mardi 13 décembre 2011

Le Droit humain à la paix : rendre concrète l'utopie.

Comme chaque année, le 10 décembre a permis de commémorer la proclamation de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme par l'Assemblée générale des Nations unies en 1948. Cette Déclaration ne surgissait pas du néant. Elle était permise et s'appuyait sur la Charte des Nations unies adoptée en 1945. Elle reposait sur  un patrimoine de conquêtes de droits, essentiellement civils et politiques tout en s'enrichissant des débats et apports du 20e siècle sur les droits sociaux. Pendant la Guerre froide, un droit nouveau émergera irrésistiblement : celui à l'auto-détermination des peuples. Après la fin de la Guerre froide, ont mûri, tout à la fois, la reconnaissance de la dignité humaine et des droits qui lui sont liés : soit spécifiques (droits de l'enfant, droits des femmes) soit généraux (développement humain, sécurité humaine) et l'exigence de nouveaux droits collectifs qui sont encore en débat aujourd'hui : droit au développement, à l'environnement et droit à la paix.
L'émergence du concept de droit humain à la paix parmi les autres droits humains a été difficile dans les années 90 même si ses fondements se retrouvent dans la Charte des Nations unies, la Déclaration des Droits de l'Homme : les controverses ont été vives car le Droit humain à la paix remet en cause le pouvoir sans partage des États : une première tentative d'instituer ce droit a échoué en 1997 par l'opposition des États occidentaux dont les États-Unis et la France. Les années 2000 ont constitué une nouvelle étape, marquée par la place des nouveaux concepts de « Culture de paix » qui établit les dimensions globales, collectives et individuelle de la paix, de « sécurité humaine » et de « responsabilité de protéger » qui elles-aussi mettent en avant la protection de l'individu tout autant que la sécurité des États. Les efforts des juristes, notamment espagnols, ont débouché en 2006 sur la Convention de Luarca dont le contenu et les innovations ont défini les contours d'un Droit humain à la paix. Elle montre que le droit humain à la paix englobe les droits suivants : le droit à l'éducation  pour la Paix, le droit à la sécurité humaine et à vivre dans un environnement sûr et sain, celui au développement et à un environnement durable, à la désobéissance et l'objection de conscience, à la  résistance et l'opposition à l'oppression. Il inclut également le droit au désarmement, à la liberté de pensée, d'opinion, d'expression, de conscience et de religion, à l'accès au statut de réfugié, le droit enfin à la liberté de mouvement et d'émigration et le droit de toutes les victimes à la justice.
Avec la Déclaration de Luarca, le mouvement pour le Droit humain à la paix dispose d'un texte canevas, lui permettant d'agir à la fois en direction des États, des institutions internationales et de l'opinion (un peu comme cela s'est passé pour la Campagne pour l'interdiction des mines antipersonnel, celle de la CPI ou celle pour une Convention d'abolition des armes nucléaires).. Les toutes dernières années ont vu le passage de l'élaboration des  concepts au développement de campagnes, notamment au sein de l'Assemblée générale des Nations unies et de la Commission des Droits de l'homme. Plusieurs Forums internationaux ont eu lieu, réunissant des centaines d'ONG, notamment à Saint-Jacques-de-Compostelle en décembre 2010 et à Nagoya, il y a deux semaines. Les textes adoptés demandent au Conseil des Droits de l'Homme et à son Comité consultatif d'adopter la Déclaration de Santiago (Saint-Jacques-de-Compostell) du 10/12/2010, de mettre au point à la 20e session du conseil qui aura lieu en juin 2012, un groupe de travail sur le projet de Droit Humain pour la paix avec la participation de la société civile, et demande enfin à l'Assemblée générale des Nations unies d'adopter une Déclaration universelle du Droit humain pour la paix avant 2015.
Peut-on espérer voir le développement encore plus fort d'une vraie campagne d'opinion internationale, notamment en France où existe un retard certain ? Ce serait souhaitable : pour des militants de la Culture de paix, l'adoption du Droit Humain pour la Paix est une condition de l'enracinement de la culture de paix, ne serait-ce que parce que le droit humain à la paix est d’abord un droit à une éducation à la paix. Or, comment exercer ce droit, en bénéficier mais aussi le garantir à l'autres si vous n'en connaissez pas les tenants et les aboutissants ! Le Droit humain à la paix peut seul faire avancer la sécurité humaine en combattant toute instrumentalisation : c'est un cadre ou garde-fou au « devoir de protéger ». En effet, le droit humain à la paix ne peut être mis en œuvre que par des méthodes pacifiques s’il ne veut pas entrer en contradiction avec lui-même. Cela suppose de privilégier les méthodes politiques de médiation, de négociation au détriment des solutions militaires : cela aurait été un point d'appui pour l'opinion pour empêcher le dérapage ou la manipulation par les pays de l'OTAN de la résolution sur la Lybie.
Une telle campagne d'opinion permettra-t-elle d'influencer les États et institutions dans ce qui peut s'apparenter à un renversement copernicien du paradigme des relations internationales ? C'est sans doute un des principaux enjeux d'aujourd'hui.

jeudi 10 novembre 2011

Nouvelles en vrac...

(Dans les dépêches)
Des armes nucléaires pakistanaises dans des camionnettes de livraison ?
Le ministère pakistanais des Affaires étrangères a rejeté dimanche dernier les affirmations de magazines américains selon lesquelles le Pakistan avait déplacé ses armes nucléaires à bord de camionnettes dans des conditions dangereuses, les qualifiant de «pure fiction».
Deux magazines américains, l'Atlantic et le National Journal, ont affirmé vendredi que le Pakistan avait déplacé ses armes nucléaires à bord de camionnettes afin de les dissimuler aux agences de renseignement américaines, accroissant le risque qu'elles soient subtilisées par des militants islamistes.
Mais au lieu de les transporter dans des véhicules blindés au sein de convois protégés, les armes nucléaires «capables de détruire des villes entières sont transportées dans des camionnettes de livraison sur les routes embouteillées et dangereuses du pays», ont affirmé les deux magazines.
Des stocks d'armes chimiques en Libye ?
Les autorités libyennes ont découvert sur deux sites militaires des armes chimiques qui, selon un expert, étaient prêtes à être assemblées et utilisées, ainsi qu'un autre site abritant 7.000 barils d'uranium brut. Des spécialistes en armes chimiques sont arrivés en Libye cette semaine pour commencer à protéger ces sites, selon un responsable de l'ONU.
D'autre part, au mois d'octobre, une équipe de Human Rights Watch a découvert sur un site, dans le désert libyen, des armes qui n'étaient pas gardées, avec des milliers de caisses de munitions.
Les autorités craignent que ces matériaux tombent entre de mauvaises mains, notamment des missiles sol-air qui pourraient constituer une menace pour l'aviation civile. Le Conseil de sécurité de l'ONU a exhorté les autorités libyennes à agir rapidement, disant craindre que les armes tombent entre les mains de terroristes. Les États-Unis ont déjà envoyé des experts en armement en Libye, débloquant environ 40 millions de dollars (29 millions d'euros) pour détruire les missiles sol-air, qui peuvent être utilisés pour tirer sur des avions.
Un budget se porte toujours bien en Grèce : celui des dépenses militaires !Le budget de 6 milliards d’euros de Défense de la Grèce n’a pas été touché par les mesures d'austérité imposées par l'U.E et le FMI. La république hellénique a un budget Défense qui représente 2,8% du PIB. Pour info, les Etats-Unis, en 2010 enregistraient un budget défense de 4,8% sur leur PIB total, ce qui place la Grèce en deuxième position derrière les Américains parmi les membres de l'OTAN, en pourcentage du PIB ! le budget Défense par habitant en Grèce est de 1000 dollars par habitant...
Course aux armements ou "modernisations" ?
Le groupe de recherche britannique Trident Commission, fondé par l’organisation américano-britannique BASIC (British American Security Information Council) publient des prévisions d'évolution des dépenses liées aux armes nucléaires dans les décennies à venir.
Au cours des dix prochaines années,les États-Unis et la Russie, pourraient dépenser au total pour les armes nucléaires et les secteurs qui en dépendent, 770 milliards de dollars d'après les experts.
Les Etats-Unis ont l’intention de prolonger la durée de service des missiles intercontinentaux Minuteman III et de développer un nouveau missile balistique, de construire 12 nouveaux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) SSBN(X), de prolonger la durée de service des bombardiers B-52H Stratofortress jusqu’en 2035, de concevoir un nouveau bombardier à longue portée et de commencer le remplacement des missiles de croisière à tête nucléaire existants par de nouveaux engins en 2025.
A son tour, jusqu’en 2020 la Russie dépensera au moins 70 milliards de dollars pour le développement de sa propre triade nucléaire. Ces moyens seront destinés à déployer de nouveaux systèmes mobiles RS-24 Iars (code OTAN SS-X-29), la conception pour 2018 d’un nouveau missile intercontinental avec 10 têtes nucléaires, le rééquipement des sous-marins stratégique du projet 667BDRM (code Otan Delta IV) avec des missiles modernisés Sineva et la construction de 8 SNLE du projet 955 Boreï. De plus, comme le fait remarqur BASIC, la Russie développe actuellement un SNLE de 5e génération.
Pour 2025, un nouveau bombardier stratégique à longue portée entrera en service en Russie (le PAK DA, bombardier stratégique de nouvelle génération).
Alexeï Arbatov, membre correspondant de l’Académie des sciences de Russie estime qu’en termes de nombre des ogives nucléaires la Russie et les Etats-Unis resteront en tête dans les années à venir en devançant largement tous les pays nucléaires réunis.
Selon Alexeï Arbatov, la seule réserve à cette affirmation pourrait être la possibilité théorique d’un changement de politique de la Chine et d'une accélération de la fabrication des armes nucléaires. Selon lui, la Chine est la seule puissance au monde économiquement et techniquement capable de s’approcher en 10-15 ans du niveau de la Russie et des Etats-Unis.

Armes nucléaires : garder la tête froide.

