vendredi 11 novembre 2022

11 novembre : se souvenir et réfléchir

Il y a 104 ans, le 11 novembre 1918, un armistice mettait fin à ce qui fut appelé la 1ère Guerre mondiale, et qui pour beaucoup fut alors souhaité être la "der des der".
Nous connaissons aujourd'hui son effroyable bilan réel : près de 20 millions de morts, par moitié civils et militaires.
Le Traité de Versailles (1) signé huit mois plus tard, le 28 juin 1919, marqua la consolidation de la paix. Il fut inspiré par un fort esprit de revanche chez les vainqueurs, explicable pour une part par les dommages terribles subis pendant quatre ans, explicable aussi par un déferlement médiatique chauvin de la presse de l'époque. "l'Allemagne paiera" ! C'est au nom de ce slogan simpliste que de lourds dommages de guerre furent infligés au peuple allemand, que la Ruhr fut occupée, etc... La crise économique avec une inflation inimaginable aujourd'hui, l'humiliation ressentie par les vaincus, préparèrent les ferments de la haine et favorisèrent l'arrivée au pouvoir du sinistre Adolf Hitler. Une architecture de sécurité mondiale, comme nous disons aujourd'hui, la Société des nations (SDN) (2)fut mise en place, dans le cadre du Traité de Versailles, sous la pression des États-Unis du Président Woodrow Wilson, dont l'engagement massif à partir de 1917, la fourniture d'armes et de matériel militaire fut décisif pour la coalition franco-britannique. Cette SDN ne put jouer pleinement son rôle, puisque ses instigateurs, les États-Unis de Wilson, n'y adhérèrent pas et que les vaincus, Allemagne et Japon, la quittèrent en 1933. In fine, la SDN fut incapable d'empêcher le déclenchement de la 2e Guerre mondiale en 1939.
Pourquoi rappeler l'histoire ? Parce qu'il ne faut pas oublier que, dans la dernière décennie de notre 21e siècle, la guerre a tué près d’un million de personnes, en a blessé plusieurs millions et provoqué des exodes de plusieurs dizaines de millions de personnes.
Depuis six mois, la guerre enclenchée par la Russie contre l'Ukraine sème la mort et la désolation dans ce pays, provoque morts, ruines, déplacements de population, conditions de vie très dures. Cette guerre est menée sans raisons valables, contre les règles du droit international, de la Charte des Nations unies, comme je l'ai déjà écrit.
Cette situation, lourde de menaces pour la paix du monde, pèse sur les consciences :  un peu partout, le "ci vis pacem, parabellum" ("Si tu veux la paix, prépare la guerre") semble gagner du terrain.
Une information schématique, digne des propagandes de guerre de 1914-18 ou 1939-45 est majoritaire dans nos médias. La seule issue présentée est de "punir le méchant" sans expliquer que toute guerre est complexe, dévastatrice pour les peuples, qu'elle doit avoir forcément une fin politique et que celle-ci est toujours une solution politique négociée.
Les efforts des gouvernements, des opinions publiques doivent donc se concentrer sur les moyens d'exercer une pression politique maximum sur les deux acteurs du conflit pour qu'ils s'assoient à la table des négociations. On a su le faire pour les livraisons de blé, pour l’inspection de la centrale de Zaporojie. On peut le faire pour la paix.
Des voix de plus en nombreuses commencent à s'élever en ce sens : celle du pape François, du Secrétaire général des Nations unies Antonio Gutteres, de l'opinion publique (ainsi 100 000 personnes se sont réunies à Rome ce samedi 5 novembre pour demander un cessez-le-feu, l'arrêt des combats et l'ouverture de négociations).
Pour trouver ce chemin du dialogue, il faut 0arrêter de proclamer que la solution viendra de la défaite ou de l'écrasement d'un des deux acteurs. Refusons de nous laisser entraîner dans ce qui semble devenir de plus en plus un processus de 3e Guerre mondiale "par procuration" entre les États-Unis et la Chine (3). La voie des négociations sera longue et difficile : elle passera nécessairement par des compromis.
Aux négociateurs de faire que ces compromis ne figent pas la situation et n’entérinent pas les solutions de force, contraires au droit international. Mais souvenons-nous des leçons de l’après 1918, du facile « l’Allemagne paiera ! », du calamiteux Traité de Versailles qui a conduit l’Allemagne dans les bras de Hitler, du suivisme aveugle vis a vis de nos puissants alliés des États-Unis. Ne prenons pas le risque de se voir imposer une solution pour l’après-guerre de leur choix, sans qu’ils en assument toujours toutes les responsabilités.
Renouvelons d’efforts pour expliquer et mobiliser l’opinion publique pour lui démontrer que le seul slogan valable est « Si tu veux la paix, prépare la paix » ! C’est cela, me semble-t-il, ce que nous devons à la mémoire des hommes dont les noms figurent par centaines de milliers sur les monuments aux morts de nos villages !

Daniel Durand - Président de l'IDRP ((Institut de Documentation et de Recherches sur la Paix - https://idrp-institut.org)

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1 - Pour une première approche, voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Trait%C3%A9_de_Versailles 
2 - Idem, voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Soci%C3%A9t%C3%A9_des_Nations
3 - Lire cette déclaration d’un amiral US Charles Richards dans « La guerre en Ukraine n'est qu'un échauffement avant un grand conflit », avertit un amiral américain - Les Échos 8/11 Pierre Demoux - https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/la-guerre-en-ukraine-nest-quun-echauffement-avant-un-grand-conflit-avertit-un-amiral-americain-1876883

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