jeudi 2 juin 2022

Non à la disparition du corps diplomatique français !

Pour avoir fréquenté pendant plusieurs années dans mon activité internationale militante au sein du Mouvement de la paix de nombreux français, en particulier les équipes diplomatiques en charge des questions du désarmement à *Genève ou à New-York, je sais combien il y a besoin d'un service diplomatique ayant le sens du service public et de l'État. C'est pourquoi je soutiens entièrement la protestation des personnels qui protestent contre les décisions de démantèlement du président Macron. 

Daniel Durand

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APPEL DE L’INTERSYNDICALE A LA GRÈVE LE 2 JUIN ET A UNE CONSULTATION DE TOUS LES AGENTS SUR L’AVENIR DES MÉTIERS DU MINISTÈRE des AFFAIRES ÉTRANGÈRES

CFTC – ASAM – USASCC – SOLIDAIRES – CGT– FSU et ASAO

Avec le soutien d’un collectif de 450 « jeunes » agents du ministère.

Contre la disparition des métiers de la diplomatie, du consulaire, de la coopération et de l’action culturelle. 

Les réformes s’accumulent au MAE sur fond d’inter-ministérialité aveugle où les agents seraient interchangeables arbitrairement. Des métiers, des corps disparaissent. Le Quai d’Orsay disparaît petit à petit.
- La réforme de la ministre de la Transformation publique, Amélie de Montchalin, a livré la quasi-totalité des postes de travail des agents A, B et C du ministère sur la vaste transparence interministérielle PEP (Place de l’Emploi Public) et mis en extinction les deux premiers corps, des conseillers et ministres plénipotentiaires, ce qui percute directement l’avenir déjà assombri des secrétaires des affaires étrangères et de chancellerie et celui des attachés et secrétaires des systèmes d’information et des adjoints techniques et administratifs de chancellerie, au prix de l’attractivité des carrières. Cette « réforme », alors que le ministère est déjà très majoritairement ouvert aux compétences venues d’ailleurs comme le démontre la composition des équipes dans les postes et en Centrale (55% d’externes, dont 30% dans l’encadrement, fonctionnaires titulaires du MAE minoritaires), ne se justifiait pas. Elle permettra nombre de nominations de complaisance au détriment de la compétence, de l’expertise, des missions,et des politiques publiques, et ne réglera pas la situation des nombreux agents contractuels du Département soumis à une précarité toujours plus grande et à une criante inégalité de traitement.
- La dématérialisation des démarches des citoyens si elle peut contribuer à améliorer le service rendu au public, se déroule à marche forcée et commence déjà à avoir une incidence directe sur les métiers consulaires, leurs effectifs, leurs conditions de travail. Elle contribue, telle qu’elle est menée, à la dégradation accélérée du service rendu à nos compatriotes, notamment les plus fragiles. Sous couvert de progrès techniques, les promoteurs de ces réformes entendent surtout réduire ETP et masse salariale, ciblant particulièrement les agents C, B et les agents de droit local.
- Les métiers de la coopération internationale et de l’action culturelle se voient toujours plus entamés par la montée en puissance continue d’opérateurs et d’agences sur lesquelles la tutelle du MAE est de plus en plus théorique. Cette évolution conduit à des effectifs et des moyens réduits et à une autorité du Ministère battue en brèche dans le pilotage des politiques publiques.
- En interne, la politique du tout prestataire a envahi des pans entiers des services du MAE, en particulier ceux du numérique, avant extension aux services de gestion, eux-mêmes déjà soumis à une forte pression, en vue de leur inter-ministérialisation.
- Les suppressions continues d’ETP, dans tous les secteurs et toutes les catégories du Quai d’Orsay (-30% en 10 ans, -50% en 30 ans), et le recours croissant à des stagiaires et vacataires pour remplacer des emplois pérennes, pèsent toujours davantage sur les épaules des agents, chez lesquels les manifestations d’épuisement et de harcèlement s’accumulent, tandis qu’à la suite de l’ouverture bienvenue du recours au télétravail, on commence à voir pointer des logiques immobilières qui auront des effets directs sur le lien social, la cohésion des équipes, le sentiment d’appartenance à un collectif de travail.
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Ces mesures démantelant notre outil diplomatique sont un non-sens au moment où la guerre vient de faire son retour en Europe, après une pandémie inédite dans l’Histoire et le rapatriement de plus de 300.000 compatriotes en 15 jours, sans équivalent dans le monde, alors que le fractionnement du monde et la recomposition brutale de la mondialisation se déroulent précisément sous nos yeux et appellent une réponse active et de long terme.
C’est bien dans ce contexte que notre pays doit plus que jamais pouvoir compter sur l’expertise et les compétences de son service diplomatique qui est déjà, contrairement aux préjugés, particulièrement ouvert à des profils et des savoirs différents et à des origines sociales variées. Or, la réforme d’Amélie de Montchalin le réduira à un profil unique prétendument élitiste d’administrateurs généralistes interchangeables, qui ne correspond pas à la diversité et à la richesse maine de nos métiers.
La France doit tout autant sanctuariser son service consulaire, toujours plus raboté alors qu’il fait pourtant régulièrement la preuve de son efficacité à protéger et aider nos compatriotes à l’étranger. Avec des effectifs sans commune mesure avec ceux des grandes villes de France (13.000 ETP pour le ministère contre 50.000 pour la Ville de Paris), le Quai d’Orsay arrive à déployer un large éventail de services dans le monde entier au bénéfice de plus de deux millions de nos compatriotes.
Il s’agit aussi de ne plus saborder nos emplois et outils d’influence, dans le champ notamment de la coopération et de l’action culturelle, alors même que de nouveaux acteurs émergent, concurrençant nos valeurs, nos intérêts, notre langue et notre politique de rayonnement culturelle, éducative et scientifique.
Depuis bien longtemps, des bilans partagés avec le corps social du MAE auraient dû être dressés sur l’empilement des plans d’économies (RGPP, MAP, et autres AP), le reformatage incessant du réseau (consulats d’influence, fusions SCAC/EAF, PPD, bureaux de France, SAF puis SGA, etc.), les effets de la mobilisation des agents à l’étranger et en Centrale face aux conflits et catastrophes de tous ordres, les conditions de travail, l’image du Ministère, et tant d’autres défis. Il n’en a rien été, malgré les attentes des agents relayées par les revendications et propositions des organisations syndicales et des associations. Depuis des années, le MAE donne en réalité le sentiment d’être livré, et les agents avec lui, aux vents de réformes brutales, désormais ouvertement agressives et méprisantes à leur encontre.
C’est fort de ce constat qu’un collectif spontané de collègues du ministère, en particulier de jeunes collègues, s’est formé et compte désormais plus de 400 membres. Il a convergé avec les organisations de l’intersyndicale formée l’an dernier contre la réforme du MAE, d’où ressort cet appel à l’action.
Réagissons :