Le dernier rapport de l'A.I.E.A sur les activité nucléaires de l'Iran donne lieu à des lectures et des déclarations toutes plus alarmistes les unes que les autres : Alain Juppé fait le matamore : «la France est prête avec ceux qui le voudront à aller beaucoup plus loin dans des sanctions qui doivent être renforcées pour faire plier l'Iran». Les États-Unis, plus prudents, envisagent d' «examiner les moyens d'imposer une pression supplémentaire à l'Iran» en promettant «toute une gamme de possibilités». Israël fait monter la pression en évoquant, notamment par la voix de Shimon Peres, une possible frappe préventive des installations nucléaires d'Iran. Russie et Chine sont, elles, très réticences, voire opposées, à une aggravation des sanctions contre l'Iran.
Que dit exactement ce rapport ? Celui-ci déclare que l'Iran a mené jusqu'en 2003 des travaux orientés sur la mise au point d'une arme nucléaire, et l'AIEA, sur la base de documents fournis par les services de renseignements occidentaux,  redoute que l'activité liée au développement d'une arme nucléaire ne se poursuive actuellement. Il y a donc deux questions : la reconnaissance d'activités illégales de l'Iran jusqu'en 2003 qui semble assez sûre et la poursuite ou non d'activités similaires ensuite, sur laquelle les preuves semblent manquer (voir les informations supplémentaires et l'excellente analyse faite par J-Marie Collin sur son blog http://alternatives-economiques.fr/blogs/collin/).
La situation iranienne inspire deux réflexions : venant après le battage médiatique sur la crise financière mondiale, les menaces sur l'éclatement de l'Europe, on assiste à une nouvelle présentation par les "leaders du monde", reprise par les grands médias, très noire et "catastrophiste" de la situation du monde. Elle aboutit à justifier les mesures de rigueur sociale extrêmes dans le premier cas, une intervention militaire aventuriste contre l'Iran dans le deuxième cas. Or, dans les deux cas, des alternatives politiques crédibles existent : aux militants d'un "autre monde" de ne pas tomber dans le piège de cette vision alarmiste de l'évolution du monde, s'ils veulent pouvoir faire progresser des idées transformatrices nouvelles !
La deuxième réflexion concernant l'Iran est qu'une solution politique est la seule possible : elle passe par deux éléments. Il faut renforcer la crédibilité des Traités existants pour exiger qu'ils soient respectés par tous : c'est le cas du TNP (Traité de non-prolifération nucléaire) et donc, les puissances nucléaires "dotées" doivent donner des preuves elles-aussi de leur respect de leurs obligations vis a vis de l'article VI, concernant le désarmement nucléaire. Elles ne le font pas suffisamment : cela conforte les pays "tricheurs" ou tout simplement, inquiets pour leur puissance régionale comme l'Iran, et qui sont tentés par le fameux "pouvoir égalisateur de l'atome".
C'est cet enjeu qu'a souligné le général Norlain, dans une tribune libre dans le journal Le Monde du 29 octobre : " dans un monde ouvert où l'apparition de nouveaux acteurs stratégiques rend les règles du jeu plus complexes et fugaces, l'arme nucléaire, après avoir joué un rôle de stabilité, devient une source d'instabilité destructrice pour la planète". C'est ce constat qui l'amène à dire "qu'il n'y a pas d'autre solution que d'éliminer ces armes. Toutes les négociations sur la diminution, sur le déploiement et la mise en alerte de ces armes sont nécessaires, mais elles ne seront effectives que dans la perspective d'un objectif d'élimination complète".
Faire respecter un traité existant comme le TNP (et discuter sérieusement avec l'Iran) sur ce sujet doit donc s'accompagner d'initiatives politiques fortes pour faire démarrer et aboutir des négociations sur un nouveau traité : une Convention d'abolition des armes nucléaires, dont un projet existe déjà et est soutenu par plus de 110 pays à l'Assemblée générale de l'ONU.
Il faut opérer une véritable révolution copernicienne, montrer que "Aujourd’hui, l’existence même des armes nucléaires, couplée au risque de prolifération et de terrorisme nucléaire, constitue paradoxalement la plus grande menace à notre sécurité". Ce constat n'est pas fait par des pacifistes invétérés mais par des personnalités franco-britanniques (Hugh Beach,   général , ancien commandant en chef des forces terrestres, Royaume-Uni ; Margaret Beckett, ancienne secrétaire aux Affaires étrangères,  Royaume-Uni ; Bernard Norlain, général,  ancien commandant de la force aérienne de combat,  France ; Paul Quilès, ancien ministre de la Défense, France ; Michel Rocard,  ancien Premier Ministre, France ; David Ramsbotham,   général , Royaume-Uni) dans le journal La Croix de ce 9 novembre en s'adressant aux jeunes anti-nucléaires du forum Global Zero.
Ils pointent deux grands défis : "Faire évoluer les mentalités est un devoir stratégique et moral commun(...)" et construire "un monde dans lequel la promotion du désarmement nucléaire confère plus de pouvoir politique et de prestige que la possession d’arsenaux surdimensionnés, dangereux et coûteux".
Ces informations dans leur diversité et leurs contradictions ne montrent-elles pas que, si nous vivons dans un monde dangereux, nous vivons aussi dans un monde de possibles enthousiasmants ?

mardi 25 octobre 2011

L'élimination de l'arme nucléaire, plus que jamais d'actualité...

La dernière semaine d'octobre est célébrée chaque année "semaine du désarmement" par l'ONU : l'élimination de l'arme nucléaire est, cette année encore, au coeur de nombreux débats.
En France, un livre écrit par Pierre Villard, co-président du Mouvement de la paix ("Pour en finir avec l'arme nucléaire", éditions La Dispute) intéressera tous les esprits curieux de s'informer. Le premier mérite de l'ouvrage est de dresser un état des lieux des dispositifs nucléaires de chaque pays possédants "officiels" ou non. un rappel des dangers encourus par tous les peuples ; enfin. ce livre aborde la manière d’éliminer les armes nucléaires et le contrôle de leur élimination. Les dimensions informatives de l'ouvrage en font un document de référence : il expose tous les aspects techniques et écologiques posés par l'uranium et le plutonium, les liens entre nucléaire civil et militaire, il donne en annexe le texte de documents de référence (texte du projet de Convention d'abolition, des programmes divers d'abolition, des traités existants).
Le deuxième mérite du livre de Pierre Villard réside en sa dimension pédagogique et didactique (Pierre Villard est professeur de mathématiques et de sciences physiques en lycée professionnel) qui le rend accessible à un large public. Aucune question importante n'est esquivée par l'auteur : est-il ou non possible d'abolir l'arme nucléaire ? Si oui comment ? Des États l'ont-ils fait ? Quelles garanties peut-on avoir ? Comment contrôler ? Existe-t-il des liens entre le civil et le militaire ? Si oui, lesquels et comment y faire face ? En d’autres termes, y a-t-il une bombe derrière chaque centrale ? La dissuasion nucléaire est-elle une évidence incontournable ou un mythe surfait ? Il s'agit bien d'un livre pour les initiés et les non-initiés, d'un livre qui fait prendre conscience du danger de l’arme nucléaire, de la responsabilité de chacun envers les générations futures pour mettre fin à la menace que cette arme fait peser sur l'humanité entière.
Enfin, le troisième mérite et, le plus important à mes yeux, est la volonté exprimée par l'auteur de montrer que les armes nucléaires, leur avenir, leur contrôle ne peuvent être abandonnés aux seuls États, "monstres froids" décidant du sort du monde, mais que les opinions publiques, les citoyens/citoyennes ont eu, ont et doivent avoir leur mot à dire sur l'avenir de leur planète. De ce fait, l'auteur explique comment, à plusieurs moments de l'histoire (guerre de Corée, essais nucléaires français en 1995, par ex), les mouvements d'opinion ont joué un rôle essentiel sur l'utilisation de l'arme nucléaire. Il montre combien plusieurs des mesures de limitation ou d'élimination (comme le projet de Traité ou convention d'abolition) doivent beaucoup à l'action des ONG et que l'avenir passe par "la nécessaire mobilisation en chaîne des citoyens pour en finir avec l'arme atomique". Cette prise en compte de la dimension des opinions font la principale originalité de l'ouvrage qui tranche avec l'ignorance, voire parfois le mépris, entretenu par nombre de "spécialistes" du désarmement qui ont du mal à sortir des vieilles logiques étatiques. L'auteur conclut (peut-être cette dimension aurait-elle mérité d'être plus développée) en faisant réfléchir au fait que, fondamentalement, derrière le choix de l'élimination des armes nucléaires, réside un choix de civilisation, un choix entre rester dans la vieille culture de guerre ou s'inscrire dans une nouvelle culture de paix. Au final, le livre de Piere Villard se révèle être un outil de débats et d'éducation populaire et dont l'ambition de donner  à ses lecteurs la capacité de se forger une opinion est pleinement justifiée.
(Pierre Villard, Pour en finir avec l'arme nucléaire, Paris, La Dispute, 2011)

Pour continuer dans le même sens, notons que ce 24 octobre, le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a rappelé qu'il était possible d'arriver un jour à un monde exempt d'armes nucléaires. « Nous savons que le monde de demain sera façonné par les décisions que nous prenons aujourd'hui. Un monde exempt d'armes nucléaires est une possibilité concrète », a-t-il dit dans un discours lors d'une conférence sur le désarmement nucléaire à New York organisé par l'East-West Institute. Le Secrétaire général a fait du désarmement nucléaire et de la non-prolifération une de ses priorités. Il a présenté en 2008 un plan en cinq points destiné à réaliser ce monde sans armes nucléaires. Selon lui, il est temps aujourd'hui de donner un nouvel élan à la politique de désarmement. Il estime qu'il est nécessaire de réduire davantage les arsenaux nucléaires. « Cela devrait inclure des limites à la fois concernant les armes nucléaires non stratégiques et les armes non-déployées. Et par réduction des armes, je veux dire destruction des armes », a-t-il dit. Il a également jugé nécessaire une plus grande transparence. « On connaît trop peu de choses concernant les stocks existant d'armes, de matériaux fissiles et de systèmes de lancement », a-t-il noté. Le Secrétaire général a aussi jugé nécessaire de renforcer l'état de droit en matière de désarmement, en particulier en élaborant les obligations légales nécessaires pour achever le désarmement nucléaire, notamment le contenu d'une future convention sur les armes nucléaires.
25/10/2011



mercredi 28 septembre 2011

Dépenses militaires et débats électoraux.

