"J’ai donc ordonné aux forces armées françaises d’intervenir cette nuit, dans le cadre d’une opération internationale menée en coalition avec les Etats-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni et dirigée contre l’arsenal chimique clandestin du régime syrien" (communiqué de l'Élysée du 14 avril).
Ainsi, quinze ans après la position courageuse de la France refusant une action guerrière en Irak avec les États-Unis et le Royaume-Uni sans mandat des Nations unies, le président Macron vient de recréer une alliance "occidentale" pour mener une opération militaire internationale unilatérale.
Cette opération est clairement illégale selon la Charte des Nations unies qui rappelle que, seul le Conseil de sécurité, peut décider d'actions militaires et non des pays qui s’érigeraient en défenseurs du droit international. De la même manière, contrairement à ce qu'affirme le ministre des Affaires étrangères, la résolution 2118 du Conseil de sécurité ayant pour objet l'utilisation d'armes chimiques en Syrie, adoptée à l'unanimité le 27 septembre 2013, précise que c’est aussi le Conseil de sécurité qui prend la décision d’intervenir militairement et non tel ou tel État.
Le bombardement de sites syriens supposés receler des installations ou des stocks d'armes chimiques a eu lieu le jour où des inspecteurs de l'OIAC arrivaient sur place pour mener une enquête pour avoir la preuve des agissements criminels de Damas la semaine précédente le 7 avril, à Douma.
Les dirigeants français civils et militaires ont déclaré que les objectifs de ces attaques militaires étaient clairement identifiés comme liés à la production d'armes chimiques, activité qui serait complètement illégale depuis que la Syrie, en 2013, avait été contrainte d'adhérer à la Convention internationale d'interdiction des armes chimiques, sous la pression politique conjointe de Barak Obama et Vladimir Poutine. Cet accord avait permis de détruire une partie considérable des stocks chimiques syriens.
Une question se pose : si les occidentaux avaient des preuves de la poursuite de programmes clandestins de la fabrication ou du stockage de telles armes, pourquoi n'ont-ils pas déployé des initiatives politiques fortes, en concertation ou en faisant pression sur les Russes, pour poursuivre la destruction et la mise sous surveillance de ces stocks, pour empêcher le régime de Bachar Al Assad de mener des bombardements criminels ?
On cherche en vain, depuis cinq ans, la trace de telles initiatives au Conseil de sécurité, en dehors de quelques déclarations formelles sans véritable campagne.
Ce dimanche 15 avril, la France a annoncé, par contre, qu'elle va déposer une résolution au Conseil de sécurité pour renforcer les inspections et la surveillance du processus de destruction des stocks chimiques syriens, ainsi que des propositions pour trouver une issue politique au conflit !
Cela amène à une terrible interrogation : pourquoi cette inertie politique pendant des semaines avant le bombardement du 7 avril ? Pourquoi des initiatives politiques maintenant après l'envoi de missiles illégalement ? A-t-on attendu que le régime de Damas franchisse la fameuse "ligne rouge" pour pouvoir ensuite accomplir une action militaire spectaculaire, sans doute peu efficace, mais permettant aux occidentaux comme certains observateurs l'ont fait remarquer, de revenir au premier plan de la scène politique du conflit syrien ?
Aurait-on délibérément pris le risque de voir périr des dizaines d'innocents pour faire un "coup" politique au lieu de tout faire pour prévenir des attaques criminelles de l'armée syrienne ? Je me refuse à croire à une telle hypothèse, mais je pense que, dans les cercles militaires français, étatsuniens, de l'OTAN, la culture dominante reste celle du primat de la force sur le respect du droit international et l'action politique.
Pourtant, depuis 2001, les solutions de force ont toutes été des échecs, de l'Afghanistan, à l'Irak, la Libye ou la Syrie. Seules les initiatives politiques d'Obama pour trouver une solution politique à la crise avec le programme atomique de l'Iran ont été une réussite.
La position militariste se trouve confortée par l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, cet irresponsable, dont le lanceur d'alerte Daniel Ellsberg, a appelé Jim Mattis, le chef du Pentagone, à protéger le monde des "tentations" de déclencher une guerre et à être prêt à s'opposer à d'éventuels ordres « impulsifs et irréfléchis ».
Il y a vraiment besoin que se développe un large mouvement d'opinion pour dire : faisons appliquer le droit international partout, pour empêcher les tyrans comme Assad de nuire, pour permettre à tous les peuples comme les peuples palestiniens et israélien de vivre en paix et dans la liberté, pour rejeter les vieilles politiques de force des États en renforçant plus que jamais les institutions multilatérales comme les Nations unies permettant à tous les peuples de régler leurs différends en commun.