- d’abord par une grève le jeudi 2 juin, qui permettra aux agents de montrer qu’ils ne se résignent pas à voir leurs métiers et perspectives de carrière disparaître, et avec eux un pan complet de l’armature de notre Etat qui a fait ses preuves au cours de notre Histoire, et d’exprimer, à cette occasion, toutes leurs attentes sur les conditions d’organisation de leur recrutement et de reconnaissance de leurs compétences, notamment à travers leurs affectations et déroulement de carrière ;
- ensuite, par l’ouverture d’une consultation la plus large possible, sous la forme d’« assises du MAE», permettant l’évaluation et les propositions, avec les agents eux-mêmes, de leurs conditions de travail, de l’avenir de leurs missions, de leurs métiers et du Ministère au service de la France et des Français, en particulier de nos compatriotes expatriés.

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L’appel de 500 agents du ministère des affaires étrangères : « Nous faisons face à un risque de disparition de notre diplomatie professionnelle »


Dans une tribune au « Monde », un collectif de quelque 500 agents du ministère des affaires étrangères exprime sa colère face à la « suppression brutale du corps diplomatique », qui motive un appel à la grève le 2 juin. Publié le 25 mai 2022

A l’heure de la guerre en Ukraine, au lendemain d’une crise pandémique exceptionnelle, les agents du Quai d’Orsay ont décidé de faire grève le 2 juin à l’appel de l’intersyndicale regroupant la majorité des organisations syndicales et d’un collectif de quelque 500 agents dont de nombreux jeunes diplomates. Cette décision n’aura pas été facile à prendre tant elle n’est pas dans la culture maison.
Elle est l’expression d’une colère face à la suppression brutale du corps diplomatique, qui frappe non seulement les corps de conseillers des affaires étrangères et de ministres plénipotentiaires mais aura aussi des répercussions profondes sur l’avenir de tous les personnels, qu’ils soient secrétaires des affaires étrangères et de chancellerie, attachés et secrétaires des systèmes d’information et adjoints techniques et administratifs de chancellerie, qu’ils soient titulaires ou contractuels.
De très nombreuses personnalités ont alerté sur les risques d’une telle décision qui permettra des nominations de complaisance au détriment de la compétence et aura pour conséquence la déstructuration des carrières, une perte de l’expertise et une crise des vocations. Nous faisons face à un risque de disparition de notre diplomatie professionnelle. Les métiers du Quai d’Orsay s’apprennent en effet sur le temps long, par la multiplication d’expériences, notamment à l’étranger et dans des postes difficiles, et la transmission des savoirs et des expériences entre les agents.