La crise financière mondiale met à nu, parmi d'autres contradictions, le rôle négatif joué par le fardeau des dépenses militaires dans l'économie de nombreureux pays. L'économie grecque est plombée par celles-ci. Aux États-Unis, l'économiste Josef Stiglitz a écrit que  « La croissance des dépenses de défense, avec les exemptions d'impôt de George Bush, sont des raisons clefs pour expliquer comment les Etats-Unis sont passés d'un excédent budgétaire de 2 % du PIB, au moment de l'élection de George Bush, à un déficit et à la position de la dette aujourd'hui ». Le budget militaire étatsunien dépasse les 750 milliards de dollars, mais si on y réintègre d'autres dépenses liées (retraites, sécurité intérieure, soins de longue durée aux anciens combattants, intérêts de la dette liée aux dépenses militaires), l'économiste Chalmers Johnson estime alors que le chiffre le plus réaliste est supérieur à 11OO Mds de $ pour 2008 ! Rien de surprenant dans ce contexte de voir des puissances dites émergentes comme le Brésil, l'Inde, augmenter elles aussi leurs dépenses militaires (+30 % entre 2007 et 2011). La Chine les a portées à 91 Mds de $ en 2011, soit environ 13,5 % de celles des USA. Ce rapport reste sensiblement le même si on intégre dans le budget chinois les dépenses non prises en compte (maintien de l'ordre, par ex) et si on les compare ce nouveau total (près de 200 Mds de $) au budget officiel étatsunien augmenté des mêmes dépenses non prises en compte (plus de 1100 Mds de $).
En France, à un budget de la défense important (38 Mds d'euros avec les pensions) s'ajoute maintenant un coût des interventions militaires extérieures (OPEX) en augmentation constante : plus d'un milliard d'euros en 2011 ! Certaines sont d'une légitimité internationale douteuse car le mandat initial du Conseil de sécurité des Nations unies a été perverti comme en Afghanistan (la pression US a fait passer l'option militaire avant les volets civils de l'opération) ou en Libye (la protection des civils contre Khadafi a été instrumentalisée au profit d'une opération de renversement du régime). Le coût des opérations françaises en Afghanistan s'établirait officiellement à plus de 600 millions d'euros et celui des opérations en Libye entre 300 et 350 millions d'euros selon le ministre Longuet (environ 60 % pour les munitions tirées et environ 70 millions d'euros de primes pour les 4300 militaires concernés par ces six mois d'opération). Ces chiffres sont-ils complètement transparents ? L'exemple du Royaume-Uni permet d'en douter : en juillet dernier, le gouvernement britannique avait indiqué que le coût global de la campagne de Libye tournerait autour de 300 millions d'euros, en septembre, une étude du Département de la Défense chiffre à 2 Mds d'euros les dépenses engagées par les Britanniques, soit sept fois plus ! L'opposition travailliste réclame la transparence, la question est posée aussi en France !
L'augmentation ou le maintien à un haut niveau des dépenses militaires perd sa légitimité dans le cadre de la crise financière et de l'austérité imposée aux populations. Il n'est pas étonnant dans ce contexte de voir se développer depuis le début du mois de septembre une campagne de presse pour maintenir au plus haut les dépenses militaires en France, et soutenir les politiques de militarisations défendues par l'actuel Président de la République.
Le général de l'armée de l'air, Stéphane Abrial, délégué à l'OTAN, déclare dans La Tribune que "Notre effort de défense doit être soutenu" ; le député UMP Guy Tessier, président de la commission de la Défense, refuse toute réduction "parce que là on est vraiment arrivé à l’épure...". Les arguments pour justifier ces choix sont sur le thème : le monde ne devient pas moins dangereux au contraire...
Cette pseudo-démonstration se base justement sur l'augmentation des dépenses militaires mondiales sans dire qu'elles proviennent d'abord du non-règlement de conflits (Irak, Afghanistan, Libye) qui auraient pû être résolus politiquement différemment et aussi, d'un climat de méfiance persistant du fait du ralentissement, voire du blocage, depuis l'ère Bush des processus de désarmement, notamment sur l'arme nucléaire. On peut d'ailleurs s'étonner de lire dans la presse de ces derniers jours des leaders socialistes comme Arnaud Montebourg (dans La Tribune) ou le conseiller militaire de Lionel Jospin, Louis Gautier (dans Le Monde), exprimant un soutien sans condition à l'arme nucléaire française, sans prendre en compte, les débats internationaux qui se sont ouverts sur sa possible abolition.
Les orientations françaises de défense sont définies par le Livre blanc de la Défense qui couvre la période 2009-2014. Le ministère commence à travailler pour sa réactualisation pour prendre en compte les orientations pro-otaniennes et interventionnistes de Nicolas Sarkozy à partir de 2012. Quatre groupes de travail ont été créés afin de réintégrer les problématiques non traitées, ou pas assez traitées dans l’édition de 2008, selon les responsables du ministère. Mais voilà, les élections présidentielles et législatives de 2012 dont le résultat est devenu incertain bouleversent la donne. Du coup, selon Francis DELON, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, la rédaction finale du Livre blanc actualisé ne pourra intervenir qu’après ces élections afin que la nouvelle Assemblée Nationale puisse voter éventuellement une nouvelle Loi de programmation militaire. Cela signifie que le débat sur la politique de défense de la France, son budget militaire, ses armements, sa politique de sécurité, ses relations avec la société internationale doivent être au coeur des débats des futures élections et que les candidats doivent fournir aux citoyens des engagements clairs. Il n'est pas trop tôt pour y réfléchir.
28 septembre 2011

vendredi 16 septembre 2011

Nouvelle session de l'AG de l'ONU : Palestine indépendante et prévention des conflits au programme..

Cette semaine est marquée par l'ouverture d'une nouvelle session annuelle de l'Assemblée Générale des Nations unies, la 66e. Celle qui vient de s'achever (septembre 2010 à août 2011) a été marquée par des débats thématiques importants : comment atteindre les Objectifs du Millénaire notamment celui de réduction de la pauvreté d'ici 2015, comment améliorer la lutte contre la prolifération nucléaire et relancer les travaux de la Conférence du désarmement (sans compter des sujets non-traités ici comme le développement durable) ? Mais cette session a également été traversée par les débats qui se sont déroulés au Conseil de sécurité, notamment sur la "responsabilité de protéger" (l'intervention en Libye et la crise électorale en Côte d'Ivoire). Le président de cette session était le suisse Joseph Deiss qu'on a vu très actif pour ne pas laisser l'Organisation des Nations unies écartée des grandes décisions et s'efforcer de la maintenir au coeur de la gouvernance mondiale en construction, y compris en dialoguant avec la présidence du G20 : « A l'heure où de plus en plus de défis sont globaux et nécessitent des réponses coordonnées et collectives, nous, les États membres, ne devons pas laisser les Nations Unies être marginalisées par de nouveaux acteurs de la gouvernance globale, parfois plus efficaces que l'ONU et son Assemblée générale certes, mais souffrant d'une carence de légitimité, » a-t-il souligné.
Dix ans après les événements du 11 septembre 2001 à New-York, cette année a montré combien les rapports de force mondiaux étaient fluctuants et complexes : toujours une forte prééminence des États et des politiques de force, une place de plus en plus grande des acteurs non-étatiques. Parmi ceux-ci,  les puissances économiques et financières jouent un rôle croissant et contribuent à la déstabilisation de certains pays, les sociétés civiles tiennent une place inégale selon les secteurs (plus fort sur l'écologie, plus ralenti sur droits humains et démilitarisations), enfin, dans ces acteurs non-étatiques, les réseaux terroristes semblent en voie d'essoufflement,). Ce sont des tendances lourdes depuis la fin de la Guerre froide et nombreux ont été les observateurs à souligner que le 11 septembre n'avait pas créé un bouleversement mondial mais simplement révélé des évolutions et, surtout, fourni des justifications à certaines politiques de force, notamment des États-Unis.
La situation en Palestine est révélatrice de ces contradictions : une commission d'enquête onusienne a relevé que, lors de l'attaque des militaires israéliens l'année dernière sur un bateau turc de la flottille pour Gaza,  « les pertes en vies humaines et les blessés dus à l'usage de la force par les forces israéliennes lors de la prise du Mavi Marmara étaient inacceptables » et que « Aucune explication satisfaisante n'a été fournie au comité par Israël au sujet de ces neuf décès." En même temps, cette commission a légitimé le blocus maritime de Gaza par Israël en estimant que « Le blocus maritime a été imposé comme une mesure de sécurité légitime afin d'empêcher l'entrée d'armes à Gaza par la mer et sa mise en œuvre respecte les obligations en matière de droit international ». Or, cette semaine, d'autres experts onusiens travaillant dans des institutions de droit humain et de santé, ont critiqué cette position en déclarant que « En se prononçant sur la légalité du blocus, le rapport Palmer ne reconnaît pas le blocus maritime comme une partie intégrale de la politique de fermeture d'Israël envers Gaza qui a un impact disproportionné sur les droits humains des civils ». Ils notent que « Après quatre années de blocus israélien, 1,6 million de femmes, d'hommes et d'enfants palestiniens sont privés de leurs droits fondamentaux et sont sujets à des sanctions collectives, constituant une violation flagrante du droit international et du droit humanitaire international. »
Cela montre bien qu'il n'est pas simple pour les dirigeants israéliens actuels de justifier leur politique ! Le terrain du nucléaire militaire illustre ces contradictions : une initiative arabe visant à faire placer le nucléaire israélien sous contrôle international sera débattue lors de la réunion annuelle de l’AIEA qui s’ouvrira le 19 septembre à Vienne. Cette initiative comprend deux mesures : permettre aux inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique d’accéder à la centrale de Dimona et obliger Israël à signer le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. De plus, l'AIEA envisage également de tenir en novembre prochain une réunion pour discuter du processus conduisant à la création d'une zone dénucléarisée au Moyen-Orient, avec le soutien notamment de la Russie et peut-être de la France. En se cramponnant sur des positions rigides, le gouvernement Netayahu risque de s'isoler encore plus alors que la nouvelle session de l'Assemblée générale des Nations unies devrait aborder la semaine prochaine la question de la reconnaissance de l'État indépendant de Palestine.
Si cette reconnaissance aboutissait, ce ne serait que justice et la reconnaissance du droit inaliénable des peuples à disposer d'eux-mêmes, la même exigence que le peuple israélien a obtenue, il y a 65 ans...
Cette reconnaissance de l'État de Palestine constitue un élément indispensable d'une processus de paix, mais elle n'est pas à lui tout seul la seule condition de la paix. Pour qu'elle s'accompagne d'un véritable accord de paix politique, négocié et durable, il faudra des négociations, des luttes, une acceptation plus ou moins majoritaire dans les opinions publiques israélienne et arabe. Il y a une vraie responsabilité pour les forces de paix dans ces deux pays et dans le monde pour redoubler d'efforts pour faire accepter la solution de deux États dans les frontières de 1967, avec Jérusalem  comme double capitale, et une solution négociée au retour des réfugiés.
On ferait une erreur politique majeure en pensant en France que la paix au Moyen-Orient passera par une solution imposée de l'extérieur par la contrainte aux deux peuples et notamment à Israël. Cette opinion qui a cours dans une partie de la gauche française et dans certains groupes de paix israéliens minoritaires et radicaux (voir les textes de Gush Shalom ou de M. Warcheski) amènent à sous-estimer les possibilités d'évolution de la société israélienne, à mépriser les courants sociaux-démocrates (Meretz ou parti travailliste). Les derniers événements sur le plan social et syndical avec le "mouvement des tentes" montrent bien pourtant, là-aussi, que des rapports de force nouveaux peuvent se construire, se modifier. Quittons les positions de donneurs de leçons et nouons des coopérations beaucoup plus larges avec toutes les couches de la société israélienne et aussi de la société palestinienne !
La nouvelle session de l'Assemblée générale des Nations unies sera confrontée à d'autres défis que l'indépendance de la Palestine : son président qui sera le qatari Nassir Abdulaziz Al Nasser a défini comme ses deux premières priorité, "la résolution pacifique des conflits" et "la réforme et la revitalisation des Nations Unies".
Sur le premier plan, le secrétaire général Ban ki-moon, vient de publier un rapport, la semaine dernière, le premier du genre, qui fait l'état de la diplomatie préventive aujourd'hui et propose de renforcer ses moyens financiers et politiques. Certes, des outils existent pour développer la prévention comme les partenariats entre l'ONU et les organisations régionales, l'ouverture de nouveaux bureaux régionaux de l'ONU et la création de nouveaux systèmes d'alertes précoces dont celui de l'Union européenne (UE), l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et l'Union africaine (UA). Mais il faut faire plus : on peut estimer que la création d'un Comité permanent de prévention des conflits auprès du Conseil de sécurité et du Secrétaire général serait d'une aide précieuse. Espérons que ce sujet fera l'objet de débats de fond au cours de cette session. La deuxième priorité du Président de l'Assemblée sur la réforme des Nations unies devient de plus en plus une urgence. La crise financière mondiale démontre que les outils actuels (FMI, Banque mondiale) ne fonctionnent pas correctement. Il est nécessaire de les réintégrer dans le système des Nations unies pour améliorer leur contrôle démocratique et pour qu'ils aident à la création de nouveaux outils au service des peuples et des gouvernements (véritable taxe sur les spéculations financières, contrôle des agences de notation, négociations avec le secteur bancaire pour le financement des États, etc)..
Dans ce monde contradictoire, les Nations unies sont à la fois sollicitées de toute part pour faire "tourner" la planète et, en même temps, perpétuellement face à des tentatives de marginalisation ou de manipulation des tenants de l'ordre inter-étatique ancien. Maintenir l'ONU au coeur de la "gouvernance mondiale" est un enjeu : ainsi, le Conseil de sécurité fait traîner cette semaine le débat autour de la proposition du Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, d'établir une mission de l'ONU pour soutenir les nouvelles autorités libyennes. « Le déploiement initial de trois mois est supposé permettre un engagement à l'intérieur du pays pour définir les besoins et les souhaits de la Libye en terme de soutien de l'ONU », a écrit le Secrétaire général à l'intention du Conseil de sécurité.
Le mandat de la mission permettrait d'apporter un soutien pour rétablir la sécurité publique, faire respecter les lois, lancer un large dialogue politique, promouvoir une réconciliation nationale et lancer un processus constitutionnel et électoral. Seul le choix de l'ONU peut freiner les appétits des rapaces qui voudraient se partager l'économie libyenne, comme viennent de le montrer avec impudeur (mais aussi illusions) MM Sarkozy et Cameron lors de leur visite à Tripoli.
16 septembre 2011

