire la confiance entre pays européens seront à reconstruire, l'hypothèse avancée par beaucoup d'une nouvelle Conférence européenne pourrait permettre de remettre sur la table tous ces problèmes, à condition qu'y soient associés, sous une forme adaptée, les divers composants des sociétés civiles européennes dont l'expérience et l'implication ont beaucoup grandi depuis 1975, date de la Conférence d'Helsinki, qui, dans un autre contexte, avait contribué à donner un élan à la coopération en Europe.

Ma deuxième piste de réflexion relative à l'attitude des différents États avant et pendant le déroulement de la guerre d'invasion russe est de comprendre à qui, en dehors des absurdes et criminels fantasmes de puissance de la russie, profite le chaos ainsi créé.
Il est clair que depuis 2014, la militarisation de la région a connu un essor extraordinaire.  L'armée russe a réorganisé sa structuration et modernisé ses armements. Le complexe militaire-industriel russe a connu un développement rapide et représente en 2016, 50 % de la production brute de l'industrie manufacturière selon le chercheur Vladislav Inozemtsev (IFRI). Malgré les obstacles provoqués par les sanctions économiques occidentales, notamment sur le plan technologique, les renouvellements de matériels militaires nécessaires ppour compenser les pertes russes donneront encore un coup de fouet au secteur.
De l'autre côté, depuis 2014, l'Ukraine a reçu un fort soutien militaire occidental, l'ambassadeur américain à Kiev a affirmé que depuis 2014, les États-Unis ont fourni à l’Ukraine plus de 2,5 milliards de dollars d’aides pour renforcer sa sécurité.
Depuis le début de l'attaque russe, au moins seize pays de l'Otan, ainsi que deux habituellement neutres, selon un décompte du journal "Les Échos", ont fourni des armes au gouvernement ukrainien. Washington a et va procurer 1400 missiles portables Stinger contre les hélicoptères, en sus des 500 fournis par l'Allemagne et de ceux promis par la Lettonie, la Lituanie, l'Italie et les Pays-Bas. Berlin a offert 2.700 missiles sol-air Strela des entrepôts de l'ex-RDA, Washington va aussi fournir 2.000 missiles Javelin, d'une portée de 2,5 km, en sus des 2.600 déjà acheminés contre les chars. Beaucoup de pays de l'Est offrent des stocks de matériels de l'ère-soviétique et réclament à l'OTAN, en échange, leur remplacement par des modèles dernier cri (mais qui coûtent beaucoup plus cher). Le complexe militaro-industriel, notamment américain, voit donc sans déplaisir le prolongement des hostilités qui viennent alimenter un secteur qui était en ralentissement économique.
Ce n'est pas être cynique ou "complotiste" d'évoquer cet aspect sinistre de la guerre car il faut toujours avoir en mémoire la déclaration, pleine de lucidité du Président US Einsenhower après son mandat en 1961, « Dans les assemblées du gouvernement, nous devons donc nous garder de toute influence injustifiée, qu'elle ait ou non été sollicitée, exercée par le complexe militaro-industriel".
La guerre profite toujours à des puissances quelles qu'elles soient :  c'est évident sur les plans politique ou stratégique mais c'est vrai aussi sur le plan économique. Le resserrement politique autour de l'OTAN va se traduire probablement par de nouvelles commandes dans le domaine de l'aéronautique avec l'achat de nombreux  chasseurs F35 par des pays européens tels l’Italie, la Belgique    et les Pays-Bas    – au détriment du Rafale de    Dassault. Les discours sur l'indépendance énergétique des pays européens du Nord et de l'Allemagne vis à vis du gaz russe devraient se traduire par la percée des exportations américains de gaz de schiste (GNL) vers l'Europe. Un accord a été signé le 25 mars entre l'UE et les USA qui prévoit que les États-Unis livreront 15 milliards de mètres de cubes (Gm3) de gaz naturel liquéfié, importé par navires, en Europe, en 2022, en sus des 25 Gm3 déjà prévus. L’objectif est de se passer des 155 Gm3 de gaz russe – dont 40 par l’Allemagne – qui fournissent 30 % de la consommation européenne.
Ce qui se passe sur le terrain donne ainsi raison à certains politologues qui estimaient avant le 24 février que les USA avaient intérêt à un affrontement avec la Russie pour l'affaiblir dans la compétition internationale, réouvrir de nouveaux marchés (gaz), empêcher la création d'un bloc solide Russie/Chine, renforcer un nouveau bloc du "monde libre".
Ce n'est pas une des moindres contradiction à surmonter dans la lutte pour la paix : la priorité reste l'obtention de l'arrêt de l'agression militaire russe, la conclusion d'un cessez-le-feu et d'une solution politique ouvrant un chemin vers la paix, puisque le centre de toute action politique internationale reste la sécurité des populations civiles ukrainiennes.
En conclusion partielle, on peut donc observer que la guerre livrée par la Russie à l'Ukraine offre, derrière la condamnation sans équivoque de cette atteinte au droit international, un arrière-plan, beaucoup plus complexe où se mêlent considérations géo-politiques depuis trente ans, poursuite d'intérêts économiques et stratégiques, où la morale et les sentiments généreux n'ont que peu de choses à voir.
Ce n'est pas une caractéristique nouvelle pour ce conflit, il en est ainsi de toute guerre. par contre, je reviendrai dans une troisième partie sur des aspects plus nouveaux de ce qu'on pourrait appeler une "4ème guerre dans la guerre", la "guerre de l'information", la "stratcom", bien éloignée des simples batailles de "propagande" des guerres d'autrefois, avec tous les nouveaux défis que cela pose dans la lutte pour la paix.

