Peut-on toucher au défilé militaire du 14 juillet ? Évitons les polémiques politiciennes et revenons sur les faits.
Le 14 juillet marque la date de la prise de la prison de la Bastille, l'aspiration à la liberté du peuple de Paris, le début de la révolution française, l'élaboration de la Déclaration des Droits de l'homme, des valeurs républicaines de liberté, égalité et fraternité.
Sa première commémoration, le 14 juillet 1790, est marquée partout par des fêtes civiles et citoyennes, les "Fêtes de la Fédération" qui marquent l'unité nationale autour de la Révolution française;.
Ce n'est qu'en 1880 que la IIIe République institue le 14 juillet comme Fête nationale avec un défilé militaire, dix ans après la perte de l'Alsace et la Lorraine. Jusqu'à la Guerre de 1914-18, ces défilés porteront un contenu nationaliste : "nous reprendrons l'Alsace et la Lorraine".
Le 14 Juillet ne prendra une dimension d'union nationale qu'en 1936, après le Front populaire et après la Libération, où les combattants de la Résistance vont se fondre largement dans la nouvelle armée française.
Les années de guerres coloniales contre l'Indochine et l'Algérie n'ont pas contribué à rapprocher le peuple français et son armée. Sous la Ve République, De Gaulle et ses successeurs font du défilé du 14 juillet un moment de démonstration de la force nucléaire française, assimilée à une nouvelle indépendance nationale, une fierté nationale sans doute partagée par une majorité de l'opinion.
Aujourd'hui, les années 2000 sont marquées par deux changements : la fin de la Guerre froide dans le monde et la fin du service militaire en France.
La place grandissante du droit international conduit à ce que la présence militaire française s'inscrive de plus en plus exclusivement dans le cadre des résolutions des Nations unies (même si souvent leur interprétation est pervertie et outrepassée comme aujourd'hui en Afghanistan et en Libye). La mission des forces militaires françaises évolue de plus plus de la défense d'un territoire national (dont les limites se transforment et s'européanisent) à des missions de "police internationale" au service des lois d'une société en phase de mondialisation lente.
Dans le même temps, le service militaire national, la conscription, a été supprimé et remplacé par une professionnalisation des armées. Ce sont donc des professionnels, des sortes de "gendarmes internationaux" qui remplissent les missions confiées par le gouvernement français sur des théâtres d'opérations extérieures (OPEX), théoriquement au service du droit international, en recevant à juste titre des salaires majorés (le plus souvent triplés) à la mesure du sacrifice éventuel de leur vie, qui leur est demandé. Cette condition mérite évidemment le respect et la reconnaissance de tous. Ce n'est pas sans évoquer d'ailleurs le cas d'autres serviteurs de la collectivité comme les pompiers par exemple.
Ces grands changements du monde et de notre société imposent de réfléchir à la manière dont notre société, les citoyens/citoyennes peuvent marquer l'attachement, le soutien aux valeurs traditionnelles de liberté, justice, égalité de la République française, à de nouvelles valeurs à promouvoir comme la défense de la paix dans le monde, et plus encore, la promotion d'une nouvelle culture de paix, de "vivre ensemble".
Comment le faire ? Peut-on le réduire à un défilé de troupes militaires, une démonstration de matériel militaire (dont le coût d'ailleurs est de plus en plus largement critiqué) ? Est-ce ainsi que nous conduirons les jeunes françaises et français à aimer les valeurs de la République (voir le débat sur la Marseillaise) ?
La tradition portée par le 14 juillet et la prise de la Bastille est d'abord citoyenne. La "tradition" du défilé militaire français a été tardive et marquée par une époque donnée. Beaucoup de grands pays démocratiques n'organisent pas de parades militaires (États-Unis, Royaume-Uni) et ne sont pas moins attachés à leurs valeurs nationales et à leur armée, lorsque cela est nécessaire.
Peu importe l'opinion que chacune peut avoir sur l'intervention de Mme Joly, sur sa forme ou son opportunité. Elle pose une question réelle qui mérite mieux que les propos affligeants de M. Fillon, bien loin des valeurs républicaines qu'il prétend défendre, ou des réponses convenues, manquant singulièrement de hauteur de vue, de plusieurs leaders de l'opposition.
Les dirigeants politiques français se grandiraient, hors de toute surenchère électorale, en ouvrant un débat national sérieux, en créant une commission pour l'animer pour examiner, à la lumière des transformations du monde, des évolutions de notre société, les moyens de réaffirmer, lors de chaque 14 juillet, les valeurs républicaines de liberté, d'égalité et fraternité, les aspirations à une nouvelle culture de paix, de "vivre ensemble" de notre quartier à la planète. C'est cette démarche citoyenne qui permettrait d'irriguer encore plus largement la société française de ces valeurs, qui permettrait à la jeunesse de construire ses repères, de soutenir tous les moyens de les promouvoir et de les défendre si besoin était.
17 juillet 2011
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