Ce blog est dédié aux problématiques de la paix et du désarmement, des institutions internationales (ONU, OTAN), à la promotion d'une culture de la paix. Textes sous license Creative Commons by-nc-sa
samedi 31 décembre 2022
mardi 13 décembre 2022
Ukraine : quelle paix ? Quelle solidarité ? Soyons clairs !
Tout commentaire sur la guerre livrée actuellement par la Russie à l’Ukraine est superficiel s’il ne prend pas d’abord en compte l’état humanitaire catastrophique de l’Ukraine, les morts et blessés qui surviennent chaque jour, les conditions de vie quotidienne de la population qui s’aggravent avec l’installation d’un hiver très froid. La guerre est meurtrière puisqu’une estimation américaine parle de 200 000 morts ou blessés militaires, répartis moitié-moitié entre les deux camps et de 40 000 victimes civiles ukrainiennes1.
Du côté de la population russe, la situation n’est absolument pas comparable bien sûr, mais il faut prendre en compte aussi l’aggravation de la misère pour les couches les plus pauvres dues aux sanctions et surtout l’accentuation de la répression contre tous les opposants à la guerre, les adversaires de la mobilisation des réservistes. Ils sont des dizaines de milliers à avoir été arrêtés et détenus dans de mauvaises conditions. La guerre a des conséquences des deux côtés, près de 25 000 opposants ukrainiens ont été arrêtés depuis le début du conflit, douze partis d’opposition de gauche ont été interdits dont le parti communiste ukrainien (ses biens ont d’ailleurs été saisis)2. Même s’il est évident qu’il y a un agresseur, la Russie, et un agressé, l’Ukraine, il est totalement simpliste de parler de lutte du totalitarisme contre la démocratie et les enjeux de cette guerre sont ailleurs.
L’urgence est de sortir de cette impasse humanitaire : c’est une exigence éthique et morale. C’est celle qu’ont exprimée plusieurs personnalités notamment le pape François. « Les démocraties visent la paix, qui est beaucoup plus qu’une victoire car elle implique de guérir les causes mêmes qui ont conduit au conflit afin qu’il ne se reproduise pas », a écrit récemment dans le journal La Croix3, Mario Giro, un des responsables de la communauté San Egidio.
Agir pour la paix et l’arrêt des combats est d’autant plus nécessaire que la situation actuelle peut durer de longs mois : les forces sur le terrain se neutralisent. Les Ukrainiens n’avancent plus vraiment malgré le matériel moderne envoyé par les Américains et les Européens, Les Russes qui se sont installés dans une guerre d’usure commencent à faire venir du matériel plus moderne sur le terrain : ce serait le cas de leurs derniers chars d’assaut, les T-14 Armata4 qui démodent largement les chars Leclerc envoyés par la France.
De nombreux experts militaires estiment que si la guerre ne peut être gagnée militairement par une des parties, il faut trouver une issue négociée, une issue politique et diplomatique.
Cette constatation est partagée aujourd’hui, par exemple, par le chef d’état-major américain, le général Mac Kinley 5, le dernier en date à s’exprimer, étant le général de Villers6, ancien chef d’état-major français.
Il semble d’ailleurs que de petites évolutions aient lieu sur le plan diplomatique.
Le Président Biden se montre aujourd’hui plus modéré dans ses déclarations comme on a pu le constater lors de l’affaire du missile, finalement ukrainien, retombé sur le sol polonais. Le président Macron a reconnu à Rome qu'une paix était "possible" en Ukraine quand les Ukrainiens "le décideront" et de rappeler que "La paix se bâtira avec l'autre, qui est l'ennemi d'aujourd'hui, autour d'une table"7. Il faudra « au final trouver un accord » pour mettre fin au conflit en Ukraine, a dit Vladimir Poutine, ce vendredi 9 décembre.
Une évidence progresse : celle que tout conflit a une issue politique, et se termine par un accord diplomatique qui est toujours un compromis : l’enjeu étant qu’il soit le plus évolutif possible, sans entériner définitivement des situations injustes sur le plan du droit international.
Mais il faut parler clair et distinguer deux processus à la démarche et au rythme distinct. Le premier vise à l’arrêt des combats, des accords parfois partiels et temporaires autour de celui-ci (cessez-le-feu temporaires ou définitifs, couloirs humanitaires, échanges de prisonniers, mesures d’aides à la population civile en terme de nourriture, d’accès aux soins, au chauffage, etc.), c’est-à-dire la « paix du moment ». C’est le moment de paix indispensable pour arrêter les souffrances civiles et répondre aux urgences et nécessités humanitaires. C’est en énumérant ces tâches que l’on voit mieux la nécessité de redonner à l’ONU et à ses diplomates la place de premier plan qui leur revient, car ce sont eux, les experts, capables de fournir une approche humanitaire globale et impartiale8.
Ces canaux de discussion ouverts (certains semblent commencer de l’être aujourd’hui, notamment semble-t-il au niveau des Nations unies et par la diplomatie du Vatican)) facilitent le développement d’un processus de discussion pour des accords politiques de fond, qui seront la base d’accords diplomatiques de plus longue durée, préparant une paix plus solide, voire même aider à un processus de réconciliation.
Ceux qui déclarent que tout cessez-le-feu serait « déposer les armes », « entériner l’occupation » du territoire ukrainien, soient font fi des souffrances quotidiennes de la population lorsqu’il s’agit de “conseilleurs” extérieurs au pays, soient s’enferment dans une position nihiliste sans issue.
Une situation diplomatique n’est jamais figée définitivement, son évolution dépend des volontés politiques mises en œuvre. Travailler à des formules de cessez-le-feu global ou partiel ou temporaire n’est pas remettre en cause la souveraineté de l’Ukraine.
Premier exemple : l’application des accords de Minsk en 2014 par les deux parties auraient dû déboucher sur un maintien de l’intégrité territoriale de l’Ukraine avec l’acceptation d’une certaine autonomie du Donbass. On sait que la dégradation de la situation a résulté des violations des accords menées par les deux parties sans que la communauté internationale intervienne (en fait il y a eu une aide occidentale très documentée de soutien aux attaques de l’armée ukrainienne en 2019).
Deuxième exemple : il est fourni à contrario par l’interview que Lionel Jospin vient d’accorder au JDD ce dimanche 10 décembre dans laquelle il « pousse au crime » en réclamant la défaite militaire de la Russie comme seule solution au conflit d’aujourd’hui. Les observateurs sérieux de la situation internationale ne seront pas dupes de cette manœuvre pour allumer un contre-feu visant à faire oublier les erreurs politiques de son gouvernement envers les garanties de sécurité à apporter à la Russie autour des années 2000.
L’Union européenne aura donc demain la responsabilité d’avoir une approche politique équilibrée entre Russie et Ukraine pour éviter les errements du passé tant à la fin des années 90 qu’après 2014 et la guerre de Crimée. C’est à cette condition que nous réussirons à construire une « nouvelle architecture de sécurité », notion qui revient dans le débat, bien tardivement malheureusement, et qui mérite que des initiatives politiques soient prises, en prenant en compte les intérêts de toutes les parties. C’est ce qu’avait reconnu dans un premier temps, début décembre, le président Macron en estimant qu’il fallait donner des «garanties» à la Russie pour trouver un bon équilibre. Dommage qu’il soit revenu sur ses déclarations sous la pression de certains gouvernements d’Europe de l’Est9. Relancer l’idée d’une Conférence pan-européenne de sécurité est certainement une des meilleures voies à suivre.
Un débat s’ouvre aujourd’hui dans l’opinion française sur les conditions de la solidarité politique avec le peuple ukrainien et sur la voie à suivre pour promouvoir la paix dans ce conflit.
Rappelons que la solidarité humaine et fraternelle avec la population civile ukrainienne est nécessaire, elle s’exerce largement avec tout l’élan de générosité dont les Français sont capables. Elle se manifeste au travers des collectes de dons divers, au travers de l’accueil et de l’accompagnement des réfugiés dans nos communes.
Concernant la nature de la solidarité politique, une partie de la gauche française à l’initiative d’universitaires et intellectuels proches de la gauche radicale (NPA, militants alternatifs rouge-verts) ont constitué notamment le réseau RESU en France (Réseau européen de solidarité avec l’Ukraine) qui s’appuie sur une analyse que j’estime erronée du gouvernement Zélenski (« Élu par une jeunesse qui rêve de paix et d’ouverture, Volodymyr Zelensky n’est ni dans la surenchère ni dans la provocation à l’égard de la Russie. » ainsi parle de lui un responsable du secteur international de la CGT, le 12 mars dernier dans la revue Options). Ils s’appuient sur la position d’« union sacrée » d’une partie des forces syndicales et militantes ukrainiennes pour parler de « résistance populaire » et appeler au soutien de cette résistance populaire « armée et non-armée » et donc soutenir l’envoi d’armes au gouvernement ukrainien par les pays de l’OTAN. C’est une impasse politique.
