mardi 28 juin 2022

OTAN - G7 : NOUVELLE "SAINTE ALLIANCE" ?

Le sommet des pays du G7 s'est tenu ce dimanche 27 juin en Bavière tandis que le sommet de l'OTAN démarre lui ce 29 juin à Madrid.
Non prévu au départ, ce télescopage des dates prend un sens nouveau dans la situation internationale comme l'a mis en évidence le président des États-Unis, Jo Biden. Le G7 et l'Otan doivent «rester ensemble» contre l'agression russe de l'Ukraine, a-t-il déclaré avant un entretien avec le chancelier allemand Olaf Scholz.
Rappelons brièvement les caractéristiques des deux organisations internationales.
Le Groupe des sept (G7) est un groupe de discussion et de partenariat économique de sept pays qui étaient en 1975 les plus grandes puissances avancées du monde et qui détiennent environ aujourd'hui 45 % de la richesse nette mondiale : Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni. Manquent trois puissances qui figurent dans les dix économies les plus puissantes : la Chine, l'Inde et la Corée du sud. Beaucoup d'associations altermondialistes, de gouvernements de pays en voie de développement contestent la légitimité de ce G7 créé en dehors du système multilatéral onusien, et accusent le groupe de vouloir « diriger le monde » et de contourner l'ONU.
L'OTAN, créée le 4 avril 1949, est une alliance militaire intégrée, qui englobe l'alliance politique conclue par les pays signataires du Traité de l'Atlantique nord, et l'organisation civile et militaire mise en place pour en réaliser les objectifs.
À la suite de l'agression de la Russie contre l'Ukraine, les pays membres de l'OTAN ont soutenu l'Ukraine en fournissant des armements lourds, une assistance technique, des formations militaires parce que l'OTAN estime que "la sécurité euro-atlantique se trouve menacée comme elle ne l’avait plus été depuis des décennies". Elle justifie ainsi qu'elle agit indirectement hors du sol de ses pays membres, contrairement aux buts initiaux de sa fondation en 1949.
Dans le cadre de cet engagement, elle devrait être rejointe par deux pays supplémentaires : la Suède et la Lituanie, ce qui va incontestablement renforcer un certain "encerclement" géo-stratégique de la Russie. Outil militaire, l'OTAN n'est évidemment pas en charge de la recherche de solutions politiques pour sortir du conflit, mais elle pèse quand même dans le débat lorsque son secrétaire général, Jens Stoltenberg déclare que la guerre pourrait durer "des années".
On ne peut pas examiner l'engagement actuel de l'OTAN sans prendre en compte sa volonté d'élargir depuis trente ans ses missions "hors zone", ce qui l'a amenée à être présente militairement notamment au Kosovo, en Afghanistan, en Libye.
Ses différents "concepts stratégiques" adoptés (1991 - 1999 - 2010) ont produit une "définition plus large de la sécurité de la zone euro-atlantique, la prise en compte des nouveaux risques apparus depuis la fin de la guerre froide". Le concept défini à Madrid va insister, selon le secrétaire général délégué de l’OTAN, M. Geoană, sur l'idée que le monde sera le "reflet d'une ère de compétition entre grandes puissances" et affirmera que la Russie représente désormais « l'une des menaces les plus importantes pour la sécurité en Europe et au-delà ». M.  Geoană a ajouté que "le rôle de la Chine en tant qu'acteur de transformation dans les affaires du monde serait également reconnu".
C'est compte tenu de ces évolutions que les déclarations du président Biden affirmant que OTAN et G7 devaient «rester ensemble»  amènent des réflexions nouvelles.
Cela signifie-t-il que l'OTAN deviendrait de plus en plus, non pas seulement une alliance de pays européens, mais aurait une dimension de plus en plus mondialiste ? La référence au G7, perçu comme "club des riches" n'est pas neutre. De plus, le Sommet de Madrid de l'OTAN va accueillir pour la première fois de son histoire le Premier ministre japonais KISHIDA et le président sud-coréen Yoon Seok-yeol.
Ces deux "premières" historiques risquent de renforcer, à juste titre, l'idée que l'OTAN devient la référence et même le bras armé, non pas forcément des "démocraties" ou des "états de droit" mais aussi celui des puissants de cette planète, des "saigneurs" de la terre comme le dénonçaient les militants altermondialistes dans les années 1990.
Cela ne ferait que consolider la défiance et la méfiance des pays dans de larges zones de la planète qui verraient se constituer ce nouveau bloc occidentalo-libéral comme un outil de domination des grandes puissances.
Est-il crédible de penser trouver une issue à la guerre en Ukraine uniquement par des moyens militaires, sans ouvrir parallèlement des créneaux politiques de négociations ? Porter, comme c'est annoncé, la force d'intervention rapide de l'OTAN à 300 000 hommes au lieu de 50 000, les dépenses militaires non plus à un "objectif" de 2 % du PIB mais à un "plancher" de 2 %, sont-elles les bonnes décisions ? Toutes les guerres ont eu une issue politique, à moins de décider, et ce sera un choix délibéré, pas seulement des Russes mais aussi des Occidentaux, de faire durer la guerre "pendant des années". Cela aurait pour conséquences, au-delà des indignations d'aujourd'hui, de faire supporter en fait pendant des années les souffrances au peuple ukrainien pour des objectifs qui les dépassent de plus en plus et deviennent des enjeux géo-stratégiques globaux et planétaires ?
Ne faut-il pas inverser les logiques actuelles ? La mondialisation irréversible des échanges internationaux, les mutations technologiques, l'évolution des nouvelles technologies de communication appellent des réponses de plus en plus globales et surtout appellent plus de coopérations, de collaborations. La sécurité commune et globale ne peut plus reposer aujourd'hui sur les rapports de forces militaires mais sur des relations multilatérales. Les organisations basées sur les dominations économiques ou militaires comme le G7 ou l'OTAN vont à l'inverse des besoins de l'humanité. Il faut trouver le chemin de leur dépassement, de leur disparition au profit de nouvelles structures qui correspondent vraiment à l'esprit coopératif de la Charte des Nations unies : "Nous, peuples des nations unies...".
Il existe des prises de conscience, mais encore bien minoritaires.
Ainsi, ce dimanche 26 août, les deux lieux de rendez-vous de l'OTAN et du G7, Madrid et Vienne, ont vu se rassembler des foules importantes (20 à 30 000 à Vienne, plus de 10 000 à Madrid) pour dénoncer le caractère guerrier de l'OTAN et l'incapacité des pays du G7 à s'attaquer à la pauvreté dans le monde et au réchauffement climatique. Mais, c'est bien insuffisant !
Surtout, cela ne devrait-il pas inciter partout progressistes, militants pour la paix, pour un monde plus juste et plus durable, à relancer le débat de manière large et populaire sur la raison d'être de ces institutions (OTAN, G7 mais aussi OMC), symboles de puissance dépassés, et de remettre en chantier le débat sur la démocratisation des institutions onusiennes. Cette réforme est indispensable à la construction d'un monde vraiment multilatéral mais le système onusien a besoin de réformes profondes pour se démocratiser, s'ouvrir aux changements du monde (sociétés civiles, collectivités locales) et gagner en efficacité. Cela implique aussi une pression de l'opinion plus forte pour faire appliquer les derniers traités irriguant le  droit international : cour pénale internationale, traité d'interdiction des armes nucléaires, contrôle du commerce des armes. Le chantier est vaste et ardu mais est indispensable si nous ne voulons pas voir se multiplier demain les crises et guerres comme celle d'Ukraine actuellement.
Le 29 juin 2022

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire