Les douze derniers mois ont vu le débat français sur la pertinence de la dissuasion nucléaire s'ouvrir un peu plus. Plusieurs colloques ont été organisés qui ont tenté en général de justifier le maintien du statu quo actuel. On peut citer le colloque du CEA en novembre 2014 : « 50 ans de dissuasion nucléaire : exigences et pertinence au 21e siècle » ainsi que celui de la Fondation pour la Recherche stratégique « La dissuasion nucléaire française en débat » en juin.
Le président Hollande a rappelé en février dernier la volonté gouvernementale de ne rien changer : "le temps de la dissuasion nucléaire n’est pas dépassé. Il ne saurait être question, y compris dans ce domaine, de baisser la garde".
Pour autant, la presse française s'est fait l'écho, ce qui est un phénomène relativement nouveau, des voix critiques comme celle du général Norlain ou de l'ancien ministre de la défense Paul Quilès.
Le chercheur André Dumoulin s'interroge en juin dernier sur ce débat français : "Nonobstant, le discours de la dissuasion française devra à l’avenir reposer sur une clarification doctrinale adaptée et sur une pédagogie renouvelée. Il y va de sa crédibilité et de son soutien, y compris dans le relationnel franco-britannique. Une condition finale étant aussi qu’au-delà du principe de précaution empêchant encore d’imaginer son effacement sans risque dans le monde incertain qui est le nôtre, le discours de la dissuasion doit rester « pur » et de stricte suffisance dans ses moyens de persuasion".(André Dumoulin "Vers une érosion du soutien à la dissuasion nucléaire française ?").
Un colloque organisé cette semaine par les clubs "Démmocratie" et "Participation et progrès" avance même une thématique plus ouverte : "Quelle dissuasion en l'absence d'arme nucléaire ?".
On ne peut que s'en féliciter, bien sûr.
Le site du Ministère de la défense continue pourtant d'affirmer que "De réelles menaces continuent de peser sur la sécurité du monde. La dissuasion, moyen exclusivement défensif, constitue l’assurance de la Nation contre toute menace d’origine étatique, d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la forme, visant les intérêts vitaux de la France". (http://www.defense.gouv.fr/actualites/articles/la-dissuasion-nucleaire).
Mais l'idée progresse que la notion de "dissuasion" est devenue obsolète, qu'elle ne sert en fait qu"à "légitimer" la possession d'une arme de destruction massive à l'encontre de toutes les pratiques reconnues par le droit international du désarmement et le droit humanitaire, visant à protéger les populations civiles.
Le risque de prolifération ré-augmente aujourd'hui du fait de la frustration croissante de puissances moyennes, exaspérées par l'arrogance des puissances nucléaires dotées, notamment dans des zones comme le Proche et Moyen-Orient (leçons de la guerre d'Irak, de la Libye et de la Syrie).
L'arme nucléaire est l'arme dont le maintien est un risque permanent pour l'humanité. Elle ne dissuade personne réellement. Le « bisounours » est celui qui croit que la possession de l'arme nucléaire empêcherait Daesh de s'en servir contre nous.
La possession des armes nucléaires devient essentiellement un enjeu de représentation de puissance que les "possédants" cherchent à garder à tout prix en multipliant les opérations de communication ou de brouillage idéologique.
Mais, surtout, sur le plan conceptuel, la dissuasion a une énorme limite. Elle est sensée empêcher l'adversaire de nous attaquer. Est-ce que cela a fonctionné depuis cinquante ans ? Le débat est ouvert. Mais la principale faiblesse de la dissuasion est qu'elle ne s'attaque pas aux causes d'un conflit mais à ses effets et qu'elle n'empêche pas mais favorise la course aux armements. Chaque partie a pour seul but de surmonter la capacité de dissuasion de l'adversaire.
Déjà en 1999, des auteurs s'interrogeaient : "En dehors du domaine nucléaire (en dehors de sa « niche militaro-strategique », pour reprendre une de ces métaphores managériales qu’affectionnent les auteurs américains), la dissuasion comme forme stratégique générale est de moins en moins opérante. La dissuasion suppose un adversaire : elle s’exerce sur un décideur ou un centre de décision. Avec la prédominance de situations complexes, de conflits à trois camps, de menaces diffuses, difficilement attribuables ou assignables à un acteur central, la forme dissuasion perd une grande partie de sa pertinence. Au nouvel état du monde, caractérisé par la prolifération de conflits locaux, interétatiques et surtout intra-étatiques, correspond une nouvelle forme (ou langage) stratégique : la «prévention». (Maurice Ronai et Sami Makki CIRPES, Paris, mars 1999).
La sécurité aujourd'hui dans un monde instable, en transition, ne doit-elle pas travailler à développer avant tout la prévention ? Celle-ci est présentée sur le site du ministre de la défense ainsi : "Prévenir consiste à agir pour éviter l'apparition ou l'aggravation des menaces contre la sécurité" (http://www.defense.gouv.fr/air/presentation/fonctions-strategiques).
Sur le plan général, prévenir, c'est empêcher d'être attaqué en travaillant en amont sur les causes du conflits. La prévention privilégie donc les approches politiques. Sa logique interne n'est donc pas un équilibre des forces s'établissant toujours vers le haut mais elle induit une logique de désescalade. Cette logique débouche sur l'hypothèse d'une nécessaire et forte démilitarisation des relations internationales, le règlement des conflits, des points de fracture.
Elle pose donc inévitablement la nécessité du renforcement du système multilatéral donc des Nations unies, d'un maillage renforcé par le droit international, du règlement éventuel des menaces uniquement par l'action concertée, y compris militaire en dernier recours, de la communauté internationale.
Certes, une évolution des doctrines stratégiques ne sera pas simple et posera des problèmes pendant une longue période de transition. Mais cette évolution nécessaire est aujourd'hui plus crédible qu'il y a vingt ou trente ans : la révolution de l'information rend plus facile la transparence, la pression positive de l'opinion publique, la participation citoyenne (voir le nouveau phénomène des lanceurs d'alerte).
Il est très positif que le débat s'ouvre à la possibilité de la disparition de de l'arme nucléaire, mais doit-il se limiter, voire s'enfermer dans la seule problématique stratégique et conceptuelle de la dissuasion ? Ne faut-il pas débattre également de la priorité à donner aux politiques de prévention ?
Nous aborderons plus largement cette question dans un prochain article.
Ce blog est dédié aux problématiques de la paix et du désarmement, des institutions internationales (ONU, OTAN), à la promotion d'une culture de la paix. Textes sous license Creative Commons by-nc-sa
dimanche 25 octobre 2015
samedi 17 octobre 2015
Syrie, ONU : quelles réflexions ?
Lors de l'ouverture de la 70e session de l'Assemblée générale des Nations unies, fin septembre et début octobre, plusieurs observateurs ont relevé que la diplomatie française et le président Hollande avaient du mal à ne pas paraître isolés dans leur obstination à refuser toute forme de participation du gouvernement syrien actuel à une grande alliance pour combattre les terroristes de Daech.
Barack Obama a déclaré à la tribune des Nations unies que "Bachar el-Assad doit quitter le poste présidentiel" mais il y a une semaine, le secrétaire d'État John Kerry a concédé que le calendrier de la sortie de Bachar al-Assad était négociable. Des dirigeants européens comme David Cameron et Angela Merkel notamment, plaidant le pragmatisme, n'écartent plus la collaboration avec le régime de Bachar al-Assad, comme le suggère Vladimir Poutine. Les principaux acteurs dans le conflit syrien, incluant les États-Unis, la Russie, l'Arabie saoudite, l'Iran, la Turquie et l'Égypte, se réuniront en octobre. « Quatre groupes de travail doivent être formés à Genève et la rencontre du groupe de contact incluant les principaux acteurs, je pense, se réunira en octobre après la session de l'Assemblée générale de l'ONU », a déclaré le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, cité par l'agence Ria Novosti.
M. Laurent Fabius a renouvelé ses critiques contre la Russie qui s'en prenait à «80-90%» à "l'opposition syrienne". Or, la notion "d'opposition syrienne" est trop ambiguë. Même si de multiples coalitions d'opposition contre Bachar al Assad existent, les plus puissantes sont composées de mouvements affiliés à Al-Qaida «canal historique» comme le Front al-Nosra ou la nébuleuse de Ahrar al-Cham comme le rappelle un spécialiste du renseignement, Alain Rodier. Le soutien militaire des occidentaux, français ou américains à l'Armée syrienne libre pose aussi question, d'autant plus qu'on sait qu'en septembre dernier, des rebelles syriens formés par les Américains ont remis une partie de leur équipement et munitions au dit Front al-Nosra. Va-t-on refaire les mêmes erreurs avec Al Nosra que les américains firent avec les talibans en Afghanistan en 1979-89 ?
Que sont devenues les armes françaises fournies aux groupes rebelles syriens dès 2012 alors que l’Union européenne avait imposé un embargo sur de telles livraisons ?
La France et la majorité des gouvernements occidentaux en 2011 ont cru que le régime de Bachar al Assad allait tomber en quelques mois à l'image de ce qui s'était passé en Égypte et en Tunisie : ce fut une erreur fondamentale.
Même si la répression des premières manifestations pacifiques par Bachar al Assad avait été sanglante et était insupportable, le soutien à une opposition militaire disparate, débouchant sur un processus de guerre civile, était de toute façon une erreur politique. Dès ce moment, seul un processus visant une solution politique avec l'implication première des Nations unies était viable, accompagné des actions nécessaires pour mettre en oeuvre le droit international, y compris en travaillant à traduire Bachar devant la cour pénale de justice.
L'échec de la politique suivie est d'autant moins excusable que le précédent libyen aux conséquences désastreuses aurait dû inciter à une approche différente.
Le chaos en Syrie a permis que dès le 29 juin 2014, Daech proclame un califat en Irak et en Syrie et annexe des régions frontalières. En septembre 2014, les États-Unis et leurs alliés occidentaux et arabes, soit une soixantaine de pays, ont entamé, sans mandat de l'ONU, des opérations aériennes contre Daech sur le territoire irakien. 6.550 frappes ont été conduites dont deux cents sont françaises. Rapportés aux moyens mobilisés, les résultats restent minces.
L'ensemble des frappes occidentales est illégal. Par exemple, la justification avancée par le gouvernement français pour ses bombardements d'agir "en état de légitime défense" est contestée par les juristes internationaux. La Charte des Nations unies, dans son chapitre VII, reconnaît ce droit dans des limites très strictes : " jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales". Or, rien de sérieux n'a été fait par la France pour faire aboutir une résolution du Conseil de sécurité permettant une "opération de police internationale armée" contre les terroristes, et surmonter les divergences politiques, notamment avec la Russie. Au contraire, pourrait-on dire, si l'on considère les déclarations du président Hollande et de Laurent Fabius. De plus, une telle opération même dans un cadre onusien ne pourrait être qu'un élément d'un plan politique de règlement du conflit.
Il reste que l'absence de recherche sérieuse de solution politique alternative à la guerre civile a conduit à une catastrophe humanitaire. 240.000 Syriens ont perdu la vie depuis le début de ce conflit (même si ce bilan produit par les opposants syriens est estimé surévalué par la Ligue arabe qui chiffre à un peu plus de 100 000 tués les victimes du conflit). Près de huit millions se sont déplacés dans les frontières intérieures fuyant les combats opposant les multiples factions au régime ou à l'EI. Quatre millions se sont réfugiés dans les pays voisins, au Liban notamment, dans la plus grande précarité. Quinze millions de Syriens sont en situation de détresse humanitaire.
Si l'on prend un peu de recul politique, on constate que la diplomatie française, tant avec le président Sarkozy que François Hollande, ne croit pas au renforcement du multilatéralisme dans le monde dans les prochaines décennies. Elle pense que le monde ne peut évoluer que vers l'accentuation des rivalités de puissance, et comme les États-Unis se désengagent du Moyen-orient, elle estime qu'il y a une "place à prendre", qu'il est possible de "tirer les marrons du feu". Et pour cela, la diplomatie française renforce sa posture de "meilleur opposant occidental" aux puissances régionales comme la Russie ou l'Iran. Ce positionnement politique est désastreux car il recrée des oppositions de blocs rappelant l'époque de la guerre froide et, in fine, isole quand même la diplomatie française, car lors de l'aiguisement des crises, les "grands" acteurs, USA et Russie, règlent eux-même sans la France (comme on le voit pour l'accord nucléaire avec l'Iran, et demain sans doute avec la conférence sur la Syrie).
Comme je l'écrivais sur mon blog, il y a un an (http://culturedepaix.blogspot.fr/2014/09/enjeux-et-alternatives-pour-la-paix.html)
"Aujourd'hui, face aux tentations de certains dirigeants de décréter ce qui est bon ou non pour des peuples, face également à des forces obscures entendant proclamer leur vérité propre comme universelle, ne faut-il pas être beaucoup plus intransigeant sur le respect du droit international et, par exemple, sur le passage systématique par une résolution du Conseil de sécurité pour toute action dans une crise internationale, a fortiori si une intervention militaire est en jeu en donnant systématiquement la priorité à une solution politique ? "Rien sans l'ONU" n'est-il pas un slogan qui devrait reprendre une force nouvelle ?
On a vu en 2013 que, lorsque les dirigeants mondiaux ont été obligés de négocier une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies sur la Syrie, cela a obligé à trouver un compromis politique et aboutit à la résolution sur la destruction des armes chimiques syriennes ce qui était un élément de blocage international depuis vingt ans !
Aujourd'hui, il faut déboucher sur des solutions politiques (...) sous l'égide des Nations unies, notamment par le biais de conférences internationales : elles impliqueraient des mesures de démilitarisation, de protection des populations, d'implication de tous les acteurs locaux (en Syrie avec tous les acteurs, y compris gouvernementaux mais hors Daesh : (...). Le passage obligatoire par l'ONU empêcherait les déclarations péremptoires, à la limite de l'arrogance de chefs d'État, décidant qui est légitime ou non comme représentants d'un peuple, comme cela a été malheureusement fait pour la Libye et la Syrie, par les deux Présidents français".
Un an après, ces constatations restent valables. Veut-on laisser se créer un monde de pôles de puissance rivalisant entre eux, au risque d'une véritable "der des der" nucléaire, ou veut-on construire un monde multilatéral, assis sur le droit international, les coopérations mutuelles, la participation grandissante des citoyens de la planète, comme nous y convie le déploiement des moyens d'information et de connaissance ? Là reste la question centrale.
Barack Obama a déclaré à la tribune des Nations unies que "Bachar el-Assad doit quitter le poste présidentiel" mais il y a une semaine, le secrétaire d'État John Kerry a concédé que le calendrier de la sortie de Bachar al-Assad était négociable. Des dirigeants européens comme David Cameron et Angela Merkel notamment, plaidant le pragmatisme, n'écartent plus la collaboration avec le régime de Bachar al-Assad, comme le suggère Vladimir Poutine. Les principaux acteurs dans le conflit syrien, incluant les États-Unis, la Russie, l'Arabie saoudite, l'Iran, la Turquie et l'Égypte, se réuniront en octobre. « Quatre groupes de travail doivent être formés à Genève et la rencontre du groupe de contact incluant les principaux acteurs, je pense, se réunira en octobre après la session de l'Assemblée générale de l'ONU », a déclaré le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, cité par l'agence Ria Novosti.
M. Laurent Fabius a renouvelé ses critiques contre la Russie qui s'en prenait à «80-90%» à "l'opposition syrienne". Or, la notion "d'opposition syrienne" est trop ambiguë. Même si de multiples coalitions d'opposition contre Bachar al Assad existent, les plus puissantes sont composées de mouvements affiliés à Al-Qaida «canal historique» comme le Front al-Nosra ou la nébuleuse de Ahrar al-Cham comme le rappelle un spécialiste du renseignement, Alain Rodier. Le soutien militaire des occidentaux, français ou américains à l'Armée syrienne libre pose aussi question, d'autant plus qu'on sait qu'en septembre dernier, des rebelles syriens formés par les Américains ont remis une partie de leur équipement et munitions au dit Front al-Nosra. Va-t-on refaire les mêmes erreurs avec Al Nosra que les américains firent avec les talibans en Afghanistan en 1979-89 ?
Que sont devenues les armes françaises fournies aux groupes rebelles syriens dès 2012 alors que l’Union européenne avait imposé un embargo sur de telles livraisons ?
La France et la majorité des gouvernements occidentaux en 2011 ont cru que le régime de Bachar al Assad allait tomber en quelques mois à l'image de ce qui s'était passé en Égypte et en Tunisie : ce fut une erreur fondamentale.
Même si la répression des premières manifestations pacifiques par Bachar al Assad avait été sanglante et était insupportable, le soutien à une opposition militaire disparate, débouchant sur un processus de guerre civile, était de toute façon une erreur politique. Dès ce moment, seul un processus visant une solution politique avec l'implication première des Nations unies était viable, accompagné des actions nécessaires pour mettre en oeuvre le droit international, y compris en travaillant à traduire Bachar devant la cour pénale de justice.
L'échec de la politique suivie est d'autant moins excusable que le précédent libyen aux conséquences désastreuses aurait dû inciter à une approche différente.
Le chaos en Syrie a permis que dès le 29 juin 2014, Daech proclame un califat en Irak et en Syrie et annexe des régions frontalières. En septembre 2014, les États-Unis et leurs alliés occidentaux et arabes, soit une soixantaine de pays, ont entamé, sans mandat de l'ONU, des opérations aériennes contre Daech sur le territoire irakien. 6.550 frappes ont été conduites dont deux cents sont françaises. Rapportés aux moyens mobilisés, les résultats restent minces.
L'ensemble des frappes occidentales est illégal. Par exemple, la justification avancée par le gouvernement français pour ses bombardements d'agir "en état de légitime défense" est contestée par les juristes internationaux. La Charte des Nations unies, dans son chapitre VII, reconnaît ce droit dans des limites très strictes : " jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales". Or, rien de sérieux n'a été fait par la France pour faire aboutir une résolution du Conseil de sécurité permettant une "opération de police internationale armée" contre les terroristes, et surmonter les divergences politiques, notamment avec la Russie. Au contraire, pourrait-on dire, si l'on considère les déclarations du président Hollande et de Laurent Fabius. De plus, une telle opération même dans un cadre onusien ne pourrait être qu'un élément d'un plan politique de règlement du conflit.
Il reste que l'absence de recherche sérieuse de solution politique alternative à la guerre civile a conduit à une catastrophe humanitaire. 240.000 Syriens ont perdu la vie depuis le début de ce conflit (même si ce bilan produit par les opposants syriens est estimé surévalué par la Ligue arabe qui chiffre à un peu plus de 100 000 tués les victimes du conflit). Près de huit millions se sont déplacés dans les frontières intérieures fuyant les combats opposant les multiples factions au régime ou à l'EI. Quatre millions se sont réfugiés dans les pays voisins, au Liban notamment, dans la plus grande précarité. Quinze millions de Syriens sont en situation de détresse humanitaire.
Si l'on prend un peu de recul politique, on constate que la diplomatie française, tant avec le président Sarkozy que François Hollande, ne croit pas au renforcement du multilatéralisme dans le monde dans les prochaines décennies. Elle pense que le monde ne peut évoluer que vers l'accentuation des rivalités de puissance, et comme les États-Unis se désengagent du Moyen-orient, elle estime qu'il y a une "place à prendre", qu'il est possible de "tirer les marrons du feu". Et pour cela, la diplomatie française renforce sa posture de "meilleur opposant occidental" aux puissances régionales comme la Russie ou l'Iran. Ce positionnement politique est désastreux car il recrée des oppositions de blocs rappelant l'époque de la guerre froide et, in fine, isole quand même la diplomatie française, car lors de l'aiguisement des crises, les "grands" acteurs, USA et Russie, règlent eux-même sans la France (comme on le voit pour l'accord nucléaire avec l'Iran, et demain sans doute avec la conférence sur la Syrie).
Comme je l'écrivais sur mon blog, il y a un an (http://culturedepaix.blogspot.fr/2014/09/enjeux-et-alternatives-pour-la-paix.html)
"Aujourd'hui, face aux tentations de certains dirigeants de décréter ce qui est bon ou non pour des peuples, face également à des forces obscures entendant proclamer leur vérité propre comme universelle, ne faut-il pas être beaucoup plus intransigeant sur le respect du droit international et, par exemple, sur le passage systématique par une résolution du Conseil de sécurité pour toute action dans une crise internationale, a fortiori si une intervention militaire est en jeu en donnant systématiquement la priorité à une solution politique ? "Rien sans l'ONU" n'est-il pas un slogan qui devrait reprendre une force nouvelle ?
