dimanche 19 avril 2020

COVID-19/SE RÉINVENTER - l'aveuglement de l'après-Guerre froide (II/III)

(See English translation below)
Les armes, plus que la santé ? Est-ce que j'exagère beaucoup dans cette formule ? (voir article précédent)
Le 28 février 2015, l'Express écrit "Comment le gouvernement va économiser 3 milliards d'euros dans les hôpitaux ?" ; le 1er octobre 2019, Le Parisien titre "Budget 2020 de la Sécu : les hôpitaux publics à la diète" et explique : "Dans le budget 2020 de la Sécu, les hôpitaux publics, dont six sur dix sont en difficultés financières, devront encore faire 800 millions d’euros d’économies".

À la même époque, concernant les dépenses militaires, le discours est différent. Le Monde du 07 février 2018, écrit : "L’effort, tel qu’il est annoncé, est colossal : près de 300 milliards d’euros cumulés seront consacrés à la défense nationale à l’horizon 2025". Le but, explique le journal, est, selon la ministre des armées, la « régénération » des armées et « la préparation de l’avenir ». Cette priorité au militaire reçoit d'ailleurs un soutien politique large, malgré certaines ambiguïtés, jusque dans certains rangs de la gauche, puisque, explique toujours Le Monde, "Pour le groupe La France insoumise (LFI),  la LPM reste victime de l’austérité», alors que « c’est une augmentation rapide qui est indispensable ». commente le journal du 8 février.

Ce mouvement en faveur des militarisations est très marqué en France mais il s'inscrit dans une tendance beaucoup plus globale puisqu'en 2018, le total des dépenses militaires mondiales a augmenté pour la deuxième année consécutive, au niveau le plus élevé depuis 1988. Il a atteint 1822 milliards de dollars selon les données du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI).

Sur le plan sanitaire mondial, l'OMS a été contrainte après 2000 à se tourner vers des financements privés pour compléter son budget, ce qui l'a conduite à une gestion hasardeuse et alarmiste de la crise du HN1 sous la pression des intérêts des firmes pharmaceutiques. Aujourd'hui, avec sa nouvelle direction issue pour la première fois d'un pays du Sud (ce qui n'a pas plu particulièrement aux pays occidentaux, USA et France compris), elle a créé un programme de gestion des situations d’urgence sanitaire doté de son propre budget et lancé des appels au dépistage massif du coronavirus (avec le slogan «Test, test, test !») qui n’ont pourtant pas été entendus par la grande majorité des gouvernements. Par définition, l’OMS est une organisation intergouvernementale, avec les contraintes politiques et financières que cela suppose. Elle ne peut agir qu’en fonction des moyens et des pouvoirs que les 194 Etats qui la composent lui confèrent. Comme l'écrit la chercheuse Auriane Guilbaud, dans Libération du 16 avril, "Ce que révèle la crise actuelle, c’est donc le besoin de plus d’OMS, pas de moins. Par exemple, si l’OMS avait autorité pour se rendre dans un pays en cas d’émergence d’une maladie infectieuse, sans avoir à négocier l’entrée sur le territoire des Etats, cela lui éviterait d’avoir à ménager leur susceptibilité comme elle l’a certainement fait avec la Chine. Si c’est là le problème principal, chiche, une fois la crise passée, étendons le mandat de l’organisation et donnons-lui plus de pouvoir "!