lundi 5 septembre 2011

ACTUALITÉ DE L'ÉTÉ (2) : une aube nouvelle à Tripoli...

Août 2011 restera dans l'histoire comme le mois de la chute du colonel Khadafi, après 42 années de pouvoir et de liaisons dangereuses, d'abord avec les Soviétiques, puis les Occidentaux, en passant par de multiples et obscurs réseaux terroristes. La chute de Khadafi s'inscrit dans le "printemps arabe", la protestation populaire a été réelle dans les premières semaines, y compris à Tripoli avant que la répression ne transforme la crise en guerre civile complexe avec des enjeux tribaux, régionaux à l'intérieur du pays.
Quelles leçons tirer et surtout quelles perspectives pour ce pays demain ?
La crise libyenne illustre à la fois les évolutions prometteuses du monde et du droit international et les forces qui s'y opposent.
Depuis le génocide du Rwanda, les grandes puissances ont du inclure en 2005 le principe de "la responsabilité de protéger" les populations civiles dans les buts du Conseil de sécurité. On a vu comment la France, le Royaume-Uni et les USA se sont efforcés et ont réussi à détourner la résolution de l'ONU au bénéfice d'une opération militaire de l'OTAN, visant prioritairement le renversement du régime de Khadafi et une redistribution des cartes politiques, au lieu de l'imposition d'un simple cessez-le-feu pour empêcher le massacre de la population.
Les critiques sur l'ONU "discréditée parce que manipulée" cachent en fait largement l'impuissance du mouvement démocratique à empêcher les manoeuvres des Sarkozy, Cameron et cie, tout en promouvant une vision dynamique des Nations unies et du droit international.
En juillet dernier, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon a répondu aux pays qui exprimaient leur crainte d'un risque de manipulation du principe de "responsabilité de protéger", et notamment la question de savoir qui décide qui doit être protégé et comment. « Personne n'a le monopole de la vertu, du recul ou du jugement », a reconnu le Secrétaire général Ban Ki-moon, appelant à continuer de répondre aux préoccupations légitimes de nombreux pays face aux risques de mauvaise interprétation du concept qui irait au-delà de ce qui a été convenu en 2005. Mais « on ne peut attendre que la théorie soit perfectionnée pour commencer à répondre aux situations urgentes dans le monde », a fait valoir son Conseiller spécial, Edward Luck.
L'attitude des dirigeants de l'OTAN, leur refus de prendre en compte correctement les initiatives régionales de la Ligue arabe et de l'Union africaine ont ébranlé la future mise en oeuvre de ce nouveau concept. Cela a pesé pour que des sanctions politiques ou économiques soit adoptés à l'ONU face à la répression bestiale du régime syrien.
Aujourd'hui, la situation en Libye reste fragile : le Comité national de Transition a demandé le soutien de la communauté internationale pour la promotion d`un dialogue national, la rédaction d`une constitution, la restauration des services publics ainsi que la consolidation de l'État, le lancement d`un processus électoral, la protection des droits de l`homme, le soutien à la justice transitionnelle et le développement économique.
Qui va être au centre de ce soutien international, avec quels objectifs ? Va-t-on laisser les animateurs de la coalition de l'OTAN essayer de récupérer le "gâteau" des richesses libyennes et mettre sous protectorat le nouveau régime avec les troupes de l'OTAN ? Les déclarations arrogantes de M. Juppé, jugeant "logique" la semaine dernière que les pays ayant soutenu les rebelles soient privilégiés dans l'attribution des contrats pétroliers ne sont que des rodomontades : le patron du groupe allemand Wintershall, l'un des principaux producteurs de pétrole en Libye, M. Seele, dans un entretien publié par le journal Handelsblatt, met en garde contre une mainmise des groupes pétroliers des pays ayant participé à l'opération militaire sur les ressources libyennes. "La dernière chose dont les gens en Libye ont besoin, ce sont des entreprises qui n'ont qu'un intérêt : épuiser les ressources du pays", a-t-il dit.
Il est clair que la seule manière d'aider le peuple libyen à devenir maître de son destin est d'agir pour que les Nations unies reprennent une place centrale dans la gestion post-crise en Libye.
Le dirigeant du CNT, M. Abdel-Jalil-ci a fait part, il y a quinze jours, de sa gratitude envers les Nations Unies pour le travail effectué en Libye, et en particulier, le rôle de l'Envoyé spécial du Secrétaire général, Abdel-Elah al Khatib.
Les Nations Unies comptent jouer un rôle essentiel de coordination dans l'avenir du pays, a déclaré le 26 août, le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, qui souhaite déployer rapidement une mission de l'ONU sur le terrain. Pour celui-ci, « Trois principes vont gouverner notre travail. Premièrement, l`appropriation nationale. Le futur de la Libye doit résolument rester entre les mains du peuple libyen », « Deuxièmement, la rapidité de la réponse. Il est essentiel que la communauté réponde quand cela est nécessaire et non pas des semaines ou des mois après », a-t-il ajouté, « Le troisième principe est une coordination efficace.», a dit Ban Ki-moon.
Jusqu'où peut aller ce rôle de l'ONU ? Ne faut-il pas exiger l'arrêt immédiat des opérations de l'OTAN, le retrait des "forces spéciales" et autres barbouzes du terrain, et, si les libyens le souhaitent et l'estiment nécessaire, une aide pour garantir la sécurité intérieure dans le droit, avec une force multinationale de Casques bleus, établie en coordination avec les organisations régionales (Ligue arabe et U.A) ?
On ne peut en rester à une simple critique
(oh combien justifiée) de la diplomatie française et à une position d'attente critique envers les nouvelles structures politiques qui auront beaucoup de mal à se mettre en place dans ce pays, à la société destructurée par la politique autoritaire de Khadafi et la période de guerre en train de s'achever.
Ne pas travailler concrètement à la valorisation du rôle à jouer par les Nations unies dans cette situation post-conflit est se condamner à l'impuissance politique et aux simples déclamations idéologiques, pire, c'est laisser le terrain libre aux grandes puissances pour freiner l'évolution du droit international et continuer d'essayer de le détourner à leur profit.
5 septembre 2011



mardi 16 août 2011

ACTUALITÉ DE L'ÉTÉ (1) : le désarmement en demi-teintes..