On a vu en 2013 que, lorsque les dirigeants mondiaux ont été obligés de négocier une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies sur la Syrie, cela a obligé à trouver un compromis politique et aboutit à la résolution sur la destruction des armes chimiques syriennes ce qui était un élément de blocage international depuis vingt ans !
Aujourd'hui, il faut déboucher sur des solutions politiques (...) sous l'égide des Nations unies, notamment par le biais de conférences internationales : elles impliqueraient des mesures de démilitarisation, de protection des populations, d'implication de tous les acteurs locaux (en Syrie avec tous les acteurs, y compris gouvernementaux mais hors Daesh : (...). Le passage obligatoire par l'ONU empêcherait les déclarations péremptoires, à la limite de l'arrogance de chefs d'État, décidant qui est légitime ou non comme représentants d'un peuple, comme cela a été malheureusement fait pour la Libye et la Syrie, par les deux Présidents français".
Un an après, ces constatations restent valables. Veut-on laisser se créer un monde de pôles de puissance rivalisant entre eux, au risque d'une véritable "der des der" nucléaire, ou veut-on construire un monde multilatéral, assis sur le droit international, les coopérations mutuelles, la participation grandissante des citoyens de la planète, comme nous y convie le déploiement des moyens d'information et de connaissance ? Là reste la question centrale.
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vendredi 16 octobre 2015
Culture de paix : 20 ans déjà...
C'est en 1995, il y a vingt ans, que la Conférence générale de l'UNESCO décidait de faire de la culture de paix sa priorité pour les années 1995-2001. Trois ans plus tard, le 13 septembre 1999 l'Assemblée générale des Nations unies adoptait une "Déclaration et un programme pour la culture de paix" autour de huit objectifs :
- le renforcement d'une culture de la paix par l'éducation,
-la promotion d'un développement durable sur les plans économique et social
- la promotion du respect de tous les droits de l'homme
- les mesures visant à assurer l'égalité entre les femmes et les hommes,
- les mesures visant à favoriser la participation à la vie démocratique
- les mesures visant à développer la compréhension, la tolérance et la solidarité
- les mesures visant à soutenir la communication participative et la libre circulation de l'information et des connaissances
- les mesures visant à promouvoir la paix et la sécurité internationales ».
20 ans après son adoption officielle par l'UNESCO, on peut faire trois séries de réflexions très schématiques sur le sens de l'apparition de ce concept, les problèmes posés pour sa mise en œuvre et sur le « et maintenant » ?
Premièrement, il faut bien voir que le développement puis l'officialisation du concept de Culture de paix constitue un changement de paradigme, une rupture historique avec la conception de la paix avant la fin de la guerre froide. Cette période avait été marquée à la fois par la « théorie des deux camps » issue du soviétique Jdanov (il y a le « camp de la guerre » et le « camp de la paix », les analyses sur l'« impérialisme fauteur de guerre », la conception que la paix est une simple « suspension de la guerre ». Il en découlait une lutte pour la paix ou plutôt contre la guerre tirée vers le haut et les affrontements des états, une lutte où les acteurs (et les victimes) sont en bas et les décideurs en haut. En même temps, il ne faut pas rejeter des aspects très positifs : cette lutte pour la paix a permis d'éviter la catastrophe de la guerre nucléaire en 1950 avec l'Appel de Stockholm, elle s'est traduite par le développement et le succès de la lutte pour décolonisation et l'indépendance des peuples, elle a participé enfin au développement historique, trop largement sous-estimé à mon avis, de « l'arbre à palabres » mondial unique qu'est l'Organisation des Nations Unies, phénomène historique extraordinaire, devant lequel on devrait s'émerveiller chaque matin en se levant.
La rupture historique qui intervient avec l'adoption du concept de culture de paix, c'est que la paix est considérée non plus comme un « état » (être ou ne pas être en paix) mais comme une « culture » c'est-à-dire comme une civilisation donc comme une construction vivante : il y a exigence d'absence de guerre, de disparition de la menace militaire et de désarmement, mais aussi de progrès du niveau de vie, du développement de l'emploi et de l'accomplissement personnel, de l'éducation, de la participation et de la démocratie. On assiste donc à un double basculement : d'un statut passif (un "état") à un statut actif (une "culture"), à un recentrage vers l'humain et plus seulement vers les états, les gouvernements. Enfin, en parlant de culture, on parle d'humains pour la porter : l'homme devient à la fois acteur et sujet, on passe du « vous devez faire » à « nous devons (ou pouvons) le faire » (« Yes, we can » !).
Deuxièmement, il faut reconnaître que le développement et la mise en œuvre de la culture de paix s'est avéré, s'avère et s'avérera forcément complexe, difficile et ce, d'abord pour les organisations de paix.
Il est parsemé d'écueils : d'abord, il ne peut pas se traduire par un émiettement, une dilution de la lutte pour la paix dans les différents domaines dont on dit qu'ils sont constitutifs de la culture de paix, mais au contraire, par un « aiguisement » de la visée d'une société de paix, de sa nécessaire présence au sein des différentes revendications portées dans tous ces domaines. En bref, l'enjeu, me semble-t-il, pour le « mouvement de paix », n'est pas de courir sur « tout ce qui bouge » (réfugiés, réchauffement climatique, kurdes, etc...) pour simplement s'y raccrocher ou le soutenir. À l'inverse, l'enjeu est de travailler à une « hégémonie de la culture de paix » (au sens gramscien) sur tous les problèmes du monde, sur toutes les démarches actives. L'enjeu est de faire comprendre à chacun que son action dans son domaine contribue à la construction d'un monde de paix : on mesure la difficulté.
Cela explique des progrès diffus partout du concept de culture de paix, se traduisant de façon brouillonne, parfois au niveau des bons sentiments et de la proclamation de foi ânonnée et inefficace.
Cela s'accompagne aussi d'un piétinement idéologique et de la tentation de revenir aux vieilles analyses du coupable, de la théorie « des deux camps ».
Cela conduit, par exemple, à lutter plus contre « Israël » et pas assez sur les luttes convergentes pour la coexistence de deux états indépendants,
à critiquer exclusivement les « USA impérialistes » ou « Hollande va-t-en-guerre » en Syrie et moins travailler aux conditions politiques du règlement du problème syrien, à la protection des réfugiés sur place, au retour des Nations unies comme cœur du règlement politique de la crise.
De la même manière au niveau étatique, des dirigeants politiques occidentaux se dressent contre la Russie "menaçante" et l'aventurisme poutinien, contre l'Iran "antisémite" pour défendre d'illusoires intérêts de puissance, au lieu de travailler à l'intégration systématique des puissances régionales concernées dans le règlement des conflits en-cours.
Cette difficulté dans la mise en œuvre de cette conception de la culture de paix, à y intégrer les citoyens dans des actions qui rassemblent et non qui divisent, est aggravée par un contexte international incertain et changeant.
C'est un troisième point. Pour poursuivre et approfondir la promotion de la culture de paix, il est nécessaire de se dégager de l'actualité et ses contingences, de prendre du recul historique : il faut voir que nous sommes dans une période de transition historique du système international : dangereuse, avec des hauts et des bas, des contradictions mais qui n'est pas « pire » que les décennies précédentes, au contraire.
Il serait dramatique de céder à des analyses catastrophiques erronées qui conduiraient les acteurs de paix soit à se replier ou se rétrécir, voire se radicaliser devant ce monde qui deviendrait "horrible", soit à se réfugier dans de simples proclamations de principe inefficaces.
L'enjeu reste de continuer à penser en terme de « transformation de civilisation » ce qui est un défi politique, social qui nécessite de travailler sur des objectifs clairs, qui dénoncent l'état de chose existant mais qui surtout rassemblent et non divisent.
Pour cela, il faut continuer de s'appuyer sur les transformations du monde. Celles-ci portent notamment sur l'essor de l'information, notamment au travers d'internet, des communications (voir le rôle des smartphones pour les réfugiés aujourd'hui) et des réseaux télévisés, donc des connaissances, et sur le désir de participation collaborative et consultation qui grandit.
En conclusion, voyons bien que toutes les transformations du monde donnent plus de latitude d'action aux individus et s'inscrivent donc au cœur du concept de la culture de paix. C'est un formidable potentiel d'espoir !
- le renforcement d'une culture de la paix par l'éducation,
-la promotion d'un développement durable sur les plans économique et social
- la promotion du respect de tous les droits de l'homme
- les mesures visant à assurer l'égalité entre les femmes et les hommes,
- les mesures visant à favoriser la participation à la vie démocratique
- les mesures visant à développer la compréhension, la tolérance et la solidarité
- les mesures visant à soutenir la communication participative et la libre circulation de l'information et des connaissances
- les mesures visant à promouvoir la paix et la sécurité internationales ».
20 ans après son adoption officielle par l'UNESCO, on peut faire trois séries de réflexions très schématiques sur le sens de l'apparition de ce concept, les problèmes posés pour sa mise en œuvre et sur le « et maintenant » ?
Premièrement, il faut bien voir que le développement puis l'officialisation du concept de Culture de paix constitue un changement de paradigme, une rupture historique avec la conception de la paix avant la fin de la guerre froide. Cette période avait été marquée à la fois par la « théorie des deux camps » issue du soviétique Jdanov (il y a le « camp de la guerre » et le « camp de la paix », les analyses sur l'« impérialisme fauteur de guerre », la conception que la paix est une simple « suspension de la guerre ». Il en découlait une lutte pour la paix ou plutôt contre la guerre tirée vers le haut et les affrontements des états, une lutte où les acteurs (et les victimes) sont en bas et les décideurs en haut. En même temps, il ne faut pas rejeter des aspects très positifs : cette lutte pour la paix a permis d'éviter la catastrophe de la guerre nucléaire en 1950 avec l'Appel de Stockholm, elle s'est traduite par le développement et le succès de la lutte pour décolonisation et l'indépendance des peuples, elle a participé enfin au développement historique, trop largement sous-estimé à mon avis, de « l'arbre à palabres » mondial unique qu'est l'Organisation des Nations Unies, phénomène historique extraordinaire, devant lequel on devrait s'émerveiller chaque matin en se levant.
La rupture historique qui intervient avec l'adoption du concept de culture de paix, c'est que la paix est considérée non plus comme un « état » (être ou ne pas être en paix) mais comme une « culture » c'est-à-dire comme une civilisation donc comme une construction vivante : il y a exigence d'absence de guerre, de disparition de la menace militaire et de désarmement, mais aussi de progrès du niveau de vie, du développement de l'emploi et de l'accomplissement personnel, de l'éducation, de la participation et de la démocratie. On assiste donc à un double basculement : d'un statut passif (un "état") à un statut actif (une "culture"), à un recentrage vers l'humain et plus seulement vers les états, les gouvernements. Enfin, en parlant de culture, on parle d'humains pour la porter : l'homme devient à la fois acteur et sujet, on passe du « vous devez faire » à « nous devons (ou pouvons) le faire » (« Yes, we can » !).
Deuxièmement, il faut reconnaître que le développement et la mise en œuvre de la culture de paix s'est avéré, s'avère et s'avérera forcément complexe, difficile et ce, d'abord pour les organisations de paix.
Il est parsemé d'écueils : d'abord, il ne peut pas se traduire par un émiettement, une dilution de la lutte pour la paix dans les différents domaines dont on dit qu'ils sont constitutifs de la culture de paix, mais au contraire, par un « aiguisement » de la visée d'une société de paix, de sa nécessaire présence au sein des différentes revendications portées dans tous ces domaines. En bref, l'enjeu, me semble-t-il, pour le « mouvement de paix », n'est pas de courir sur « tout ce qui bouge » (réfugiés, réchauffement climatique, kurdes, etc...) pour simplement s'y raccrocher ou le soutenir. À l'inverse, l'enjeu est de travailler à une « hégémonie de la culture de paix » (au sens gramscien) sur tous les problèmes du monde, sur toutes les démarches actives. L'enjeu est de faire comprendre à chacun que son action dans son domaine contribue à la construction d'un monde de paix : on mesure la difficulté.
Cela explique des progrès diffus partout du concept de culture de paix, se traduisant de façon brouillonne, parfois au niveau des bons sentiments et de la proclamation de foi ânonnée et inefficace.
Cela s'accompagne aussi d'un piétinement idéologique et de la tentation de revenir aux vieilles analyses du coupable, de la théorie « des deux camps ».
Cela conduit, par exemple, à lutter plus contre « Israël » et pas assez sur les luttes convergentes pour la coexistence de deux états indépendants,
à critiquer exclusivement les « USA impérialistes » ou « Hollande va-t-en-guerre » en Syrie et moins travailler aux conditions politiques du règlement du problème syrien, à la protection des réfugiés sur place, au retour des Nations unies comme cœur du règlement politique de la crise.
De la même manière au niveau étatique, des dirigeants politiques occidentaux se dressent contre la Russie "menaçante" et l'aventurisme poutinien, contre l'Iran "antisémite" pour défendre d'illusoires intérêts de puissance, au lieu de travailler à l'intégration systématique des puissances régionales concernées dans le règlement des conflits en-cours.
Cette difficulté dans la mise en œuvre de cette conception de la culture de paix, à y intégrer les citoyens dans des actions qui rassemblent et non qui divisent, est aggravée par un contexte international incertain et changeant.
C'est un troisième point. Pour poursuivre et approfondir la promotion de la culture de paix, il est nécessaire de se dégager de l'actualité et ses contingences, de prendre du recul historique : il faut voir que nous sommes dans une période de transition historique du système international : dangereuse, avec des hauts et des bas, des contradictions mais qui n'est pas « pire » que les décennies précédentes, au contraire.
Il serait dramatique de céder à des analyses catastrophiques erronées qui conduiraient les acteurs de paix soit à se replier ou se rétrécir, voire se radicaliser devant ce monde qui deviendrait "horrible", soit à se réfugier dans de simples proclamations de principe inefficaces.
L'enjeu reste de continuer à penser en terme de « transformation de civilisation » ce qui est un défi politique, social qui nécessite de travailler sur des objectifs clairs, qui dénoncent l'état de chose existant mais qui surtout rassemblent et non divisent.
Pour cela, il faut continuer de s'appuyer sur les transformations du monde. Celles-ci portent notamment sur l'essor de l'information, notamment au travers d'internet, des communications (voir le rôle des smartphones pour les réfugiés aujourd'hui) et des réseaux télévisés, donc des connaissances, et sur le désir de participation collaborative et consultation qui grandit.
En conclusion, voyons bien que toutes les transformations du monde donnent plus de latitude d'action aux individus et s'inscrivent donc au cœur du concept de la culture de paix. C'est un formidable potentiel d'espoir !
lundi 28 septembre 2015
Nations unies : marre de l'ONU-"bashing" !
Les commentaires en ces temps de 70e anniversaire de la création des Nations unies : adoption de sa Charte, établissement des différentes structures (Assemblée générale, Conseil de sécurité), des multiples offices (Unesco, Fao, Oms, etc..) ne sont pas à la hauteur de l'événement. Spécialistes et hommes politiques détaillent les multiples défauts, échecs partiels, regrets en omettant de souligner l'extraordinaire exploit qu'a représenté le rassemblement de tous les peuples de la planète sous le même "arbre à palabres".
Alors, ne mégotons pas, foin de ceux qui jouent "petit bras", allons à l'essentiel !
70 ans après leur création, oui, les Nations unies ont un bilan positif et même exceptionnel. Elles ont permis pour la première fois, la coexistence et la collaboration de tous les États de la terre, l'émergence et le développement des droits humains, le début d'une prise de conscience du "village global".
Parler des Nations unies en 2015, de leur rôle, c'est évoquer d'abord les énormes changements intervenus dans le monde depuis 70 ans : 193 états au lieu de 35, la mondialisation et la multiplication des échanges économiques, l'extraordinaire révolution des moyens de communication (internet, téléphone portable) qui a aboli le temps donc relativisé l'espace, les frontières. Nous sommes sortis du monde statique des états de l'avant-guerre à un monde plus complexe, où à côté des états, des nouveaux acteurs jouent un rôle grandissant, qui ne connaissent pas ou moins les frontières (ONGs, médias, entreprises multinationales, mafias et réseaux divers, extrémistes parfois).
Les Nations unies ne se réduisent pas seulement à un texte fondateur, sa Charte, d'une potentialité extraordinaire, mais l'ensemble de la structure onusienne a produit et produit en permanence de nouvelles coopérations entre les humains qui peuple cette planète. C'est cet ensemble : Charte et structures, qui a changé la manière de considérer le monde de la part des peuples, un monde où personne ne peut, aujourd'hui regarder son destin sans penser qu'il est tributaire de 192 autres peuples !
L'ONU est devenue productrice d'un nouveau « lien social » planétaire, sans lequel des dizaines d'états risqueraient de s'effondrer. Elle conforte ainsi la base de la sécurité commune, en témoigne la multiplication des opérations de maintien de la paix et l'extension des buts de ces missions, devenus de plus en plus globaux.
Parallèlement, l'ONU est devenue le creuset de la démilitarisation du monde par la diversité des traités de désarmement existants. Ceux-ci constituent une base essentielle du droit international, par les mesures de vérification et parfois de sanction qu'ils contiennent et qui sont essentiels pour développer la confiance et la sécurité commune. Demain, même les armes nucléaires seront inévitablement englobées dans des traités de contrôle voire d'interdiction.
Enfin, les Nations unies sont le creuset d'une nécessaire Culture de la paix. Leur action a été essentielle dans la naissance et l'évolution du concept.
Il n'est évidemment pas question de se satisfaire d'un bilan qui, même s'il est bon, comporte encore tellement de drames et de problèmes à résoudre ! Mais il faut savoir "décoller le nez de la fenêtre" pour ne pas se laisser décourager par l'actualité immédiate.
Pour un monde encore meilleur, oui, nous avons besoin de plus d'ONU et de « mieux » d'ONU.
N'ayons pas peur d'affirmer que, plus jeunes que jamais, les Nations unies sont l'avenir du « vivre ensemble » planétaire
Cela implique de travailler à inverser la prédominance des états au profit du renforcement des institutions multilatérales, du droit international et de la démocratie. Cela signifie de placer encore plus les Nations unies au centre des relations mondiales en renforçant les moyens donnés aux interventions onusiennes sous tous leurs aspects.
Cela nécessite des réformes institutionnelles pour intégrer le Fonds monétaire international et la Banque mondiale dans les règles et la transparence du système onusien, des réformes pour la transparence des règles commerciales édictées par l'OMC (Organisation mondiale du commerce).
Demain, les Nations unies peuvent être au coeur d'une mondialisation juste et pacifiée, d'une gouvernance mondiale pour la liberté, la paix et la justice, permettant l'épanouissement de tous les humains sur la terre
Dans ce but, il faut évidemment tenir compte des mutations des dernières décennies en procédant à un "rééquilibrage du monde". Le premier d'entre eux consiste à donner un poids plus grands aux pays émergents au Conseil de sécurité en élargissant le nombre de membres permanents. Il est nécessaire de limiter drastiquement, dès maintenant, le droit de veto des membres permanents aux seules questions existentielles de la planète et de renforcer le rôle de l'Assemblée générale.
Le second rééquilibrage est un droit de consultation systématique, sous des formes à imaginer, des citoyens et de l'opinion publique par le biais des ONGs, des élus nationaux lors des grandes décisions internationales.
Les citoyens du monde seront décisifs pour réussir ces nouveaux défis. C'est possible car l'efficacité de leur intervention se démultiplie grâce aux mutations du monde tant dans l'information, qu'avec les nouvelles technologies.
Il est temps que l'avenir des Nations unies redevienne un objet politique actif, qu'il sorte du camp des « rêveurs » et soit réapproprié par tous les progressistes comme thème central des alternatives.
Alors, ne mégotons pas, foin de ceux qui jouent "petit bras", allons à l'essentiel !
70 ans après leur création, oui, les Nations unies ont un bilan positif et même exceptionnel. Elles ont permis pour la première fois, la coexistence et la collaboration de tous les États de la terre, l'émergence et le développement des droits humains, le début d'une prise de conscience du "village global".
Parler des Nations unies en 2015, de leur rôle, c'est évoquer d'abord les énormes changements intervenus dans le monde depuis 70 ans : 193 états au lieu de 35, la mondialisation et la multiplication des échanges économiques, l'extraordinaire révolution des moyens de communication (internet, téléphone portable) qui a aboli le temps donc relativisé l'espace, les frontières. Nous sommes sortis du monde statique des états de l'avant-guerre à un monde plus complexe, où à côté des états, des nouveaux acteurs jouent un rôle grandissant, qui ne connaissent pas ou moins les frontières (ONGs, médias, entreprises multinationales, mafias et réseaux divers, extrémistes parfois).
Les Nations unies ne se réduisent pas seulement à un texte fondateur, sa Charte, d'une potentialité extraordinaire, mais l'ensemble de la structure onusienne a produit et produit en permanence de nouvelles coopérations entre les humains qui peuple cette planète. C'est cet ensemble : Charte et structures, qui a changé la manière de considérer le monde de la part des peuples, un monde où personne ne peut, aujourd'hui regarder son destin sans penser qu'il est tributaire de 192 autres peuples !
L'ONU est devenue productrice d'un nouveau « lien social » planétaire, sans lequel des dizaines d'états risqueraient de s'effondrer. Elle conforte ainsi la base de la sécurité commune, en témoigne la multiplication des opérations de maintien de la paix et l'extension des buts de ces missions, devenus de plus en plus globaux.
Parallèlement, l'ONU est devenue le creuset de la démilitarisation du monde par la diversité des traités de désarmement existants. Ceux-ci constituent une base essentielle du droit international, par les mesures de vérification et parfois de sanction qu'ils contiennent et qui sont essentiels pour développer la confiance et la sécurité commune. Demain, même les armes nucléaires seront inévitablement englobées dans des traités de contrôle voire d'interdiction.
Enfin, les Nations unies sont le creuset d'une nécessaire Culture de la paix. Leur action a été essentielle dans la naissance et l'évolution du concept.
Il n'est évidemment pas question de se satisfaire d'un bilan qui, même s'il est bon, comporte encore tellement de drames et de problèmes à résoudre ! Mais il faut savoir "décoller le nez de la fenêtre" pour ne pas se laisser décourager par l'actualité immédiate.
Pour un monde encore meilleur, oui, nous avons besoin de plus d'ONU et de « mieux » d'ONU.
N'ayons pas peur d'affirmer que, plus jeunes que jamais, les Nations unies sont l'avenir du « vivre ensemble » planétaire
Cela implique de travailler à inverser la prédominance des états au profit du renforcement des institutions multilatérales, du droit international et de la démocratie. Cela signifie de placer encore plus les Nations unies au centre des relations mondiales en renforçant les moyens donnés aux interventions onusiennes sous tous leurs aspects.
Cela nécessite des réformes institutionnelles pour intégrer le Fonds monétaire international et la Banque mondiale dans les règles et la transparence du système onusien, des réformes pour la transparence des règles commerciales édictées par l'OMC (Organisation mondiale du commerce).
Demain, les Nations unies peuvent être au coeur d'une mondialisation juste et pacifiée, d'une gouvernance mondiale pour la liberté, la paix et la justice, permettant l'épanouissement de tous les humains sur la terre
Dans ce but, il faut évidemment tenir compte des mutations des dernières décennies en procédant à un "rééquilibrage du monde". Le premier d'entre eux consiste à donner un poids plus grands aux pays émergents au Conseil de sécurité en élargissant le nombre de membres permanents. Il est nécessaire de limiter drastiquement, dès maintenant, le droit de veto des membres permanents aux seules questions existentielles de la planète et de renforcer le rôle de l'Assemblée générale.
Le second rééquilibrage est un droit de consultation systématique, sous des formes à imaginer, des citoyens et de l'opinion publique par le biais des ONGs, des élus nationaux lors des grandes décisions internationales.
Les citoyens du monde seront décisifs pour réussir ces nouveaux défis. C'est possible car l'efficacité de leur intervention se démultiplie grâce aux mutations du monde tant dans l'information, qu'avec les nouvelles technologies.
Il est temps que l'avenir des Nations unies redevienne un objet politique actif, qu'il sorte du camp des « rêveurs » et soit réapproprié par tous les progressistes comme thème central des alternatives.
vendredi 5 juin 2015
Nucléaire encore... toujours ? (3) - Vers un "surpassement" du TNP ?
La Conférence internationale chargée d'examiner le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires s'est déroulée du 27 avril au 22 mai 2015 au siège de l'ONU à New York. Depuis l'entrée en vigueur du Traité en 1970, des conférences semblables se sont tenues tous les cinq ans afin d'en examiner le fonctionnement. Celle-ci s'est terminée sans qu'un texte final n'ait été adopté comme ce fut le cas en 2000 et 2005.
Le prétexte officiel en a été le refus de Washington, Londres et Ottawa qui ont indiqué qu'ils s'opposaient à une partie du projet de document final. Celui-ci fixait au 1er mars 2016 la date limite pour convoquer une conférence sur la création d'une zone exempte d'armes nucléaires au Proche-Orient et chargeait le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon de faire progresser cette initiative lancée en 1995.
Pourtant, en 2010, le texte final, adopté alors par consensus, prévoyait qu'une réunion devait se tenir à Helsinki en 2012 pour parler du projet de zone dénucléarisée au Proche-Orient. Mais elle n'a jamais pu avoir lieu, en raison notamment des réticences d'Israël.
Si cette question de la dénucléarisation du Moyen-Orient a été la raison officielle des désaccords, la conférence de 2015 a révélé sur le fond la situation dégradée du TNP (Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires).
Alors que la Conférence de 2010 avait adopté un document comportant trois plans d'actions sur les trois piliers du TNP, plus, une sorte de quatrième plan d'action, même s'il n'est pas nommé ainsi, établissant une série de recommandations pour établir une zone exempte d'armes nucléaires et de destruction massive au Moyen-Orient (voir analyse sur ce blog : http://culturedepaix.blogspot.fr/2010_05_01_archive.html). Depuis cette date, les puissances nucléaires ont poursuivi la modernisation de leur arsenal nucléaire, la coopération entre États-Unis et Russie est au point mort depuis la crise ukrainienne, la Conférence prévue sur le Moyen-Orient n'a pas eu lieu, aucun accord n'a encore officiellement été trouvé sur le programme nucléaire iranien, la Corée du Nord a poursuivi ses essais nucléaires, des rumeurs d'achats possibles d'armes nucléaires au Pakistan par Daesch ou l'Arabie saoudite circulent.
Cette dégradation de la situation a été relevée d'ailleurs le 27 avril, à l'ouverture de la conférence, par le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon.
Notons que, depuis deux ans, une campagne s'est développée, à l'initiative de plusieurs États dont l'Autriche, des ONGs comme le réseau ICAN (Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires) pour remettre la question de l'interdiction des armes nucléaires sur un terrain fondamental : celui des conséquences d'une explosion ou d'un conflit nucléaire sur l'humanité.
Dans ce contexte, l'échec de la Conférence du TNP a montré une sorte de crainte des puissances nucléaires officielles, les "P5", devant un processus qui sortirait des débats classiques sur la sécurité et la dissuasion. Cela a conduit à l'élaboration d'un projet de texte dans les couloirs dont les formulations étaient nettement en retrait sur 2010 (voir les analyses du site Reaching Critical Will : http://www.reachingcriticalwill.org/disarmament-fora/npt/2015/nir/10049-final-edition-vol-13-no-17). Les États-Unis, dont la priorité manifeste est la réussite d'un accord avec l'Iran sur son programme nucléaire, ont préféré faire capoter la conférence pour ne pas mécontenter davantage leur allié israëlien (dont il faut noter qu'il assistait pour la première fois, en tant qu'observateur à cette Conférence du TNP, Israël étant un des seuls pays avec l'Inde et le Pakistan à ne pas être État-partie). Le paradoxe fut donc que le lobbying d'un état, non-signataire comme Israël, a abouti au rejet par les USA, le Royaume-Uni et le Canada du texte pour empêcher la tenue d'une Conférence sur la dénucléarisation du Moyen-Orient !
À noter quand même un autre paradoxe, positif celui-ci, que fut la présence à cette Conférence pour la première fois mais en tant qu'État-partie, donc signataire, de la République de Palestine !
Comme l'a relevé Kingston Reif, directeur du désarmement pour l'ONG spécialisée Arms Control Association, cet échec "va probablement accroître la frustration croissante des pays non dotés de l'arme nucléaire devant le peu d'empressement des pays dotés à désarmer" (AFP du 23/05/2015).
L'ambiance "plombée" de cette Conférence s'est traduit par un renforcement du nombre de pays impliqués dans un processus de recherche de l'interdiction des armes nucléaires au regard du droit humanitaire. Lors d'une Conférence tenue à Vienne en décembre 2014, l'Autriche avait proposé un texte en ce sens. Ce texte, désormais appelé "Engagement humanitaire", a été soutenu par 107 pays pendant la Conférence du TNP de New-York.
"Quelque soit le résultat de cette 9éme conférence d’Examen du TNP, l'Engagement humanitaire doit être à la base des négociations d'un nouveau traité visant à interdire les armes nucléaires", a déclaré Béatrice Fihn, Directrice exécutive du réseau international d'ONGs, ICAN. "Il s’est révélé évident que les États dotés d'armes nucléaires ne sont pas résolus à prendre de nouveaux engagements en faveur du désarmement, alors c’est au reste du monde de commencer un processus pour interdire les armes nucléaires à l’occasion du 70e anniversaire des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki."
Les 107 états vont-ils, comme le souhaitent les ONGs, décider de lancer un processus pour l'interdiction des armes nucléaires, parallèle aux circuits diplomatiques classiques (Conférence du désarmement, Conférences du TNP), imitant ainsi les processus d'Ottawa (sur les mines antipersonnel) ou d'Oslo (sous-munitions) ? Nous le verrons peut-être, lors des cérémonies commémoratives des bombardements Hiroshima en août prochain. Ce serait un événement considérable.
Le prétexte officiel en a été le refus de Washington, Londres et Ottawa qui ont indiqué qu'ils s'opposaient à une partie du projet de document final. Celui-ci fixait au 1er mars 2016 la date limite pour convoquer une conférence sur la création d'une zone exempte d'armes nucléaires au Proche-Orient et chargeait le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon de faire progresser cette initiative lancée en 1995.
Pourtant, en 2010, le texte final, adopté alors par consensus, prévoyait qu'une réunion devait se tenir à Helsinki en 2012 pour parler du projet de zone dénucléarisée au Proche-Orient. Mais elle n'a jamais pu avoir lieu, en raison notamment des réticences d'Israël.
Si cette question de la dénucléarisation du Moyen-Orient a été la raison officielle des désaccords, la conférence de 2015 a révélé sur le fond la situation dégradée du TNP (Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires).
Alors que la Conférence de 2010 avait adopté un document comportant trois plans d'actions sur les trois piliers du TNP, plus, une sorte de quatrième plan d'action, même s'il n'est pas nommé ainsi, établissant une série de recommandations pour établir une zone exempte d'armes nucléaires et de destruction massive au Moyen-Orient (voir analyse sur ce blog : http://culturedepaix.blogspot.fr/2010_05_01_archive.html). Depuis cette date, les puissances nucléaires ont poursuivi la modernisation de leur arsenal nucléaire, la coopération entre États-Unis et Russie est au point mort depuis la crise ukrainienne, la Conférence prévue sur le Moyen-Orient n'a pas eu lieu, aucun accord n'a encore officiellement été trouvé sur le programme nucléaire iranien, la Corée du Nord a poursuivi ses essais nucléaires, des rumeurs d'achats possibles d'armes nucléaires au Pakistan par Daesch ou l'Arabie saoudite circulent.
Cette dégradation de la situation a été relevée d'ailleurs le 27 avril, à l'ouverture de la conférence, par le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon.
Notons que, depuis deux ans, une campagne s'est développée, à l'initiative de plusieurs États dont l'Autriche, des ONGs comme le réseau ICAN (Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires) pour remettre la question de l'interdiction des armes nucléaires sur un terrain fondamental : celui des conséquences d'une explosion ou d'un conflit nucléaire sur l'humanité.
Dans ce contexte, l'échec de la Conférence du TNP a montré une sorte de crainte des puissances nucléaires officielles, les "P5", devant un processus qui sortirait des débats classiques sur la sécurité et la dissuasion. Cela a conduit à l'élaboration d'un projet de texte dans les couloirs dont les formulations étaient nettement en retrait sur 2010 (voir les analyses du site Reaching Critical Will : http://www.reachingcriticalwill.org/disarmament-fora/npt/2015/nir/10049-final-edition-vol-13-no-17). Les États-Unis, dont la priorité manifeste est la réussite d'un accord avec l'Iran sur son programme nucléaire, ont préféré faire capoter la conférence pour ne pas mécontenter davantage leur allié israëlien (dont il faut noter qu'il assistait pour la première fois, en tant qu'observateur à cette Conférence du TNP, Israël étant un des seuls pays avec l'Inde et le Pakistan à ne pas être État-partie). Le paradoxe fut donc que le lobbying d'un état, non-signataire comme Israël, a abouti au rejet par les USA, le Royaume-Uni et le Canada du texte pour empêcher la tenue d'une Conférence sur la dénucléarisation du Moyen-Orient !
À noter quand même un autre paradoxe, positif celui-ci, que fut la présence à cette Conférence pour la première fois mais en tant qu'État-partie, donc signataire, de la République de Palestine !
Comme l'a relevé Kingston Reif, directeur du désarmement pour l'ONG spécialisée Arms Control Association, cet échec "va probablement accroître la frustration croissante des pays non dotés de l'arme nucléaire devant le peu d'empressement des pays dotés à désarmer" (AFP du 23/05/2015).
L'ambiance "plombée" de cette Conférence s'est traduit par un renforcement du nombre de pays impliqués dans un processus de recherche de l'interdiction des armes nucléaires au regard du droit humanitaire. Lors d'une Conférence tenue à Vienne en décembre 2014, l'Autriche avait proposé un texte en ce sens. Ce texte, désormais appelé "Engagement humanitaire", a été soutenu par 107 pays pendant la Conférence du TNP de New-York.
"Quelque soit le résultat de cette 9éme conférence d’Examen du TNP, l'Engagement humanitaire doit être à la base des négociations d'un nouveau traité visant à interdire les armes nucléaires", a déclaré Béatrice Fihn, Directrice exécutive du réseau international d'ONGs, ICAN. "Il s’est révélé évident que les États dotés d'armes nucléaires ne sont pas résolus à prendre de nouveaux engagements en faveur du désarmement, alors c’est au reste du monde de commencer un processus pour interdire les armes nucléaires à l’occasion du 70e anniversaire des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki."
Les 107 états vont-ils, comme le souhaitent les ONGs, décider de lancer un processus pour l'interdiction des armes nucléaires, parallèle aux circuits diplomatiques classiques (Conférence du désarmement, Conférences du TNP), imitant ainsi les processus d'Ottawa (sur les mines antipersonnel) ou d'Oslo (sous-munitions) ? Nous le verrons peut-être, lors des cérémonies commémoratives des bombardements Hiroshima en août prochain. Ce serait un événement considérable.
Nucléaire encore... toujours ? (5 et fin) - La dissuasion nucléaire vers l'obsolescence ?
La dissuasion nucléaire est un concept né pendant la guerre froide, lors de l'affrontement entre les "deux blocs" d'états antagonistes : ceux de l'ouest emmenés par les USA et ceux de l'est emmenés par l'URSS.
Elle reposait sur le schéma qu'entre deux puissances structurées et supposées "raisonnables", le sentiment de conservation et les intérêts de l'État empêchaient ceux-ci d'accepter une "destruction mutuelle assurée". Seule pendant la période maoïste, la Chine populaire sembla risquer d'échapper à ce schéma mental, lorsque certains dirigeants chinois assurèrent que, grâce à ses 600 millions d'habitants, elle pourrait toujours survivre à un holocauste nucléaire.
Ce concept a apparemment fonctionné et recueilli un quasi-consensus politique jusqu'en 1989 et la fin de la guerre froide.
45 ans sans guerre mondiale : "grâce à la dissuasion" dirent ses partisans, "malgré l'épée de Damoclès nucléaire", objectèrent les adversaires de la dissuasion. Il est vrai que pendant cette période, à plusieurs reprises, des incidents graves (fausses alertes d'attaques nucléaires), des tensions diplomatiques (crise des missiles de Cuba en 1962) faillirent provoquer l'embrasement.
Après la chute du mur de Berlin en 1989, une nouvelle période des relations internationales commença à prendre forme. En 1995, le TNP (Traité de non-prolifération des armes nucléaires), entré en vigueur en 1970, fut prorogé "indéfiniment".
Cette décision était extrêmement positive puisqu'elle impliquait un engagement de la communauté internationale à stopper l'extension du nombre des puissances nucléaires et qu'elle impliquait des efforts de la part des pays nucléaires pour aller vers le désarmement nucléaire. Très vite, un aspect pervers de cette prorogation indéfinie se fit jour : elle fut interprétée de fait comme un gel d'une situation inégalitaire entre États "dotés" (de l'arme nucléaire) et États "non-dotés". Dès lors, des puissances régionales comme l'Inde et le Pakistan lancèrent leur programme nucléaire, d'autres pays furent tentés par la possession d'armes nucléaires comme "protection ultime" après les interventions internationales contre l'Irak, la Serbie, etc... D'autant plus, que la communauté internationale, après l'arrestation du scientifique Vanunu en Israël apprit de manière claire que des puissances occidentales, dont la France, avaient aidé l'État hébreu à mettre sur pied un arsenal nucléaire.
Au tournant des années 2000, il est devenu évident aux yeux d'une partie importante de la communauté internationale : États non-nucléaires, ONGs que la rhétorique de la "dissuasion nucléaire" était devenue obsolète.
Elle reposait sur la notion d'États forts et stables : le mythe implosa après 1989. La désintégration de l'URSS après 1992 laissa quatre États en possession d'armes nucléaires : Russie, Ukraine, Bélarus et Kazakhstan. Il fallut des prouesses diplomatiques pour que le stock d'armes nucléaires soit regroupé sous contrôle dans la seule Russie. Au début des années 2000, l'extension du fanatisme taliban en Afghanistan et au Pakistan a pu laisser craindre que le contrôle de la centaine de missiles et d'ogives nucléaires pakistanais passe aux mains des sympathisants d'Oussama Ben Laden.
Aujourd'hui, les rumeurs et déclarations autour d'un possible achat d'armes nucléaires par les terroristes de Daesh, donc de gens fort éloignés de la notion de "raisonnables", au même Pakistan, même s'il s'agit essentiellement d'une intox médiatique, montrent que l'existence même d'armes nucléaires est un danger partout. Aucune nation nucléaire n'est à l'abri d'une destabilisation ou d'un "docteur Folamour". Quelle serait la base théorique d'une dissuasion française avec Marine Le Pen à la présidence de la République ?
La possession des armes nucléaires devient essentiellement un enjeu de représentation de puissance que les "possédants" cherchent à garder à tout prix en multipliant les opérations de communication ou de brouillage idéologique.
De fait, la réalité mondiale aujourd'hui des armes nucléaires est la suivante : les armes nucléaires restent la seule catégorie d'armes de destruction massive à ne pas relever d'un traité de désarmement et d'un régime juridique d'interdiction.
La notion de "dissuasion" est devenu obsolète comme nous l'avons vu, celle-ci ne sert en fait qu"à "légitimer" la possession d'une arme de destruction massive à l'encontre de toutes les pratiques reconnues par le droit international du désarmement et le droit humanitaire, visant à protéger les populations civiles.
La protection invoquée "d'intérêts vitaux" par les puissances nucléaires ne tient plus, car pourquoi un pays aurait-il le droit de protéger ses "intérêts vitaux" par l'arme nucléaire et pas un autre pays ?
C'est ce vide juridique et cette anomalie dans le droit international face à la nécessaire protection des populations en cas de déflagration nucléaire qui est pointé par les 107 pays qui soutiennent "l'engagement humanitaire" initié par l'Autriche.
Le processus d'interdiction de l'arme nucléaire, s'il est lancé effectivement cette année, en août, à Hiroshima, permettra certainement de poser le débat sur l'obsolescence du concept de dissuasion nucléaire d'une manière nouvelle. Il devra s'accompagner d'une réflexion approfondie sur les conditions renforcées de la sécurité commune et de la "dissuasion partagée".
Ce serait un bouleversement des approches classiques du désarmement nucléaire.
