Dans deux précédents articles, "Europe (1) : Les impasses militaires et politiques de la France, l'Union européenne, l'OTAN" et "Europe (2) : La place de l'Europe questionnée...", nous avons fait un état des lieux du contexte dans lequel se posent les enjeux de la sécurité et de la défense européenne. Examinons maintenant les alternatives politiques possibles.
Quelles pourraient être les lignes de force d'une politique européenne de sécurité qui innoverait à la fois dans ses rapports avec l'OTAN et avec les Nations unies ? Quel rôle d'impulsion pourrait y jouer la diplomatie française ?
Tout progrès dans le maintien de la paix tant sur le plan juridique que militaire ne peut se comprendre durablement que dans deux cadres : le premier est celui du progrès de la démilitarisation des relations internationales (progrès des traités de désarmement, diminution des dépenses militaires). Le second est celui d'une démocratisation progressive des différents niveaux d'élaboration et décision des structures internationales.
Cette démocratisation doit concerner le système des Nations unies (élargissement du Conseil de sécurité, poids de l'Assemblée générale, place de la société civile, encadrement des agences économiques comme FMI, BM et OMC) et une meilleure participation des citoyens/citoyennes du niveau local et national, soit par l'intermédiaire des ONG soit par celui des collectivités locales dans les diverses institutions internationales. Les événements populaires qui se sont déroulés en Tunisie et en Égypte, et ailleurs, montrent que des évolutions profondes traversent les opinions dans un nombre croissant de pays : ne soyons pas timides devant l'extension de la démocratie et de la participation des peuples !
Qui peut porter les défis du siècle et construire une nouvelle manière de vivre en paix, une nouvelle sécurité, forcément GLOBALE dans son approche des problèmes et HUMAINE dans les priorités qu'elle se donne, sinon les forces démocratiques chez tous les peuples de la terre ? C’est la leçon générale à tirer des événements actuels. C'est la leçon que nous, Européens, devons en tirer.
Dans un monde plus globalisé dans lequel émergent de nouvelles puissances comme les BRICS, les dispositifs de sécurité doivent-ils contribuer à opposer en créant ou transformant des blocs de pays en « pôles de sécurité » ou doivent-ils contribuer à rapprocher et faire collaborer l'ensemble des puissances (et les autres) de la planète, dans une conception plus mondialisée ?
Monde multipolaire ou apolaire, sécurité exclusive ou inclusive, défensive ou coopérative ? Le débat est d'importance. Si une vision de "l'Europe puissance", au sens classique du terme, se développait, basée essentiellement sur une dimension militaire, l'intégration des armes nucléaires britannique et française dans la «palette» de sécurité européenne se poserait inéluctablement un jour, dans la mesure où le nucléaire est encore inséparable de la conception de la puissance dans les relations internationales. Or, je suis persuadé qu'une Europe nucléarisée ne serait pas un facteur de paix mais un facteur d'aggravation d'une multipolarité internationale dangereuse.
À l'inverse, des initiatives fortes de relance du désarmement recueilleraient un écho très favorable dans l'U.E et dans les pays non-alignés aujourd'hui. Le 8 février 2009, le ministre allemand des affaires étrangères, M. Steinmeier, avait rappelé à la Conférence de Munich sur la sécurité, que «Désarmement et contrôle des armes par conséquent appartiennent de droit au sommet du nouvel agenda transatlantique, à côté des sujets majeurs du futur du changement climatique et de la sécurité énergétique» et qu'aucun «réel progrès ne sera fait sur la non- prolifération nucléaire sans que les États dotés de l'armement nucléaire prennent l'initiative».
L'action de l'Union européenne doit viser à relancer les mécanismes internationaux de maîtrise des armements et les négociations de désarmement, le contrôle des productions et transferts d'armements, l'interdiction et l'éradication complète de certains d'entre eux. Cela suppose de re-développer des campagnes politiques fortes pour l'application et l'approfondissement des Traités existants et l'amélioration de leurs dispositifs de vérification, la négociation et l'application de nouveaux accords.
Parmi ces objectifs, rappelons-le à la veille du 66e anniversaire des bombardements d'Hiroshima et Nagasaki, c'est la négociation et la signature d'une Convention d'abolition ou d'interdiction des armes nucléaires qui est essentielle pour progresser dans la démilitarisation des relations internationales. Cette convention déposée comme document officiel de l'ONU est soutenue aujourd'hui par plus 127 pays, (mais pas par la France, malheureusement). Dans les quatre années qui nous séparent de la prochaine Conférence d'examen du TNP, on peut espérer que la pression émanant de l'opinion grandira pour demander l'ouverture de discussions spécifiques sur cette Convention, tant au sein des réunions préparatoires (les « Prepcom ») que de la Conférence du désarmement à Genève, puisque que « tous les États doivent faire un effort particulier pour établir le cadre nécessaire à l'instauration et à la préservation d'un monde sans armes nucléaires » (document adopté en mai 2010). Le mouvement global pour éliminer les armes nucléaires saura-t-il conduire des mobilisations, notamment en Europe, encore plus amples d'ici cette date ?
Une résolution du Parlement européen du 26 avril 2009 souhaite une telle convention, en vue d'une élimination totale des armes nucléaires en 2020, comme le demande le maire d'Hiroshima. Berlin, en avril dernier, a été le siège d'une réunion des pays « amis du désarmement nucléaire ». Lors de cette réunion, à l’invitation de Guido Westerwelle, le ministre allemand des Affaires étrangères, les participants ont discuté de l’interdiction de la production des matières destinées à la fabrication des bombes nucléaires ainsi que de l’arrêt immédiat des essais nucléaires et de la transparence sur les arsenaux atomiques. Les ministres, japonais, australien, canadien, et polonais des Affaires étrangères figuraient parmi les participants.. Le renforcement des processus de désarmement n'est donc pas un illusion naïve... et l'Europe a tout à y gagner à s'y inscrire... (à suivre...)
1/08/2011
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