Aujourd’hui devant l’évolution de la situation et la montée de l’idée d’accélérer le processus de paix, les mêmes militants ont dans un premier temps appelé à une manifestation le 10 décembre à Paris sur le mot d’ordre « Troupes de Poutine hors de l’Ukraine »10. Ils ont modifié cet appel et l’ont transformé pour cette manifestation en « Appel pour une paix juste et durable en Ukraine »11. Ils reconnaissent que « Toute guerre se termine un jour et toute négociation qui permettrait d’y mettre un terme sera bienvenue », mais énoncent un catalogue de conditions préalables à tout accord de paix, sous l’appellation de « paix juste et durable », reprenant une appellation utilisée dans un autre contexte dans le conflit israélo-palestinien.
Quel est le sens de cette démarche ? Il faut clarifier les choses.
Cela signifie-t-il que tant que ces conditions ne sont pas remplies, il faut continuer la guerre et même au nom de la solidarité avec l’Ukraine continuer d’envoyer des armes ? Si c’était cela, cette démarche aboutirait à affaiblir la pression de l’opinion pour exiger de la France, des membres du Conseil de sécurité qu’ils agissent en priorité pour faire aboutir des négociations de paix.
Au contraire, il est urgent de travailler dans la clarté, de soutenir les initiatives pour la paix qui tendent à se multiplier en Europe, notamment autour du 14 décembre12, visant à préparer un terrain favorable à l’idée de paix.
À ce sujet, je pense qu’un projet de résolution parlementaire alternatif, marquant clairement notre solidarité au peuple ukrainien et la condamnation du gouvernement de Poutine, mais centré autour des efforts à mener pour faire déboucher un processus de paix aurait dû être déposé à l’Assemblée française par les partis de gauche face au texte de résolution de droite, légitimant l’extension de l’OTAN, les envois d’armes sans contrôles et des sanctions économiques aux buts incertains. L’action pour la paix en serait sortie renforcée, au lieu d’avoir un brouillard politique préjudiciable, avec élus socialistes, écologistes et communistes votant la résolution de droite et députés LFI s’abstenant avec le RN.
Les initiatives lancées par les mouvements pacifistes européens reprennent la proposition portée par de nombreuses organisations internationales comme le BIP (Bureau international de la paix) ainsi que le pape pour pousser les belligérants à conclure une « trêve de Noël »13 entre les deux Noëls, le catholique le 25 décembre et le Noël orthodoxe le 7 janvier. Cette idée qui rappelle les « fraternisations de Noël » sur le front en décembre 1914 peut renforcer un climat favorable aux négociations et non aux affrontements.
Une journée mondiale pour la paix en Ukraine en février prochain est également en préparation. C’est de la multiplication de ces initiatives de la société civile, des pressions qu’elles peuvent exercer sur les décideurs politiques dans les deux camps, au-delà des réalités militaires dont on voit clairement aujourd’hui les impasses et les risques de dérapages, que des solutions, non décidées à l’avance par des “penseurs” ou des dirigeants politiques, pourront progressivement voir le jour. Ce sont ces options claires dont nous avons besoin aujourd’hui.
Daniel Durand – 13 décembre 2022
********************
1 - “Le nombre de soldats russes et ukrainiens tués ou blessés depuis l’invasion du 24 février a probablement atteint les 200 000 unités, selon le militaire. Bien plus de 100 000 soldats russes ont été tués ou blessés dans cette guerre, et l’Ukraine a probablement souffert d’un nombre de victimes similaires.” dans Courrier international https://www.courrierinternational.com/article/conflit-selon-les-etats-unis-la-guerre-en-ukraine-a-fait-200-000-victimes-chez-les-soldats
5 - «La probabilité d'une victoire militaire ukrainienne, expulsant les Russes de tout l'Ukraine y compris (...) la Crimée, la probabilité que cela se passe de sitôt n'est pas très élevée militairement», a déclaré le général rk Milley lors d'une conférence de presse.
6 - «Quand un dictateur est dans un tunnel, il ne recule pas. L'enjeu de mon point de vue, c'est d'arrêter l'escalade. Depuis le 24 février, nous sommes dans une escalade permanente. [...] Il est temps de trouver une solution qui ne soit pas déshonorante pour les Ukrainiens qui se battent courageusement et qui ont été attaqués. Car il y a bien un attaquant et un attaqué», a-t-il abondé sur BFMTV. In https://www.lefigaro.fr/international/la-guerre-en-ukraine-n-est-pas-dans-l-interet-des-pays-europeens-estime-le-general-pierre-de-villiers-20221110
8 - Voir les réussites des opérations de maintien de la paix de l’ONU au travers de douze cas : https://news.un.org/fr/story/2022/12/1130427
10 - http://www.gds-ds.org/troupes-de-poutine-hors-de-toute-lukraine/
13 - https://www.ipb.org/ipb-christmas-peace-appeal/
lundi 14 novembre 2022
Emmanuel Macron : des objectifs stratégiques discutables
Le président de la République Emmanuel Macron a présenté le 9 novembre à
Toulon les grands objectifs stratégiques de la France en matière de
défense (1). Ceux-ci sont contenus dans un document appelé "Revue nationale stratégique 2022" qui va servir à éclairer les orientations prises dans la future Loi de programmation militaire 2024-2030 examinée en mars prochain.
Peu d'annonces concrètes dans ce discours, mais beaucoup de considérations générales agrémentées de formules de "comm" qui deviennent habituelles dans les discours du Président.
Dans son discours, Emmanuel Macron a évoqué la doctrine nucléaire française. Selon lui, la dissuasion nucléaire protège « les intérêts vitaux » de la France, mais "aujourd'hui, plus encore qu'hier, les intérêts vitaux de la France ont une dimension européenne. Nos forces nucléaires contribuent à la sécurité de la France et de l'Europe". « Cela nous préserve de toute agression », a ajouté le chef de l’État bien qu'il ait parlé par ailleurs du "risque de guerre de haute intensité entre États". Comment s'articulent ces deux affirmations ? N'y-a-t-il pas une réelle contradiction entre affirmer d'une part que la dissuasion protège de toute agression et d'autre part que nous sommes exposés à un conflit majeur ? Il y a là un débat à avoir..
Le président Macron a également insisté sur la coopération avec l'OTAN, rappelant que la France a "un fort ancrage atlantique" et que "l'Europe de la défense renforce l'Otan". Il a rappelé d'ailleurs que la "Revue nationale stratégique française" avait été élaborée à la suite de "la Boussole stratégique de l'Union européenne" et après "le concept stratégique nouveau de l'OTAN" au début de 2022.
Dans ce cadre, l'affirmation selon laquelle "La France réaffirme son ambition d'être en 2030 une puissance d'équilibres sur la scène internationale" soulève quelques interrogations : comment être à la fois une "puissance d'équilibre" et une puissance clairement engagée dans l'OTAN ? Là encore, un débat de clarification semble s'imposer.
Une des rares annonces concrètes faites par le Président Macron a été l'annonce de la fin officielle de l’opération Barkhane au Sahel (2). La mission, lancée en 2014, était mobilisée face aux djihadistes liés à Al-Qaida et au groupe État islamique. Ce retrait intervient un peu moins de trois mois après celui des forces françaises au Mali, sur demande du nouveau gouvernement malien et sur un fond d'hostilité grandissante des populations. Emmanuel Macron s'efforce d'atténuer cet échec diplomatique en en rejetant la responsabilité sur des puissances malveillantes (suivez mon regard vers la Chine et la Russie) qui auraient monté la population contre la France. Il reconnaît malgré tout qu'il faut tirer les leçons "des présences de nos forces à l'étranger, parfois vécues comme des contestations de souveraineté par certains ou utilisées par des puissances ennemies dans le champ de la lutte informationnelle". La France, qui entend continuer d'être un "pourvoyeur de sécurité", notion, qui a quand même toujours un certain relent de paternalisme, annonce que "notre engagement aux côtés de nos partenaires en Afrique doit désormais être centré sur une logique de coopération et d'appui à leurs armées", ce qui induit la reconnaissance que cela n'était pas vraiment le cas jusqu'à présent.
Tirant la leçon de ces "guerres hybrides", le Président Macron annonce le renforcement des techniques de communication (ou de propagande ?) : "L'influence sera désormais une fonction stratégique" dans la défense française, et précise également que "nous devrons posséder, d'ici à cinq ans, d'une force de cyberdéfense".
Le Président de la République s'est étendu sur les forces militaires françaises tant classiques que nucléaires, mais sa description du contexte international et de l'environnement de sécurité mondial laisse sur sa faim. Il est très disert sur les "défis du futur" qu'il présente implicitement comme autant de nouvelles menaces. Il a évoqué pêle-mêle le "risque de guerre de haute intensité entre États", les "tensions croissantes en Asie", "l'usage généralisé des drones", "la banalisation des missiles", le développement du "cyber", les "technologies de rupture", le "quantique", "l'intelligence artificielle", "l'hypervélocité" ainsi que "les risques sanitaires comme les risques climatiques".