Une remise en question du ministère

Surtout, s’engager au Quai d’Orsay est une vocation et un choix de vie, passionnant et riche d’opportunités bien sûr mais comportant également son lot de contraintes personnelles et familiales souvent sous-estimées. Les agents s’insurgent également face au soupçon, qui sous-tend cette réforme, d’un ministère replié sur lui-même. Et pour cause, car le ministère des affaires étrangères, par nature tourné vers la coordination interministérielle de l’action extérieure de l’Etat, est déjà très ouvert aux autres administrations : dans les ambassades et dans les services se côtoient des diplomates, des militaires, des policiers, des agents de Bercy, des membres des ministères de la culture, de l’éducation nationale, de l’agriculture, de l’écologie, etc.
Le ministère accueille aussi, dans des conditions souvent précaires, des contractuels talentueux qui viennent d’horizons très divers : secteur privé, ONG, organisations internationales. Au-delà, c’est la question des moyens humains donnés à notre outil diplomatique que cette grève veut poser. Déjà, en 2010, les anciens ministres Hubert Védrine et Alain Juppé alertaient : « Cessez d’affaiblir le Quai d’Orsay ! »
Aujourd’hui, les agents – de toutes les catégories et de tous les métiers, diplomatiques, consulaires, culturels et de gestion – ont la conviction que c’est l’existence même du ministère qui est désormais remise en question. En effet, cette décision s’ajoute à des décennies de marginalisation du rôle du ministère au sein de l’État, de démembrement et d’affaiblissement au profit d’opérateurs externes et de réduction vertigineuse des moyens : effectifs en baisse de 30 % en dix ans et de 50 % en trente ans ; budget atteignant à peine 0,7 % du budget de l’État.

Un sentiment d’injustice
Aujourd’hui, la réalité de notre outil diplomatique, c’est la multiplication de « postes de présence diplomatique », où une poignée d’agents assurent dans des conditions difficiles la représentation de la France, la défense de ses intérêts et le service public à la communauté française.
Le sentiment d’injustice est d’autant plus fort que les agents du Quai d’Orsay ont su se montrer à la hauteur, comme l’ont d’ailleurs relevé les plus hautes autorités de l’Etat, pour faire face aux crises qui secouent le monde et défendre les intérêts de la France : rapatriement des Français durant la pandémie, évacuation en Afghanistan, gestion de la guerre en Ukraine, pour ne parler que des exemples les plus récents.
Ils ne comprennent donc pas comment la position de la France sera mieux défendue par cette politique d’affaiblissement systématique du Quai d’Orsay. Dans un monde de plus en plus interdépendant, complexe et dangereux, être capable de lire et comprendre ses évolutions, d’y faire valoir nos principes et nos intérêts ne s’improvise pas.

Pour l’avenir de notre diplomatie
Au contraire, cela nécessite un ministère conforté et renforcé. C’est d’ailleurs le choix de tous nos autres grands partenaires internationaux : la France serait la seule puissance à se priver d’une diplomatie professionnelle.
C’est pourquoi, alors que ce malaise latent a été longtemps ignoré malgré l’action des organisations syndicales, malgré les rapports parlementaires, malgré le soutien d’éminentes personnalités, les agents ont souhaité exprimer leur colère tout en se disant prêts à renforcer le ministère via des réformes profondes, dont certaines avaient été esquissées dans le rapport de l’ambassadeur Jérôme Bonnafont.
A cette fin, ils proposent l’ouverture d’une grande consultation, en lien étroit avec les organisations syndicales, sous la forme d’Assises du Quai d’Orsay, pour écouter tous les agents et mettre sur la table l’ensemble des questions : nos missions, nos moyens et nos statuts. Il en va de l’avenir de notre diplomatie.
Le Collectif est le rassemblement spontané d’agents du ministère, en particulier de jeunes collègues, qui compte désormais quelque 500 membres. Il a convergé avec l’intersyndicale regroupant la majorité des organisations syndicales afin de déposer un préavis de grève pour le 2 juin.


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