Daniel Durand
3 avril 2022

**********************************************


War(s) Russia - Ukraine: an unexpected war? (II)

The brutal invasion of Ukraine on February 24 by Russian troops, decided Vladimir Putin has shocked millions of people, moved opinions in front of the distress of civilians fleeing the war, emotion sometimes a little selfish: "it is not possible today" and it is "almost home" "at the gates of Europe". It is easy to forget in front of one's television set that an even bloodier war is being waged in Yemen, which has caused 377 OOO deaths since 2014; most of these being due to the Saudi-led coalition (which also includes Qatar, which is going to host the soccer World Cup), abundantly equipped thanks to French arms sales.
It is this "surprise" of the European citizens in front of the attack which justified the decisions announced very quickly by several governments to increase their military budget in front of this "new Russian threat".
The press headlines speak for themselves: "To face Vladimir Putin, who ordered an offensive by Russian troops in Ukraine, the EU adopted unprecedented measures this week" (1/03/2022), "Several countries neighboring Russia are strengthening their defense. This is notably the case of Poland, Norway and Denmark" (23/03/2022). These reactions appear legitimate at first glance, but if we look more closely at the evolution of the military budgets of several European countries (see Le Figaro of 23/03/2022), we can make the following observations: between 2019 and 2021, the United Kingdom's military expenditure has risen from $59.4 billion to $61.5 and then to $71.6 - that of France from $52.1 to $54.9 and then to $59.3 - that of Germany from $48.4 to $52.1 and then to $56.1. These sums are to be compared with the American budget of $754 billion, with Russia's expenditure of $62.2 billion nominally ($10 billion in real purchasing power) and with China's expenditure of $207 billion nominally ($307 billion in purchasing power).
Note that the EU spends $200 billion per year, or 1.5% of its GDP, on defense. "This is three or four times the budget of Russia and as much as China. But it is not enough," says Josep Borrell, the European Commissioner for External Affairs.

These figures show that the new increases in military budgets announced in March 2002 are not really "turns" due to a new situation, but are largely part of a trajectory set up three years ago, decided after 2014 and the invasion of Crimea. The war in Ukraine had been more or less anticipated in the re-launch of militarizations. If we add to these elements the fact that the US President, Jo Biden, announced, as early as January 20, 2022, the imminence of a Russian invasion of Ukraine, a question arises: what were the strong diplomatic initiatives to defuse the risk of war, apart from "sleeve effects" in the form of threats of sanctions, of "firm reactions"? Can we go so far as to say that the United States in particular has accommodated the inevitability of Putin's triggering a conflict out of political realism?
There are two avenues to explore in this reflection:
- the course of the relations of the Western powers since 1990 with Russia
- the examination of the events that have occurred since February 24, the beginning of the Russian aggression, seen from the point of view of US interests.
First line of thought: the debate is about this question: did NATO break an agreement made at the end of the Cold War that it would not extend its borders to the East? The answer is complex. Numerous documents, including some recently published by Der Spiegel, indicate that this issue was discussed on several occasions, but only orally, by Western and Soviet officials at the time. But no written document seems to have been signed at the time. NATO is at liberty to state that "there has never been a political or legally binding commitment by the West not to expand NATO beyond the borders of a reunified Germany. "Legally binding"; the devil is obviously in the details, it does not mean that there were no verbal promises...
The first enlargement of NATO to the East was thus made when the former GDR was accepted into the Alliance, in agreement with Moscow. Then in 1999, Poland, the Czech Republic and Hungary were also admitted to the North Atlantic Alliance.
.
"If the Russians had had a formal treaty prohibiting the expansion of NATO at that time, there would have been very strong opposition, and there was none. On the contrary, Russia negotiated its rapprochement with NATO, since the NATO-Russia Founding Act was signed in 1997, and in 2002 the NATO-Russia Council was created, an unprecedented partnership structure between the two," says researcher Amélie Zima.
In 2004, a new wave of countries joined the ranks of NATO: Bulgaria, Estonia, Latvia, Lithuania, Romania, Slovakia and Slovenia. Ten Eastern European countries have now joined Europe. By accusing NATO of not having respected its promises of non-enlargement, is Vladimir Putin only trying to justify his annexation of Crimea and now his invasion of Ukraine? On the one hand, certainly, and at the same time, since 2008, many things have changed in geopolitical relations.
The partnership agreements between NATO and Russia have been suspended completely since 2014, the illusions that could exist to see Russia considered as a partner in European affairs gone. The strategic concept adopted by NATO in November 2010 endorses the alliance's willingness to intervene in theaters of operation outside its borders, as it had done in Afghanistan. It is in this new geopolitical concept that the enlargement of NATO to the east of Europe can be considered as a de facto strategic encirclement. The possibility of Ukraine and Georgia joining NATO one day, even if the processes were not yet formalized, further aggravated this situation. It is not surprising, therefore, that the debate over Ukraine's possible neutrality figures prominently in the crisis exit negotiations between Russians and Ukrainians.
What makes matters worse is that this continuous deterioration of relations between Russians and Westerners, materialized by the expansion of NATO, has also progressively resulted in the sidelining and loss of substance of the OSCE (Organization for Security and Cooperation in Europe), which could have been the ideal framework for the construction of a new common security between all European countries.)
Not accepting the brutality and illegality of Putin's decision to militarily invade another country does not prevent us from being lucid about the geo-political context in which this aggression took place.
What solution? In fact, tomorrow, all the elements for rebuilding trust between European countries will have to be rebuilt, and the hypothesis put forward by many of a new European Conference could make it possible to put all these problems back on the table, provided that the various components of European civil societies, whose experience and involvement have grown considerably since 1975, the date of the Helsinki Conference, which, in another context, helped to give impetus to cooperation in Europe, are associated with it, in an appropriate form.