De mauvaises langues parleraient "d'inventaire à la Prévert" où sont mélangés menaces, potentialités ou défis. Cette énumération se termine par cette phrase sibylline " C'est désormais un monde où, contrairement à hier quand on cherchait la paix par l’interdépendance, on cherche désormais l’indépendance en prévision des guerres". Cela signifie-t-il que le but de l'action publique aujourd'hui n'est pas ou plus de préparer la paix mais clairement de préparer la guerre ?
Si "l'actualisation des menaces" est largement développée, la réflexion sur cet autre volet indispensable de notre sécurité qu'est le renforcement du multilatéralisme, des institutions internationales (le mot Nations unies est même absent du texte !), des accords de désarmement ou de contrôle des armements est complètement court-circuitée. La seule allusion faite est cette réflexion : "Quand la paix reviendra en Ukraine, il nous faudra bâtir une architecture de sécurité nouvelle et un cadre rénové de stabilité et de contrôle des armements, où l'Europe sera autour de la table".
Quelle illusion alors que l'orientation actuelle du conflit vise clairement selon Jo Biden à "punir", c'est-à-dire anéantir l'une des parties, aujourd'hui la Russie ! Si des efforts diplomatiques conséquents ne sont pas déployés aujourd'hui pour enclencher un processus de résolution politique du conflit aboutissant vite à la paix, on ne peut qu'être sceptique sur les possibilités de reconstruire une nouvelle sécurité collective sur ces bases. Rappelons-nous l'échec après 1918 du Traité de Versailles et de la Société des nations (3).
Dans ces conditions, le discours sur les nouvelles menaces et les changements du monde n'aboutirait qu'à justifier le renforcement de la militarisation des relations internationales et à préparer progressivement, dans un premier temps, un affrontement mondial "par procuration" entre les États-Unis et un bloc occidental en voie de reformation (4), d'une part, contre un nouveau "camp du mal" au centre duquel seraient la Russie et surtout la Chine, d'autre part.
Est-ce bien le monde de demain que nous voulons préparer pour nos enfants ?
Daniel Durand - 13 novembre 2022
Président de l'IDRP (Institut de Documentation et de Recherches sur la Paix)
****************
1 - voir sur https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2022/11/09/a-toulon-le-president-de-la-republique-presente-la-revue-nationale-strategique
2 - pour une première approche, voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Op%C3%A9ration_Barkhane
3 - voir mon article précédent sur mon blog : https://culturedepaix.blogspot.com/2022/11/11-novembre-se-souvenir-et-reflechir.html
4 - "Kherson reprise, Kiev entrevoit "une victoire commune" de l'Occident", lire sur Le Dauphiné libéré : https://www.ledauphine.com/defense-guerre-conflit/2022/11/12/kherson-reprise-kiev-entrevoit-une-victoire-commune-de-l-occident
vendredi 11 novembre 2022
11 novembre : se souvenir et réfléchir
Nous connaissons aujourd'hui son effroyable bilan réel : près de 20 millions de morts, par moitié civils et militaires.
Le Traité de Versailles (1) signé huit mois plus tard, le 28 juin 1919, marqua la consolidation de la paix. Il fut inspiré par un fort esprit de revanche chez les vainqueurs, explicable pour une part par les dommages terribles subis pendant quatre ans, explicable aussi par un déferlement médiatique chauvin de la presse de l'époque. "l'Allemagne paiera" ! C'est au nom de ce slogan simpliste que de lourds dommages de guerre furent infligés au peuple allemand, que la Ruhr fut occupée, etc... La crise économique avec une inflation inimaginable aujourd'hui, l'humiliation ressentie par les vaincus, préparèrent les ferments de la haine et favorisèrent l'arrivée au pouvoir du sinistre Adolf Hitler. Une architecture de sécurité mondiale, comme nous disons aujourd'hui, la Société des nations (SDN) (2)fut mise en place, dans le cadre du Traité de Versailles, sous la pression des États-Unis du Président Woodrow Wilson, dont l'engagement massif à partir de 1917, la fourniture d'armes et de matériel militaire fut décisif pour la coalition franco-britannique. Cette SDN ne put jouer pleinement son rôle, puisque ses instigateurs, les États-Unis de Wilson, n'y adhérèrent pas et que les vaincus, Allemagne et Japon, la quittèrent en 1933. In fine, la SDN fut incapable d'empêcher le déclenchement de la 2e Guerre mondiale en 1939.
Pourquoi rappeler l'histoire ? Parce qu'il ne faut pas oublier que, dans la dernière décennie de notre 21e siècle, la guerre a tué près d’un million de personnes, en a blessé plusieurs millions et provoqué des exodes de plusieurs dizaines de millions de personnes.
Depuis six mois, la guerre enclenchée par la Russie contre l'Ukraine sème la mort et la désolation dans ce pays, provoque morts, ruines, déplacements de population, conditions de vie très dures. Cette guerre est menée sans raisons valables, contre les règles du droit international, de la Charte des Nations unies, comme je l'ai déjà écrit.
Cette situation, lourde de menaces pour la paix du monde, pèse sur les consciences : un peu partout, le "ci vis pacem, parabellum" ("Si tu veux la paix, prépare la guerre") semble gagner du terrain.
Une information schématique, digne des propagandes de guerre de 1914-18 ou 1939-45 est majoritaire dans nos médias. La seule issue présentée est de "punir le méchant" sans expliquer que toute guerre est complexe, dévastatrice pour les peuples, qu'elle doit avoir forcément une fin politique et que celle-ci est toujours une solution politique négociée.
Les efforts des gouvernements, des opinions publiques doivent donc se concentrer sur les moyens d'exercer une pression politique maximum sur les deux acteurs du conflit pour qu'ils s'assoient à la table des négociations. On a su le faire pour les livraisons de blé, pour l’inspection de la centrale de Zaporojie. On peut le faire pour la paix.
Des voix de plus en nombreuses commencent à s'élever en ce sens : celle du pape François, du Secrétaire général des Nations unies Antonio Gutteres, de l'opinion publique (ainsi 100 000 personnes se sont réunies à Rome ce samedi 5 novembre pour demander un cessez-le-feu, l'arrêt des combats et l'ouverture de négociations).
Pour trouver ce chemin du dialogue, il faut 0arrêter de proclamer que la solution viendra de la défaite ou de l'écrasement d'un des deux acteurs. Refusons de nous laisser entraîner dans ce qui semble devenir de plus en plus un processus de 3e Guerre mondiale "par procuration" entre les États-Unis et la Chine (3). La voie des négociations sera longue et difficile : elle passera nécessairement par des compromis.
Aux négociateurs de faire que ces compromis ne figent pas la situation et n’entérinent pas les solutions de force, contraires au droit international. Mais souvenons-nous des leçons de l’après 1918, du facile « l’Allemagne paiera ! », du calamiteux Traité de Versailles qui a conduit l’Allemagne dans les bras de Hitler, du suivisme aveugle vis a vis de nos puissants alliés des États-Unis. Ne prenons pas le risque de se voir imposer une solution pour l’après-guerre de leur choix, sans qu’ils en assument toujours toutes les responsabilités.
Renouvelons d’efforts pour expliquer et mobiliser l’opinion publique pour lui démontrer que le seul slogan valable est « Si tu veux la paix, prépare la paix » ! C’est cela, me semble-t-il, ce que nous devons à la mémoire des hommes dont les noms figurent par centaines de milliers sur les monuments aux morts de nos villages !
Daniel Durand - Président de l'IDRP ((Institut de Documentation et de Recherches sur la Paix - https://idrp-institut.org)
*************
1 - Pour une première approche, voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Trait%C3%A9_de_Versailles
2 - Idem, voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Soci%C3%A9t%C3%A9_des_Nations
3 - Lire cette déclaration d’un amiral US Charles Richards dans « La guerre en Ukraine n'est qu'un échauffement avant un grand conflit », avertit un amiral américain - Les Échos 8/11 Pierre Demoux - https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/la-guerre-en-ukraine-nest-quun-echauffement-avant-un-grand-conflit-avertit-un-amiral-americain-1876883
mercredi 2 novembre 2022
Non, la dissuasion nucléaire et la militarisation, « ça ne marche pas en Ukraine », commentaires sur de fausses évidences.
Depuis six mois, la guerre enclenchée par la Russie contre l'Ukraine sème la mort et la désolation dans ce pays, provoque morts, ruines, déplacements de population, conditions de vie très dures. Cette guerre menée sans raisons valables, contre les règles du droit international, de la Charte des Nations unies a des conséquences qui dépassent le cadre géographique. Elle renforce le régime d'oppression policière sur une large partie du peuple russe, accentue la répression du gouvernement poutinien contre tous les opposants à la guerre, pacifistes, objecteurs de conscience (c’est d’ailleurs en partie la même chose en Ukraine). Les conséquences directes et indirectes de cette guerre aggravent la crise économique provoquée par les spéculations du capitalisme financier et pèsent sur les populations des pays européens, des pays en voie de développement par le biais du renchérissement brutal des prix de l'énergie, des denrées de consommation courante. Enfin, cette guerre accentue le mouvement de militarisation observé dans les pays de l'Union européenne ainsi qu’aux États-Unis depuis 2019. Des ressources précieuses pour la vie quotidienne et les services aux populations se trouvent détournées et gaspillées dans des hausses de dépenses militaires insensées, 2300 Mds de $ à l'échelle mondiale aujourd'hui, 2,5 fois plus qu'au plus fort de la Guerre froide !
Cette situation inquiétante n'est pas sans conséquence sur les consciences : l’Otan a bénéficié du soutien des opinions de pays de l'est de l'Europe pour se renforcer, un peu partout, le "ci vis pace, parabellum" ("si tu veux la paix, prépare la guerre") semble gagner du terrain.
Ces réflexes souvent irrationnels sont amplifiés par une information schématique, digne des propagandes de guerre de 1914-18 ou 1939-45, dans laquelle est diabolisé sans nuances un des côtés, où la seule issue présentée est de "punir le méchant" sans expliquer que toute guerre doit avoir une fin politique et que celle-ci est toujours une solution politique négociée.
Des remarques de bon sens sur le « parabellum » méritent pourtant d'être faites...
Les militarisations des États, leur surarmement ont-ils empêché le déclenchement de la guerre en Ukraine, ou celle beaucoup plus meurtrière au Yémen, en Somalie ? Le maintien et la modernisation des armes nucléaires ont-ils aussi empêché un conflit quelque part ? Non, bien sûr, de même que l'extension de l’Otan, y compris lors de son occupation calamiteuse de l’Afghanistan, n’a pas renforcé la paix !
Oui, bien sûr, me direz-vous, mais c'est à cause de la présence d'un fou comme Poutine et en tout cas, il existe une garantie ultime qui empêche la guerre suprême, la déflagration nucléaire, c’est la dissuasion ! "La dissuasion nucléaire fonctionne !", s'écrie Bruno Tertrais, le directeur de la FRS dans le journal Le Progrès du 1er novembre. Et d'ajouter, "Entre deux acteurs disposant de cette arme, des règles de prudence s’imposent, comme une ombre portée du nucléaire sur la zone de crise : la Russie s’abstient d’attaquer militairement des pays de l’Otan, qui ne s’engagent pas directement en Ukraine contre l’armée russe, ni a fortiori ne portent le feu sur le territoire russe".
La démonstration apparaît sensée et convaincante, sauf qu'elle cache un élément de fragilité extraordinaire qu'oublient presque tous les spécialistes.
Pour fonctionner, la dissuasion nucléaire fonctionne en permanence sur le "fil du rasoir". Elle suppose l’opposition de deux acteurs « raisonnables », mais qui peut garantir la sagesse d'un chef d'État de manière indéfinie ? Quid des réactions des dirigeants nord-coréens, des dirigeants pakistanais infiltrés par Al Quaida, même dans un grand pays comme les États-Unis, quid des réactions "raisonnables" d'un Donald Trump (si proche du sinistre docteur Folamour du film de Stanley Kubrick). La notion de puissance nucléaire « raisonnable » était liée aussi en partie à la notion de "petit nombre", notion qui s'était traduite dans le Traité de non-prolifération nucléaire par le club des cinq États "dotés". Mais aujourd'hui, les cinq sont neuf avec l'Inde, le Pakistan, Israël et la Corée du Nord. Le débat sur la possession de l’arme nucléaire est récurrent en Iran, et même dans des pays développés comme l'Allemagne et le Japon, des voix, certes encore très isolées, tentent d'amener la question dans le débat public.
Autre aspect, les arsenaux nucléaires sont tenus en état d'alerte et de réponse automatique, il n'y a qu'une vingtaine de minutes entre l'annonce d'une éventuelle attaque et la riposte nucléaire mortelle automatisée. En permanence depuis la création des armes nucléaires, nous avons été à la merci des fausses alertes, des faux signaux radars. Or la modernisation des armes nucléaires rend leur réaction plus rapide, leur trajet plus court pour atteindre la cible, leur profils plus indétectables, donc les erreurs éventuelles, qu'elles soient informatiques ou humaines sont de plus en plus difficiles à prévenir et corriger. La dissuasion qui "marche si bien" a une marge d'erreur de plus en plus étroite, et le fil du rasoir sur lequel nous essayons de marcher est de plus en plus étroit et effilé. Dire que la "dissuasion fonctionne" doit être suivi des mots "pour le moment" et "pourvu que ça dure" !
L'existence des armes nucléaires provoque donc une instabilité fondamentale et on comprend pourquoi l'idée d'abolir les armes nucléaires en créant un vrai Traité d'interdiction a recueilli un enthousiasme certain parmi les pays non-nucléaires puisque en moins de deux ans de lobbying, 127 pays se sont rangés à cette idée à l’Assemblée générale de l’ONU en juillet 2017, et que, après la signature officielle du Traité, ce sont maintenant 68 pays qui l'ont ratifié complètement, donc inscrit dans leur constitution. Résultat remarquable par sa rapidité quand on imagine les pressions extraordinaires exercées par les pays dotés.
Un processus international d'interdiction totale des armes nucléaires qui prendrait forcément du temps, provoquerait des discussions, des compromis mais aussi des mobilisations, créerait un climat fondamentalement différent à l'échelle mondiale. Il ferait ressortir encore plus fort la nécessité de la démilitarisation des relations internationales, c'est à dire la baisse des dépenses militaires, la réduction drastique des ventes d'armes, le renforcement des processus de contrôle des traités de désarmement, la nécessité de s'attacher le soutien élargi des opinions publiques, donc le besoin de développement de l'éducation à la paix et de la promotion d'une culture de paix. C'est ce processus à l'échelle mondiale, joint aux techniques de contrôles et d'alerte très efficaces aujourd'hui dans les traités qui empêcherait la mauvaise surprise, objectée par certains, du « méchant » qui développerait dans son coins une arme de destruction massive pour s'assurer une impunité d'action.
La seule dissuasion qui peut marcher en fait, c'est celle qui s'appuierait ainsi sur un développement d'une volonté populaire de paix et de justice, qui, même si elle semble parfois avoir du mal à s'exprimer est majoritaire au fond de la consciences des opinions publiques, comme l'expriment tous les sondages, trop rares malheureusement, effectués sur ces thèmes.
2 novembre 2022
mercredi 27 juillet 2022
Résolution inacceptable
Une proposition de résolution condamnant "l’institutionnalisation par Israël d’un régime d’apartheid à l’encontre du peuple palestinien" a été déposée à l'Assemblée nationale par des députés de gauche.
Ce texte repose sur des analyses et des propositions que je ne partage pas du tout. Je soutiens tout à fait la prise de position prise par René Piquet, ancien animateur et créateur du "Collectif pour une paix juste juste et durable entre Israëliens et Palestiens" au sein duquel j'ai collaboré avec lui entre 2000 et 2002 en qualité de secrétaire national du Mouvement de la paix.
Je partage avec vous l'article de son blog intitulé "Une résolution qui ne passe pas." : http://christian-picquet.fr/
Le 27 juillet 2022
dimanche 24 juillet 2022
LE BILAN EUROPÉEN D'EMMANUEL MACRON : un mauvais souvenir à oublier ?
(English translation below)
Le 30 juin dernier, s'est achevée la présidence française du Conseil de l'Union européenne qui a duré six mois. Cette présidence, couramment appelée "Présidence de l'Union européenne", est une présidence tournante du Conseil de l'Union européenne qui est une sorte de Conseil des ministres des pays de l'UE. Exercée par Emmanuel Macron de janvier à juin 2022, la présidence du Conseil est en fait détenue par le gouvernement de l'État membre dans son ensemble. Le rôle de la présidence est à la fois politique et administratif. Pour l'aspect administratif, elle est responsable des différentes procédures et de l'organisation du Conseil durant son mandat. L'aspect politique consiste en un rôle de médiation et de négociation, l'établissement de l'agenda du Conseil. La présidence a aussi pour rôle de représenter le Conseil au sein de l'UE, et l'UE lors de rencontres informelles à l'international, aux Nations unies par exemple.
Il ne faut pas confondre cette "Présidence du Conseil de l'Union européenne" avec la "Présidence du Conseil européen". Le président du Conseil européen qui est actuellement le belge Charles Michels est la personne qui préside et conduit les travaux du Conseil européen, l'institution qui regroupe les chefs d'État ou chefs de gouvernement des vingt-sept pays membres de l'Union européenne. Le président a aussi un rôle de représentation de l'Union européenne dans le monde.
