Le gouvernement prépare un manuel de survie pour la population face aux crises majeures. Voici un projet de manuel de « survie » (ou plutôt de résilience et d’action) pour les citoyens-citoyennes attaché·e·s à la paix.
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Ce blog est dédié aux problématiques de la paix et du désarmement, des institutions internationales (ONU, OTAN), à la promotion d'une culture de la paix. Textes sous license Creative Commons by-nc-sa
Le gouvernement prépare un manuel de survie pour la population face aux crises majeures. Voici un projet de manuel de « survie » (ou plutôt de résilience et d’action) pour les citoyens-citoyennes attaché·e·s à la paix.
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Le cessez‑le‑feu en vigueur à Gaza, mis en place depuis deux semaines, constitue un répit temporaire mais essentiel dans un conflit qui a déjà causé d’immenses souffrances humaines et des destructions massives.
Rappelons que l’accord, négocié sous l’égide des États‑Unis, du Qatar et de l’Égypte, est entré en vigueur le 19 janvier 2025. Il prévoit une série de mesures échelonnées en trois phases :
– La première phase inclut la libération progressive d’otages israéliens (par exemple, 33 dans le premier lot, pour un total prévu d’environ 98) en échange de la libération de centaines de prisonniers palestiniens.
– Le retrait progressif des forces israéliennes de l’enclave et l’ouverture des passages frontaliers afin de permettre l’acheminement massif d’aide humanitaire (nourriture, médicaments, carburant, etc.) dans une zone ravagée par des bombardements intensifs.
— Ces mesures visent à poser les bases d’un cessez‑le‑feu permanent et, à terme, à ouvrir la voie à une solution politique globale du conflit israélo‑palestinien.
Cette semaine sera cruciale dans les décisions sur le renouvellement ou non de cette accalmie.
Comment apprécier la portée politique de cet accord, qui peut apparaître fragile, et presque dérisoire, face aux défis posés du futur politique de la région, du chantier titanesque de la reconstruction ?
Je pense que le pire danger politique aujourd’hui serait de minimiser et relativiser la portée de ce qui est en train de se passer.
18 otages dont 13 israéliens et 5 thaïlandais ont été libérés après avoir vécu 484 jours de captivité dans des conditions très difficiles. Voyons ce que cela représente de soulagement pour leurs familles après des mois d’angoisse !
Mais il en reste encore 79 dont le sort est incertain.
Du côté palestinien, ce sont 583 détenus dans les prisons israéliennes, certains condamnés, parfois à perpétuité, et d’autres non encore jugés qui ont été libérés et accueillis par leurs familles lors de scènes de liesse.
Ce sont les scènes les plus médiatisées ; mais ces deux semaines de cessez-le-feu ont vu se dérouler d’autres événements dont on sous-estime l’importance.
Le cessez-le-feu a permis l’entrée à Gaza de 2 760 camions depuis le début de la trêve le 19 janvier, dont 2 593 camions transportant de l’aide humanitaire et de secours, et 167 camions transportant du carburant et du gaz de cuisine. 47 camions, seulement, avaient pu entre le 1er janvier et le 19 janvier !
Malgré les difficultés d’information, nous avons appris que près de 500 000 Palestiniens sont revenus dans le nord de la bande de Gaza depuis le 20 janvier, selon le bureau des Affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), après l’autorisation donnée par l’armée israélienne.
Ces civils, ces femmes et enfants ont voulu retourner auprès des ruines de ce qui était leur maison pour retrouver un lien avec leur vie d’avant. Rappelons que les estimations les plus faibles des Nations unies estiment à 47 000 le nombre de morts à Gaza, sur une population de 2,1 millions d’habitants. Cela représente 2,5 % de la population totale gazaouie. Rapporté à la France, cela donnerait le chiffre peu imaginable de 1,7 millions de morts français, soit exactement le même chiffre que le total des morts en France pendant les quatre ans de la 1ʳᵉ guerre mondiale 1914-1918 ! Comment avons pu supporter cela et dormir tranquillement ?
Fin décembre, au moins sept bébés sont morts de froid ! Et pourtant, devant les crèches des églises catholiques, aucune voix morale ou religieuse ne s’est fait entendre pour dire : « Si Jésus était né à Gaza en décembre, il n’aurait pas trouvé d’étable et de paille pour se réchauffer. Il serait sans doute lui aussi mort de froid ! ».
Faire cesser ce carnage en rendant le cessez-le-feu actuel permanent ne devient-il pas une exigence humaine, morale et politique évidente ?
Depuis deux semaines, les familles d’otages israéliens ont repris un espoir fragile de revoir leur proche. Existe-t-il un but politique plus pressant que de poursuivre cette trêve et répondre à leur angoisse ?
Depuis deux semaines, des centaines de milliers de gazaouis ont retrouvé un quotidien sans le bruit et le fracas des bombes. Existe-t-il un objectif politique et humanitaire plus essentiel que de rendre permanent ce désir d’une vie quotidienne, « presque normale » ?
Des centaines de milliers de civils vivaient depuis des mois sous des lambeaux de tentes, au milieu des flaques d’eau, sans chauffage, sans nourriture régulière. Depuis deux semaines, ils commencent à recevoir de quoi manger, des médicaments, la possibilité de bâtir des abris provisoires plus solides en attendant de reconstruire leur habitat, leur vie tout simplement. Existe-t-il un objectif politique et humanitaire plus fondamental que de rendre permanente cette sécurité de vie quotidienne ?
J’entends, dans beaucoup de commentaires de journalistes, de politiques, de militants associatifs, des phrases du style : « il y a certes un cessez-le-feu, MAIS… », ce qui peut vouloir dire que le cessez-le-feu n’est pas le plus important, face aux questions en suspens, futur politique, reconstruction, etc.
J’ai envie de dire : « Il y a un cessez-le-feu et c’est fondamental. Il n’y a pour l’instant, aucune question politique plus importante que celle de le prolonger, le renouveler et le rendre permanent » !
Que faisons-nous sur le plan politique, sur le plan de l’intervention citoyenne pour le rendre indestructible et irréversible ?
Quelle pression exerçons-nous auprès des trois négociateurs, États-Unis, Qatar, Égypte et deux belligérants, Israël et Hamas pour que ce cessez-le-feu perdure et permette l’envoi plus massif d’aide humanitaire, permette l’intervention des associations humanitaires internationales, et au premier plan de l’UNWRA, qui seule a les compétences et l’expérience pour intervenir, pour permettre l’envoi de journalistes, pour commencer à déployer des enquêtes sur le terrain pour analyser toutes les atteintes aux droits de l’homme, voire les crimes contre l’humanité, commises par les deux parties ?
Comment faisons-nous enfin du soutien à un cessez-le-feu permanent, un mouvement irrésistible, unissant toutes les bonnes volontés, dépassant les divergences secondaires sur l’avenir géo-politique de la région ? Comment multiplions-nous les initiatives diverses pour faire du sauvetage de cette région, de la sécurité commune des populations qui y vivent, une préoccupation de la communauté internationale ? N’est-ce pas un des seuls moyens dont nous disposons pour rendre plus difficile à Netanyahou, au Hamas, à Trump la possibilité d’interrompre cet accord ?
Comment construisons-nous le rassemblement le plus large à l’échelle internationale, qui devrait se manifester évidemment, par l’envoi de troupes d’interposition des Nations unies, avec des mandats robustes pour se défendre et protéger les populations.
Il faudra certes discuter du statut futur de Gaza, de la reconnaissance pleine et entière de la Palestine, de la démilitarisation de celle-ci, de l’apport massif de fonds pour financer la reconstruction au service des populations et non des affairistes et requins de la finance. Cela sera difficile, il y aura des affrontements politiques mais, voyons l’enjeu aujourd’hui pour les populations qu’elles soient gazaouies ou israéliennes.
Ne nous trompons pas d’objectif politique prioritaire !
Nous sommes devant ce défi de taille : avec la bataille pour la permanence du cessez-le-feu à Gaza, allons-nous enfin construire un vrai rapport de force pérennisant le silence des armes et permettant de construire les bases permettant la construction d’une paix, d’une sécurité, d’une communauté de vie entre les peuples du Moyen-Orient ?
Daniel Durand - 2 février 2025
Une version condensée de cet article est publiée en tribune libre dans la rubrique "En débat" sur le site du journal L'Humanité au lien suivant
https://www.humanite.fr/en-debat/bande-de-gaza/gaza-prolonger-le-cessez-le-feu-une-priorite
Depuis 2001, la journée du 21 septembre est consacrée « journée internationale de la paix » par l’Assemblée générale des Nations unies. Celle-ci invite tous les pays et tous les peuples à respecter l'arrêt des hostilités durant cette Journée et à la commémorer avec des mesures éducatives et de sensibilisation du public aux questions liées à la paix.
Le thème de cette année 2024 est : « Faisons germer une culture de paix ». António Guterres, le Secrétaire général de l’ONU, a déclaré que « dans un monde aux prises avec les conflits, les inégalités et la discrimination, nous devons plus que jamais nous efforcer de promouvoir le dialogue, l’empathie et les droits humains pour toutes les personnes ».
Saisir l'occasion de cette journée pour essayer de rassembler le plus largement possible les hommes, les femmes, jeunes, moins jeunes, est un défi. Il est vital de les appeler à réfléchir sur l'importance d’agir pour établir, consolider la paix sur tous les continents, pour eux, leur vie quotidienne, leur épanouissement.
La paix est l'oxygène de la vie des hommes et des femmes sur notre planète. La guerre, les violences armées sont l’oxyde de carbone mortifère qui tue des dizaines de milliers d’hommes, de femmes, d’enfants chaque année dans le monde (1,7 millions de tués en Afrique depuis la fin de la Guerre froide, 650 000 au Moyen-Orient ii).
La nécessité d’agir avec force contre les guerres, les violences armées et pour la paix est vitale, en cette année 2024, face au drame humanitaire et au risque génocidaire à Gaza iii, à l’enlisement du co nflit en Ukraine où depuis deux ans, aucun effort sérieux n’a été fait par les grandes puissances pour construire une solution diplomatique, au Congo où les combats entre les forces de l'ordre et le groupe rebelle M23 soutenu par des forces rwandaises, dans le Nord-Kivu, ont fait en 2024, des centaines de victimes et des milliers de personnes déplacées
Ce sont des dizaines de pays où les populations ont besoin de l'oxygène de la paix. Oui, plus que jamais, partout dans le monde, donner de la force et de la visibilité à la Journée internationale de la paix est primordial !
En France, il faut s’en féliciter, existe un « Collectif français pour les marches pour la paix » qui réunit plus de 200 organisations (associations comme Le Mouvement de la paix, la LDH, le MRAP, grands syndicats comme la CGT, la FSU, partis politiques de gaucheiv). Celui-ci appelle, dans toutes les communes de France, à prendre des initiatives petites ou grandes, pour demander au Président de la République, qu’il agisse pour booster partout les démarches pour aboutir à des cessez-le-feu, contribuer à la mise sur pied de démarches politiques et diplomatiques pour construire la paix.
Cette journée du 21 septembre sera d’autant plus utile qu’elle permettra d’entraîner , de manière large et fraternelle, des citoyennes, des citoyens qui n'ont pas l'habitude de se mobiliser pour des questions internationales. Il y a là, c’est évident, une vraie gageure et une réelle nécessité. Réussir cette journée en France, aujourd’hui, est vital alors que les médias « main stream » banalisent les drames quotidiens à Gaza, présentent comme naturelle l’extension de l’OTAN, l’augmentation considérable des budgets militaires en Europe.
Mais, soyons lucides, cette journée du 21 septembre n’atteindra son but profond que, si elle ne s’arrête pas là et ne constitue pas un but en soi. Elle doit permettre de faire comprendre que c’est par une action obstinée de chaque jour, une vigilance permanente, que pourront vraiment se construire des rapports de force suffisants pour imposer des changements d’attitude réels dans la pratique politique des gouvernements qui reste marquée par le culte de la puissance. L’humanité civilisée n’a pas encore abattu le sinistre « Ci vis pacem parabellum » (« Si tu veux la paix, prépare la guerre ») et imposé le seul adage civilisé qui soit : « Ci vis pacem para pacem » (« Si tu veux la paix, prépare la paix ») !
Pourtant, les bases de ce renversement copernicien de la marche du monde ont été posées, il y a presque 80 ans, au sortir de la grande tourmente mondiale de la guerre dès 1944. Nous sommes tous liés par l’engagement pris, dans la Charte des Nations unies, dans son article 1 : « Réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l’ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix ».
Oui, un pays agressé a le droit à la légitime défense mais ce droit est encadré par l’obligation faite, notamment aux pays membres du Conseil de sécurité, de mettre parallèlement en œuvre l’article 1 de la Charte.
C'est cela le droit international. En Ukraine, le soutien à la légitime défense de ce pays agressé par la Russie, sert de prétexte aux grandes puissances occidentales, pour mettre en œuvre des plans et des stratégies parallèles de domination, au lieu de consacrer tous leurs efforts à trouver une solution diplomatique à la situation.
À Gaza, le soutien des USA à Israël, dans l’exigence de la délivrance urgente et prioritaire des otages israéliens, détenus après l’attaque terroriste du Hamas, sert de prétexte à ne pas mettre en œuvre les recommandations de la Cour de justice internationale, du Tribunal pénal international et du Conseil de sécurité qui, toutes, exigent un cessez-le feu immédiat et demandent la reconnaissance diplomatique de deux États souverains.
Au Soudan, des difficultés sur le terrain entre les différents intérêts, servent de prétexte à une inaction coupable et un manque de moyens flagrant pour les Casques bleus pour avoir la capacité d'imposer la paix dans cette région, en laissant se perpétuer le pillage des ressources en lithium du Kivu.
Alors, oui, il faut se rassembler de manière massive pour la Journée internationale de la paix, le 21 septembre, mais il faudra poursuivre cet effort dans toutes les associations, organisations, partis pour en faire un tremplin pour trouver les formes afin de hisser l’action pour la paix dans le monde, la fin des conflits, en haut des agendas.
Nous devons particulièrement mettre au centre du débat la place centrale du droit international. Les 22 et 23 septembre se déroulera le « Sommet de l’avenir » organisé par les Nations Unies pour jeter les bases du monde demain. Le 24 septembre, s'engagera le débat annuel à l'Assemblée générale de l’ONU, avec la présence de nombreux chefs d'État. Ne faut-il pas exiger du président Macron qu'il y participe et qu’il y prenne des engagements clairs et nets en faveur de la paix à Gaza, en Ukraine, en faveur du rôle central des Nations unies pour la paix ?
Daniel Durand
Président de l’IDRP (Institut de Documentation et de Recherches sur la Paix)
Sources:
i - 21 septembre : une journée essentielle dans « ce temps quotidien »
ii - Nombre de morts dans des conflits armés par continent entre 1989 et 2022 – Statista - https://fr.statista.com/statistiques/1481259/nombre-de-morts-dans-des-conflits-armes-par-continent/
iii - La menace de génocide à Gaza est soulevée par la Cour internationale de justice dans ses ordonnances du 28 mars et du 24 mai 2024
iv - Voir le site du Collectif : https://www.collectifpaix.org/
(English translation below)
La situation à Gaza est dramatique. C’est un constat partagé par tous. Comment monter le niveau de la mobilisation populaire pour s’y opposer ?
Constatons qu’aujourd’hui, les manifestations suscitées par les collectifs d’organisations, essentiellement en soutien à la Palestine, rassemblent peu et sont devenus invisibles dans les médias locaux et nationaux.
Comment avancer ? Je pense qu’il faut être clair et limité dans les mots d’ordre, écarter les considérations politiciennes, avoir une argumentation rassemblant le plus large éventail d’opinions. Je crois nécessaire aujourd’hui, pour cela de s’appuyer davantage sur le droit international en laissant de côté les considérations partisanes.
Trois mots d’ordre immédiats sont impératifs :
1/ l’arrêt des combats, le cessez-le-feu immédiat, le terme importe peu, ce qui compte, c’est le répit dans les souffrances de la population, la possibilité d’apporter des solutions urgentes et efficaces en matière humanitaire.
Il faut respecter le droit international, c’est-à-dire, les réquisitions de la Cour internationale de Justice du 24 mai dernier qui demande à Israël d’« Arrêter immédiatement son offensive militaire, et toute autre action menée dans le gouvernorat de Rafah » et la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies du 25 mars dernier qui « Exige un cessez-le-feu humanitaire immédiat pendant le mois du ramadan qui soit respecté par toutes les parties et mène à un cessez-le-feu durable »
Exigeons d’Emmanuel Macron, qu’il prenne les mesures nécessaires pour le respect de ces injonctions : sanctions économiques, financières, culturelles envers le gouvernement d’Israël, rappel de l’ambassadeur de France en Israël, demande à l’Union européenne de l’arrêt de toute livraison d’armes, suspension de l’accord d’association Israël – UE.
L’efficacité serait de multiplier les délégations en Préfecture, d’inonder de mails, de lettres, de coups de téléphones les services de la Présidence de la République.
2/ Libération de tous les otages et prisonniers détenus, en s’appuyant là encore sur le droit international exprimé par la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies du 25 mars dernier qui « exige également la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages et la garantie d’un accès humanitaire pour répondre à leurs besoins médicaux et autres besoins humanitaires, et exige en outre des parties qu’elles respectent les obligations que leur impose le droit international à l’égard de toutes les personnes qu’elles détiennent ».
Exigeons d’Emmanuel Macron, qu’il prenne les mesures nécessaires pour le respect de cette résolution : intervention ferme et pressions économico-politiques auprès des gouvernements qui hébergent ou soutiennent des dirigeants du Hamas comme le Qatar, l’Arabie saoudite, la Turquie, intervention ferme auprès du gouvernement israélien pour obtenir des libérations massives des prisonniers arrêtés et non-jugés, demander la grâce symbolique pour le leader palestinien Marwan Barghouti.
3/ Reconnaissance rapide d’un État palestinien par la France et initiatives pour son admission à l’ONU, en s’appuyant là encore sur le droit international porté par la résolution, votée par l’Assemblée générale du 10 mai 2024 par 143 voix pour, 9 voix seulement contre (Argentine, États-Unis, Hongrie, Israël, Micronésie, Nauru, Palaos, Papouasie-Nouvelle-Guinée et République tchèque) et 25 abstentions et qui « Constate que l’État de Palestine remplit les conditions requises pour devenir membre de l’Organisation des Nations Unies [..] et devrait donc être admis à l’Organisation ».
Le mot « État », est aussi explicitement mentionné par le Procureur de la Cour pénale internationale qui a déposé des requêtes aux fins de délivrance de mandats d’arrêts « concernant l’État de Palestine ».
Exigeons de la France et d’Emmanuel Macron, qui a voté à l’Assemblée générale de l’ONU pour l’admission de la Palestine, qu’il reconnaisse, dès maintenant, l’État de Palestine, sans attendre un hypocrite moment « qui serait utile » !
Aujourd’hui l’Espagne, l’Irlande et la Norvège (non membre de l’UE) ont franchi le pas, la Slovénie et Malte s’apprêtent à faire de même. « Nous sommes d’accord pour dire que le seul moyen de parvenir à une paix durable et à la stabilité dans la région est de mettre en œuvre une solution à deux États, israélien et palestinien vivant côte à côte, dans la paix et la sécurité » ont souligné Espagne et Irlande, en annonçant leur décision de reconnaître l’État de Palestine.
Ces trois objectifs d’action sont essentiels, prioritaires et indissociables pour gagner vraiment l’opinion publique dans la clarté des objectifs, le respect des valeurs d’humanité, de justice et en affirmant notre volonté de construire un monde plus juste et pacifié. L’appel au respect du droit international empêche toutes manipulations de l’opinion par les soutiens du gouvernement israéliens ou par des éléments pro-islamistes, proches du Hamas.
Cette référence au Droit international sera renforcée lorsque le Tribunal pénal international pourra délivrer les mandats d’arrêt demandés par le Procureur du TPI, le 20 mai dernier, contre trois dirigeants israéliens dont le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou et le ministre israélien des Affaires étrangères, Yoav Gallant, pour des « crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité » présumés commis dans la bande de Gaza.
Le procureur a demandé également des mandats d’arrêt contre trois dirigeants du Hamas, dont Yahya Sinwar, le chef du mouvement, pour des motifs qui incluent « l’extermination », « le viol et d’autres formes de violence sexuelle » et « la prise d’otages en tant que crime de guerre ».
Le procureur demande la délivrance des mandats d’arrêt à un groupe de trois juges chargés de la phase préliminaire, qui prennent en moyenne deux mois pour examiner les preuves et déterminer si la procédure peut aller de l’avant. Cette annonce renforce l’isolement d’Israël. Et la menace d’une arrestation pourrait empêcher les dirigeants israéliens de se rendre à l’étranger. Les dirigeants du Hamas, Yahia Sinwar et Mohammed Deif, se cacheraient tous deux à Gaza, alors qu’Israël tente de les traquer. Mais Haniyeh, le chef politique du groupe militant islamique, est basé au Qatar et voyage fréquemment dans la région.
Lorsque ces mandats d’arrêt seront confirmés, il faudra exiger d’Emmanuel Macron, qu’il agisse pour que le gouvernement israélien arrête M. Nétanyahou et pour que le gouvernement du Qatar arrête M. Haniyeh, sous menaces de sanctions économiques, politiques et culturelles envers ces deux États.
Au travers de ces exemples, il se confirme qu’en quelques semaines, des exigences de justice et de paix prennent une force nouvelle grâce à l’appui que fournit le droit international aux pressions des opinions publiques. Contrairement à certaines résolutions du Conseil de sécurité ou de l’Assemblée générale de l’ONU, accueillies dans l’indifférence dans le passé, maintenant, ces décisions sensibilisent plus directement les opinions, car elles sont en prise directe avec une actualité dramatique.
Il y a là potentiellement une donne nouvelle dans les rapports de force à l’échelle internationale, susceptible de s'opposer aux rapports de puissances utilisés par les « grands ». On ne peut que s’en réjouir !
Daniel Durand
31 mai 2024
NB : nous venons d'apprendre la décision des autorités françaises de ne pas laisser les entreprises d'armement israéliennes exposer à EuroSatory. En effet, ces entreprises ont peut-ếtre fourni les armes, ayant contribué à un éventuel génocide à Gaza, selon l'enquête en cours de la CIJ. Les inviter à Eurosatory aurait pu constituer un chef de complicité de génocide pour le gouvernement français.
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The
situation in Gaza is dramatic. This is an observation shared by
everyone. How can we raise the level of popular mobilization to oppose
it?
Let us note that today, the demonstrations sparked
by collectives of organizations, mainly in support of Palestine, gather
few people and have become invisible in the local and national media.
How to move forward? I think we must be clear and
limited in our slogans, set aside political considerations, and have an
argument bringing together the widest range of opinions. I believe it is
necessary today, for this to rely more on international law, leaving aside partisan considerations.
Three immediate slogans are imperative:
1/ the end of the fighting, the immediate ceasefire
, the term does not matter, what matters is the respite from the
suffering of the population, the possibility of provide urgent and
effective solutions in humanitarian matters.
We must respect international law, that is to say, the requisitions of the International Court of Justice of May 24 which asks Israel to “ Immediately stop its military offensive, and any other action carried out inthe governorate of Rafah " and the United Nations Security Council resolution of March 25 which " Demands
an immediate humanitarian ceasefire during the month of Ramadan which
is respected by all parties and leads to a ceasefire lasting fire »
Let us demand
that Emmanuel Macron take the necessary measures to respect these
injunctions: economic, financial, cultural sanctions against the
government of Israel, recall of the French ambassador to Israel, request
to European Union to stop all arms deliveries, suspension of the Israel
– EU association agreement.
The effectiveness would be to increase the number
of delegations to the Prefecture, to flood the services of the
Presidency of the Republic with emails, letters and telephone calls.
2/ Release of all hostages and prisoners held , again relying on international law expressed by the United Nations Security Council resolution of March 25 which “ also demands the immediate and unconditional release of all hostages
and ensuring humanitarian access to meet their medical and other
humanitarian needs, and further requires parties to respect their
obligations under international law with respect to all persons in their detention .”
Let us demand
that Emmanuel Macron take the necessary measures to respect this
resolution: firm intervention and economic-political pressure on
governments that host or support Hamas leaders such as Qatar, Saudi
Arabia, Turkey, firm intervention with the Israeli government to obtain
mass releases of arrested and untried prisoners, request symbolic pardon
for Palestinian leader Marwan Barghouti.
3/ Rapid recognition of a Palestinian state by France and initiatives for its admission to the UN, again relying on international law supported by the resolution, voted by the General Assembly of May 10, 2024
by 143 votes for, only 9 votes against (Argentina, United States,
Hungary, Israel, Micronesia, Nauru, Palau, Papua New Guinea and Czech
Republic) and 25 abstentions and which “Finds that the State of
Palestine meets the conditions required for become a member of the
United Nations [...] and should therefore be admitted to the
Organization.
The word “State” is also explicitly mentioned by
the Prosecutor of the International Criminal Court who filed requests
for the issuance of arrest warrants “concerning the State of Palestine”.
Let us demand that France and Emmanuel Macron, who
voted at the UN General Assembly for the admission of Palestine, recognize, from now on, the State of Palestine, without waiting for a hypocritical moment. which would be useful ”!
Today Spain, Ireland and Norway (non-EU member)
have taken the plunge, Slovenia and Malta are preparing to do the same.
“ We
agree that the only way to achieve lasting peace and stability in the
region is to implement a two-state solution, with Israeli and
Palestinian living side by side in peace and security. » Underlined Spain and Ireland, announcing their decision to recognize the State of Palestine.
These three action objectives are essential, priority and inseparable
to truly win over public opinion in the clarity of objectives, respect
for the values of humanity, justice and by affirming our desire to
build a more just and peaceful world. The
call for respect for international law prevents any manipulation of
public opinion by supporters of the Israeli government or by
pro-Islamist elements close to Hamas .
This reference to international law will be
reinforced when the International Criminal Court is able to issue the arrest warrants requested
by the ICTY Prosecutor, on May 20, against three Israeli leaders
including the Israeli Prime Minister, Benjamin Netanyahu and the Israeli
Minister of Foreign Affairs. , Yoav Gallant, for alleged “ war crimes ” and “ crimes against humanity ” committed in the Gaza Strip.
The prosecutor also requested arrest warrants for
three Hamas leaders, including Yahya Sinwar, the movement's leader, on
charges that include " extermination ," " rape and other forms of sexual violence " and " hostage-taking as a war crime .
The prosecutor requests the issuance of the arrest
warrants from a panel of three pretrial judges, who take an average of
two months to review the evidence and determine whether the proceedings
can move forward. This announcement reinforces Israel's isolation. And
the threat of arrest could prevent Israeli leaders from traveling
abroad. Hamas leaders Yahia Sinwar and Mohammed Deif are both believed
to be hiding in Gaza as Israel attempts to hunt them down. But Haniyeh,
the political leader of the Islamic militant group, is based in Qatar
and travels frequently to the region.
When these arrest warrants are confirmed, Emmanuel Macron must be demanded
to act so that the Israeli government arrests Mr. Netanyahu and so that
the Qatari government arrests Mr. Haniyeh, under threat of economic,
political and cultural towards these two States.
Through these examples, it is confirmed that in a
few weeks, demands for justice and peace take on new strength thanks to
the support that international law provides to the pressures of public
opinion. Unlike certain resolutions of the Security Council or the UN
General Assembly, received with indifference in the past, now, these
decisions raise awareness more directly, because they are in direct
contact with dramatic current events.
There is potentially a new situation in the
balance of power on an international scale, likely to oppose the balance
of power used by the “big ones”. We can only rejoice!
Daniel Durand
May 31, 2024
NB: we have just learned of the decision of the
French authorities not to let Israeli arms companies exhibit at
EuroSatory. Indeed, these companies may have supplied the weapons,
contributing to a possible genocide in Gaza, according to the ongoing
ICJ investigation. Inviting them to Eurosatory could have constituted
complicity in genocide for the French government.
Les populations civiles palestiniennes et israéliennes sont une fois de plus dans la tourmente après les attaques terroristes du Hamas le 7 octobre dernier et la riposte démesurée et illégale de l’armée israélienne sur Gaza. La diplomatie française a pris peu d’initiatives pour obtenir un cessez-le-feu et s’est contentée par la voix de la ministre, Mme Colonna, de réaffirmer que « c’est la paix qui apportera la sécurité et qu’il faut se diriger vers une solution à deux États, où chacun pourra vivre en paix et en sécurité »i.
La perspective de la cohabitation des deux États semblait, jusqu’à présent, être la solution de base admise partout, mais, depuis ces dernières années, un débat s’est ouvert dans la presse, les milieux universitaires, voire politiques, en particulier dans les pays occidentaux. Le journal Politis donne le ton : sous le titre « Regarder enfin le conflit en face », il assène : « Que veut dire la litanie de la solution « à deux États », répétée machinalement par Macron et Biden, quand on laisse faire la colonisation » ?ii
Pour le chercheur Thomas Vescovi, « D’autres voies existent pour apporter la paix. Il faut prendre en compte le fait que les relations entre les deux peuples sont asymétriques »iii. L’IRIS consacre un dossier à la question et estime en présentation que « l’éventualité d’une solution à un seul État a refait surface et est à nouveau sujette à débat, notamment au vu de l’impasse dans laquelle se trouve les négociations israélo-palestiniennes »iv.
Pour autant, l’universitaire américain Jeff Halper, militant engagé pour la paix en Israël et partisan de cette solution, estime que « Elle n’est pas sur la table, mais elle deviendra pertinente, car avec l’effondrement que j’entrevois [...], la solution à deux États sera anéantie et tout le monde cherchera une alternative »v.
En 1947, l’Assemblée générale de l’ONU adopte un plan de partage de la Palestinevi (alors sous mandat britannique) en deux États indépendants, un juif et un arabe. Jérusalem est placée sous régime international. Ce plan n’a jamais été mis en œuvre et dès 1948, Israël proclame son indépendance en chassant par la force les paysans palestiniens de leurs terres (C’est la Naqbavii, la « catastrophe » pour les Palestiniens) et en battant les armées arabes qui l’attaquèrent. Seuls restent hors contrôle israélien la Cisjordanie, la bande de Gaza, le Golan et Jérusalem, territoires administrés par la Jordanie.
En 1967, lors de la Guerre des Six joursviii, Israël réoccupe la majorité de ces territoires. Ces actions n'ont pas été reconnues par la communauté internationale. Quelques mois après cette guerre de juin, le Conseil de sécurité de l’ONU vote la résolution 242ix, qui demande le retrait des forces armées israéliennes des « territoires occupés ». On appelle la frontière tracée alors, la « ligne verte », ce qui demeurera la référence pour la communauté internationale.
L’expression politique palestinienne se structure dans les années suivantes pour former l’OLP (Organisation de libération de la Palestine qui milite alors pour la constitution d’n seul État laïc, binational, à l’ouest du Jourdain, mais commence à accepter l’idée d’un État palestinien séparé en Cisjordanie et à Gaza sur des terres qu’Israël évacuerait selon la résolution 242 du Conseil de sécurité. Dans ce cadre, les colonies devaient être démantelées et les réfugiés palestiniens devaient avoir le droit de revenir (en Israël et dans la nouvelle Palestine).
Du côté israélien, la solution d’un État binational n’est soutenue que par quelques groupes pacifistes radicaux, dont le journaliste et militant trotskiste, Michel Warschawski, est un des porte-drapeau, créateur de l’AIC (Alternative Information Center).
En 1998, après la première Intifada, révolte populaire palestinienne, la charte de l’OLP est amendéex pour reconnaître l’État d’Israël et assigner à l’OLP le but de créer un État palestinien à côté d’Israël. On peut dire que c’est à partir de cette date que l’OLP a échangé officiellement sa politique favorable à l’État binational pour la solution à deux États.
C’est cette décision historique qui permit le déroulement des accords de paix d’Oslo en 1994, de Charm-el-Cheikh en septembre 1999, puis de Tabaxi en janvier 2001. Ces accords posèrent alors les modalités de l’établissement d’un État palestinien, des conditions de souveraineté et les pourparlers à Taba présentèrent une amorce de solution sur la difficile question du retour des réfugiés. Il faut rappeler que si ces processus s’arrêtèrent, ce fut de la responsabilité du Premier ministre travailliste, Ehoud Barak, qui interrompit les pourparlers de Taba en démissionnant, provoquant les élections qui portèrent Ariel Sharon au pouvoir.
On connaît la suite : la politique de destruction systémique de tout le processus de paix par les premiers ministres israéliens Sharon puis Netanyahou, l’accélération des colonisations illégales en Cisjordanie, le soutien souterrain des ultras israéliens à la prise du pouvoir par le Hammas à Gaza pour casser l’influence du gouvernement légitime de l’Autorité palestinienne.
Comme le rappelle fort justement Christian Picquet sur son blogxii, le programme du Hammas n’est pas « la proclamation de l’État palestinien indépendant d’Israël, comme d’aucuns l’imaginent, mais la création d’une théocratie, d’un califat islamique ». Il est étrange de voir en Occident des démocrates qui sont horrifiés par la politique régressive des Talibans en Afghanistan décerner des brevets de bons résistants à cette organisation terroriste !
C’est l’universitaire américain Jeff Halper, pourtant favorable à la solution d’un État binational qui estime que : « À l’heure actuelle, la solution à un État reste un débat académique »xiii.
Pour certains chercheurs : « Israël parle vaguement d’un État palestinien, mais c’est comme un fromage gruyère : à peine 30 % de toute la Cisjordanie pourrait revenir aux Palestiniens selon les termes dans lesquels parlait Israël », dit Najib Lairinixiv.
L’analogie alimentaire est utile aussi à M. Rabkinxv : « C’est comme si on était en train de négocier comment partager une pizza en deux, et l’un d’entre nous la mange en même temps. »
Effectivement, entre les accords de paix d’Oslo et 2021, le nombre de colons israéliens a quadruplé en Cisjordanie, passant de 116 300 à 465 400. Ces colonies ont grignoté le territoire palestinien et éloigné de fait la solution des deux États.
Cela fait dire avec pessimisme, au chercheur Bertrand Badie, « En tout cas, aucune des conditions nécessaires pour la faire avancer n’est réunie. Il y en a au moins trois : une pression conjuguée de la communauté internationale (avec un vote unanime du Conseil de Sécurité, par exemple) ; l’intégration par Israël de cette solution dans ses projets à moyen et long terme ; l’adhésion de l’ensemble des forces palestiniennes au projet »xvi.
Bien que le pessimisme envers la solution à deux États ait grandi dans le monde des chercheurs internationalistes, l’unanimité n’y règne pourtant pas. Le chercheur Frédéric Encelxvii est de ceux pour qui « La solution à deux États pour les deux peuples est toujours possible » !
Il rappelle que « en 1982, à la suite des accords de paix de Camp David de 1978, Israël évacuait la totalité des bases et des huit implantations du Sinaï égyptien ; le premier ministre était alors pourtant le faucon Menahem Begin. En 2005, Israël évacuait les bases et les vingt colonies de peuplement de la bande de Gaza ; le premier ministre était aussi un faucon, en l’espèce Ariel Sharon. Dans les deux cas, l’opinion suivit largement ».
Le débat est donc aujourd’hui largement ouvert au niveau des chercheurs, politiques qui travaillent sur cette question. La complexité du débat, voire la perplexité devant l’issue de celui-ci est résumée ainsi par le spécialiste Dominique Vidal : « Cela peut prendre la forme d’un État commun, d’un État binational ou d’une confédération avec la Jordanie. Comment traduire politiquement l’idée d’égalité ? Certains affirment que l’État commun serait une utopie irréaliste. Sans doute, mais il en va de même avec la solution à deux États »xviii.
En même temps, ce débat se déroule concrètement sur le terrain et dans les instances de négociations internationales, ce que j’appelle le champ de la politique en action.
Christian Picquet, résume en une phrase, ce qui pour moi, doit être le point de départ de la réflexion « Ne cédons toutefois pas à l’illusion que constitue l’idée de structuration étatique unique, à laquelle ni les Palestiniens, ni les Israéliens ne se montrent prêts, [...]. Une coexistence future suppose, après tant d’années de face-à-face dévastateur, que le peuple nié dans ses droits puisse exercer sa souveraineté dans un cadre qui lui fût propre ».
Le chemin de la reconnaissance par les Palestiniens de l’existence d’Israël comme État, ayant une identité juive particulière, a été long et difficile, mais reste une clé de tout processus de compréhension réciproque entre les deux peuples.
Inversement, la reconnaissance et l’existence d’un État palestinien, d’une République de Palestine, est la clé d’entrée de plusieurs problématiques : la question des frontières, des terres et surtout, la question du droit au retour des Palestiniens. L’acquisition pleine et entière d’une nationalité est, par exemple, la seule vraie possibilité pour tous les Palestiniens, et notamment, ceux qui croupissent dans les camps de réfugiés comme au Liban, aujourd’hui apatrides, d’accéder à une réelle citoyenneté, un véritable passeport et non une simple autorisation de voyager comme maintenant.
Cela ouvrirait, à condition qu’il y ait un engagement d’accueil de la part des États-Unis et des grands pays européens (Allemagne, France, Royaume-Uni), la possibilité pour eux, de choisir leur vie librement et dignement : revenir dans la terre de leurs ancêtres ou pour la majorité d’entre eux, je pense, et surtout pour les plus jeunes, reconstruire leur vie en émigrant dans les pays occidentaux, qui restent aujourd’hui un rêve d’émissions et de séries télévisées.
Ne nous voilons pas la face : c’est la problématique de la solution à deux États qui permet à l’Autorité palestinienne d’exister au plan international, de se battre pour la reconnaissance de la Palestine et une solution de paix à l’ONU, où elle est reconnue comme nation observatrice, à l’égal du Vatican, ainsi qu’à l’Unesco où elle est membre à part entière.
Les attentats du Hamas du 7 octobre dernier, l'offensive aérienne de Tsahal et leurs conséquences sur les civils ont renforcé la « détermination » de Joe Biden en faveur de la solution à deux États, a assuré le président américain lors d'un déplacement en Israël. ou le président chinois, Xi Jinping, qui a rappelé que « la solution fondamentale pour résoudre le conflit récurrent entre Palestiniens et Israël est de mettre en œuvre la solution dite à deux États, d’établir un État palestinien indépendant et de parvenir à une coexistence pacifique entre la Palestine et Israël »xix.
C’est ce qui fournit le socle au soutien très fort des Nations unies, rappelé par le Secrétaire général de l’ONU à l’occasion de la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien (22 novembre 2022) : « La position des Nations Unies est claire, la paix doit progresser – l'occupation doit prendre fin. Nous sommes fermement déterminés à concrétiser la vision de deux États, Israël et la Palestine, vivant côte à côte, dans la paix et la sécurité, avec Jérusalem comme capitale des deux États »xx.
Enlever cette perspective politique des deux États, ce défi de la reconnaissance de la République de Palestine, serait faire s’écrouler aux yeux des puissants de ce monde, la matérialité du peuple palestinien, déstabiliser complètement l’Autorité palestinienne, s’ôter les moyens d’accentuer la pression et le rapport de forces qu’il est nécessaire de faire grandir dans l’opinion et dans les enceintes internationales.
C’est dans ce seul combat politique qu’existe des perspectives, faibles certes, mais les seules possibles aujourd’hui., comme celles qu’évoque par exemple, Frédéric Encel « Si l’Autorité palestinienne acceptait de reprendre en charge Gaza – forte de l’aide internationale à la reconstruction qui ne manquerait pas de parvenir – et si une coalition gouvernementale centriste advenait en Israël, tout serait de nouveau possible. Cela fait deux « si » difficiles à réunir ? Peut-être, mais il n’est pas d’alternative sérieuse »xxi.
J’ajoute qu’il ne faut pas perdre de vue la possibilité d’un revirement politique de Biden, la possibilité que celui-ci décide un jour, s’il le juge nécessaire, de « tordre le bras » à Netanyahou, s’il estime que l’aggravation de la situation politique au Moyen-Orient, pourrait porter préjudice à la politique générale américaine.
N’oublions pas cet autre objectif politique que constitue la nécessité de la reprise en main politique de Gaza par le gouvernement légitime palestinien, suppose l’élimination politique du Hammas : on voit bien alors que le débat sur la qualification de « terrorisme » pour l’action de celui-ci le 7 octobre dernier prend toute sa signification.
C’est pourquoi, dans certains appels à manifester le dernier week-end du 21 octobre, j’ai vu avec effarement que si il y avait généralement condamnation des opérations criminelles du Hammas, celles-ci n’étaient pas toujours qualifiées de « terrorisme », ce qui amène l’idée sous-jacente qu’il s’agit de simples « bavures » dans une opération de résistance militaire légitime, alors qu’il est clair que les massacres généralisés de civils avaient été planifiées comme but final par les dirigeants du Hamas. De même dans ces mêmes appels à manifester, la revendication de la reconnaissance de l’État de Palestine notamment par la France et les États-Unis et l’exigence d’une solution à deux États se retrouvaient gommés au profit de vagues formules sur « la reconnaissance des droits du peuple palestinien » ou « l’application des résolutions des Nations unies ».
Soyons clairs et parlons vrai : l’ambiguïté ou l’absence de mention de ces deux notions fondamentales affaiblit l’action de la République de Palestine, affaiblit le combat pour une paix juste et durable dans cette région. Soyons donc très précis dans nos mots d’ordre pour la paix au Moyen-Orient !
Qu’en est-il sur place du sentiment des populations ?
En septembre dernier, une enquête a été menée par le Pew Research Centerxxii en Israël, à Gaza et en Cisjordanie, il a été demandé aux personnes interrogées si une solution pouvait être trouvée par la formation d'un État palestinien indépendant et si celui-ci pouvait coexister pacifiquement avec Israël. 35 % seulement des israéliens interrogés estiment qu'une coexistence pacifique entre Israël et la Palestine est possible. Cela représente une baisse de 15 points, par rapport à il y a dix ans.
Pour les Palestiniens, près d'un tiers des Palestiniens se déclarent aujourd'hui favorables à la solution des deux États, selon une enquête réalisée en septembre, par le Palestinian Center for Policy and Survey Research. Si le soutien à la solution des deux États a légèrement augmenté, une majorité de 67 % des Palestiniens s'opposent à la solution des deux États, citant l'expansion des colonies comme l'une des principales raisons de leur scepticisme.
