La crise financière mondiale met à nu, parmi d'autres contradictions, le rôle négatif joué par le fardeau des dépenses militaires dans l'économie de nombreureux pays. L'économie grecque est plombée par celles-ci. Aux États-Unis, l'économiste Josef Stiglitz a écrit que « La croissance des dépenses de défense, avec les exemptions d'impôt de George Bush, sont des raisons clefs pour expliquer comment les Etats-Unis sont passés d'un excédent budgétaire de 2 % du PIB, au moment de l'élection de George Bush, à un déficit et à la position de la dette aujourd'hui ». Le budget militaire étatsunien dépasse les 750 milliards de dollars, mais si on y réintègre d'autres dépenses liées (retraites, sécurité intérieure, soins de longue durée aux anciens combattants, intérêts de la dette liée aux dépenses militaires), l'économiste Chalmers Johnson estime alors que le chiffre le plus réaliste est supérieur à 11OO Mds de $ pour 2008 ! Rien de surprenant dans ce contexte de voir des puissances dites émergentes comme le Brésil, l'Inde, augmenter elles aussi leurs dépenses militaires (+30 % entre 2007 et 2011). La Chine les a portées à 91 Mds de $ en 2011, soit environ 13,5 % de celles des USA. Ce rapport reste sensiblement le même si on intégre dans le budget chinois les dépenses non prises en compte (maintien de l'ordre, par ex) et si on les compare ce nouveau total (près de 200 Mds de $) au budget officiel étatsunien augmenté des mêmes dépenses non prises en compte (plus de 1100 Mds de $).
En France, à un budget de la défense important (38 Mds d'euros avec les pensions) s'ajoute maintenant un coût des interventions militaires extérieures (OPEX) en augmentation constante : plus d'un milliard d'euros en 2011 ! Certaines sont d'une légitimité internationale douteuse car le mandat initial du Conseil de sécurité des Nations unies a été perverti comme en Afghanistan (la pression US a fait passer l'option militaire avant les volets civils de l'opération) ou en Libye (la protection des civils contre Khadafi a été instrumentalisée au profit d'une opération de renversement du régime). Le coût des opérations françaises en Afghanistan s'établirait officiellement à plus de 600 millions d'euros et celui des opérations en Libye entre 300 et 350 millions d'euros selon le ministre Longuet (environ 60 % pour les munitions tirées et environ 70 millions d'euros de primes pour les 4300 militaires concernés par ces six mois d'opération). Ces chiffres sont-ils complètement transparents ? L'exemple du Royaume-Uni permet d'en douter : en juillet dernier, le gouvernement britannique avait indiqué que le coût global de la campagne de Libye tournerait autour de 300 millions d'euros, en septembre, une étude du Département de la Défense chiffre à 2 Mds d'euros les dépenses engagées par les Britanniques, soit sept fois plus ! L'opposition travailliste réclame la transparence, la question est posée aussi en France !
L'augmentation ou le maintien à un haut niveau des dépenses militaires perd sa légitimité dans le cadre de la crise financière et de l'austérité imposée aux populations. Il n'est pas étonnant dans ce contexte de voir se développer depuis le début du mois de septembre une campagne de presse pour maintenir au plus haut les dépenses militaires en France, et soutenir les politiques de militarisations défendues par l'actuel Président de la République.
Le général de l'armée de l'air, Stéphane Abrial, délégué à l'OTAN, déclare dans La Tribune que "Notre effort de défense doit être soutenu" ; le député UMP Guy Tessier, président de la commission de la Défense, refuse toute réduction "parce que là on est vraiment arrivé à l’épure...". Les arguments pour justifier ces choix sont sur le thème : le monde ne devient pas moins dangereux au contraire...
Cette pseudo-démonstration se base justement sur l'augmentation des dépenses militaires mondiales sans dire qu'elles proviennent d'abord du non-règlement de conflits (Irak, Afghanistan, Libye) qui auraient pû être résolus politiquement différemment et aussi, d'un climat de méfiance persistant du fait du ralentissement, voire du blocage, depuis l'ère Bush des processus de désarmement, notamment sur l'arme nucléaire. On peut d'ailleurs s'étonner de lire dans la presse de ces derniers jours des leaders socialistes comme Arnaud Montebourg (dans La Tribune) ou le conseiller militaire de Lionel Jospin, Louis Gautier (dans Le Monde), exprimant un soutien sans condition à l'arme nucléaire française, sans prendre en compte, les débats internationaux qui se sont ouverts sur sa possible abolition.