Enfin le troisième poste-clé de l'UE est la "Présidence de la Commission européenne" qui est l'une des principales fonctions au sein de l'Union européenne. Cette présidence est assurée par l'allemande Ursula von der Leyen. La présidence de la Commission représente l'Union à l'étranger, bien qu'elle partage cette prérogative avec le président du Conseil européen et le "Haut Représentant de l'Union pour la politique étrangère".
On voit que les relations et exercices des compétences entre ces trois structures sont complexes, notamment sur les questions liées à la politique étrangère et à la représentation de l'Union à l'extérieur.
Le président français et les médias proches de l'Élysée ont proclamé la réussite de la présidence française. « Nous avons réagi vite et fort au retour de la guerre sur le sol européen et nous avons en même temps poursuivi notre agenda » s'est réjoui Emmanuel Macron. "Les principales priorités ont malgré tout été atteintes et le bilan français est positif", estime le média "touteleurope". "A l'heure du bilan , Emmanuel Macron peut se féliciter de quelques réussites" estime plus modestement la chaîne d'informations France24.
Qu'en est-il exactement ? Essayons de dégager des premiers éléments d'un bilan, selon une approche la plus détaillée possible.
La présidence française, en arrivant au 1er janvier, avait trois dossiers déjà bien avancés dans les structures européennes qu'il fallait finaliser et faire signer pendant son mandat.
Concernant le numérique d'abord, deux textes d’ampleur ont été adoptés le 5 juillet 2022 par le Parlement européen.
Le premier, appelé Digital Markets Act (DMA), vise à mieux encadrer les activités économiques des plus grandes plateformes numériques.
Le second, intitulé Digital Services Act (DSA), doit moderniser une partie de la directive de 2000 sur le commerce électronique jusque-là inchangée, s’attaque quant à lui aux contenus (haineux, pédopornographiques, terroristes…) et aux produits illicites (contrefaits ou dangereux) proposés en ligne.
Concernant le secteur social, les États membres et les eurodéputés sont parvenus, le 7 juin, à un accord sur une directive relative aux salaires minimums : sujet qui était en débat depuis janvier 2020. Celle-ci n’instaurera pas un seul et même “Smic” pour l’ensemble de l’UE mais devrait favoriser la convergence à la hausse des rémunérations minimales en Europe. Leurs niveaux resteront déterminés par les États membres. Les 21 États concernés « devront évaluer si leur salaire minimum légal existant est suffisant pour assurer un niveau de vie décent, compte tenu de leurs propres conditions socioéconomiques, du pouvoir d’achat » via un panier de biens et services à prix réels, ainsi que « des niveaux nationaux de productivité et de développement à long terme », explique le Parlement dans un communiqué. Les gouvernements pourront également appliquer des valeurs de référence, comme « 60 % du salaire médian brut » ou « 50 % du salaire moyen brut », précise l’accord, qui prévoit aussi une augmentation accrue des contrôles et inspections. Bien que n'instituant pas des normes obligatoires, les références explicites citées dans la directive représentent un progrès et devraient fournir des points d'appui aux luttes des salariés dans tous les pays européens.
Concernant l'environnement, autre dossier majeur en discussions depuis de longs mois dans l'UE, il faut noter que le Parlement européen a voté, mercredi 22 juin, la création d'une taxe carbone aux frontières de l'Europe. "Cette taxe va porter sur les importations de produits les plus polluants : l'acier, l'aluminium ou le ciment. L'objectif, c'est de préserver les entreprises européennes qui paient aujourd'hui un prix du carbone, c'est-à-dire un peu le prix de leur pollution, beaucoup plus élevé que dans le reste du monde". Concernant les questions de l'énergie, l'accent a été mis sur la diversification des approvisionnements en gaz, au risque de substituer une dépendance américaine ou qatarie à la dépendance russe alors que la priorité est surtout d’accélérer massivement le déploiement des énergies renouvelables et faire d’importantes économies d’énergie.
Pour les experts en questions environnementales comme Alain Bloëdt, expert associé à EuropaNova, Emmanuel Macron a relégué l’écologie au second plan de sa PFUE (Présidence française de l'union européenne).
Dernier dossier qui était en préparation depuis de longs mois et devait aboutir lors de ce premier semestre, celui de la "boussole stratégique" de l'UE.
Le 21 mars 2022, les ministres de la Défense et des Affaires étrangères ont donné leur feu vert à la “cinquième version” d’un texte présenté pour la première fois en novembre 2021 : la “boussole stratégique” de l’UE. Le texte approuvé prévoit notamment le “développement et l’approvisionnement conjoints d’armes, ainsi qu’une meilleure coopération en matière de politique de sécurité”. Il acte la création, “à l’horizon 2025″, d’une force militaire conjointe de déploiement rapide composée de 5 000 hommes et femmes, précise Le Figaro. A plus long terme, “les Vingt-Sept s’engagent à atteindre des dépenses militaires à hauteur de 2 % de leur PIB”, contre 1,5 % aujourd’hui, ajoute RFI. A travers le texte adopté, les Européens affirment également “leur désormais totale ‘complémentarité’ avec l’Otan”, explique Le Monde. Car la boussole “évoque, par ailleurs, l’extension de la clause d’assistance mutuelle de l’Union aux pays européens neutres, non membres de l’Alliance atlantique, soit l’Autriche, Chypre, la Finlande, l’Irlande, Malte et la Suède. En cas d’attaque, ils seraient aidés par l’UE”. Nous reviendrons plus loin sur ces questions.
D'autres dossiers étaient aussi dans l'agenda de ces six mois de présidence française mais n'ont pas beaucoup avancé. Ainsi la révision des règles de déficit (plafond de 3 % du PIB) et de dette (plafond de 60 % du PIB) à long terme, en débat depuis la fin d’année dernière, n’a pas beaucoup évolué pendant ce semestre. Il en est de même de la traduction européenne de l’impôt mondial sur les multinationales toujours en panne, d’abord bloquée par la Pologne, puis, maintenant, par la Hongrie.
Enfin Emmanuel Macron avait également pour ambition de mener une réforme de l’espace Schengen avec l'objectif de renforcer les frontières extérieures de l’Europe et améliorer la coopération aux frontières intérieures face à la pression des migrations. La guerre en Ukraine a, évidemment, modifié les priorités.
Je n'ai pas abordé à ce stade de l'analyse la question de l'agression russe en Ukraine en février 2022 et ses conséquences sur la politique de l'Union ainsi que la gestion par la France de cet événement.
On peut donc dire que, sur les dossiers qui étaient en débat depuis de longs mois dans les structures européennes et dont l'équipe de la présidence française avait la responsabilité de faciliter la conclusion, la tâche a été globalement remplie sur le numérique, le salaire minimum, l'adoption de la "boussole stratégique". Cela est dû au travail des diplomates français, des fonctionnaires en poste à Bruxelles et des techniciens détachés à l'occasion de cette présidence, et pas vraiment sur ces sujets à l'influence personnelle d'Emmanuel Macron, même s'il a accompagné ce travail. Cela montre l'importance de former de bons spécialistes en négociation, de bons diplomates soutenus par de bons fonctionnaires et techniciens. C'est pourquoi la suppression des formations d'excellence de la République comme celle du corps diplomatique ou la suppression de l'ÉNA ne sont pas de bonnes mesures.
On m'objectera à ce stade du bilan de la PFUE que je n'ai pas dit un mot de l'élément déstabilisant qu'a constitué l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février 2022 et les mesures qu'il a fallu prendre dans ce nouveau contexte.
Dans le média "touteleurope" déjà cité (https://www.touteleurope.eu/presidence-du-conseil-de-l-union-europeenne/pfue-quel-est-le-bilan-pour-la-presidence-francaise-du-conseil-de-l-ue/), le bilan français est résumé ainsi : "Six trains de sanctions ont été adoptés, avec des premières mesures actées par les Vingt-Sept dès le 24 février au soir. L’UE a aussi innové en finançant les livraisons d’armes aux Ukrainiens, une possibilité dont elle s’était dotée en mars 2021 avec la Facilité européenne pour la paix. L’aide militaire atteint ainsi 2 milliards d’euros, du jamais-vu".
Cette constatation illustre bien le fait que la première et principale réaction de l'UE et de la France à l'agression russe a été de prendre des sanctions économiques et punitives ce qui pouvait se comprendre dans l'immédiateté de l'action pour marquer le fait que l'action de l'armée russe était contraire au droit international, même si il est remarquable de constater que l'UE et la France n'ont pas cherché à légitimer ces sanctions au niveau des Nations unies. Le blocage russe prévisible au Conseil de sécurité aurait fragilisé encore plus la diplomatie russe et le portage de la question ensuite devant l'Assemblée générale des nations unies aurait fait gagner la condamnation de l'agression en légitimité, et évité, peut-être, que plus du tiers des pays du monde ne s'associent pas à la condamnation de l'agression.