L'été 2011 ne laissera pas un grand souvenir dans les mémoires des partisans du désarmement nucléaire.
Fin juin à Paris, les représentants des cinq puissances nucléaires "officielles", les "P5", ont tenu une première réunion sur le suivi de la Conférence d’examen du TNP de 2010 afin de se concerter sur les progrès de mise en œuvre de leurs engagements. Rien de nouveau dans les discours et proclamations, la main sur le coeur, de leur volonté d'oeuvrer au désarmement, de travailler sur les questions de transparence et de confiance mutuelle, y compris sur la doctrine et les capacités nucléaires, ainsi que sur les questions de vérification. Seul (?) élément positif, les membres du P5 se sont félicités des mesures prises par les États-Unis, la Russie et le Royaume-Uni en vue de la tenue en 2012 d’une conférence sur la création d’une zone exempte d’armes de destruction massive au Moyen-Orient.
La même frustration se dégage des deux jours de discussions fin juillet à l'Assemblée générale des Nations unies sur le suivi de la réunion qui avait eu lieu 24 septembre 2010, pour essayer de revitaliser les travaux de la Conférence du désarmement de Genève et faire avancer les négociations multilaterales sur le désarmement. Les délégués présents n'ont pu que constater la poursuite de l'enlisement de cette conférence à Genève et n'ont pu parvenir à un consensus sur les moyens d'y remédier. À noter que certains États ont demandé à l’Assemblée générale d’assumer ses responsabilités et de convoquer une quatrième session extraordinaire sur le désarmement nucléaire.
Les nouvelles les plus positives viennent de la société civile. Fin juin, alors qu'à Paris se réunissaient les "P5", à Londres, c'est "Global Zéro", un lobby pour l'abolition des armes nucléaires lancé à Paris en décembre 2008, qui organisait son troisième sommet mondial. Celui-ci est composé non de pacifistes mais d'anciens diplomates ou experts de haut niveau du nucléaire militaire qui estiment qu'aujourd'hui nous approchons d'un seuil critique. pour eux, le risque d'utilisation de l'arme nucléaire est triple : une attaque lancée par une puissance nucléaire : la menace n'est plus mondiale mais régionale, avec pour points de fixation le Cachemire, le Moyen-Orient et la péninsule coréenne ; la menace terroriste : face à un acteur non-étatique, la dissuasion perd tout son sens ; un accident : la probabilité d'une erreur dans la manipulation des têtes nucléaires est loin d'être négligeable. Pour ces experts, la seule solution est l'élimination complète. Tous les pays nucléaires avaient envoyé des observateurs. Du côté des États, si le Président Obama fait toujours du volontarisme politique, les observateurs notent que la France, elle, traîne les pieds.
Des experts de Global Zéro ont donné des chiffres sur le coût des armes nucléaires. Pour la France, l'argent dépensé chaque année pour UNE seule arme nucléaire permettrait de financer : 150 nouveaux instituteurs, 130 000 consultations chez un médecin généraliste, 70 nouvelles éoliennes, 50 nouvelles entreprises innovantes, 500 familles prises en charge par le RSA.
Toujours du côté de la société civile, l'été a été marqué par des déclarations très fermes du nouvel Observateur permanent du Saint-Siège (le Vatican) aux Nations unies, Mgr Francis Chullikatt, nonce apostolique. Pour lui, "la plus dangereuse de toutes les idées héritées de la Guerre froide est la conviction que la dissuasion nucléaire est essentielle à la sécurité d'une nation. Le maintien de la dissuasion nucléaire au 21ème siècle ne sera pas une aide mais un obstacle à la paix et au désarmement nucléaire authentique".
Encore du côté de la société civile, il faut noter que le réseau ICAN (Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires) organise pour la première fois une Rencontre internationale de trois jours à Genève, du 17 au 19 septembre, pour construire une nouvelle étape dans son déploiement mondial.
Autre nouvelle (peut-être) positive, selon le quotidien japonais Asahi Shimbun, le gouvernement américain envisage de retirer toutes les armes nucléaires tactiques et de courte portée déployées en Europe depuis la guerre froide. Des discussions approfondies devraient débuter dans les prochains mois avec l'OTAN et se conclure avant le sommet de l'Otan à Chicago en mai 2012, a précisé le quotidien, citant un haut responsable américain chargé du désarmement nucléaire. À suivre...
Sur le plan du désarmement conventionnel, le mois de juillet (11 au 15 à New-York) a été marqué par la tenue de la troisième session du comité préparatoire à la Conférence des Nations unies sur le traité sur le commerce des armes. Cette session visait à préparer les réunions de l'année 2012 qui sera marquée, sans doute en juin-juillet, par la tenue d'une Conférence sur un Traité relatif au commerce des armes (TCA). L’objet de la négociation est de proposer un cadre juridique international contraignant destiné à encadrer les échanges et transferts internationaux d’armes classiques (c'est-à-dire les armes qui ne sont pas biologiques, chimiques, et nucléaires).
À cette session, le Président de la session, l'argentin, R.G. Moritan a déposé un brouillon de texte, qui dépasse le simple relevé des diverses positions, mais les met en cohérence et représentera une sorte d'ossature des grandes lignes d'un futur Traité. Un certain nombre de pays, dont la France qui occupe la vice-présidence du Comité préparatoire, ont réservé un bon accueil à ce texte. D'autres pays, dont les États-Unis, se sont montrés très réticents voire hostiles. Les diplomates ont un an pour préparer la Conférence ainsi que les ONG qui vont déployer un lobbying intense.
À noter que le représentant du Saint-Siège, très actif décidément en juillet, s'est également exprimé sur la question et a fait part de l’urgence de la mise en place d’un « instrument légal fort, crédible, efficace et concret pour augmenter la transparence dans le commerce des armes ». Le principal objectif d’un Traité sur le commerce des armes – a-t-il conclu – « doit être celui de sauvegarder la vie humaine et de construire un monde plus respectueux de la dignité humaine, et pas seulement de réglementer le trafic illicite d’armes ». « Agir de manière responsable signifie promouvoir une vraie culture de paix et de vie ».
Le processus de négociation sur ce Traité délicat continue donc son cours, ce qui est un élément encourageant dans ce panorama estival du désarmement, en demi-teintes comme l'a été la météo !


lundi 8 août 2011

Europe (4 et fin) - L'Union européenne, bras droit de l'ONU ?

Cet article clôt (pour l'été...) la série consacré à la sécurité européenne (voir les articles précédents : "Europe (1) : Les impasses militaires et politiques de la France, l'Union européenne, l'OTAN" et "Europe (2) : La place de l'Europe questionnée..." ; "Europe (3) : Une autre vision du monde – une politique de sécurité alternative".
Si l'on estime que la construction d'une véritable sécurité globale passe par le soutien et le renforcement du multilatéralisme aujourd'hui dans les relations internationales, il est clair que la priorité de la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) passe en priorité par le soutien et le renfort au "rôle central" des Nations Unies et à leur action concrète.
L'Union Européenne en a-t-elle les moyens ? Le poids politique potentiel de l'Union européenne aux Nations unies ne doit pas être sous- estimé. Avec ses 25 États membres, l'Union européenne représente 13% des membres de l'ONU et 30% de l'économie mondiale, 36% du budget ordinaire de l'ONU et environ la moitié des contributions volontaires à ses Fonds et programmes. Sa contribution aux opérations militaires autorisées par l'ONU s'élève à 50 000 soldats. A l'heure de développement de la mondialisation, l'Europe est bien une clé de l'avenir de l'ONU et du multilatéralisme.