Elle reposait sur le schéma qu'entre deux puissances structurées et supposées "raisonnables", le sentiment de conservation et les intérêts de l'État empêchaient ceux-ci d'accepter une "destruction mutuelle assurée". Seule pendant la période maoïste, la Chine populaire sembla risquer d'échapper à ce schéma mental, lorsque certains dirigeants chinois assurèrent que, grâce à ses 600 millions d'habitants, elle pourrait toujours survivre à un holocauste nucléaire.
Ce concept a apparemment fonctionné et recueilli un quasi-consensus politique jusqu'en 1989 et la fin de la guerre froide.
45 ans sans guerre mondiale : "grâce à la dissuasion" dirent ses partisans, "malgré l'épée de Damoclès nucléaire", objectèrent les adversaires de la dissuasion. Il est vrai que pendant cette période, à plusieurs reprises, des incidents graves (fausses alertes d'attaques nucléaires), des tensions diplomatiques (crise des missiles de Cuba en 1962) faillirent provoquer l'embrasement.
Après la chute du mur de Berlin en 1989, une nouvelle période des relations internationales commença à prendre forme. En 1995, le TNP (Traité de non-prolifération des armes nucléaires), entré en vigueur en 1970, fut prorogé "indéfiniment".
Cette décision était extrêmement positive puisqu'elle impliquait un engagement de la communauté internationale à stopper l'extension du nombre des puissances nucléaires et qu'elle impliquait des efforts de la part des pays nucléaires pour aller vers le désarmement nucléaire. Très vite, un aspect pervers de cette prorogation indéfinie se fit jour : elle fut interprétée de fait comme un gel d'une situation inégalitaire entre États "dotés" (de l'arme nucléaire) et États "non-dotés". Dès lors, des puissances régionales comme l'Inde et le Pakistan lancèrent leur programme nucléaire, d'autres pays furent tentés par la possession d'armes nucléaires comme "protection ultime" après les interventions internationales contre l'Irak, la Serbie, etc... D'autant plus, que la communauté internationale, après l'arrestation du scientifique Vanunu en Israël apprit de manière claire que des puissances occidentales, dont la France, avaient aidé l'État hébreu à mettre sur pied un arsenal nucléaire.
Au tournant des années 2000, il est devenu évident aux yeux d'une partie importante de la communauté internationale : États non-nucléaires, ONGs que la rhétorique de la "dissuasion nucléaire" était devenue obsolète.
Elle reposait sur la notion d'États forts et stables : le mythe implosa après 1989. La désintégration de l'URSS après 1992 laissa quatre États en possession d'armes nucléaires : Russie, Ukraine, Bélarus et Kazakhstan. Il fallut des prouesses diplomatiques pour que le stock d'armes nucléaires soit regroupé sous contrôle dans la seule Russie. Au début des années 2000, l'extension du fanatisme taliban en Afghanistan et au Pakistan a pu laisser craindre que le contrôle de la centaine de missiles et d'ogives nucléaires pakistanais passe aux mains des sympathisants d'Oussama Ben Laden.
Aujourd'hui, les rumeurs et déclarations autour d'un possible achat d'armes nucléaires par les terroristes de Daesh, donc de gens fort éloignés de la notion de "raisonnables", au même Pakistan, même s'il s'agit essentiellement d'une intox médiatique, montrent que l'existence même d'armes nucléaires est un danger partout. Aucune nation nucléaire n'est à l'abri d'une destabilisation ou d'un "docteur Folamour". Quelle serait la base théorique d'une dissuasion française avec Marine Le Pen à la présidence de la République ?
La possession des armes nucléaires devient essentiellement un enjeu de représentation de puissance que les "possédants" cherchent à garder à tout prix en multipliant les opérations de communication ou de brouillage idéologique.
De fait, la réalité mondiale aujourd'hui des armes nucléaires est la suivante : les armes nucléaires restent la seule catégorie d'armes de destruction massive à ne pas relever d'un traité de désarmement et d'un régime juridique d'interdiction.
La notion de "dissuasion" est devenu obsolète comme nous l'avons vu, celle-ci ne sert en fait qu"à "légitimer" la possession d'une arme de destruction massive à l'encontre de toutes les pratiques reconnues par le droit international du désarmement et le droit humanitaire, visant à protéger les populations civiles.
La protection invoquée "d'intérêts vitaux" par les puissances nucléaires ne tient plus, car pourquoi un pays aurait-il le droit de protéger ses "intérêts vitaux" par l'arme nucléaire et pas un autre pays ?
C'est ce vide juridique et cette anomalie dans le droit international face à la nécessaire protection des populations en cas de déflagration nucléaire qui est pointé par les 107 pays qui soutiennent "l'engagement humanitaire" initié par l'Autriche.
Le processus d'interdiction de l'arme nucléaire, s'il est lancé effectivement cette année, en août, à Hiroshima, permettra certainement de poser le débat sur l'obsolescence du concept de dissuasion nucléaire d'une manière nouvelle. Il devra s'accompagner d'une réflexion approfondie sur les conditions renforcées de la sécurité commune et de la "dissuasion partagée".
Ce serait un bouleversement des approches classiques du désarmement nucléaire.
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Nucléaire encore... toujours ? (4) - Le Moyen-Orient, un jour dénucléarisé ?
Ainsi que je le rappelle dans mon article précédent, la réunion des pays signataires du Traité de non prolifération nucléaire (TNP) s'est terminée le 23 mai sur un échec, les Etats-Unis et leurs alliés rejetant une initiative arabe sur la création d'une zone exempte d'armes nucléaires au Proche-Orient. Pourtant en 2010, la déclaration finale de la conférence de suivi prévoyait qu'une réunion devait se tenir à Helsinki en 2012 pour parler de ce projet de zone dénucléarisée au Proche-Orient. Mais elle n'a jamais pu avoir lieu, en raison notamment des réticences d'Israël. L'Etat hébreu, crédité de quelque 200 ogives par des experts, n'a jamais reconnu officiellement disposer de la bombe.
Si les États-Unis ont voulu satisfaire Israël en "torpillant" la déclaration finale, c'est qu'ils souhaitent à l'évidence arriver à finaliser le pré-accord conclu avec l'Iran sur son programme nucléaire le 2 avril dernier à Lausanne et dont la date de conclusion définitive a été fixée au 30 juin.
Cet accord revêt pour les USA une importance stratégique capitale. Il devrait d'abord limiter sérieusement dans le futur les possibilités pour l'Iran d'arriver à la construction d'armes nucléaires.
Pour l'essentiel, cet accord devrait permettre que le nombre de centrifugeuses de l'Iran passe de 19.000, dont 10.200 en activité, à 6104 (une réduction de deux tiers). Sur les 6104, seules 5060 auront le droit de produire de l'uranium enrichi pendant 10 ans. Il s'agira de centrifugeuses de première génération. Téhéran réduirait son stock d'uranium faiblement enrichi (LEU) de 10.000 kg à 300 kg enrichi à 3,67% pendant 15 ans. L'Iran accepterait de ne pas enrichir d'uranium à plus de 3,67% pendant au moins 15 ans. Le matériel excédentaire serait entreposé sous surveillance de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) et ne pourrait servir qu'à des remplacements. Téhéran aurait accepté de ne pas construire de nouvelles installations d'enrichissement d'uranium pendant 15 ans.
Cet accord-cadre passé entre l'Iran et ses six interlocuteurs : France, Royaume-Uni, Russie, Chine, Allemagne), s'il est finalisé fin juin, pourrait devenir un événement historique et pourrait avoir des conséquences majeures dans la région. Comme l'écrit le journaliste René Backmann, sur le site Médiapart, il "met un terme à une hostilité réciproque de 35 ans entre les États-Unis et la République islamique. (...) Mais ce passé encombrant n’empêche plus désormais ni les échanges diplomatiques, ni une certaine forme – complexe, il faut l’admettre – de tolérance tactique réciproque sur le terrain. Ennemis en Syrie, où Téhéran tient le régime de Bachar al-Assad à bout de bras, grâce au Hezbollah et à son corps expéditionnaire de Gardiens de la révolution, tandis que Washington aide prudemment les adversaires du régime, les deux pays combattent de fait côte à côte en Irak, où les soldats et miliciens iraniens participent, comme les conseillers militaires et les aviateurs américains et occidentaux, à la bataille contre l’État islamique pour préserver ce qui peut l’être du régime de Bagdad".
Cet accord-cadre est loin d'être finalisé car il suscite de multiples oppositions : aux États-Unis même, où Henry Kissinger et George Shulz, deux anciens Secrétaires d’Etat américains, se sont montrés sceptiques dans une tribune conjointe publiée par le Wall Street Journal. En Israël, l'opposition du premier ministre, Netanyahou, s'est traduite par une intense activité de lobbying, pour tenter d’entraver les progrès des négociateurs vers un accord global ; campagne contre laquelle le président Obama a mené lui aussi une offensive médiatique soutenue, en conte-attaquant sur l'intransigeance de Netanyaho sur la question du processus de paix avec les Palestiniens : «Le danger est qu'Israël perde sa crédibilité. D'ores et déjà la communauté internationale ne croit pas qu'Israël soit sérieux à propos de la solution de deux États», a affirmé le président américain à une chaîne de télévision privée canadienne. Et interrogé sur le veto imposé par les États-Unis aux résolutions condamnant Israël à l'ONU, le président a affirmé que le maintien de cette politique allait être «difficile».
Parmi les pays arabes, les monarchies sunnites du Golfe, et au premier rang d'entre elles, l'Arabie saoudite, s'inquiètent du retour comme acteur politique de premier plan d'une puissance régionale de 80 millions d’habitants, dotée d'une puissance économique, aux richesses gazières et pétrolières de près de 100 milliards de dollars libérés par une éventuelle levée des sanctions.
Malgré ces craintes diverses, le président Barack Obama poursuit un projet plus vaste. Comme le relève le journaliste Thierry Coville, de Politis, celui-ci veut "trouver un accord sur le nucléaire pour pouvoir réintégrer l'Iran dans le jeu diplomatique. Pour le président américain, l'Iran peut jouer un rôle constructif en vue de sortir des crises au Yémen, en Irak et en Syrie".
La responsable de la diplomatie européenne Federica Mogherini, soutient également cet accord et a twitté aussitôt "Bonnes nouvelles". Le secrétaire général des Nations unies a lui aussi estimé qu'"une solution complète, négociée au problème du nucléaire iranien contribuera à la paix et à la stabilité dans la région et permettra à tous les pays de coopérer de manière urgente sur les nombreux et graves défis en matière de sécurité qu'ils doivent affronter".