Les orientations françaises de défense sont définies par le Livre blanc de la Défense qui couvre la période 2009-2014. Le ministère commence à travailler pour sa réactualisation pour prendre en compte les orientations pro-otaniennes et interventionnistes de Nicolas Sarkozy à partir de 2012. Quatre groupes de travail ont été créés afin de réintégrer les problématiques non traitées, ou pas assez traitées dans l’édition de 2008, selon les responsables du ministère. Mais voilà, les élections présidentielles et législatives de 2012 dont le résultat est devenu incertain bouleversent la donne. Du coup, selon Francis DELON, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, la rédaction finale du Livre blanc actualisé ne pourra intervenir qu’après ces élections afin que la nouvelle Assemblée Nationale puisse voter éventuellement une nouvelle Loi de programmation militaire. Cela signifie que le débat sur la politique de défense de la France, son budget militaire, ses armements, sa politique de sécurité, ses relations avec la société internationale doivent être au coeur des débats des futures élections et que les candidats doivent fournir aux citoyens des engagements clairs. Il n'est pas trop tôt pour y réfléchir.
28 septembre 2011
En France, à un budget de la défense important (38 Mds d'euros avec les pensions) s'ajoute maintenant un coût des interventions militaires extérieures (OPEX) en augmentation constante : plus d'un milliard d'euros en 2011 ! Certaines sont d'une légitimité internationale douteuse car le mandat initial du Conseil de sécurité des Nations unies a été perverti comme en Afghanistan (la pression US a fait passer l'option militaire avant les volets civils de l'opération) ou en Libye (la protection des civils contre Khadafi a été instrumentalisée au profit d'une opération de renversement du régime). Le coût des opérations françaises en Afghanistan s'établirait officiellement à plus de 600 millions d'euros et celui des opérations en Libye entre 300 et 350 millions d'euros selon le ministre Longuet (environ 60 % pour les munitions tirées et environ 70 millions d'euros de primes pour les 4300 militaires concernés par ces six mois d'opération). Ces chiffres sont-ils complètement transparents ? L'exemple du Royaume-Uni permet d'en douter : en juillet dernier, le gouvernement britannique avait indiqué que le coût global de la campagne de Libye tournerait autour de 300 millions d'euros, en septembre, une étude du Département de la Défense chiffre à 2 Mds d'euros les dépenses engagées par les Britanniques, soit sept fois plus ! L'opposition travailliste réclame la transparence, la question est posée aussi en France !
L'augmentation ou le maintien à un haut niveau des dépenses militaires perd sa légitimité dans le cadre de la crise financière et de l'austérité imposée aux populations. Il n'est pas étonnant dans ce contexte de voir se développer depuis le début du mois de septembre une campagne de presse pour maintenir au plus haut les dépenses militaires en France, et soutenir les politiques de militarisations défendues par l'actuel Président de la République.
Le général de l'armée de l'air, Stéphane Abrial, délégué à l'OTAN, déclare dans La Tribune que "Notre effort de défense doit être soutenu" ; le député UMP Guy Tessier, président de la commission de la Défense, refuse toute réduction "parce que là on est vraiment arrivé à l’épure...". Les arguments pour justifier ces choix sont sur le thème : le monde ne devient pas moins dangereux au contraire...
Cette pseudo-démonstration se base justement sur l'augmentation des dépenses militaires mondiales sans dire qu'elles proviennent d'abord du non-règlement de conflits (Irak, Afghanistan, Libye) qui auraient pû être résolus politiquement différemment et aussi, d'un climat de méfiance persistant du fait du ralentissement, voire du blocage, depuis l'ère Bush des processus de désarmement, notamment sur l'arme nucléaire. On peut d'ailleurs s'étonner de lire dans la presse de ces derniers jours des leaders socialistes comme Arnaud Montebourg (dans La Tribune) ou le conseiller militaire de Lionel Jospin, Louis Gautier (dans Le Monde), exprimant un soutien sans condition à l'arme nucléaire française, sans prendre en compte, les débats internationaux qui se sont ouverts sur sa possible abolition.
Les orientations françaises de défense sont définies par le Livre blanc de la Défense qui couvre la période 2009-2014. Le ministère commence à travailler pour sa réactualisation pour prendre en compte les orientations pro-otaniennes et interventionnistes de Nicolas Sarkozy à partir de 2012. Quatre groupes de travail ont été créés afin de réintégrer les problématiques non traitées, ou pas assez traitées dans l’édition de 2008, selon les responsables du ministère. Mais voilà, les élections présidentielles et législatives de 2012 dont le résultat est devenu incertain bouleversent la donne. Du coup, selon Francis DELON, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, la rédaction finale du Livre blanc actualisé ne pourra intervenir qu’après ces élections afin que la nouvelle Assemblée Nationale puisse voter éventuellement une nouvelle Loi de programmation militaire. Cela signifie que le débat sur la politique de défense de la France, son budget militaire, ses armements, sa politique de sécurité, ses relations avec la société internationale doivent être au coeur des débats des futures élections et que les candidats doivent fournir aux citoyens des engagements clairs. Il n'est pas trop tôt pour y réfléchir.
28 septembre 2011