Il est tout aussi remarquable de constater que le renforcement des sanctions contre la Russie a été, en fait, la seule démarche diplomatique menée par l'UE et la présidence française : aucune démarche politique pour débloquer la situation et ouvrir éventuellement la voie à des négociations politiques n'a été entreprise concrètement : ni recherche de conférence extra-ordinaire ni aide à l'intercession de pays ou de personnalités tiers (les initiatives indienne, israëlienne et turque ont été individuelles et découragées par les grandes puissances).
La situation s'est d'autant plus vite figée sur cette ligne politique que celle-ci a été soutenue vigoureusement par Jo Biden et les États-Unis et que l'on vu s'établir très rapidement un leadership politique étatsunien que l'on n'avait plus constaté depuis la guerre d'Irak en 2003.
Pas d'initiative pour la paix de la part de l'Union européenne et leadership des États-Unis, telles sont les deux premières caractéristiques de ces premiers mois de guerre.
Il en est évidemment une troisième que "touteleurope" met en évidence : pour la première fois de son histoire, en 55 ans d'existence, l'Union européenne a financé des livraisons d'armes à un pays en guerre. On peut dire que le leadership pour cette révolution politico-stratégique a été impulsé par la commissaire allemande Ursula von der Leyen dès le 27 février. Il faut noter que cette décision a été approuvée par la présidence française et la majorité des autres dirigeants européens, sans qu'il y ait à aucune moment un débat dans les Parlements nationaux sur ce tournant extraordinaire de la politique de l'Union européenne.
Avec le recul, on peut estimer que cette décision de l'UE a constitué un signal politique fort, et que de nombreux pays ont suivi cet exemple et ont livré des armements de plus en plus sophistiqués à l'armée ukrainienne, à l'exemple de la France qui a fini par livrer des équipements d'artillerie Caesar, qui sont ce qui se fait de mieux en artillerie longue distance.
Nous savons que ces livraisons d'armes se sont accompagnées d'annonces d'augmentations fortes des budgets militaires nationaux et, toujours avec une pression diplomatique forte des États-Unis, à un renforcement du soutien à l'OTAN et à son élargissement avec l'arrivée de la Suède et de la Lithuanie.
Ces rectifications des budgets militaires, l'effort accru pour le renforcement des armées et de leur matériel a été particulièrement spectaculaire en Allemagne.
Le 27 février 2022, le chancelier allemand Olaf Scholz a annoncé la mise en place d’un fonds de 100 milliards d’euros destiné à moderniser la Bundeswehr, ce qui marque une rupture dans la culture politique et militaire de l’Allemagne depuis la fin de la 2e Guerre mondiale. De plus, l'Allemagne a livré des équipements militaires à l'Ukraine, pays en guerre, ce qui est également une rupture avec sa politique précédente.
Plus encore, le chancelier Olaf Scholz a affirmé mardi 28 juin, "L'Allemagne est en train de bâtir la plus grande armée conventionnelle européenne au sein de l'Otan". Il a assuré que Berlin investira, en moyenne, « environ 70 à 80 milliards d’euros par an » dans ses capacités militaires « au cours des prochaines années » (au lieu des 50 actuels).
On peut donc noter que les deux autres caractéristiques de la période qui vient de s'écouler sont une militarisation nette des économies européennes (en terme de budgets militaires, d'équipements et de transferts d'armement) et une présence beaucoup plus forte et dynamique de la diplomatie allemande (directement au niveau national avec le chancelier social-démocrate Scholz ou indirectement au niveau européen avec la Présidente de la commission, Mme Ursula von der Leyen).
On est obligé de constater, sans parti pris exagéré, l'étrange passivité ou suivisme du président Emmanuel Macron : il a accompagné la politique du "tout sanctions"; lui qui parlait de la "mort cérébrale" de l'OTAN il y a un an, il a applaudi à l'élargissement de l'alliance ; enfin, en annonçant la "réévaluation" des dépenses militaires françaises, il s'est inscrit dans une course aux armements ruineuse alors que des sommes énormes sont nécessaires pour la transition énergétique et la réduction des inégalités dans le monde.
L'agression de l'Ukraine par la Russie ne peut justifier à elle seule ces mauvais choix européens ou français. pourtant, l'expérience montre que toutes les crises internationales n'ont pu être surmontées que par la recherche de solutions politiques, de compromis visant à établir la paix tout en renforçant à long terme le droit international. Elle montre également que la sécurité commune ne peut se construire durablement uniquement par l'accumulation réciproque des armements : la détente en Europe n'a progressé qu'après la conclusion des accords d'Helsinki, suite à la réussite de la Conférence sur la paix et la sécurité en Europe en 1975.
Ce n'est pas la voie choisie par le président Macron lors de ses six mois de présidence européenne et face à la Russie. Les observateurs ont eu l'impression d'un président français qui avait du mal à exister par des initiatives diplomatiques fortes et originales, qui essayait vainement de faire le "buzz" avec la multiplication des échanges téléphoniques avec Poutine sans réelles demandes diplomatiques, sauf une fois, le 28 mai, lors d'un entretien téléphonique auquel participait aussi... le chancelier Scholtz, et au cours duquel avaient été abordées la crise alimentaire et la reprise des négociations avec V. Zélensky. Impression d'une "diplomatie du verbe" renforcée par les images et le.. son, par exemple, lors du G7 au cours de l'échange dans une cour, entre Emmanuel Macron et Jo Biden, au cours duquel le premier se vante d'avoir pu avoir des informations sur les livraisons de pétrole de la part des saoudiens.
C'est donc un tableau bien contrasté et une appréciation très critique que nous offre le résultat de cette tentative de dresser un bilan de la Présidence française de l'Union européenne en 2022 et des actions d'Emmanuel Macron, tableau critiquable et amendable bien sûr. Je le prolongerai dans un prochain article sur l'analyse et la critique de l'ensemble de la politique étrangère d'Emmanuel Macron pendant tout son quinquennat, y compris de son rapport aux Nations unies, sujet que je n'ai pas abordé dans cet article.
Le 24 juillet 2022
**************************
*********************************
EMMANUEL MACRON'S EUROPEAN REPORT: a bad memory to forget?
The six-month French Presidency of the Council of the European Union came to an end on 30 June. This presidency, commonly referred to as the "Presidency of the European Union", is a rotating presidency of the Council of the European Union, which is a kind of Council of Ministers of the EU countries. Held by Emmanuel Macron from January to June 2022, the Presidency of the Council is in fact held by the government of the Member State as a whole. The role of the Presidency is both political and administrative. On the administrative side, it is responsible for the various procedures and organisation of the Council during its term. The political aspect consists of a mediation and negotiation role, setting the agenda of the Council. The Presidency also has the role of representing the Council within the EU, and the EU in informal international meetings, for example at the United Nations.
This 'Presidency of the Council of the European Union' should not be confused with the 'Presidency of the European Council'. The President of the European Council, who is currently the Belgian Charles Michels, is the person who presides over and conducts the work of the European Council, the institution that brings together the Heads of State or Government of the twenty-seven Member States of the European Union. The President also has a role in representing the European Union in the world.
Finally, the third key position of the EU is the "Presidency of the European Commission" which is one of the main functions within the European Union. This presidency is held by the German Ursula von der Leyen. The Commission Presidency represents the Union abroad, although it shares this prerogative with the President of the European Council and the "High Representative of the Union for Foreign Policy".
It can be seen that the relationship and exercise of powers between these three structures is complex, especially on issues related to foreign policy and the representation of the Union abroad.
The French President and the media close to the Élysée Palace proclaimed the success of the French Presidency. "We have reacted quickly and strongly to the return of war to European soil and at the same time we have pursued our agenda," said a delighted Emmanuel Macron. "The main priorities have nevertheless been achieved and the French balance sheet is positive," said the media outlet "touteleurope". "At the time of the assessment, Emmanuel Macron can congratulate himself on some successes," says the news channel France24 more modestly.
What exactly are they? Let's try to identify the first elements of an assessment, according to the most detailed approach possible.
When the French presidency arrived on 1 January, it had three dossiers already well advanced in the European structures that needed to be finalised and signed during its term of office.
Firstly, with regard to digital issues, two major texts were adopted on 5 July 2022 by the European Parliament.
The first, called the Digital Markets Act (DMA), aims to better regulate the economic activities of the largest digital platforms.
The second, entitled the Digital Services Act (DSA), is intended to modernise a part of the 2000 directive on electronic commerce, which had remained unchanged until then, and tackles content (hate, child pornography, terrorism, etc.) and illicit products (counterfeit or dangerous) offered online.
