Les deux premiers jours de la Conférence du TNP ont été consacrés aux discours généraux des ambassadeurs, des États étaient représentés par leurs principaux dirigeants comme l'Iran avec Amadinedjad, les États-Unis par Hillary Clinton. M. Kouchner n'a pas fait le déplacement : calendrier trop chargé, manque d'enthousiasme pour le désarmement nucléaire ?
À l'ouverture, le secrétaire général des Nations-Unies a redit, comme il l'avait fait devant les ONG à Riverside, que "le monde attend plus de nous : plus de progrès sur le désarmement, plus de réduction des armements et plus de transparence" et il a ajouté "Je presse les puissances nucléaires de réaffirmer leur engagement irrévocable pour pour éliminer les armes nucléaires (...) Je vous encourage également à actualiser et étendre les "Treize étapes pratiques" adopétées à la Conférence de révision du TNP, dix ans auparavant".
Si la confrontation Iran-USA s'est déroulée verbalement au travers des interventions de M. Amadinedjad, et de Mme Clinton, on retiendra surtout de cette dernière un discours suivant de près les différentes déclarations du Président Obama depuis un an. Beaucoup de réaffirmations fortes : "Voulons-nous un 21e siècle avec plus d'armes nucléaires ou un monde sans armes nucléaires ? C'est la question à laquelle nous voulons répondre et le défi que nous devons affronter."
Ce ton ainsi que la réaffirmation de l'égale importance des trois piliers du TNP : désarmement, non-prolifération, énergie civile était bien sûr à cent lieues des discours US de 2005, où l'on entendit même un jour l'ambassadeur américain déclarer que le "bargain" (le compromis) central du TNP était entre non-prolifération contre énergie civile donc exit le désarmemet !
Hillary Clinton a quand même annoncé quelques décisions US pratiques et intéressantes. En premier lieu, le Pentagone a annoncé dans la même journée et elle s'en est félicitée, le nombre exact des têtes nucléaires US : c'est la première fois de l'histoire. L'arsenal nucléaire américain était composé de 5.113 têtes nucléaires à fin septembre 2009. Ce chiffre de 5.113 têtes nucléaires, qui inclut les armes nucléaires américaines déployées, non déployées, stratégiques et non-stratégiques, "représente une réduction de 84% par rapport à l'arsenal maximal (31.255) à la fin de l'année fiscale 1967", en pleine Guerre Froide, précise le Pentagone. Quant aux armes tactiques, incluses dans le décompte, elles ont diminué de 90% de 1991 à 2009, mais leur nombre exact reste secret. L'arsenal nucléaire américain ne comprend pas en revanche les armes nucléaires retirées de la circulation et en voie d'être démantelées.
Cette annonce a constitué un signal de transparence intéressant : la France avait dit simplement qu'elle possédait "moins de 300 têtes". Il faut espérer que les autres puissances nucléaires vont également donner des informations sur leur stock.
Hillary Clinton a réaffirmé le soutien US à une zone dénucléarisée et exempte d'armes de destruction massive au Moyen-Orient, conformment aux engagements pris lors de la confrence de 1995. Cela risque de redonner de l'intérêt aux débats sur le sujet dans la Con,férence.
Après celle d'Hillary Clinton, l'intervention de la nouvelle Haute-representante de l'Union européenne pour les afaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Catherine Ashton parût bien pâle. Celle-ci s'est contentée de reprendre en l'affadissant, les termes de la "position commune" adoptée par les pays de l'Union (voir messages précédents).
La déclaration faite par la France, effectuée donc par l'ambassadeur Éric Danon, n'a apporté aucune nouveauté par rapport au discours officiel français actualisé depuis l'accession à la présidence de Nicolas Sarkosy.
"La France a choisi de convaincre par l’exemple et de porter des initiatives ambitieuses dans tous les domaines du traité" a essayé de convaincre M. Danon en rappelant les décisions de réductions et de fermetures de sites en 1997. Or chacun sait qu'aucune de ces décisions n'ont été prises dans un but de désarmement, et qu'il ne s'agit que d'une argumentation a posteriori dans un seul souci de communication. Après ce rappel d'une soi-disant "bonne conduite" de la France, M. Danon a consacré l'essentiel de son propos aux mesures de non-prolifération et à la question de l'expansion du nucléaire civil, pour lequel, il reconnaît qu'il faut imaginer une "nouvelle gouvernance"...
Le désarmement nucléaire n'a été évoqué toujours que sous la condition de l'évolution du contexte stratégique et du contexte de sécurité, en opposant cette méthode qui serait pragmatique à celle "des bonnes intentions et des incantations". Moyennant cette fausse opposition entre réalistes et "rêveurs", nous rendrions l’élimination des armes nucléaires "réalisable à terme" (alors que l'article VI du Traité parle de "délai rapproché"..
En fait, la France ne s'inscrit pas réellement dans un monde sans armes nucléaires sinon dans un futur hypothétique et forcément très, très lointain. Sa principle vision, comme l'a rappelée l'ambassadeur Danon est celle d'un "monde où tous les Etats œuvreront résolument pour faire progresser le désarmement dans toutes ses composantes ; où les doctrines des puissances nucléaires réduiront le rôle des armes nucléaires aux seules circonstances extrêmes de légitime défense face à une atteinte à leurs intérêts vitaux, avec des arsenaux réduits à leur stricte suffisance en fonction du contexte stratégique international".
Il est clair qu'une telle vision qui contribue à perpétuer la situation actuelle inégale (les "have" et les "have not"), porteuse de prolifération permanente et de pérennisation "indéfinie" de fait des armes nucléaires, ne peut permettre de renforcer réellement le TNP, et ne pourra qu'accroître la méfiance de certaines puissances moyennes régionales envers les déclarations des puissances nucléaires.
5/05/2010
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