Ce blog est dédié aux problématiques de la paix et du désarmement, des institutions internationales (ONU, OTAN), à la promotion d'une culture de la paix. Textes sous license Creative Commons by-nc-sa
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dimanche 15 avril 2018
lundi 14 janvier 2013
Mali : la force en dernier recours, la politique en priorité.
L'armée française est intervenue au Mali pour bombarder les forces islamistes et stopper leur offensive vers la capitale Bamako. François Hollande a justifié sa décision, affirmant qu'elle "n'a pas d'autre but que la lutte contre le terrorisme" et précisant qu'elle "consiste à préparer le déploiement d'une force d'intervention africaine pour permettre au Mali de recouvrer son intégrité territoriale, conformément aux résolution du Conseil de sécurité".
La décision française n'a pas vraiment surpris. La communauté internationale ou tout au moins le Conseil de sécurité des Nations unies a voté dans les derniers mois trois résolutions 2056, 2071 et 2085, qui portent tous sur la situation sécuritaire au Mali et qui ont été adoptées selon le chapitre VII de la charte des Nations Unies et le besoin « urgent » de réagir contre la menace terroriste au Mali.
Le chapitre VII de la Charte de l'ONU permet au Conseil de sécurité d'utiliser la force face à une menace à la paix ou une agression. L'une des dispositions clés des résolutions du Conseil a été la création d'une force militaire internationale chargée de soutenir les efforts pour rétablir l'intégrité territoriale du Mali.
La résolution 2085, adoptée en décembre, autorise le déploiement de la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA), pour une période initiale d'un an. Mais les difficultés de mise en place, compte tenu de la déliquescence de l'État malien et du manque de moyens des forces militaires des pays africains, ne permettaient pas d'envisager la mise en place de cette force avant le printemps 2013 (certains parlaient même de septembre). C'est cette "fenêtre" qu'ont voulu utiliser les forces intégristes du nord-Mali pour développer leur influence et créer une occupation irréversible.
Il est clair que la décision française est justifiée comme intervention de "dernier recours", qu'elle bénéficie d'une légitimité internationale reconnue par le Conseil de sécurité ce samedi lançant un " appel aux États membres pour soutenir les efforts de résolution de la crise au Mali et, en particulier, d'apporter leur assistance aux forces de défense et de sécurité maliennes" mais, il faut être conscient que la marge politique du gouvernement français est étroite.
Le secrétaire général adjoint des Nations unies, Jeffrey Feltman, avaient bien anticipé la complexité de la situation le 5 décembre dernier, lorsqu'il déclarait : "Une opération militaire de dernier recours pourrait s'avérer nécessaire pour mettre fin aux éléments terroristes et criminels qui sévissent dans le nord du Mali, mais la priorité est de soutenir les autorités nationales dans le rétablissement de l'ordre constitutionnel et de parvenir à un règlement politique de la crise actuelle".
C'est bien cela l'enjeu : parallèlement au déploiement le plus vite possible de la force d'intervention africaine sous égide de l'ONU, il faut accélérer le développement d'un processus politique, seul capable d’amener la paix au Mali. Ce processus passe par la reconstruction de l’Etat malien, en travaillant sur l’union nationale, les pressions sur la junte militaire, le renforcement de la démocratie et de l’État de droit. Il y a besoin d'aider les pays intéressés, la CEDEAO, à développer un plan de démilitarisation et de stabilisation du Sahel : il faut revenir à la dynamique des fameux "bûchers du désarmement"de la cérémonie de Tombouctou en 1995 ! Avec la CEDEAO, l'Algérie est un acteur essentiel pour favoriser la négociation visant à isoler les islamistes en ralliant les groupes touaregs qui s'opposent au terrorisme à participer à une solution de compromis avec le gouvernement malien.
Au delà de la crise malienne, il faudra bien continuer le débat sur les interventions extérieures et la mise en oeuvre de la "responsabilité de protéger". L'instrumentalisation de la crise libyenne et de la résolution alors de l'ONU par MM Sarkozy et Cameron a déstabilisé la région et favorisé l'armement des djihadistes.
Elle a conduit à la paralysie politique dans la crise syrienne du fait de la méfiance renouvelée de la Chine et de la Russie, favorisant même l'arrivée d'islamistes radicaux dans les rangs de l'opposition syrienne. Il est vraiment nécessaire de développer la vigilance des citoyens pour tout à la fois développer le droit international et s'opposer aux stratégies de puissance des grands pays.
Aujourd'hui, l'intervention française est d'abord une opération de police internationale contre les agissements criminels des groupes islamiques armés au Nord-Mali qui représentent un grave danger pour les libertés publiques, la laïcité, la dignité des gens, la Paix. Mais seul le passage rapide à des initiatives politiques fortes peut éviter les risques d'enlisement ou d'engrenage dans une guerre qui ne dirait pas son nom. On ne peut qu'espérer, voire exiger, que François Hollande reste clairement sur la position exprimée le 25 septembre à l'ouverture de la session de l'ONU : «la France veut que l'ONU soit le cadre de la gouvernance mondiale».