Du côté français, Laurent Fabius n'a salué que timidement l'accord préliminaire sur le nucléaire iranien. Il a juste estimé que cet accord constituait une "avancée importante pour la sécurité et pour la paix". Cet accord "confirme le droit de l'Iran à l'énergie nucléaire civile, mais exclut de sa part tout accès à l'arme nucléaire", a ajouté le ministre, estimant que "Genève constituait une "première étape majeure". En fait, américains et iraniens se sont entendus en direct et la diplomatie française a été mise devant le fait accompli comme cela s’est passé lors du vote de la résolution de l’ONU consacrée à la Syrie, fin septembre.
L'enjeu maintenant, semble-t-il, est d'abord d'arriver à la finalisation de l'accord sur le nucléaire iranien mais en ayant conscience que tous les dossiers régionaux sont liés. Une solution régionale globale pour la dénucléarisation de tout le Proche-Orient est urgente. Malgré l'échec du texte final à la Conférence du TNP, les puissances nucléaires doivent respecter leur « engagement - pris en 2010 - en faveur de l’application intégrale de la résolution de 1995 sur le Moyen-Orient » prévoyant l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires (ZEAN) et autres armes de destruction massive.
La pression internationale doit y entraîner Israël car c'est dans cette perspective que réside sa meilleure garantie de sécurité. L'administration Obama semble, par ailleurs, multiplier les efforts diplomatiques pour peser sur Israël et aboutir à une solution pacifique avec les palestiniens, comme je l'ai écrit précédemment. De la même façon, la déclaration finale de la réunion des 22 États membres de la Coalition internationale anti-Daesh (plus les Nations unies et l’Union européenne), tenue le 2 juin 2015 à Paris, indique que les participants « ont rappelé leur souhait de préserver l’unité et la souveraineté de la Syrie et ont appelé au prompt lancement d’un véritable processus politique inclusif, sous les auspices des Nations Unies, en vue de mettre en œuvre les principes du communiqué de Genève – y compris la mise en place, par consentement mutuel, d’un organe de gouvernement transitoire doté de la plénitude du pouvoir exécutif. Ils ont affirmé que seule une transition politique permettra d’établir les conditions nécessaires pour renverser la vague d’extrémisme et de radicalisme engendrée par les abus du régime et de lutter efficacement contre toutes les organisations terroristes en Syrie, y compris Daech». Cette position confirme une entente entre USA et Russie. Cette position s'oppose d'ailleurs aux précédentes déclarations françaises jusqu'alors jusqu'au-boutistes qui subordonnaient le départ de Bachar el-Assad à tout démarrage de processus politique.
Ces évolutions montrent les contradictions existant dans les relations internationales qui ne peuvent qu'encourager l'opinion à essayer d'exercer des pressions en faveur de solutions politiques des crises internationales, en refusant les logiques de rapports de force et de dominations.
Si les États-Unis ont voulu satisfaire Israël en "torpillant" la déclaration finale, c'est qu'ils souhaitent à l'évidence arriver à finaliser le pré-accord conclu avec l'Iran sur son programme nucléaire le 2 avril dernier à Lausanne et dont la date de conclusion définitive a été fixée au 30 juin.
Cet accord revêt pour les USA une importance stratégique capitale. Il devrait d'abord limiter sérieusement dans le futur les possibilités pour l'Iran d'arriver à la construction d'armes nucléaires.
Pour l'essentiel, cet accord devrait permettre que le nombre de centrifugeuses de l'Iran passe de 19.000, dont 10.200 en activité, à 6104 (une réduction de deux tiers). Sur les 6104, seules 5060 auront le droit de produire de l'uranium enrichi pendant 10 ans. Il s'agira de centrifugeuses de première génération. Téhéran réduirait son stock d'uranium faiblement enrichi (LEU) de 10.000 kg à 300 kg enrichi à 3,67% pendant 15 ans. L'Iran accepterait de ne pas enrichir d'uranium à plus de 3,67% pendant au moins 15 ans. Le matériel excédentaire serait entreposé sous surveillance de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) et ne pourrait servir qu'à des remplacements. Téhéran aurait accepté de ne pas construire de nouvelles installations d'enrichissement d'uranium pendant 15 ans.
Cet accord-cadre passé entre l'Iran et ses six interlocuteurs : France, Royaume-Uni, Russie, Chine, Allemagne), s'il est finalisé fin juin, pourrait devenir un événement historique et pourrait avoir des conséquences majeures dans la région. Comme l'écrit le journaliste René Backmann, sur le site Médiapart, il "met un terme à une hostilité réciproque de 35 ans entre les États-Unis et la République islamique. (...) Mais ce passé encombrant n’empêche plus désormais ni les échanges diplomatiques, ni une certaine forme – complexe, il faut l’admettre – de tolérance tactique réciproque sur le terrain. Ennemis en Syrie, où Téhéran tient le régime de Bachar al-Assad à bout de bras, grâce au Hezbollah et à son corps expéditionnaire de Gardiens de la révolution, tandis que Washington aide prudemment les adversaires du régime, les deux pays combattent de fait côte à côte en Irak, où les soldats et miliciens iraniens participent, comme les conseillers militaires et les aviateurs américains et occidentaux, à la bataille contre l’État islamique pour préserver ce qui peut l’être du régime de Bagdad".
Cet accord-cadre est loin d'être finalisé car il suscite de multiples oppositions : aux États-Unis même, où Henry Kissinger et George Shulz, deux anciens Secrétaires d’Etat américains, se sont montrés sceptiques dans une tribune conjointe publiée par le Wall Street Journal. En Israël, l'opposition du premier ministre, Netanyahou, s'est traduite par une intense activité de lobbying, pour tenter d’entraver les progrès des négociateurs vers un accord global ; campagne contre laquelle le président Obama a mené lui aussi une offensive médiatique soutenue, en conte-attaquant sur l'intransigeance de Netanyaho sur la question du processus de paix avec les Palestiniens : «Le danger est qu'Israël perde sa crédibilité. D'ores et déjà la communauté internationale ne croit pas qu'Israël soit sérieux à propos de la solution de deux États», a affirmé le président américain à une chaîne de télévision privée canadienne. Et interrogé sur le veto imposé par les États-Unis aux résolutions condamnant Israël à l'ONU, le président a affirmé que le maintien de cette politique allait être «difficile».
Parmi les pays arabes, les monarchies sunnites du Golfe, et au premier rang d'entre elles, l'Arabie saoudite, s'inquiètent du retour comme acteur politique de premier plan d'une puissance régionale de 80 millions d’habitants, dotée d'une puissance économique, aux richesses gazières et pétrolières de près de 100 milliards de dollars libérés par une éventuelle levée des sanctions.
Malgré ces craintes diverses, le président Barack Obama poursuit un projet plus vaste. Comme le relève le journaliste Thierry Coville, de Politis, celui-ci veut "trouver un accord sur le nucléaire pour pouvoir réintégrer l'Iran dans le jeu diplomatique. Pour le président américain, l'Iran peut jouer un rôle constructif en vue de sortir des crises au Yémen, en Irak et en Syrie".
La responsable de la diplomatie européenne Federica Mogherini, soutient également cet accord et a twitté aussitôt "Bonnes nouvelles". Le secrétaire général des Nations unies a lui aussi estimé qu'"une solution complète, négociée au problème du nucléaire iranien contribuera à la paix et à la stabilité dans la région et permettra à tous les pays de coopérer de manière urgente sur les nombreux et graves défis en matière de sécurité qu'ils doivent affronter".
Du côté français, Laurent Fabius n'a salué que timidement l'accord préliminaire sur le nucléaire iranien. Il a juste estimé que cet accord constituait une "avancée importante pour la sécurité et pour la paix". Cet accord "confirme le droit de l'Iran à l'énergie nucléaire civile, mais exclut de sa part tout accès à l'arme nucléaire", a ajouté le ministre, estimant que "Genève constituait une "première étape majeure". En fait, américains et iraniens se sont entendus en direct et la diplomatie française a été mise devant le fait accompli comme cela s’est passé lors du vote de la résolution de l’ONU consacrée à la Syrie, fin septembre.
L'enjeu maintenant, semble-t-il, est d'abord d'arriver à la finalisation de l'accord sur le nucléaire iranien mais en ayant conscience que tous les dossiers régionaux sont liés. Une solution régionale globale pour la dénucléarisation de tout le Proche-Orient est urgente. Malgré l'échec du texte final à la Conférence du TNP, les puissances nucléaires doivent respecter leur « engagement - pris en 2010 - en faveur de l’application intégrale de la résolution de 1995 sur le Moyen-Orient » prévoyant l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires (ZEAN) et autres armes de destruction massive.
La pression internationale doit y entraîner Israël car c'est dans cette perspective que réside sa meilleure garantie de sécurité. L'administration Obama semble, par ailleurs, multiplier les efforts diplomatiques pour peser sur Israël et aboutir à une solution pacifique avec les palestiniens, comme je l'ai écrit précédemment. De la même façon, la déclaration finale de la réunion des 22 États membres de la Coalition internationale anti-Daesh (plus les Nations unies et l’Union européenne), tenue le 2 juin 2015 à Paris, indique que les participants « ont rappelé leur souhait de préserver l’unité et la souveraineté de la Syrie et ont appelé au prompt lancement d’un véritable processus politique inclusif, sous les auspices des Nations Unies, en vue de mettre en œuvre les principes du communiqué de Genève – y compris la mise en place, par consentement mutuel, d’un organe de gouvernement transitoire doté de la plénitude du pouvoir exécutif. Ils ont affirmé que seule une transition politique permettra d’établir les conditions nécessaires pour renverser la vague d’extrémisme et de radicalisme engendrée par les abus du régime et de lutter efficacement contre toutes les organisations terroristes en Syrie, y compris Daech». Cette position confirme une entente entre USA et Russie. Cette position s'oppose d'ailleurs aux précédentes déclarations françaises jusqu'alors jusqu'au-boutistes qui subordonnaient le départ de Bachar el-Assad à tout démarrage de processus politique.
Ces évolutions montrent les contradictions existant dans les relations internationales qui ne peuvent qu'encourager l'opinion à essayer d'exercer des pressions en faveur de solutions politiques des crises internationales, en refusant les logiques de rapports de force et de dominations.
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