Dans le précédent article, j'évoquais les timides ouvertures du débat sur la "dissuasion nucléaire" en France en 2015 au travers de plusieurs colloques. Le dernier en date, fin octobre, organisé par "Démocratie" et "Participation et progrès" semblait plus ouvert en posant la question ainsi : "Quelle dissuasion en l'absence d'arme nucléaire ?".
Las, il n'a pas vraiment tenu toutes ses promesses car il a révélé une fois de plus la fascination des cercles militaires ou des chercheurs spécialisés pour le mythe de la" dissuasion nucléaire". La majorité des intervenants se sont crus obligés de commencer leurs interventions et de les terminer par une déclaration solennelle d'attachement au dogme nucléaire. On peut regretter qu'à chaque fois, pas ou peu de démonstrations concrètes, de chiffres, d'exemples soient apportés à l'appui de cette thèse de principe.
Le soutien à la "dissuasion nucléaire" semble relever essentiellement du credo politique obligé : comme l'a fait remarquer Paul Quilès, un des rares intervenants à ne pas suivre cette tendance majoritaire, "nous sommes dans le quasi-religieux". De ce fait, peu d'intervenants ont vraiment traité objectivement le thème, "une dissuasion alternative sans l'arme nucléaire existe-t-elle ?" : ils ont traité surtout du "pourquoi, il ne faut pas toucher à l'arme nucléaire", et quand ils ont évoqué une situation non-nucléaire, c'était généralement pour évoquer "l'horreur" absolue : un désarmement unilatéral français que personne ou presque, aujourd'hui en France, ne revendique.
La réflexion autour de l'arme nucléaire dans les milieux dirigeants semble bloquée, verrouillée autour de quelques vieux mythes, notamment ceux de "l'assurance-vie" et celui du "tenir son rang".
Il convient de rappeler que le mythe de "l'assurance-vie", est une escroquerie intellectuelle. Une assurance-vie ne protège pas de la mort les assurés, elle sert à indemniser, à protéger les survivants. C'est bien différent ! Mais, en l'occurrence, en cas de conflit nucléaire, quels survivants resteront pour toucher la prime, qui sera là pour leur verser, et avec quelles ressources économiques dans un pays détruit ?
Les études récentes sur les conséquences humanitaires d'une explosion nucléaire montrent quelle serait l'ampleur des destructions et pointe le fait qu'aucun pays, aucune institution n'est préparé à faire face à une telle catastrophe.
L'idée que la possession de l'arme nucléaire est nécessaire à un pays comme la France pour justifier sa place au Conseil de sécurité des Nations unies, pour "compter" dans les discussions internationales, bref, pour « garder son rang » est une idée à la fois fausse et perverse.
Idée perverse, car s'il était nécessaire de posséder l'arme nucléaire pour faire partie des grandes puissances, des pays comme le Japon, l'Allemagne, le Brésil, l'Égypte, l'Inde ne seraient-ils pas fondés à essayer d'obtenir cette arme si jamais, demain, ils entraient au Conseil de sécurité des Nations unies, comme certaines propositions diplomatiques, soutenues d'ailleurs par la diplomatie française, l'envisagent ?
Idée fausse sur un double plan. Le fait que la France détienne l'arme nucléaire n'a pas empêché qu'elle soit écartée diplomatiquement par les USA et la Russie lors de l'accord sur le nucléaire iranien ou lors de la décision de tenir une conférence élargie sur la Syrie. Deuxièmement, le statut de puissance dans le monde a un contenu plus complexe aujourd'hui, dans lequel le "softpower" est déterminant : l'Allemagne dénucléarisée, mais forte économiquement, joue un rôle international majeur. Le Canada, dans la décennie précédente, joua un rôle politique incontournable sur le plan du désarmement, notamment au moment de la Convention d'interdiction des mines antipersonnel. Si l'Union européenne ne joue pas un rôle politique mondial plus important, ce ne tient pas essentiellement au fait qu'elle n'est pas une puissance militaire et nucléaire, mais au fait qu'elle ne possède pas de buts politiques en matière de politique étrangère commune (ni de volonté et de détermination) suffisamment clairs, autonomes et innovants au service de la communauté internationale.
Il faut revisiter le concept nostalgique de "France, puissance mondiale" : oui, l'image de la France est porteuse de valeurs fortes issues de son histoire, mais être une puissance au rayonnement mondial ne se décrète pas par une posture faussement indépendante et peu efficace. En dehors de l'intervention au Mali (et encore, le débat est ouvert), les interventions militaires françaises en Libye et en Syrie ont eu des résultats peu convaincants. L'action "indépendante" de la France s'est surtout manifestée "en creux" dans plusieurs problèmes : une opposition systématique envers l'Iran et la Russie contre-productive, un postulat de principe anti-Bachar al Assad stérile, une action de torpillage de toute négociation nucléaire (dernier exemple à la réunion de la 1ère commission de l'AG de l'ONU - voir http://www.un.org/press/fr/2015/agdsi3541.doc.htm). Le pouvoir et le rayonnement d'un pays aujourd'hui réside plus dans sa capacité de s'intégrer et d'agir au sein du système multilatéral mondial, de proposer des initiatives rassembleuses permettant des avancées politiques, plus que dans ses seuls attributs militaires et nucléaires. À moins d'estimer que la seule évolution possible sera, non pas celle de l'extension du multilatéralisme et des coopérations internationales, mais celle d'un monde de pôles de puissances, rivalisant entre elles, au risque d'une véritable "der des der" nucléaire. C'est un pari faux et risqué.
Malgré tout, dans ce colloque, des voix dissonantes se sont élevées pour contester le dogme de la "dissuasion nucléaire" notamment celles de l'ancien ministre de la défense, Paul Quilès ou celle du général Norlain. Une analyse intéressante a été donnée également par Pierre Cornesa sur la "fabrication de l'image de l'ennemi" c'est-à-dire l'action politique de certaines grandes puissances (y compris la France) qui créent elle-mêmes, par leur action, l'insécurité (voir Libye), donc génèrent l'incertitude puis, ensuite, justifient la nécessité de la "dissuasion".
Parmi les autres interventions constructives, on peut citer le rappel de la situation en ex-Yougoslavie avec les accords de Dayton et ceux du Kossovo. Une issue positive a pu être trouvée aux affrontements, certes par l'interposition d'une robuste force militaire fournie par l'OTAN, mais sous le mandat du Conseil de sécurité des Nations unies, mais aussi par la construction d'une perspective politique et des mesures globales (aide économique, Tribunal pénal spécial, aide à la démocratie, etc..) prises par la communauté internationale et ses institutions (ONU, UE, OSCE).
Peut-on mettre ces opérations au seul crédit d'une "dissuasion conventionnelle" fournie par la présence des troupes internationales, comme l'a un peu réduit à cela le général Perruche, auteur de cette intéressante contribution, ou est-on dans un autre concept que celui de la "dissuasion, celui de la "prévention active et globale", qui relève lui du politique et non plus de la force seule ? L'ensemble de mesures prises alors avaient certes pour but de "dissuader" d'une reprise des combats mais surtout elles étaient accompagnées de mesures qui ne figeaient pas la situation, comme le fait la simple posture de dissuasion classique, mais la faisaient évoluer.
La discussion du colloque n'a pas permis de creuser plus cette réflexion. j'y reviendrai dans le prochain article.
Ce blog est dédié aux problématiques de la paix et du désarmement, des institutions internationales (ONU, OTAN), à la promotion d'une culture de la paix. Textes sous license Creative Commons by-nc-sa
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dimanche 8 novembre 2015
dimanche 9 septembre 2012
Leçons d'un été (1) - La visée stratégique de F. Hollande.
La réunion traditionnelle des ambassadeurs de France s'est déroulée du 27 au 31 août à Paris. C'est traditionnellement l'occasion pour le Président de la République, parfois pour le Ministre des Affaires Étrangères, d'expliquer ou actualiser ses grandes priorités en matière de diplomatie de la France. François Hollande, qui se livrait à l'exercice pour la première fois, a prononcé un long discours pédagogique pour détailler ses options en matière de politique étrangère.
Dans l'analyse de la situation, il reprend le thème de "l'instabilité" du monde, non seulement au niveau politique mais aussi sur le plan économique et financier. Il observe que de nouvelles menaces se sont accumulées : terrorisme, drogue, pandémies et nouvelles technologies de l'information. Il ajoute à l'instabilité "l'incertitude" qui pèse pour lui sur l'environnement, le climat et la biodiversité et auxquels il joint le risque de prolifération nucléaire. C'est une analyse stratégique assez classique, qui se distingue malgré tout de celle de M. Sarkozy, car les menaces y sont plus "resserrées", précisées. De plus, François Hollande y ajoute un élément d'équilibre bienvenu en estimant que "le monde est aussi porteur d'espoir" et "évolue dans un sens qui est celui du progrès" grâce, selon lui, à la vitalité et l'aspiration démocratique des peuples qu'illustrent notamment les printemps arabes. Même si cette dimension est trop peu développée à mon avis, elle ouvre la voie à une posture non pas de "forteresse assiégée" mais de "puissance d'initiative", beaucoup plus dynamique.
Dans cet esprit, la référence insistante aux "valeurs universelles" portées par la France en matière de droits de l'homme et de défense de la légalité internationale est importante, tout comme le rappel de la volonté de la France de "faire de l'organisation des Nations unies l'instance centrale de la gouvernance internationale pour préserver la paix". Certes, ces principes sont des constantes de la diplomatie française mais leur mise en valeur a connu des éclipses parfois, notamment lors de la dernière présidence, donc leur réaffirmation dans ce type de discours a un sens positif.
On peut être plus réservé sur l'affirmation que "la France est un pont entre les nations, y compris émergentes, entre le Nord et le Sud, entre l'Orient et l'Occident". Quel sens historique et diplomatique peut avoir cette affirmation ? Oui, comme il est dit après, la France est et doit être "un acteur (...) du dialogue entre les civilisations" mais cette notion imprécise de "pont" risque de renvoyer à la vieille prétention française de se vouloir puissance exceptionnelle, un peu au-dessus des autres par son histoire, sa culture, chargée d'une sorte de mission historique, bref une vieille arrogance française mal ressentie par de nombreux pays et qui a justifié dans le passé les pires comportements colonialistes ou néo-colonialistes.
Ces réserves sur cette posture "d'exception" se trouvent renforcées par le couplet de F. Hollande sur la France "puissance mondiale", "un des rares pays qui dispose d'un très large éventail d'actions, doté d'une capacité nucléaire", autant d'affirmations là encore à la limite des vieux rêves dépassés de puissance du 20e ou 19e siècles, qui semblent contradictoires avec la volonté de prendre en compte les réalités nouvelles d'un monde en mouvement, affirmées par ailleurs par le Président. L'exemple du statut des armes nucléaires françaises en est une illustration : le ministre de la Défense, M. Le Drian n'a-t-il pas redit cette sottise en juillet à l'Île Longue : "notre force de dissuasion nous permet de tenir notre rang international" ?
François Hollande a été plus heureux en insistant sur la nécessité de prendre en compte "de nouveaux enjeux comme celui du défi écologique" et celui "d'une meilleure gouvernance mondiale". Il a rappelé la proposition française de la création d'une Organisation des Nations unies pour l'environnement basée en Afrique, proposition qui avait été plus ou moins mise sous le boisseau dans la dernière période par M. Sarkozy. Il a également montré la limite des institutions actuelles, y compris le G20, sur le plan des enjeux économique et financier.
C'est sur ces bases qu'il a consacré une large part de son discours au renforcement de l'Union européenne, y compris en matière de Défense avec la coopération avec le Royaume-Uni, vieille position française des années 90, orientation qui devrait être au coeur des débats du futur Livre Blanc sur la Défense, préparé pendant cette fin 2012 et soumis au Parlement en 2013. Le deuxième axe, lui aussi très classique, est la volonté de relance du dialogue méditerranéen, souvent évoqué depuis trente ans mais dont on attend toujours des avancées concrètes. Enfin, il a rappelé sa volonté d'établir "une nouvelle donne" avec l'Afrique, un continent qui bouge et qui a aujourd'hui une forte croissance économique.
Enfin, F. Hollande a consacré un fort développement à la prise en compte des puissances émergentes, les fameux BRIC : Brésil, Russie, Inde, Chine auquel il a joint le Japon. Il n'a pas évoqué de mesures précises particulières mais a voulu marquer la volonté française de ne pas se limiter à ses relations diplomatiques traditionnelles, à son pré carré francophone ou occidental.
Beaucoup d'observateurs ont relevé le classicisme du discours et le peu d'innovations diplomatiques annoncées. Sans doute était-ce le souci d'un nouveau Président de ne pas multiplier les chantiers. Mais pour ceux qui veulent croire à l'affirmation "le changement, c'est maintenant", il faudra que les déclarations sur l'appui plus fort à la légalité internationale et au système des Nations unies, l'attention proclamée aux nouveaux problèmes comme l'environnement, aux nouvelles relations avec l'Afrique et la Méditerranée se traduisent dans des actes concrets pour être prises véritablement au sérieux.
Dans l'analyse de la situation, il reprend le thème de "l'instabilité" du monde, non seulement au niveau politique mais aussi sur le plan économique et financier. Il observe que de nouvelles menaces se sont accumulées : terrorisme, drogue, pandémies et nouvelles technologies de l'information. Il ajoute à l'instabilité "l'incertitude" qui pèse pour lui sur l'environnement, le climat et la biodiversité et auxquels il joint le risque de prolifération nucléaire. C'est une analyse stratégique assez classique, qui se distingue malgré tout de celle de M. Sarkozy, car les menaces y sont plus "resserrées", précisées. De plus, François Hollande y ajoute un élément d'équilibre bienvenu en estimant que "le monde est aussi porteur d'espoir" et "évolue dans un sens qui est celui du progrès" grâce, selon lui, à la vitalité et l'aspiration démocratique des peuples qu'illustrent notamment les printemps arabes. Même si cette dimension est trop peu développée à mon avis, elle ouvre la voie à une posture non pas de "forteresse assiégée" mais de "puissance d'initiative", beaucoup plus dynamique.
Dans cet esprit, la référence insistante aux "valeurs universelles" portées par la France en matière de droits de l'homme et de défense de la légalité internationale est importante, tout comme le rappel de la volonté de la France de "faire de l'organisation des Nations unies l'instance centrale de la gouvernance internationale pour préserver la paix". Certes, ces principes sont des constantes de la diplomatie française mais leur mise en valeur a connu des éclipses parfois, notamment lors de la dernière présidence, donc leur réaffirmation dans ce type de discours a un sens positif.
On peut être plus réservé sur l'affirmation que "la France est un pont entre les nations, y compris émergentes, entre le Nord et le Sud, entre l'Orient et l'Occident". Quel sens historique et diplomatique peut avoir cette affirmation ? Oui, comme il est dit après, la France est et doit être "un acteur (...) du dialogue entre les civilisations" mais cette notion imprécise de "pont" risque de renvoyer à la vieille prétention française de se vouloir puissance exceptionnelle, un peu au-dessus des autres par son histoire, sa culture, chargée d'une sorte de mission historique, bref une vieille arrogance française mal ressentie par de nombreux pays et qui a justifié dans le passé les pires comportements colonialistes ou néo-colonialistes.
Ces réserves sur cette posture "d'exception" se trouvent renforcées par le couplet de F. Hollande sur la France "puissance mondiale", "un des rares pays qui dispose d'un très large éventail d'actions, doté d'une capacité nucléaire", autant d'affirmations là encore à la limite des vieux rêves dépassés de puissance du 20e ou 19e siècles, qui semblent contradictoires avec la volonté de prendre en compte les réalités nouvelles d'un monde en mouvement, affirmées par ailleurs par le Président. L'exemple du statut des armes nucléaires françaises en est une illustration : le ministre de la Défense, M. Le Drian n'a-t-il pas redit cette sottise en juillet à l'Île Longue : "notre force de dissuasion nous permet de tenir notre rang international" ?
François Hollande a été plus heureux en insistant sur la nécessité de prendre en compte "de nouveaux enjeux comme celui du défi écologique" et celui "d'une meilleure gouvernance mondiale". Il a rappelé la proposition française de la création d'une Organisation des Nations unies pour l'environnement basée en Afrique, proposition qui avait été plus ou moins mise sous le boisseau dans la dernière période par M. Sarkozy. Il a également montré la limite des institutions actuelles, y compris le G20, sur le plan des enjeux économique et financier.
C'est sur ces bases qu'il a consacré une large part de son discours au renforcement de l'Union européenne, y compris en matière de Défense avec la coopération avec le Royaume-Uni, vieille position française des années 90, orientation qui devrait être au coeur des débats du futur Livre Blanc sur la Défense, préparé pendant cette fin 2012 et soumis au Parlement en 2013. Le deuxième axe, lui aussi très classique, est la volonté de relance du dialogue méditerranéen, souvent évoqué depuis trente ans mais dont on attend toujours des avancées concrètes. Enfin, il a rappelé sa volonté d'établir "une nouvelle donne" avec l'Afrique, un continent qui bouge et qui a aujourd'hui une forte croissance économique.
Enfin, F. Hollande a consacré un fort développement à la prise en compte des puissances émergentes, les fameux BRIC : Brésil, Russie, Inde, Chine auquel il a joint le Japon. Il n'a pas évoqué de mesures précises particulières mais a voulu marquer la volonté française de ne pas se limiter à ses relations diplomatiques traditionnelles, à son pré carré francophone ou occidental.
Beaucoup d'observateurs ont relevé le classicisme du discours et le peu d'innovations diplomatiques annoncées. Sans doute était-ce le souci d'un nouveau Président de ne pas multiplier les chantiers. Mais pour ceux qui veulent croire à l'affirmation "le changement, c'est maintenant", il faudra que les déclarations sur l'appui plus fort à la légalité internationale et au système des Nations unies, l'attention proclamée aux nouveaux problèmes comme l'environnement, aux nouvelles relations avec l'Afrique et la Méditerranée se traduisent dans des actes concrets pour être prises véritablement au sérieux.
mercredi 28 septembre 2011
Dépenses militaires et débats électoraux.
La crise financière mondiale met à nu, parmi d'autres contradictions, le rôle négatif joué par le fardeau des dépenses militaires dans l'économie de nombreureux pays. L'économie grecque est plombée par celles-ci. Aux États-Unis, l'économiste Josef Stiglitz a écrit que « La croissance des dépenses de défense, avec les exemptions d'impôt de George Bush, sont des raisons clefs pour expliquer comment les Etats-Unis sont passés d'un excédent budgétaire de 2 % du PIB, au moment de l'élection de George Bush, à un déficit et à la position de la dette aujourd'hui ». Le budget militaire étatsunien dépasse les 750 milliards de dollars, mais si on y réintègre d'autres dépenses liées (retraites, sécurité intérieure, soins de longue durée aux anciens combattants, intérêts de la dette liée aux dépenses militaires), l'économiste Chalmers Johnson estime alors que le chiffre le plus réaliste est supérieur à 11OO Mds de $ pour 2008 ! Rien de surprenant dans ce contexte de voir des puissances dites émergentes comme le Brésil, l'Inde, augmenter elles aussi leurs dépenses militaires (+30 % entre 2007 et 2011). La Chine les a portées à 91 Mds de $ en 2011, soit environ 13,5 % de celles des USA. Ce rapport reste sensiblement le même si on intégre dans le budget chinois les dépenses non prises en compte (maintien de l'ordre, par ex) et si on les compare ce nouveau total (près de 200 Mds de $) au budget officiel étatsunien augmenté des mêmes dépenses non prises en compte (plus de 1100 Mds de $).
En France, à un budget de la défense important (38 Mds d'euros avec les pensions) s'ajoute maintenant un coût des interventions militaires extérieures (OPEX) en augmentation constante : plus d'un milliard d'euros en 2011 ! Certaines sont d'une légitimité internationale douteuse car le mandat initial du Conseil de sécurité des Nations unies a été perverti comme en Afghanistan (la pression US a fait passer l'option militaire avant les volets civils de l'opération) ou en Libye (la protection des civils contre Khadafi a été instrumentalisée au profit d'une opération de renversement du régime). Le coût des opérations françaises en Afghanistan s'établirait officiellement à plus de 600 millions d'euros et celui des opérations en Libye entre 300 et 350 millions d'euros selon le ministre Longuet (environ 60 % pour les munitions tirées et environ 70 millions d'euros de primes pour les 4300 militaires concernés par ces six mois d'opération). Ces chiffres sont-ils complètement transparents ? L'exemple du Royaume-Uni permet d'en douter : en juillet dernier, le gouvernement britannique avait indiqué que le coût global de la campagne de Libye tournerait autour de 300 millions d'euros, en septembre, une étude du Département de la Défense chiffre à 2 Mds d'euros les dépenses engagées par les Britanniques, soit sept fois plus ! L'opposition travailliste réclame la transparence, la question est posée aussi en France !
L'augmentation ou le maintien à un haut niveau des dépenses militaires perd sa légitimité dans le cadre de la crise financière et de l'austérité imposée aux populations. Il n'est pas étonnant dans ce contexte de voir se développer depuis le début du mois de septembre une campagne de presse pour maintenir au plus haut les dépenses militaires en France, et soutenir les politiques de militarisations défendues par l'actuel Président de la République.
Le général de l'armée de l'air, Stéphane Abrial, délégué à l'OTAN, déclare dans La Tribune que "Notre effort de défense doit être soutenu" ; le député UMP Guy Tessier, président de la commission de la Défense, refuse toute réduction "parce que là on est vraiment arrivé à l’épure...". Les arguments pour justifier ces choix sont sur le thème : le monde ne devient pas moins dangereux au contraire...
Cette pseudo-démonstration se base justement sur l'augmentation des dépenses militaires mondiales sans dire qu'elles proviennent d'abord du non-règlement de conflits (Irak, Afghanistan, Libye) qui auraient pû être résolus politiquement différemment et aussi, d'un climat de méfiance persistant du fait du ralentissement, voire du blocage, depuis l'ère Bush des processus de désarmement, notamment sur l'arme nucléaire. On peut d'ailleurs s'étonner de lire dans la presse de ces derniers jours des leaders socialistes comme Arnaud Montebourg (dans La Tribune) ou le conseiller militaire de Lionel Jospin, Louis Gautier (dans Le Monde), exprimant un soutien sans condition à l'arme nucléaire française, sans prendre en compte, les débats internationaux qui se sont ouverts sur sa possible abolition.
Les orientations françaises de défense sont définies par le Livre blanc de la Défense qui couvre la période 2009-2014. Le ministère commence à travailler pour sa réactualisation pour prendre en compte les orientations pro-otaniennes et interventionnistes de Nicolas Sarkozy à partir de 2012. Quatre groupes de travail ont été créés afin de réintégrer les problématiques non traitées, ou pas assez traitées dans l’édition de 2008, selon les responsables du ministère. Mais voilà, les élections présidentielles et législatives de 2012 dont le résultat est devenu incertain bouleversent la donne. Du coup, selon Francis DELON, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, la rédaction finale du Livre blanc actualisé ne pourra intervenir qu’après ces élections afin que la nouvelle Assemblée Nationale puisse voter éventuellement une nouvelle Loi de programmation militaire. Cela signifie que le débat sur la politique de défense de la France, son budget militaire, ses armements, sa politique de sécurité, ses relations avec la société internationale doivent être au coeur des débats des futures élections et que les candidats doivent fournir aux citoyens des engagements clairs. Il n'est pas trop tôt pour y réfléchir.
28 septembre 2011
En France, à un budget de la défense important (38 Mds d'euros avec les pensions) s'ajoute maintenant un coût des interventions militaires extérieures (OPEX) en augmentation constante : plus d'un milliard d'euros en 2011 ! Certaines sont d'une légitimité internationale douteuse car le mandat initial du Conseil de sécurité des Nations unies a été perverti comme en Afghanistan (la pression US a fait passer l'option militaire avant les volets civils de l'opération) ou en Libye (la protection des civils contre Khadafi a été instrumentalisée au profit d'une opération de renversement du régime). Le coût des opérations françaises en Afghanistan s'établirait officiellement à plus de 600 millions d'euros et celui des opérations en Libye entre 300 et 350 millions d'euros selon le ministre Longuet (environ 60 % pour les munitions tirées et environ 70 millions d'euros de primes pour les 4300 militaires concernés par ces six mois d'opération). Ces chiffres sont-ils complètement transparents ? L'exemple du Royaume-Uni permet d'en douter : en juillet dernier, le gouvernement britannique avait indiqué que le coût global de la campagne de Libye tournerait autour de 300 millions d'euros, en septembre, une étude du Département de la Défense chiffre à 2 Mds d'euros les dépenses engagées par les Britanniques, soit sept fois plus ! L'opposition travailliste réclame la transparence, la question est posée aussi en France !
L'augmentation ou le maintien à un haut niveau des dépenses militaires perd sa légitimité dans le cadre de la crise financière et de l'austérité imposée aux populations. Il n'est pas étonnant dans ce contexte de voir se développer depuis le début du mois de septembre une campagne de presse pour maintenir au plus haut les dépenses militaires en France, et soutenir les politiques de militarisations défendues par l'actuel Président de la République.
Le général de l'armée de l'air, Stéphane Abrial, délégué à l'OTAN, déclare dans La Tribune que "Notre effort de défense doit être soutenu" ; le député UMP Guy Tessier, président de la commission de la Défense, refuse toute réduction "parce que là on est vraiment arrivé à l’épure...". Les arguments pour justifier ces choix sont sur le thème : le monde ne devient pas moins dangereux au contraire...
Cette pseudo-démonstration se base justement sur l'augmentation des dépenses militaires mondiales sans dire qu'elles proviennent d'abord du non-règlement de conflits (Irak, Afghanistan, Libye) qui auraient pû être résolus politiquement différemment et aussi, d'un climat de méfiance persistant du fait du ralentissement, voire du blocage, depuis l'ère Bush des processus de désarmement, notamment sur l'arme nucléaire. On peut d'ailleurs s'étonner de lire dans la presse de ces derniers jours des leaders socialistes comme Arnaud Montebourg (dans La Tribune) ou le conseiller militaire de Lionel Jospin, Louis Gautier (dans Le Monde), exprimant un soutien sans condition à l'arme nucléaire française, sans prendre en compte, les débats internationaux qui se sont ouverts sur sa possible abolition.
Les orientations françaises de défense sont définies par le Livre blanc de la Défense qui couvre la période 2009-2014. Le ministère commence à travailler pour sa réactualisation pour prendre en compte les orientations pro-otaniennes et interventionnistes de Nicolas Sarkozy à partir de 2012. Quatre groupes de travail ont été créés afin de réintégrer les problématiques non traitées, ou pas assez traitées dans l’édition de 2008, selon les responsables du ministère. Mais voilà, les élections présidentielles et législatives de 2012 dont le résultat est devenu incertain bouleversent la donne. Du coup, selon Francis DELON, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, la rédaction finale du Livre blanc actualisé ne pourra intervenir qu’après ces élections afin que la nouvelle Assemblée Nationale puisse voter éventuellement une nouvelle Loi de programmation militaire. Cela signifie que le débat sur la politique de défense de la France, son budget militaire, ses armements, sa politique de sécurité, ses relations avec la société internationale doivent être au coeur des débats des futures élections et que les candidats doivent fournir aux citoyens des engagements clairs. Il n'est pas trop tôt pour y réfléchir.
28 septembre 2011
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