Comme l'écrit B. Girard, sur son blog http://journaldecole.canalblog.com/, ne faut-il pas se poser cette question simple : "Chaque année, le contribuable offre donc à l’armée plusieurs centaines de blindés supplémentaires, des avions, un sous-marin etc mais combien de lits médicalisés aux hôpitaux, de masques de protection, de tests de détection ?".
Il poursuit et je partage complètement son point de vue : " En 2020, si la menace ne vient certes plus de l’Allemand, de l’Anglais ni même du Chinois, ce changement pourtant radical dans l’ordre du monde n’a que peu fait bouger les images mentales ; la sécurité est toujours largement perçue sous l’angle militaire (et policier). Une représentation archaïque qui empêche de prendre la juste mesure – et donc de décider d’une juste politique – des nouveaux défis, bien réels ceux-là (environnementaux, sanitaires etc) qu’il faut dès aujourd’hui affronter".
C'est la même idée que développe le chercheur Bertrand Badie (Ouest-France du 26/03/2020) : " Cela fait vingt-cinq ans que le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) attire notre attention sur les nouvelles insécurités humaines et notamment sanitaires, et que l’on continue à raisonner en termes militaires".
Des voix de plus en plus fortes et diverses s'élèvent sur la planète. "Ce dont nous avons besoin de toute urgence maintenant, c'est de repenser l'ensemble du concept de sécurité", a écrit l'ancien dirigeant de l'URSS, Mikhaïl Gorbatchev, dans un éditorial publié par le magazine TIME. "Même après la fin de la guerre froide, cela a été envisagé principalement en termes militaires. Au cours des dernières années, nous n'avons entendu parler que d'armes, de missiles et de frappes aériennes" L'épidémie de COVID-19 a souligné une fois de plus que les menaces auxquelles l'humanité est confrontée aujourd'hui sont de nature mondiale et ne peuvent être traitées que collectivement par les nations. "Les ressources actuellement dépensées pour les armes doivent être préparées à de telles crises", a déclaré Gorbatchev.

Nous ne partons pas de rien. Au coeur du concept de sécurité humaine, élaboré à la fin des années 90, figurent aujourd'hui les Objectifs de Développement durable, d'ici 2030.
Ces ODD ont été adoptés le 25 septembre 2015 par les chefs d'État et de Gouvernement réunis lors du Sommet spécial sur le développement durable à l'ONU. Ils fixent 17 objectifs de développement durable (ODD). Les ODD présentent une vision transversale du développement durable : d'abord ils associent à la lutte contre la pauvreté, la préservation de la planète face aux dérèglements climatiques ; ensuite les enjeux du développement durable englobent l'ensemble des pays de la planète ; enfin ils sont le fruit d'une consultation large d'un ensemble d'acteurs, comme la recherche, la société civile, le secteur privé ou les collectivités locales.
Cet Agenda 2030 confirme la priorité au développement durable qui accompagne les Accords de Paris sur le climat, qui visent à limiter la hausse de la température mondiale à 2°C.
La réussite de ces ODD nécessite un financement de 4 000 à 5 000 Mds de dollars chaque année : le déficit annuel est estimé selon l'économiste Jonathan Thébault dans BSI-economics à environ 2 500 Mds de dollars annuels.
Or, aujourd'hui, outre la redirection de dépenses militaires extravagantes pointées par le SIPRI, on sait maintenant avec la crise du COVIT-19 que les principaux pays développés peuvent mobiliser, d'un claquement de doigt, entre 4 000  à 5 000 Mds de $ dans le système financier international ! Alors, quels choix politiques innovants pour demain va-t-on prendre ?


Ces remarques qui semblent de bon sens sont apparemment loin d'être partagées. La manière dont a été abordée la crise et son traitement par les hommes d'état et les médias le montre.
À suivre : COVID-19/SE RÉINVENTER - Nous sommes en guerre ? Alors, préparons la paix de demain ! (III/III)


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COVID-19/SE RÉINVENTER - Post-Cold War Blinding (II/III)

Weapons, more than health? Am I exaggerating a lot in this formula?
On 28 February 2015, L'Express wrote "How the government is going to save 3 billion euros in hospitals"; on 1 October 2019, Le Parisien headlined "Budget 2020 de la Sécu: les hôpitaux publics à la diète" and explained: "In the 2020 budget of the Sécu, public hospitals, six out of ten of which are in financial difficulty, will still have to make 800 million euros in savings".

At the same time, on military spending, the discourse is different. Le Monde, on 7 February 2018, wrote: "The effort, as announced, is colossal: nearly 300 billion euros will be devoted to national defence by 2025". The aim, the newspaper explains, is, according to the Minister of the Armed Forces, the "regeneration" of the armies and "the preparation of the future". This priority for the military is also receiving broad political support, even among certain ranks of the left, since, as Le Monde continues to explain, "For the group La France insoumise (LFI), "the LPM remains a victim of austerity", whereas "it is a rapid increase that is indispensable". "Notably to compensate in 2018 for the cancellation of 850 million euros in credits for the year 2017 which triggered the resignation of Mr. de Villiers" commented the newspaper on February 8.

This movement in favour of militarisation is very marked in France, but it is part of a much more global trend since in 2018 total world military spending increased for the second consecutive year, to its highest level since 1988. It has reached 1822 billion dollars according to data from the Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI).

On the global health front, WHO was forced after 2000 to turn to private funding to supplement its budget, which led it to a risky and alarmist management of the HN1 crisis under pressure from the interests of pharmaceutical companies. Today, with its new management coming for the first time from a country of the South (which did not particularly please Western countries, including the USA and France), it has created a programme for managing health emergencies with its own budget and launched calls for massive screening for coronavirus (with the slogan "Test, test, test!") which have nevertheless not been heard by the vast majority of governments. By definition, WHO is an intergovernmental organization, with the political and financial constraints that this entails. It can only act according to the means and powers that the 194 States that make it up have at its disposal.
confer. As researcher Auriane Guilbaud wrote in Libération on April 16, "What the current crisis reveals is the need for more WHO, not less. For example, if the WHO had the authority to go to a country in the event of the emergence of an infectious disease, without having to negotiate entry into the territory of states, it would avoid having to spare their susceptibility, as it has certainly done with China. If this is the main problem, then let's not bother, once the crisis is over, let's extend the organisation's mandate and give it more power"!

As B. writes Girard, on his blog http://journaldecole.canalblog.com/, shouldn't we ask ourselves this simple question: "Every year, the taxpayer therefore gives the army several hundred additional armoured vehicles, planes, a submarine etc., but how many medical beds in hospitals, protective masks, detection tests, etc."?
He continues and I completely share his point of view: "In 2020, although the threat certainly no longer comes from German, English or even Chinese, this radical change in the world order has done little to change mental images; security is still widely perceived from a military (and police) point of view. An archaic representation that prevents us from taking the right measure - and therefore from deciding on the right policy - of the new, very real challenges (environmental, health, etc.) that we must face today.
This is the same idea developed by researcher Bertrand Badie (Ouest-France, 26/03/2020): "For twenty-five years now, the United Nations Development Programme (UNDP) has been drawing our attention to the new human insecurities, particularly health insecurities, which continue to be reasoned in military terms".
Increasingly strong and diverse voices are being raised around the world. "What we urgently need now is to rethink the whole concept of security," wrote former USSR leader Mikhael Gorbachev in an editorial published by TIME magazine. "Even after the end of the Cold War, this was seen mainly in military terms. In recent years, we have heard nothing but talk of weapons, missiles and air strikes"" The COVID-19 epidemic has once again underlined that the threats facing humanity today are global in nature and can only be addressed collectively by nations. "The resources currently spent on weapons must be prepared for such crises," said Gorbachev.

We are not starting from scratch. At the heart of the concept of human security, developed in the late 1990s, are now the Goals for Sustainable Development by 2030.
These SDGs were adopted on 25 September 2015 by the Heads of State and Government meeting at the UN Special Summit on Sustainable Development. They set 17 sustainable development goals (SDOs). The SDOs present a cross-cutting vision of sustainable development: firstly, they associate the fight against poverty and the preservation of the planet in the face of climate change; secondly, the challenges of sustainable development encompass all the countries of the planet; finally, they are the result of a broad consultation of a range of actors, such as research, civil society, the private sector and local authorities.
This Agenda 2030 confirms the priority of sustainable development that accompanies the Paris Climate Agreements, which aim to limit the rise in global temperature to 2°C.
The success of these SDOs requires funding of 4,000 to 5,000 billion dollars each year: the annual shortfall is estimated by economist Jonathan Thébault in BSI-economics at around 2,500 billion dollars annually.
Today, however, in addition to the redirection of extravagant military spending pointed out by SIPRI, we now know with the COVIT-19 crisis that the main developed countries can mobilize, with a snap of the fingers, between $4,000 to $5,000 billion in the international financial system! So what innovative policy choices for tomorrow are we going to make?

These seemingly common sense remarks are apparently far from being shared. The way in which the crisis has been approached and its treatment by statesmen and the media shows this.
Next: COVID-19/REINVENT - Are we at war? Then let's prepare for tomorrow's peace! (III/III)

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