Selon une autre étude, réalisée par « YouGiv » pour le site d'information « Arab News », réalisée à l'occasion du 75e anniversaire de la Nakba, 51 % des personnes interrogées soutiennent la solution à deux États, surtout parmi les Palestiniens plus âgés - elle est soutenue par 63 % des personnes âgées de plus de 45 ans, contre seulement 42 % des personnes âgées de 18 à 29 ansxxiii.
Le 6 octobre, à la veille de la journée sanglante, plusieurs centaines de femmes du mouvement israélien Women Wage Peace (Les femmes œuvrent pour la paix) et de l’association palestinienne Women of the Sun (Les femmes du soleil) ont manifesté en faveur de la paix à Jérusalem et près de la mer Morte.
Aujourd'hui,les positions n'ont guère évolué. Les organisations pacifistes radicales qui étaient en faveur d'un État bi-national, continuent de l'être comme Michel Warchaski. Les autres, continuent de soutenir la proposition d'un État palestinien indépendant. Ainsi, Lior Amihai, animateur de Shalom Akhshav en Israël, voit « trois missions immédiates pour la Paix maintenant » : « la première, c’est de faire pression sur le gouvernement pour obtenir la libération des nombreux otages aux mains du Hamas ». « Il faut ensuite continuer de diffuser l’analyse – désormais partagée par beaucoup je pense – que la raison pour laquelle nous en sommes là est qu’Israël a préféré payer le Hamas pour s’établir à Gaza au détriment des voix modérées de l’OLP parce qu’il voulait détruire l’idée d’un État palestinien. Enfin, l’opération militaire devra s’accompagner d’un agenda politique en faveur des droits des Palestiniens à un État et à l’auto-détermination »xxiv.
Le lecteur de cette étude comprendra que, au-delà de l’analyse des conditions et des conséquences de la question territoriale en Israël et Palestine : État bi-national ou deux États vivant côte-à-côte, j’ai voulu montrer que nous étions arrivés à un moment de l’Histoire où les considérations géopolitiques les plus éclairées, ne suffisent plus et qu’il faut créer les conditions d’avancées concrètes, au plan diplomatique, pour créer un nouvel environnement de construction de la paix au Proche-Orient.
Il est insupportable de laisser des centaines de milliers de civils, soit vivre dans la peur des attentats aveugles, soit dans l’angoisse d’être obligés de vivre dans la crainte des bombardements tout aussi aveugles, ou encore de non-vivre dans l’anonymat et la désespérance des camps de réfugiés.
Une seule solution politique a été suffisamment discutée, élaborée, dans toutes ses moindres conséquences : c’est celle dite à « deux États ». C’est autour d’elle que s’est bâti le système diplomatique de reconnaissance d’une République de Palestine que 123 États du monde ont déjà reconnue.
Elle sera difficile, nous le savons, y compris avec les dirigeants actuels des deux côtés. Les dirigeants israéliens sont discrédités, les grandes manifestations récentes l’ont montré. Les dirigeants palestiniens ont perdu de leur autorité morale. Peut-il y avoir un « phénomène Mandela » avec Marwan Barghouti qui a maintenant 63 ans et est emprisonné depuis 21 ans ? Mandela avait été libéré à 72 ans après 27 ans de prison… C’est l’avenir et le peuple palestinien qui le diront, si les prisonniers politiques sont libérés.
En tout état de cause, vouloir rebâtir de zéro la question étatique serait suicidaire. Il faut, par contre, lever un obstacle de taille, celui de l’hypocrisie des grandes puissances occidentales : États-Unis, France et Royaume-Uni. Ils doivent cesser de parler de solution politique « à deux États » et ne rien faire. Ils doivent agir.
Il faut que se rassemblent toutes les bonnes volontés pour dire : Pour la paix entre Israéliens et Palestiniens, reconnaissez MAINTENANT la République de Palestine, construisez la solution à « deux États », réglez la question du retour des réfugiés et de la libération des prisonniers politiques ! Just do it NOW !
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NOTES
iPublic Sénat https://www.publicsenat.fr/actualites/international/la-ministre-catherine-colonna-souligne-lurgence-de-demander-lacces-humanitaire-a-la-bande-de-gaza
iiPolitis https://www.politis.fr/articles/2023/10/israel-palestine-regarder-enfin-le-conflit-en-face/
iiihttps://www.humanite.fr/en-debat/colonies-israeliennes/israel-palestine-la-solution-a-deux-etats-est-elle-viable-2-2
vhttps://cjf.qc.ca/revue-relations/publication/article/israel-palestine-au-del-de-la-solution-deux-etats-entrevue-avec-jeff-halper/
ixhttps://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9solution_242_du_Conseil_de_s%C3%A9curit%C3%A9_des_Nations_unies
xiiiJeff Halper - ibidem
xivIn Le Devoir - https://www.ledevoir.com/monde/moyen-orient/799935/solution-deux-etats-est-plus-possible-papier?
xvLe Devoir - ibidem
xvihttps://www.nouvelobs.com/idees/20231017.OBS79637/bertrand-badie-sur-la-paix-en-israel-palestine-la-solution-a-deux-etats-impliquerait-une-reconstruction-entiere-de-la-culture-politique-israelienne.html
xviihttps://www.humanite.fr/en-debat/colonies-israeliennes/israel-palestine-la-solution-a-deux-etats-est-elle-viable-2-2
xviiihttps://www.humanite.fr/en-debat/attaque-du-hamas/dominique-vidal-la-mobilisation-des-peuples-en-faveur-de-la-paix-sera-determinante
xixhttps://www.sudouest.fr/international/moyen-orient/israel/guerre-israel-hamas-xi-jinping-dit-vouloir-travailler-avec-l-egypte-pour-stabiliser-le-proche-orient-17130696.php
xxhttps://www.ungeneva.org/fr/news-media/meeting-summary/2022/11/nous-sommes-fermement-determines-concretiser-la-vision-de-deux
xxiEncel - ibidem
xxiihttps://fr.euronews.com/2023/10/16/la-solution-a-deux-etats-perd-du-terrain-dans-les-esprits-des-israeliens-et-des-palestinie