samedi 22 mai 2010

Grèce et TNP

Les premières réunions de la Conférence du TNP ont vu la France, l'Union européenne multiplier les déclarations vertueuses selon lesquelles l'application de l'article VI, la marche vers le désarmement étaient de "la responsabilité de tous" (c'est-à-dire plutôt des états on-nucléaires). La "DÉCISION COMMUNE" DU CONSEIL DE L'UE du 29 mars 2010 propose "d'insister sur la nécessité de promouvoir les processus généraux de maîtrise des armements et de désarmement et plaider pour que des progrès soient encore accomplis sur tous les aspects du désarmement afin de renforcer la sécurité au niveau mondial;(...)".
Dans le même temps, le débat en Europe s'est ouvert, notamment après les déclarations du député D. Cohn-Bendit, sur l'appui que la France et l'Allemagne apportent à la Grèce pour qqu'elle maintienne un niveau exorbitant de dépenses militaires, afin de pouvoir continuer à lui vendre d'énormes quantités de nouveaux armements. "Faites ce que je dis, pas ce que je fais", cela amène un sourire sceptique quand on entend l'ambassadeur de France, M. Danon,  appeler à avoir une attitude pragmatique, et non idéologique...
Qu'en est-il exactement de la situation grecque, quel lien avec le TNP et le désarmement général ?
Selon l'Otan, la Grèce a affecté 6,896 milliards d'euros en 2008 à ses dépenses d'armement, 2,8% de son PNB (4,3 % selon la CIA), une véritable fortune en comparaison de la majorité des pays d’Europe de l’est qui tournent autour de 1 à 1,5% ou même des géants militaires européens comme la Grande-Bretagne et la France avec environ 2 %. L’armée grecque, c’est 100 000 hommes et femmes pour l’armée de terre, 18 800 pour la marine et 26 800 pour l’armée de l’air, soit 2,9% de la population active contre 1,1% dans les autres pays de l’Otan. Le nombre de militaires est à rapporter à celui des fonctionnaires : 150 000 sur 800 000.
La Grèce va recevoir 110 milliards d'euros d'aides, dont 16,8 milliards de la France. Le plan d'austérité imposé par l'État aux citoyens permettrait d'économiser quelques 10 milliards d'euros face à des dépenses militaires frisant les 6 Mds.
La justification de cette exacerbation des dépenses militaires est attribuée au risque permanent d'affrontement avec la Turquie, et à la partition de Chypre entre zones d'influence grecque et turque.
Mais le paradoxe est que la Grèce et la Turquie appartiennent à la même alliance militaire (l'OTAN), et que Chypre appartient également à l'Union européenne. Alors, au lieu de forcer la Grèce à acheter des armes, si on aidait la Grèce et ses voisins à ne plus avoir besoin de dépenser autant dans la défense quand ils doivent imposer des coupes sociales dramatiques pour leur population ?
Mais le "ver dans le fruit" est à ce niveau : faute d’industrie nationale, Athènes doit importer massivement (c’est même le 5e importateur mondial en matière de défense) à la plus grande joie, notamment, de la France et de… l’Allemagne. Cette dernière, si prompte à lui donner des leçons de bonne gestion, n’a pas hésité à lui vendre, en 2009, six U-Boot 124, des sous-marins dont Athènes n’est d’ailleurs pas satisfait, pour la modique somme de 2 milliards d’euros. La France est aussi sur les rangs : après avoir déjà placé quelques AMX-30, quelques VBL, des Mirages 2000, elle veut s'imposer.une vente de six frégates multi-rôles FREMM évaluée par la Tribune à 2,5 milliards, ainsi que 15 hélicoptères « Puma » pour 400 millions d'euros et un quarantaine d’avions de combat « Rafale »  à 100 millions d'euros pièce. (article du Canard enchaîné).
Quand à l’Allemagne, elle a définitivement intégré le club des plus grands marchands d’armes de la planète, comme l'a titré la "Frankfurter Rundschau". Depuis le début de la décennie, les exportations allemandes d’armement ont presque doublé et la part de l’Allemagne dans le commerce mondial de matériel de guerre est passée de 6 à 11 %.” Entre 2005 et 2009, le chiffre d’affaires de l’industrie de l’armement a augmenté de 22 % par rapport aux cinq années précédentes, plaçant le pays juste derrière les Etats-Unis et la Russie, précise le quotidien de Francfort.
L'information selon laquelle le Président Sarkozy aurait personnellement insisté auprès du Premier ministre grec pour ne pas tailler dans les dépenses militaires et honorer les contrats avec la Franche circule avec insistance. Les plus cyniques ajoutent qu'une baisse des dépenses militaires grecques pourrait avoir comme conséquence une baisse des tensions politiques ou, en tout cas, une difficulté pour la Turquie à continuer à augmenter ses achats d'armements, effectués auprès de qui ?... la France et l'allemagne, bien entendu.
Nous sommes bien en face d'un double langage persistant : appel au désarmement (des autres) dans les enceintes de l'ONU, le report aux "calendes... grecques" de négociations d'une Convention d'élimination des armes nucléaires, et en dehors de l'ONU, la poursuite de marchés juteux d'armements au détriment de la stabilité européenne et la vente tous azimuts de centrales nucléaires... Édifiant, n'est-ce-pas ?
11 mai 2010

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