L'axe d'une politique novatrice de sécurité et de défense européenne réside dans le soutien, non seulement à la structure onusienne, mais surtout à ses valeurs - les valeurs fondamentales de la Charte de 1945 -, dont nous avons célébré en 2005 le 60e anniversaire, c’est-à-dire la paix, la mise hors la loi de la guerre comme moyen de la politique, le refus de la force pour régler les conflits au profit du règlement politique de ceux-ci et de la coopération entre les États, le désarmement et l’utilisation des ressources humaines au service de la vie et non de sa destruction. Cela inclut également les valeurs onusiennes nouvelles, construites dans l’évolution historique des soixante dernières années, au travers des divers traités et conventions : les notions de vérification, de contrôle et de transparence et confiance mutuelles, de développement des droits humains (femmes, enfants, droit au développement, à l’environnement) et de nouveaux concepts (développement humain, sécurité humaine). Cet engagement sans équivoque devrait figurer de manière plus forte dans tout futur acte ou traité de l'Union et, à plus forte raison, dans un futur «Concept de sécurité européen».
Dans ce cadre, l’UE pourrait développer un rôle pilote en termes d’éducation à la paix, à la tolérance, aux droits humains et au refus de la violence, en profitant mieux de la chance d’avoir le siège de l’UNESCO sur le sol européen. L'UE jouerait un rôle historique en promouvant de nouvelles valeurs universelles basées sur une Culture de la paix. Cet effort, pour réussir, devrait s’appuyer sur l’engagement des collectivités locales et des organisations d’éducateurs européens pour faire reculer toutes les violences, du local au mondial. Une telle politique d’éducation à la paix, à la tolérance et aux droits de l’homme, doit viser tant l’action interne, dans tous les pays membres, avec des modifications des programmes officiels d’éducation, que l’action externe au travers de la coopération décentralisée qui engage déjà des centaines de collectivités locales en France, en Italie dans les pays européens.
A côté de ce rôle essentiel sur les valeurs, l'UE a les moyens et une expérience certaine pour développer aussi des dimensions civiles de prévention des conflits, de gestion des crises et de reconstruction post-conflits. Elle a une expérience acquise sur le terrain en Bosnie et Kosovo, en Afrique pour la Belgique et la France. Surtout, l'UE a la chance de pouvoir être un partenaire privilégié de l'OSCE dont le bilan en matière de prévention civile des conflits est positif comme je l'ai écrit auparavant. Cette expérience pourrait être davantage mise au service de la communauté internationale sur d'autres continents au travers, par exemple, d'un service civil européen pour la coopération et le développement.
Enfin, sur le plan militaire, l'Europe pourrait fournir des matériels et moyens humains «d'intelligence» (satellite, avions de surveillance, drones), avions transports de troupe, porte- avions commun, expertise d'observateurs et de contrôleurs (scénario de l'Irak), médiateurs (situation du Kosovo). Ce choix clair d'une politique de participation commune à la sécurité mondiale, tournée vers le partenariat renforcé avec les Nations-Unies pour le maintien de la paix, donnerait un sens nouveau à la coopération européenne en matière d'armements. Les programmes de l'Agence Européenne d'Armements seraient inscrits dans cette finalité si celle- ci devenait une sorte de «pôle public européen» de l'armement, permettant de répondre à ceux qui s'inquiètent et refusent toute "marchandisation" des armements. Ils pourraient contribuer à créer une norme de matériels et de procédures militaires «Nations-Unies» réellement universelle, alors qu'il n'existe qu'une norme «OTAN». La définition de ces coopérations nouvelles au service de la paix permettrait de rendre effective la réduction du niveau global des dépenses militaires européennes et des forces armées, au lieu, comme aujourd'hui, de prêcher pour leur augmentation. Fondamentalement, l'Europe permettrait ainsi aux Nations-Unies de gagner une véritable "autonomie" de choix et d'action par rapport aux moyens de l'actuelle hyper-puissance américaine. Pourquoi l'UE ne jouerait-elle pas un rôle actif dans la réactivation du Comité d'État- major, prévu par la Charte de l'ONU et actuellement en sommeil ? Un comité de coordination militaire européen trouverait alors sa justification et éviterait les problèmes rencontrés aujourd'hui avec les britanniques sur cette question.
Cette évolution permettrait aussi de contourner l'épineuse question de  la relation avec l'OTAN. Elle pourrait rendre progressivement obsolète, dans les faits mêmes, le recours à cette organisation militaire, voire son existence, si l'essentiel des opérations militaires internationales de maintien de la paix se traitait exclusivement dans le cadre des Nations unies et avec la participation forte de l'Union européenne... La lutte pour le «dépassement» de l'OTAN dont on parle sans dégager d'axe concret pourrait y trouver un nouveau souffle, ceci sans créer de «vide» stratégique ou de «rupture» du lien transatlantique. Cela permettrait aussi d'inverser les termes de la question de la compatibilité «appartenance OTAN/appartenance UE».
Le rayonnement de l'Europe gagnerait donc considérablement à refuser la logique de développement de puissances antagonistes et sur-militarisées, à s'inscrire à la fois comme "pôle positif ou vertueux de puissance" et "pôle de puissance positive ou vertueuse" dans le monde.

Faire aboutir de telles orientations suppose l'apparition d'une volonté politique forte et innovante qui s'oppose à des idées qui semblent au premier abord de bon sens comme : «le monde est dangereux, il ne faut pas baisser la garde...». Ces idées ont abouti dans des impasses qui s'appellent extension de la prolifération, pourrissement de conflits locaux, diffusion des extrémismes et du terrorisme. N'est-il pas temps aujourd'hui, comme pour les problèmes de l'environnement, de prendre des voies plus originales et plus courageuses pour construire un monde «durable» aussi en terme de paix, de sécurité et de droit international. La vision d'une «Europe puissance vertueuse» pour la paix, le désarmement et le soutien aux Nations-Unies n'est sans doute pas majoritaire encore au sein des gouvernements européens mais elle pourrait le devenir dans les opinions publiques si des volontés politiques se dégageaient au sein des principales forces de la société civile et du Parlement européen. Une Europe « puissance vertueuse » ne serait pas une Europe impuissante, elle disposerait d'alliés nombreux dans le monde parmi toutes les puissances émergentes qui ont intérêt à un nouvel ordre international différent des dominations du passé. Elle s'appuierait sur une société civile en développement dans un nombre croissant de pays, et à laquelle les nouveaux moyens d'information comme les « réseaux sociaux » donnent une force nouvelle. Partenaire privilégié des Nations unies dans tous les domaines, du civilo-militaire au renforcement du droit international et d'une nouvelle culture de paix, l'Europe serait une puissance d'un type nouveau mais une puissance respectée.
Cette vision suppose une très forte intervention citoyenne, l'ouverture d'un large débat sur les stratégies et visions de l'Europe. Cette mobilisation n'est pas une réalité aujourd'hui. Qu'en sera-t-il demain ? Après avoir avoir assisté à l'épanouissement inattendu du « printemps arabe », l'heure n'est pas au pessimisme.
8 août 2011



lundi 1 août 2011

Europe (3) : Une autre vision du monde – une politique de sécurité alternative

Dans deux précédents articles, "Europe (1) : Les impasses militaires et politiques de la France, l'Union européenne, l'OTAN" et "Europe (2) : La place de l'Europe questionnée...", nous avons fait un état des lieux du contexte dans lequel se posent les enjeux de la sécurité et de la défense européenne. Examinons maintenant les alternatives politiques possibles.
Quelles pourraient être les lignes de force d'une politique européenne de sécurité qui innoverait à la fois dans ses rapports avec l'OTAN et avec les Nations unies ? Quel rôle d'impulsion pourrait y jouer la diplomatie française ?
Tout progrès dans le maintien de la paix tant sur le plan juridique que militaire ne peut se comprendre durablement que dans deux cadres : le premier est celui du progrès de la démilitarisation des relations internationales (progrès des traités de désarmement, diminution des dépenses militaires). Le second est celui d'une démocratisation progressive des différents niveaux d'élaboration et décision des structures internationales.
Cette démocratisation doit concerner le système des Nations unies (élargissement du Conseil de sécurité, poids de l'Assemblée générale, place de la société civile, encadrement des agences économiques comme FMI, BM et OMC) et une meilleure participation des citoyens/citoyennes du niveau local et national, soit par l'intermédiaire des ONG soit par celui des collectivités locales dans les diverses institutions internationales. Les événements populaires qui se sont déroulés en Tunisie et en Égypte, et ailleurs, montrent que des évolutions profondes traversent les opinions dans un nombre croissant de pays : ne soyons pas timides devant l'extension de la démocratie et de la participation des peuples !
Qui peut porter les défis du siècle et construire une nouvelle manière de vivre en paix, une nouvelle sécurité, forcément GLOBALE dans son approche des problèmes et HUMAINE dans les priorités qu'elle se donne, sinon les forces démocratiques chez tous les peuples de la terre ? C’est la leçon générale à tirer des événements actuels. C'est la leçon que nous, Européens, devons en tirer.
Dans un monde plus globalisé dans lequel émergent de nouvelles puissances comme les BRICS, les dispositifs de sécurité doivent-ils contribuer à opposer en créant ou transformant des blocs de pays en « pôles de sécurité » ou doivent-ils contribuer à rapprocher et faire collaborer l'ensemble des puissances (et les autres) de la planète, dans une conception plus mondialisée ?
Monde multipolaire ou apolaire, sécurité exclusive ou inclusive, défensive ou coopérative ? Le débat est d'importance. Si une vision de "l'Europe puissance", au sens classique du terme, se développait, basée essentiellement sur une dimension militaire, l'intégration des armes nucléaires britannique et française dans la «palette» de sécurité européenne se poserait inéluctablement un jour, dans la mesure où le nucléaire est encore inséparable de la conception de la puissance dans les relations internationales. Or, je suis persuadé qu'une Europe nucléarisée ne serait pas un facteur de paix mais un facteur d'aggravation d'une multipolarité internationale dangereuse.
À l'inverse, des initiatives fortes de relance du désarmement recueilleraient un écho très favorable dans l'U.E et dans les pays non-alignés aujourd'hui. Le 8 février 2009, le ministre allemand des affaires étrangères, M. Steinmeier, avait rappelé à la Conférence de Munich sur la sécurité, que «Désarmement et contrôle des armes par conséquent appartiennent de droit au sommet du nouvel agenda transatlantique, à côté des sujets majeurs du futur du changement climatique et de la sécurité énergétique» et qu'aucun «réel progrès ne sera fait sur la non- prolifération nucléaire sans que les États dotés de l'armement nucléaire prennent l'initiative».
L'action de l'Union européenne doit viser à relancer les mécanismes internationaux de maîtrise des armements et les négociations de désarmement, le contrôle des productions et transferts d'armements, l'interdiction et l'éradication complète de certains d'entre eux. Cela suppose de re-développer des campagnes politiques fortes pour l'application et l'approfondissement des Traités existants et l'amélioration de leurs dispositifs de vérification, la négociation et l'application de nouveaux accords.
Parmi ces objectifs, rappelons-le à la veille du 66e anniversaire des bombardements d'Hiroshima et Nagasaki, c'est la négociation et la signature d'une Convention d'abolition ou d'interdiction des armes nucléaires qui est essentielle pour progresser dans la démilitarisation des relations internationales. Cette convention déposée comme document officiel de l'ONU est soutenue aujourd'hui par plus 127 pays, (mais pas par la France, malheureusement). Dans les quatre années qui nous séparent de la prochaine Conférence d'examen du TNP, on peut espérer que la pression émanant de l'opinion grandira pour demander l'ouverture de discussions spécifiques sur cette Convention, tant au sein des réunions préparatoires (les « Prepcom ») que de la Conférence du désarmement à Genève, puisque que « tous les États doivent faire un effort particulier pour établir le cadre nécessaire à l'instauration et à la préservation d'un monde sans armes nucléaires » (document adopté en mai 2010). Le mouvement global pour éliminer les armes nucléaires saura-t-il conduire des mobilisations, notamment en Europe, encore plus amples d'ici cette date ?
Une résolution du Parlement européen du 26 avril 2009 souhaite une telle convention, en vue d'une élimination totale des armes nucléaires en 2020, comme le demande le maire d'Hiroshima. Berlin, en avril dernier, a été le siège d'une réunion des pays « amis du désarmement nucléaire ». Lors de cette réunion, à l’invitation de Guido Westerwelle, le ministre allemand des Affaires étrangères, les participants ont discuté de l’interdiction de la production des matières destinées à la fabrication des bombes nucléaires ainsi que de l’arrêt immédiat des essais nucléaires et de la transparence sur les arsenaux atomiques. Les ministres, japonais, australien, canadien, et polonais des Affaires étrangères figuraient parmi les participants.. Le renforcement des processus de désarmement n'est donc pas un illusion naïve... et l'Europe a tout à y gagner à s'y inscrire... (à suivre...)
1/08/2011



lundi 25 juillet 2011

Europe (2) : La place de l'Europe questionnée...

Dans un article du mai dernier : "Europe (1) : Les impasses militaires et politiques de la France, l'Union européenne, l'OTAN", je m'interrogeais sur la nécessité de l'ouverture de nouveaux débats et réflexions sur les conditions d'une sécurité mondiale et d'une sécurité européenne nouvelles et sur leurs conséquences sur le développement de la défense européenne.
Quelle doit être la place de l'Europe dans la mondialisation ?
Les USA s'intéressent de moins en moins à l'Europe et à son environnement immédiat ; leur déception envers l'OTAN augmente ce détachement stratégique (on l'a constaté dans la crise tunisienne). Aussi, à l'avenir, l'Europe sera de plus en plus questionnée sur son implication lors de futures crises se produisant dans son environnement immédiat : Méditerranée, Afrique, Moyen et Extrême Orient. Comment apprécier l'évolution du monde et de la mondialisation vers plus d'interdépendance, de coopérations « obligées », construites dans le maillage du système onusien, de ses cinquante agences, de la multiplication des traités touchant tous les domaines économiques, commerciaux, dans la construction d'ensembles régionaux sur les continents européen et américain mais aussi africain et asiatique, dans celle d'organismes de concertation informelle (G20, G8).
Les réflexions sur la sécurité européenne doivent certes prendre en compte l'état encore préoccupant du monde en terme de prolifération des armes nucléaires ainsi que la persistance de conflits régionaux non-réglés, toujours susceptibles de provoquer une escalade non- contrôlée (Inde-Pakistan, Israël-Palestine-Iran) mais en en délimitant les risques sécuritaires. La prolifération nucléaire n'a pas de véritable solution en dehors d'un véritable processus d'interdiction et d'élimination complète de ces armes, condition ultime de l'universalité complète du TNP (traité de non-prolifération nucléaire). Le règlement des conflits pendants relève de processus politiques propres à chacun d'eux mais qui, à l'évidence, ne passent pas prioritairement par des solutions militaires. Dans ces deux cas de figures, la sécurité européenne ne dépend pas de ses capacités militaires à répondre à des « menaces » mais de sa capacité politique à résoudre à des "défis" : celui du désarmement nucléaire dans un cas, celui de la résolution diplomatique complexe de certains conflits d'autre part. Il n'y a pas de « solution miracle » dans une relance des dépenses militaires et de la mise au point de nouveaux armements, tant au niveau national qu'européen.
N. Sarkozy, D. Cameron dressent un rideau de fumée dans leurs discours pour expliquer que des « menaces » nouvelles et mystérieuses se développent (terrorisme, cybercriminalité, menaces sur nos approvisionnements énergétiques), auxquelles, il faudrait continuer d'opposer les mêmes vieilles ripostes : OTAN partout et pour tout, lois de contrôle renforcé des citoyens aux limites juridiques floues.
Or, tous ces domaines relèvent d'abord du renforcement de la coopération policière, judiciaire plus que du relèvement des moyens militaires nucléaires et conventionnels avec l'OTAN. Soyons clairs, le premier enjeu d'une politique européenne de sécurité pour les décennies à venir est d'identifier non des MENACES mais des DÉFIS, non des RIPOSTES mais des RÉPONSES élaborées.
Construire une sécurité commune dans ce monde mondialisé demande une approche de plus en plus complexe, globale avec des dimensions militaires certaines mais, de plus en plus, avec une dimension humaine première : protection des populations contre les massacres et risques de nouveaux génocides, éradication de la famine, de l'extrême pauvreté et des pandémies.
Objectivement, la place des Nations unies, tant au niveau de la prévention des conflits, du maintien voire du rétablissement de la paix, en est appelée à grandir dans les prochaines décennies.
L'Union européenne doit jouer un rôle actif dans la démocratisation des relations et des institutions internationales, ne pas « chicaner » dans les efforts pour, d'un même mouvement, SOUTENIR et aider à RÉFORMER en profondeur l'Organisation des Nations unies. Le renforcement du G8 et du G20 serait, à l'inverse, le renforcement des logiques inégalitaires entre puissances, donc le maintien des causes de l'instabilité mondiale.
Dans ce cadre complexe, l'Europe peut jouer un rôle de premier plan puisqu'elle est plutôt reconnue jusqu'à présent comme élément moteur en matière de normes, de droit international, comme embryon de « puissance douce ». Cela constituerait pour elle un véritable atout dans la mondialisation alors que, par exemple, les États-Unis sont de plus en plus handicapés par leurs approches quasi exclusivement militaires des crises. Les politiciens classiques estiment que ce serait faire preuve d'angélisme dans un monde où les conflits régionaux et les considérations géopolitiques classiques vont revenir, selon eux, de plus en plus. Cette critique serait recevable si cette dimension normative européenne aboutissait à une simple posture de « témoignage », sans action concrète en matière de participation à la sécurité commune. Mais, si cette approche s'accompagnait d'un soutien et d'une participation plus affirmés au multilatéralisme mondial et au droit international, dans toutes ses dimensions y compris sur le plan militaire, il y aurait, et politique nouvelle, et réalisme de notre temps.
Encore faut-il vraiment comprendre que la sécurité européenne est aujourd'hui inséparable de la sécurité globale de la planète, et non plus, comme pendant la Guerre froide, de la sécurité du seul bloc euro-atlantique qu'essaie de perpétuer l'OTAN. Et que, dans cette situation, la notion étroite de « défense européenne » est à revisiter dans une vision plus large de la défense de la stabilité et de la paix mondiale. (à suivre...)
24 juillet 2011



dimanche 17 juillet 2011

14 juillet : ouvrir un débat national sérieux.

Peut-on toucher au défilé militaire du 14 juillet ? Évitons les polémiques politiciennes et revenons sur les faits.
Le 14 juillet marque la date de la prise de la prison de la Bastille, l'aspiration à la liberté du peuple de Paris, le début de la révolution française, l'élaboration de la Déclaration des Droits de l'homme, des valeurs républicaines de liberté, égalité et fraternité.
Sa première commémoration, le 14 juillet 1790, est marquée partout par des fêtes civiles et citoyennes, les "Fêtes de la Fédération" qui marquent l'unité nationale autour de la Révolution française;.
Ce n'est qu'en 1880 que la IIIe République institue le 14 juillet comme Fête nationale avec un défilé militaire, dix ans après la perte de l'Alsace et la Lorraine. Jusqu'à la Guerre de 1914-18, ces défilés porteront un contenu nationaliste : "nous reprendrons l'Alsace et la Lorraine".
Le 14 Juillet ne prendra une dimension d'union nationale qu'en 1936, après le Front populaire et après la Libération, où les combattants de la Résistance vont se fondre largement dans la nouvelle armée française.
Les années de guerres coloniales contre l'Indochine et l'Algérie n'ont pas contribué à rapprocher le peuple français et son armée. Sous la Ve République, De Gaulle et ses successeurs font du défilé du 14 juillet un moment de démonstration de la force nucléaire française, assimilée à une nouvelle indépendance nationale, une fierté nationale sans doute partagée par une majorité de l'opinion.
Aujourd'hui, les années 2000 sont marquées par deux changements : la fin de la Guerre froide dans le monde et la fin du service militaire en France.
La place grandissante du droit international conduit à ce que la présence militaire française s'inscrive de plus en plus exclusivement dans le cadre des résolutions des Nations unies (même si souvent leur interprétation est pervertie et outrepassée comme aujourd'hui en Afghanistan et en Libye). La mission des forces militaires françaises évolue de plus plus de la défense d'un territoire national (dont les limites se transforment et s'européanisent) à des missions de "police internationale" au service des lois d'une société en phase de mondialisation lente.
Dans le même temps, le service militaire national, la conscription, a été supprimé et remplacé par une professionnalisation des armées. Ce sont donc des professionnels, des sortes de "gendarmes internationaux" qui remplissent les missions confiées par le gouvernement français sur des théâtres d'opérations extérieures (OPEX), théoriquement au service du droit international, en recevant à juste titre des salaires majorés (le plus souvent triplés) à la mesure du sacrifice éventuel de leur vie, qui leur est demandé. Cette condition mérite évidemment le respect et la reconnaissance de tous. Ce n'est pas sans évoquer d'ailleurs le cas d'autres serviteurs de la collectivité comme les pompiers par exemple.
Ces grands changements du monde et de notre société imposent de réfléchir à la manière dont notre société, les citoyens/citoyennes peuvent marquer l'attachement, le soutien aux valeurs traditionnelles de liberté, justice, égalité de la République française, à de nouvelles valeurs à promouvoir comme la défense de la paix dans le monde, et plus encore, la promotion d'une nouvelle culture de paix, de "vivre ensemble".
Comment le faire ? Peut-on le réduire à un défilé de troupes militaires, une démonstration de matériel militaire (dont le coût d'ailleurs est de plus en plus largement critiqué) ? Est-ce ainsi que nous conduirons les jeunes françaises et français à aimer les valeurs de la République (voir le débat sur la Marseillaise) ?
La tradition portée par le 14 juillet et la prise de la Bastille est d'abord citoyenne. La "tradition" du défilé militaire français a été tardive et marquée par une époque donnée. Beaucoup de grands pays démocratiques n'organisent pas de parades militaires (États-Unis, Royaume-Uni) et ne sont pas moins attachés à leurs valeurs nationales et à leur armée, lorsque cela est nécessaire.
Peu importe l'opinion que chacune peut avoir sur l'intervention de Mme Joly, sur sa forme ou son opportunité. Elle pose une question réelle qui mérite mieux que les propos affligeants de M. Fillon, bien loin des valeurs républicaines qu'il prétend défendre, ou des réponses convenues, manquant singulièrement de hauteur de vue, de plusieurs leaders de l'opposition.
Les dirigeants politiques français se grandiraient, hors de toute surenchère électorale, en ouvrant un débat national sérieux, en créant une commission pour l'animer pour examiner, à la lumière des transformations du monde, des évolutions de notre société, les moyens de réaffirmer, lors de chaque 14 juillet, les valeurs républicaines de liberté, d'égalité et fraternité, les aspirations à une nouvelle culture de paix, de "vivre ensemble" de notre quartier à la planète. C'est cette démarche citoyenne qui permettrait d'irriguer encore plus largement la société française de ces valeurs, qui permettrait à la jeunesse de construire ses repères, de soutenir tous les moyens de les promouvoir et de les défendre si besoin était.
17 juillet 2011


mardi 24 mai 2011

Europe (1) : Les impasses militaires et politiques de la France, l'Union européenne, l'OTAN.

L'intervention de la France, de la Grande-Bretagne et de quelques autres pays européens (Belgique, Danemark, Italie) pour faire respecter la résolution 1973 du conseil de sécurité de l'ONU visant à protéger la population civile d'un risque de massacre par Khadafi et à imposer un cessez-le-feu est un échec politique et militaire. Certes, la population a été sauvée des bombardements de l'aviation libyenne, mais l'opération de « police internationale » qui était prévue dans la résolution de l'ONU s'est transformée en guerre en perdant l'adhésion de départ de l'Union africaine et de la Ligue arabe. Deux raisons principales président à cet échec : le mandat initial de l'ONU n'a pas été respecté, les bombardements auraient dûs se limiter strictement aux cibles de l'aviation libyenne et s'accompagner d'une initiative diplomatique forte avec les pays africains et arabes pour obtenir un cessez-le-feu immédiat, or les bombardements des résidences de Khadafi ont vite montré que la coalition poursuivait d'autres buts. Cette perversion de la mission a été accentuée par la remise du commandement et de la coalition à l'OTAN qui a démontré, une fois de plus, son incapacité à sortir des visions du « tout-militaire », déjà évidente après son enlisement en Afghanistan.
À côté de l'échec militaire et politique de l'OTAN, la crise libyenne révèle un échec militaire et politique de l'Union européenne et de sa PESDC (Politique européenne de sécurité et de défense commune). L'Union européenne n'a pas voulu utiliser ses capacités d'assurer la coordination autonome de son intervention, comme elle l'avait fait en juin 2003 en Ituri (RDC), et elle n'a pu entraîner qu'un nombre réduit de pays (cinq sur vingt-sept) du fait des ambiguïtés de la mise en œuvre du mandat de l'ONU. C'est aussi un échec politique pour l'Europe qui apparaissait jusqu'alors comme un bon défenseur du droit international. En acceptant le détournement de fait de la résolution 1973 de l'ONU, elle a affaibli le concept de « la responsabilité de protéger » qui va devenir plus complexe à appliquer de nouveau. Le peuple syrien en a été la première victime, puisque tous les membres du Conseil de sécurité se sont trouvés embarrassés pour prendre des mesures claires et nettes à l'encontre du régime sanglant d'Achar Ben Assad. Il n'y a pas eu de sanctions politiques et économiques coordonnées par les Nations unies, pas de consensus trouvé dans la Ligue arabe pour des initaitves politiques pour faire cesser la répression.
Il y aura besoin demain, de nouveaux rapports de force pour que, si une situation à la libyene se représentait, les résolutions du Conseil de sécurité soient sans ambiguÎtés, clairement circonscrites et conduites sous le leadership onusien.
Le troisième échec politique, révélé par les dernières crises, est celui de Nicolas Sarkozy. Ce dernier avait décidé de privilégier l'OTAN en revenant dans le commandement intégré de cette structure en 2009 en espérant jouer un rôle plus grand auprès des pays européens dans l'ombre des États-Unis : les divisions européennes sur l'intervention en Libye montrent son erreur. Du coup, sur le plan militaire, il a mis encore plus en lumière la fragilité militaire française dans ce type d'opération avec une aviation menacée de paralysie par manque de munitions après quelques semaines d'opération. l'armée française a payé l'enlisement en Afghanistan.
Ces impasses militaires et surtout politiques de la France, de l'Union européenne et de l'OTAN doivent être l'occasion de l'ouverture de nouveaux débats et réflexions sur les conditions d'une sécurité mondiale et d'une sécurité européenne nouvelles et sur leurs conséquences sur le développement de la défense européenne. Nous l'aborderons dans un prochain article.



mercredi 4 mai 2011

Lueurs de paix en Palestine et Israël ?

Les perspectives politiques en Palestine et Israël semblent se réouvrir timidement, à la fois par "le haut" et par le "bas".
Par "le bas", la société civile israélienne commence à se re-mobiliser plus largement. Début avril, une quarantaine de personnalités, dont beaucoup d’anciens officiers de haut rang, lançaient une "initiative de paix israélienne" en réponse à l’initiative de paix arabe de 2002. Fin avril, 21 lauréats du prix d’Israël publiaient une pétition en faveur de la création d’un État palestinien aux côtés d’Israël. Parmi ces pétitionnaires, figurent les professeurs Yéhoudah Bauer et Ze’ev Sternhell, le graphiste David Tartakover, l’ex-président de l’Académie des sciences Menachem Yaari, la fondatrice du Meretz Shoulamit Aloni, l’actuelle conseillère municipale de Tel-Aviv et fille de l’ex-général Moshé Dayan Yaël Dayan, le peintre et sculpteur Danny Karavan, ainsi que le dramaturge Yéhoshua Sobol. Ils affirment que « Israël est le lieu où naquit le peuple juif et où se forgea son caractère national. La Palestine est le lieu où naquit le peuple palestinien et où se forgea son caractère national" et appellent " tout individu en quête de paix et de liberté pour les deux peuples à soutenir la déclaration d’indépendance de l’État palestinien, et à agir dans un sens qui encourage les citoyens des deux peuples à nouer de bonnes relations sur la base des frontières de 1967. La fin de l’occupation est une condition sine qua non de la libération des deux peuples. » Du côté palestinien, les choix de solution politique non-violente se sont renforcés grâce à l'action du gouvernement de Mahmoud Abbas, aux ONGs palestiniennes en Cisjordanie, mais même, ce qui était moins évident, à Gaza. Il est significatif que le chef d'orchestre israélien Daniel Barenboïm ait pu dirigé ce mardi à Gaza un "concert de la paix" avec l'Orchestre pour Gaza, composé de musiciens exerçant dans des orchestres européens de premier plan. Cet événement culturel, au cours duquel des œuvres de Mozart ont été jouées, était co-organisé par des organisations non gouvernementales palestiniennes. L'audience comprenait « un large éventail de la société civile et des étudiants de Gaza », a précisé le porte-parole du Secrétaire général des Nations unies dans une déclaration.
Si les choses bougent "en bas", elles bougent aussi "en haut" : l'idée de la reconnaissance sans attendre d'un État palestinien a progressé fortement.
Le 12 avril 2011, le Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, Robert Serry, a publié un rapport affirmant que "L'Autorité palestinienne est prête à gouverner un potentiel Etat de Palestine (...) Dans les six zones où les Nations Unies sont le plus engagées, les institutions gouvernementales sont désormais suffisantes pour le bon fonctionnement du gouvernement d'un État ». Dans ce rapport, Robert Serry regrettait la division des Palestiniens à Gaza notant que ce territoire « reste en dehors du contrôle de l'Autorité Palestinienne mais reste essentiel à la construction d'un État palestinien ».
Or, le 27 avril dernier, le Fatah, mouvement du président palestinien Mahmoud Abbas, et le mouvement rival Hamas ont conclu un accord de réconciliation qui prévoit la formation d'un gouvernement intérimaire et la tenue d'élections dans le courant de l'année. Pour un grand nombre d'observateurs, la réunification était essentielle pour parvenir à une solution à deux États dans le cadre de négociations entre Israéliens et Palestiniens. L'enjeu est que la réconciliation se déroule d'une manière qui promeuve la cause de la paix. La politique sanglante d'attentats visant des civils et d'envoi de roquettes, lancées à l'aveuglette par le Hamas, était et reste injustifiable, tout comme la politique d'occupation et de répression aveugle du gouvernement israélien, mais les réalités du terrain et des rapports de force politiques, peuvent faire bouger les situations.  Dans une récente interview  sur la chaîne britannique Channel Two, Mahmoud Abbas a affirmé que le Hamas accepte un État palestinien dans les frontières du 4 juin 1967 et qu’il croit possible de le persuader d’accepter la paix.
C'est à la communauté internationale de veiller aux engagements de tous, envers tout processus de paix, encore faut-il que tout soit fait pour surmonter l'hostilité d'une grande partie du gouvernement israélien actuel et d'aboutir à la création rapide de l'État palestinien. Cette question doit être posée devant l'Assemblée générale de l'ONU en septembre prochain. Selon l’ambassadeur français à l’ONU, la France et l’Union européenne « réfléchissent à l’option de reconnaître un État palestinien dans l’optique de créer un horizon politique à même de relancer le processus de paix ». Le temps presse maintenant, car la création d'un tel État doit être soutenue, tant par l'Assemblée générale que par le Conseil de sécurité. Ce serait un réel appui si la France, l'Union européenne reconnaissaient dès maintenant officiellement l'État de Palestine, dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-est comme capitale, même si les obstacles juridiques sont encore nombreux. L'action des citoyens en direction des autorités françaises est importante. Une appel-pétition, "L'Etat palestinien, c'est maintenant !"a été publié par Le Monde dans son édition datée du 29 avril 2011 et est en ligne sur http://www.petitions24.net/letat_palestinien_cest_maintenant . Malgré quelques insuffisances, notamment sa totale discrétion sur l'action du Hamas, c'est actuellement le meilleur outil disponible pour tous ceux qui souhaitent faire avancer l'indépendance de la Palestine, il mérite donc d'être diffusé largement. Cette pression en direction des autorités françaises et européennes n'exclut pas le soutien renforcé plus que jamais nécessaire aux forces qui, dans les sociétés civiles israéliennes et palestiniennes, agissent pour des solutions politiques et non-violentes.
3 mai 2011