My second line of thought regarding the attitude of the various states before and during the course of the Russian invasion war is to understand who, apart from Russia's absurd and criminal fantasies of power, benefits from the chaos thus created.
It is clear that since 2014 there has been an extraordinary upsurge in the militarization of the region.  The Russian army has reorganized its structuring and modernized its armaments. The Russian military-industrial complex has grown rapidly and in 2016 accounted for 50% of gross manufacturing output according to researcher Vladislav Inozemtsev (IFRI). Despite the obstacles caused by Western economic sanctions, especially in terms of technology, the renewals of military equipment necessary pp to compensate for Russian losses will still give a boost to the sector.
On the other hand, since 2014, Ukraine has received strong Western military support, the U.S. ambassador in Kiev said that since 2014, the United States has provided Ukraine with more than $ 2.5 billion in aid to strengthen its security.
Since the beginning of the Russian attack, at least sixteen Nato countries, as well as two usually neutral, according to a count by the newspaper "Les Echos", have provided weapons to the Ukrainian government. Washington has and will provide 1,400 portable Stinger missiles against helicopters, in addition to the 500 provided by Germany and those promised by Latvia, Lithuania, Italy and the Netherlands. Berlin offered 2,700 Strela surface-to-air missiles from the warehouses of the former GDR, and Washington will also provide 2,000 Javelin missiles, with a range of 2.5 km, in addition to the 2,600 already delivered against tanks. Many Eastern European countries are offering stocks of Soviet-era equipment and are demanding that NATO replace them with the latest models (which cost much more). ). The military-industrial complex, especially the American one, is therefore not unhappy with the extension of hostilities, which are feeding a sector that was in economic slowdown.
It is not cynical or "conspiratorial" to evoke this sinister aspect of the war, because we must always remember the lucid declaration of US President Einsenhower after his term of office in 1961, ""In the governmental assemblies, we must therefore guard against any unjustified influence, whether solicited or unsolicited, exerted by the military-industrial complex".
War always benefits powers of any kind: this is obvious on the political or strategic level, but it is also true on the economic level. The political tightening around NATO will probably result in new orders in the field of aeronautics with the purchase of numerous F35 fighters by European countries such as Italy, Belgium and the Netherlands - to the detriment of the Dassault Rafale. The talk of energy independence for northern European countries and Germany from Russian gas should result in a breakthrough in American shale gas (LNG) exports to Europe. An agreement was signed on 25 March between the EU and the USA which provides that the USA will deliver 15 billion cubic metres (bcm) of liquefied natural gas, imported by ship, to Europe in 2022, in addition to the 25 bcm already planned. The aim is to do away with the 155 Gm3 of Russian gas - 40 of which is supplied by Germany - which provides 30% of European consumption.
What is happening on the ground thus vindicates certain political scientists who, before 24 February, believed that the United States had an interest in a confrontation with Russia in order to weaken it in international competition, to reopen new markets (gas), to prevent the creation of a solid Russia/China bloc, and to strengthen a new "free world" bloc.
This is not the least of the contradictions to be overcome in the struggle for peace: the priority remains to obtain a halt to Russian military aggression, the conclusion of a cease-fire and a political solution opening a path to peace, since the center of all international political action remains the safety of the Ukrainian civilian population.
As a partial conclusion, we can therefore observe that behind the unequivocal condemnation of Russia's war against Ukraine there is a much more complex background, where geo-political considerations for the last thirty years, the pursuit of economic and strategic interests, where morality and generous feelings have little to do.
This is not a new characteristic of this conflict, as it is with any war. On the other hand, I will come back in a third part to the newer aspects of what could be called a "4th war in the war", the "information war", far from the simple "propaganda" battles of the wars of the past, with all the new challenges that this poses in the struggle for peace.

Daniel Durand
April 3rd, 2022



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire