jeudi 27 mai 2010

Le moment de vérité ?

Depuis ce mardi, les diplomates participant à la conférence d'examen du Traité de non-prolifération à New-York ont en mains le projet de texte final rédigé par le Président de la conférence, l'ambassadeur Libran Cabactulan des Philipines. Ce texte compile les projets émis par les trois Comités de la Conférence (désarmement, non-prolifération et énergie civile) et leurs six sous-comités. Le Président a résisté à l'assaut mené le lundi par quatre puissances nucléaires : France, Royaume-Uni, Russie et USA pour faire supprimer tout ce qui avait trait à des engagements précis de désarmement nucléaire. la France s'était fait remarquer par une liste ahurissante d'amendements tous plus négatifs les uns que les autres (voir notre article d'hier).
Le texte de 26 pages présenté par le Président est donc formé d'un tronc général formé des projets relatifs aux trois comités puis d'une partie "Conclusions et recommandations sur le suivi des actions" qui contient trois "plans d'actions" sur le désarmement nucléaire, la non-prolifération et les usages pacifiques de l'énergie nucléaire.
Depuis mardi après-midi, les séances ne sont plus ouvertes aux observateurs et les postes sont closes. Tout le monde sait que les désaccords exprimés jusqu'à présent sont toujours présents et vont donc ressortir. Une des questions est de savoir si, comme cela se voyait dans les jours précédents, les puissances nucléaires vont jouer la politique du pire en essayant d'obtenir un "gagnant-perdant à somme zéro" (l'échange d'un accord sur un point d'une partie comme l'énergie civile contre le retrait d'un point sur la partie désarmement) ou accepteront de travailler à des vrais compromis médians sur CHACUN des trois "piliers" du TNP.
Les négociations en séance privée ont donc continué toute la journée d'hier, mercredi. Selon les échos recueillis par les observateurs, notamment ceux du NPT News in Review (http://www.reachingcriticalwill.org/legal/npt/2010index.html) et ceux d'Acronym Institute, les P5 et particulièrement France, Royaume-Uni, Russie et USA continuent un assaut coordonné contre toutes les étapes possible du désarmement nucléaire. Dans certains cas, leurs amendements feraient revenir en arrière par rapport aux engagements de la conférence de 2000 !
Ils rejettent non seulement tout calendrier ou Convention d'abolition mais aussi toute référence aux améliorations qualitatives des armements (la fameuse "modernisation") voire au plan en cinq points de Ban Ki Moon !
Apparemment, la France et le Royaume-Uni semblent être les plus opposées à toute référence aux conséquences humanitaires d'un usage de l'arme nucléaire et aux lois humanitaires internationales. Cela explique peut-être que non seulement les ONGS et observateurs n'aient pas été autorisés à assister à ces discussions mais également, des observateurs officiels comme les représentant du Comité International de la Croix-rouge...
Rappelons à ce sujet que la Cour Internationale de Justice de la Haye en 1996 avait estimé que "la menace ou l'usage d'armes nucléaires était généralement contraire aux règles de la loi internationale applicable aux conflits armés, et en particulier aux principes et règles de la loi humanitaire".
Les pressions extérieures continuent sur les diplomates pour les appeler à tout faire pour la réussite de la Conférence. Les sénateurs français Jacques Muller et Michelle Demessine ont envoyé une lettre au Président Cabactulan pour indiquer leur soutien au plan en cinq points du Secrétaire Général de l'ONU.
Surtout, celui-ci-, M. Ban Ki Moon a adressé hier après-midi, une lettre aux diplomates de la conférence, pressant les délégués "d'être pragmatiques et rassemblés autour de solutions qui fasse progresser les intéêts de l'ensemble de la communauté mondiale". Il a encouragé tous les États-parties à "travailler avec flexibilité et dans un esprit de coopération, pour obtenir un accord sur un document final qui contribue à renforcer le régime de non-prolifération nucléaire et des progrès futurs sur le désarmement".
Seul petit élément positif de la journée d'hier : le nouveau gouvernement britannique a annoncé hier mercredi que l'arsenal nucléaire du Royaume-Uni n'excèdera pas 225 têtes nucléaires, dont un maximum de 160 opérationnelles. Début mai, à l'ouverture de cette conférence, les Etats-Unis avaient également révélé la taille de leur arsenal nucléaire, qui était composé de 5.113 têtes nucléaires à fin septembre 2009. La France avait fait une annonce similaire en mars 2008, quand le président Nicolas Sarkozy avait indiqué, au nom de la "transparence", que l'arsenal nucléaire français comprendrait "moins de 300 têtes".
On ne peut que se féliciter de ce timide début de transparence même si beaucoup d'ONGs ainsi que les Pays non-alignés souhaitent que soit donnée également la composition de ces arsenaux.

27 mai 2010






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