In the social sector, Member States and MEPs reached agreement on 7 June on a directive on minimum wages, a subject that had been under debate since January 2020. The directive will not establish a single 'minimum wage' for the whole of the EU, but should encourage upward convergence of minimum wages in Europe. Their levels will remain determined by the Member States. The 21 states concerned "will have to assess whether their existing statutory minimum wage is sufficient to ensure a decent standard of living, taking into account their own socio-economic conditions, purchasing power" via a basket of goods and services at real prices, as well as "national levels of productivity and long-term development", says Parliament in a statement. Governments will also be able to apply benchmarks, such as "60% of gross median earnings" or "50% of gross average earnings", says the agreement, which also provides for an increase in controls and inspections. Although they do not establish mandatory standards, the explicit references cited in the directive represent progress and should provide points of support for workers' struggles in all European countries.
Concerning the environment, another major issue that has been under discussion for many months in the EU, it should be noted that the European Parliament voted on Wednesday 22 June to create a carbon tax at Europe's borders. "This tax will apply to imports of the most polluting products: steel, aluminium and cement. The aim is to protect European companies which today pay a much higher price for carbon, i.e. the price of their pollution, than in the rest of the world. On energy issues, the emphasis was placed on diversifying gas supplies, at the risk of substituting American or Qatari dependence for Russian dependence, whereas the priority is above all to massively accelerate the deployment of renewable energies and make significant energy savings.
The last dossier that had been in preparation for many months and should have been completed during this first half of the year is the EU's 'strategic compass'.
On 21 March 2022, the Ministers of Defence and Foreign Affairs gave the green light to the "fifth version" of a text presented for the first time in November 2021: the EU's "strategic compass". The approved text provides in particular for the "joint development and supply of weapons, as well as improved cooperation on security policy". It notes the creation, "by 2025″, of a joint rapid deployment military force composed of 5,000 men and women", says Le Figaro. In the longer term, "the EU-27 are committed to achieving military spending of 2% of their GDP", compared to 1.5% today, adds RFI. Through the text adopted, the Europeans also affirm "their now total 'complementarity' with NATO," explains Le Monde. For the compass "also mentions the extension of the mutual assistance clause of the Union to neutral European countries, non-members of the Atlantic Alliance, namely Austria, Cyprus, Finland, Ireland, Malta and Sweden. In the event of an attack, they would be assisted by the EU. We will come back to these issues later.
Other issues were also on the agenda during the six months of the French presidency but did not make much progress. For example, the revision of the long-term deficit (3% of GDP ceiling) and debt (60% of GDP ceiling) rules, which have been under debate since the end of last year, did not make much progress during these six months. The same applies to the European translation of the global tax on multinationals, which is still at a standstill, first blocked by Poland and now by Hungary.
Finally, Emmanuel Macron also had the ambition to reform the Schengen area with the aim of strengthening Europe's external borders and improving cooperation at internal borders in the face of migration pressure. The war in Ukraine has obviously changed the priorities.
At this stage of the analysis, I have not addressed the question of Russian aggression in Ukraine in February 2022 and its consequences for the Union's policy, as well as France's management of this event.
It can therefore be said that, on the issues that had been under debate for many months in the European structures and for which the French Presidency team had the responsibility of facilitating the conclusion, the task was globally fulfilled on the digital issue, the minimum wage and the adoption of the 'strategic compass'. This is due to the work of French diplomats, civil servants posted in Brussels and technicians seconded during this presidency, and not really to the personal influence of Emmanuel Macron on these subjects, even if he accompanied this work. This shows the importance of training good negotiation specialists, good diplomats supported by good officials and technicians. This is why the abolition of the Republic's courses of excellence, such as the diplomatic corps, or the abolition of the ÉNA are not good measures.
At this stage of the assessment of the FPEU, one might object that I have not said a word about the destabilising element of the Russian invasion of Ukraine on 24 February 2022 and the measures that had to be taken in this new context.
In the media "touteleurope" already quoted (https://www.touteleurope.eu/presidence-du-conseil-de-l-union-europeenne/pfue-quel-est-le-bilan-pour-la-presidence-francaise-du-conseil-de-l-ue/), the French assessment is summarised as follows: "Six sets of sanctions have been adopted, with the first measures adopted by the EU-27 on the evening of 24 February. The EU also innovated by financing arms deliveries to the Ukrainians, a possibility it had provided for in March 2021 with the European Peace Facility. The military aid thus reaches 2 billion euros, which is unprecedented.
This observation illustrates the fact that the first and main reaction of the EU and France to the Russian aggression was to take economic and punitive sanctions, which was understandable in the immediate aftermath of the action to mark the fact that the action of the Russian army was contrary to international law, even if it is remarkable to note that the EU and France did not seek to legitimise these sanctions at the level of the United Nations. The foreseeable Russian blockage in the Security Council would have weakened Russian diplomacy even more, and bringing the issue to the UN General Assembly would have given legitimacy to the condemnation of the aggression and perhaps prevented more than a third of the world's countries from joining in the condemnation of the aggression.
It is also remarkable to note that the strengthening of sanctions against Russia was, in fact, the only diplomatic step taken by the EU and the French presidency: no political step to unblock the situation and possibly open the way to political negotiations was concretely undertaken: neither the search for an extra-ordinary conference nor the help of third countries or personalities (the Indian, Israeli and Turkish initiatives were individual and discouraged by the major powers).
The situation was made all the more difficult by the fact that this political line was vigorously supported by Jo Biden and the United States, and that a US political leadership was quickly established that had not been seen since the Iraq war in 2003.
No EU peace initiative and US leadership are the first two characteristics of these first months of war.
There is obviously a third one that "toutleurope" highlights: for the first time in its 55-year history, the European Union has financed arms deliveries to a country at war. It can be said that the leadership for this politico-strategic revolution was given by German Commissioner Ursula von der Leyen on 27 February. It should be noted that this decision was approved by the French presidency and the majority of other European leaders, without there being any debate in the national parliaments on this extraordinary turn in the European Union's policy.
With hindsight, it can be said that this EU decision was a strong political signal, and that many countries followed this example and delivered increasingly sophisticated armaments to the Ukrainian army, such as France, which ended up delivering Caesar artillery equipment, which is the best in long-range artillery.
We know that these arms deliveries were accompanied by announcements of strong increases in national military budgets and, always with strong diplomatic pressure from the United States, by a strengthening of support for NATO and its enlargement with the arrival of Sweden and Lithuania.
These adjustments to military budgets, the increased effort to strengthen armies and their equipment has been particularly spectacular in Germany.
On 27 February 2022, German Chancellor Olaf Scholz announced a €100 billion fund to modernise the Bundeswehr, marking a break in Germany's political and military culture since the end of World War II. In addition, Germany delivered military equipment to the war-torn Ukraine, also a break with its previous policy.
Furthermore, Chancellor Olaf Scholz said on Tuesday 28 June, "Germany is building the largest European conventional army in NATO". He assured that Berlin will invest, on average, "about 70 to 80 billion euros per year" in its military capabilities "over the next few years" (instead of the current 50).
We can therefore note that the two other characteristics of the period that has just passed are a clear militarisation of European economies (in terms of military budgets, equipment and arms transfers) and a much stronger and more dynamic presence of German diplomacy (directly at the national level with the Social Democrat Chancellor Scholz or indirectly at the European level with the President of the Commission, Mrs Ursula von der Leyen).
One is obliged to note, without exaggerated bias, the strange passivity or followership of President Emmanuel Macron: he has gone along with the "all-sanctions" policy; he, who spoke of the "brain death" of NATO a year ago, has applauded the enlargement of the alliance; finally, by announcing the "re-evaluation" of French military spending, he has joined a ruinous arms race, while enormous sums are needed for the energy transition and the reduction of inequalities in the world.Yet experience shows that all international crises can only be overcome by seeking political solutions and compromises aimed at establishing peace while strengthening international law in the long term. It also shows that common security cannot be built in the long term solely through the mutual accumulation of armaments: détente in Europe only progressed after the conclusion of the Helsinki agreements, following the successful Conference on Peace and Security in Europe in 1975.
This was not the path chosen by President Macron during his six-month EU presidency and in dealing with Russia. Observers had the impression of a French president who found it difficult to exist through strong and original diplomatic initiatives, who tried in vain to create a "buzz" with the multiplication of telephone exchanges with Putin without any real diplomatic demands, except once, on 28 May, during a telephone conversation in which Chancellor Scholtz also took part and during which the food crisis and the resumption of negotiations with V. Zélensky were discussed. The impression of a 'diplomacy of words' was reinforced by the images and sound of the exchange between Emmanuel Macron and Jo Biden in a courtyard during the G7, during which the former boasted of having been able to obtain information on oil deliveries from the Saudis.
The result of this attempt to draw up an assessment of the French Presidency of the European Union in 2022 and of Emmanuel Macron's actions is therefore a very mixed picture, one that can of course be criticised and amended. I will extend it in a future article on the analysis and criticism of Emmanuel Macron's foreign policy as a whole throughout his five-year term, including his relationship with the United Nations, a subject I have not addressed in this article.
jeudi 30 juin 2022
Visionnez l'enregistrement de la visio Table-ronde sur l'Ukraine
Visionnez l'enregistrement de la visio Table-ronde de l'IDRP sur l'Ukraine du 28 juin dernier en cliquant sur ce lien :
La table-ronde n'a pas déçu les attentes : la qualité des intervenants a aidé à construire la réflexion des auditeurs.
Une expérience à renouveler certainement.
mardi 28 juin 2022
OTAN - G7 : NOUVELLE "SAINTE ALLIANCE" ?
Le sommet des pays du G7 s'est tenu ce dimanche 27 juin en Bavière tandis que le sommet de l'OTAN démarre lui ce 29 juin à Madrid.
Non prévu au départ, ce télescopage des dates prend un sens nouveau dans la situation internationale comme l'a mis en évidence le président des États-Unis, Jo Biden. Le G7 et l'Otan doivent «rester ensemble» contre l'agression russe de l'Ukraine, a-t-il déclaré avant un entretien avec le chancelier allemand Olaf Scholz.
Rappelons brièvement les caractéristiques des deux organisations internationales.
Le Groupe des sept (G7) est un groupe de discussion et de partenariat économique de sept pays qui étaient en 1975 les plus grandes puissances avancées du monde et qui détiennent environ aujourd'hui 45 % de la richesse nette mondiale : Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni. Manquent trois puissances qui figurent dans les dix économies les plus puissantes : la Chine, l'Inde et la Corée du sud. Beaucoup d'associations altermondialistes, de gouvernements de pays en voie de développement contestent la légitimité de ce G7 créé en dehors du système multilatéral onusien, et accusent le groupe de vouloir « diriger le monde » et de contourner l'ONU.
L'OTAN, créée le 4 avril 1949, est une alliance militaire intégrée, qui englobe l'alliance politique conclue par les pays signataires du Traité de l'Atlantique nord, et l'organisation civile et militaire mise en place pour en réaliser les objectifs.
À la suite de l'agression de la Russie contre l'Ukraine, les pays membres de l'OTAN ont soutenu l'Ukraine en fournissant des armements lourds, une assistance technique, des formations militaires parce que l'OTAN estime que "la sécurité euro-atlantique se trouve menacée comme elle ne l’avait plus été depuis des décennies". Elle justifie ainsi qu'elle agit indirectement hors du sol de ses pays membres, contrairement aux buts initiaux de sa fondation en 1949.
Dans le cadre de cet engagement, elle devrait être rejointe par deux pays supplémentaires : la Suède et la Lituanie, ce qui va incontestablement renforcer un certain "encerclement" géo-stratégique de la Russie. Outil militaire, l'OTAN n'est évidemment pas en charge de la recherche de solutions politiques pour sortir du conflit, mais elle pèse quand même dans le débat lorsque son secrétaire général, Jens Stoltenberg déclare que la guerre pourrait durer "des années".
On ne peut pas examiner l'engagement actuel de l'OTAN sans prendre en compte sa volonté d'élargir depuis trente ans ses missions "hors zone", ce qui l'a amenée à être présente militairement notamment au Kosovo, en Afghanistan, en Libye.
Ses différents "concepts stratégiques" adoptés (1991 - 1999 - 2010) ont produit une "définition plus large de la sécurité de la zone euro-atlantique, la prise en compte des nouveaux risques apparus depuis la fin de la guerre froide". Le concept défini à Madrid va insister, selon le secrétaire général délégué de l’OTAN, M. Geoană, sur l'idée que le monde sera le "reflet d'une ère de compétition entre grandes puissances" et affirmera que la Russie représente désormais « l'une des menaces les plus importantes pour la sécurité en Europe et au-delà ». M. Geoană a ajouté que "le rôle de la Chine en tant qu'acteur de transformation dans les affaires du monde serait également reconnu".
C'est compte tenu de ces évolutions que les déclarations du président Biden affirmant que OTAN et G7 devaient «rester ensemble» amènent des réflexions nouvelles.
Cela signifie-t-il que l'OTAN deviendrait de plus en plus, non pas seulement une alliance de pays européens, mais aurait une dimension de plus en plus mondialiste ? La référence au G7, perçu comme "club des riches" n'est pas neutre. De plus, le Sommet de Madrid de l'OTAN va accueillir pour la première fois de son histoire le Premier ministre japonais KISHIDA et le président sud-coréen Yoon Seok-yeol.
Ces deux "premières" historiques risquent de renforcer, à juste titre, l'idée que l'OTAN devient la référence et même le bras armé, non pas forcément des "démocraties" ou des "états de droit" mais aussi celui des puissants de cette planète, des "saigneurs" de la terre comme le dénonçaient les militants altermondialistes dans les années 1990.
Cela ne ferait que consolider la défiance et la méfiance des pays dans de larges zones de la planète qui verraient se constituer ce nouveau bloc occidentalo-libéral comme un outil de domination des grandes puissances.
Est-il crédible de penser trouver une issue à la guerre en Ukraine uniquement par des moyens militaires, sans ouvrir parallèlement des créneaux politiques de négociations ? Porter, comme c'est annoncé, la force d'intervention rapide de l'OTAN à 300 000 hommes au lieu de 50 000, les dépenses militaires non plus à un "objectif" de 2 % du PIB mais à un "plancher" de 2 %, sont-elles les bonnes décisions ? Toutes les guerres ont eu une issue politique, à moins de décider, et ce sera un choix délibéré, pas seulement des Russes mais aussi des Occidentaux, de faire durer la guerre "pendant des années". Cela aurait pour conséquences, au-delà des indignations d'aujourd'hui, de faire supporter en fait pendant des années les souffrances au peuple ukrainien pour des objectifs qui les dépassent de plus en plus et deviennent des enjeux géo-stratégiques globaux et planétaires ?
Ne faut-il pas inverser les logiques actuelles ? La mondialisation irréversible des échanges internationaux, les mutations technologiques, l'évolution des nouvelles technologies de communication appellent des réponses de plus en plus globales et surtout appellent plus de coopérations, de collaborations. La sécurité commune et globale ne peut plus reposer aujourd'hui sur les rapports de forces militaires mais sur des relations multilatérales. Les organisations basées sur les dominations économiques ou militaires comme le G7 ou l'OTAN vont à l'inverse des besoins de l'humanité. Il faut trouver le chemin de leur dépassement, de leur disparition au profit de nouvelles structures qui correspondent vraiment à l'esprit coopératif de la Charte des Nations unies : "Nous, peuples des nations unies...".
Il existe des prises de conscience, mais encore bien minoritaires.
Ainsi, ce dimanche 26 août, les deux lieux de rendez-vous de l'OTAN et du G7, Madrid et Vienne, ont vu se rassembler des foules importantes (20 à 30 000 à Vienne, plus de 10 000 à Madrid) pour dénoncer le caractère guerrier de l'OTAN et l'incapacité des pays du G7 à s'attaquer à la pauvreté dans le monde et au réchauffement climatique. Mais, c'est bien insuffisant !
Surtout, cela ne devrait-il pas inciter partout progressistes, militants pour la paix, pour un monde plus juste et plus durable, à relancer le débat de manière large et populaire sur la raison d'être de ces institutions (OTAN, G7 mais aussi OMC), symboles de puissance dépassés, et de remettre en chantier le débat sur la démocratisation des institutions onusiennes. Cette réforme est indispensable à la construction d'un monde vraiment multilatéral mais le système onusien a besoin de réformes profondes pour se démocratiser, s'ouvrir aux changements du monde (sociétés civiles, collectivités locales) et gagner en efficacité. Cela implique aussi une pression de l'opinion plus forte pour faire appliquer les derniers traités irriguant le droit international : cour pénale internationale, traité d'interdiction des armes nucléaires, contrôle du commerce des armes. Le chantier est vaste et ardu mais est indispensable si nous ne voulons pas voir se multiplier demain les crises et guerres comme celle d'Ukraine actuellement.
Le 29 juin 2022
vendredi 10 juin 2022
Ukraine : une table-ronde de l'IDRP exceptionnelle le 28 juin
La qualité des intervenants devrait aider à construire la réflexion des auditeurs de la table-ronde de ce mardi 28 juin. Nous vous y souhaitons nombreux.
jeudi 9 juin 2022
Vidéo de la Conférence de Daniel Durand sur l'Ukraine le 7 juin 2022
Si vous n'avez pas pu assister à la
visioconférence de ce mardi 7 juin sur l'Ukraine avec Daniel Durand, elle est maintenant
disponible sur le site du Mouvement de la paix en rubrique Vidéos,
et dans la page sur l'Europe.
Voilà le lien direct,
sur notre chaîne Youtube : https://www.youtube.com/watch?
Le Mouvement de la paix