La décision française n'a pas vraiment surpris. La communauté internationale ou tout au moins le Conseil de sécurité des Nations unies a voté dans les derniers mois trois résolutions 2056, 2071 et 2085, qui portent tous sur la situation sécuritaire au Mali et qui ont été adoptées selon le chapitre VII de la charte des Nations Unies et le besoin « urgent » de réagir contre la menace terroriste au Mali.
Le chapitre VII de la Charte de l'ONU permet au Conseil de sécurité d'utiliser la force face à une menace à la paix ou une agression. L'une des dispositions clés des résolutions du Conseil a été la création d'une force militaire internationale chargée de soutenir les efforts pour rétablir l'intégrité territoriale du Mali.
La résolution 2085, adoptée en décembre, autorise le déploiement de la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA), pour une période initiale d'un an. Mais les difficultés de mise en place, compte tenu de la déliquescence de l'État malien et du manque de moyens des forces militaires des pays africains, ne permettaient pas d'envisager la mise en place de cette force avant le printemps 2013 (certains parlaient même de septembre). C'est cette "fenêtre" qu'ont voulu utiliser les forces intégristes du nord-Mali pour développer leur influence et créer une occupation irréversible.
Il est clair que la décision française est justifiée comme intervention de "dernier recours", qu'elle bénéficie d'une légitimité internationale reconnue par le Conseil de sécurité ce samedi lançant un " appel aux États membres pour soutenir les efforts de résolution de la crise au Mali et, en particulier, d'apporter leur assistance aux forces de défense et de sécurité maliennes" mais, il faut être conscient que la marge politique du gouvernement français est étroite.
Le secrétaire général adjoint des Nations unies, Jeffrey Feltman, avaient bien anticipé la complexité de la situation le 5 décembre dernier, lorsqu'il déclarait : "Une opération militaire de dernier recours pourrait s'avérer nécessaire pour mettre fin aux éléments terroristes et criminels qui sévissent dans le nord du Mali, mais la priorité est de soutenir les autorités nationales dans le rétablissement de l'ordre constitutionnel et de parvenir à un règlement politique de la crise actuelle".
C'est bien cela l'enjeu : parallèlement au déploiement le plus vite possible de la force d'intervention africaine sous égide de l'ONU, il faut accélérer le développement d'un processus politique, seul capable d’amener la paix au Mali. Ce processus passe par la reconstruction de l’Etat malien, en travaillant sur l’union nationale, les pressions sur la junte militaire, le renforcement de la démocratie et de l’État de droit. Il y a besoin d'aider les pays intéressés, la CEDEAO, à développer un plan de démilitarisation et de stabilisation du Sahel : il faut revenir à la dynamique des fameux "bûchers du désarmement"de la cérémonie de Tombouctou en 1995 ! Avec la CEDEAO, l'Algérie est un acteur essentiel pour favoriser la négociation visant à isoler les islamistes en ralliant les groupes touaregs qui s'opposent au terrorisme à participer à une solution de compromis avec le gouvernement malien.
Au delà de la crise malienne, il faudra bien continuer le débat sur les interventions extérieures et la mise en oeuvre de la "responsabilité de protéger". L'instrumentalisation de la crise libyenne et de la résolution alors de l'ONU par MM Sarkozy et Cameron a déstabilisé la région et favorisé l'armement des djihadistes.
Elle a conduit à la paralysie politique dans la crise syrienne du fait de la méfiance renouvelée de la Chine et de la Russie, favorisant même l'arrivée d'islamistes radicaux dans les rangs de l'opposition syrienne. Il est vraiment nécessaire de développer la vigilance des citoyens pour tout à la fois développer le droit international et s'opposer aux stratégies de puissance des grands pays.
Aujourd'hui, l'intervention française est d'abord une opération de police internationale contre les agissements criminels des groupes islamiques armés au Nord-Mali qui représentent un grave danger pour les libertés publiques, la laïcité, la dignité des gens, la Paix. Mais seul le passage rapide à des initiatives politiques fortes peut éviter les risques d'enlisement ou d'engrenage dans une guerre qui ne dirait pas son nom. On ne peut qu'espérer, voire exiger, que François Hollande reste clairement sur la position exprimée le 25 septembre à l'ouverture de la session de l'ONU : «la France veut que l'ONU soit le cadre de la gouvernance mondiale».
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jeudi 11 octobre 2012
Nouvelle session de l'ONU : le besoin d'avancer...
L'ouverture de la nouvelle session de l'ONU (67e) en septembre a été marquée comme d'habitude par un défilé de chefs d'États ou de gouvernements, délivrant à la tribune, des messages parfois convenus, mais aussi parfois significatifs des préoccupations politiques mondiales de l'heure.
Certes, le blocage de la situation concernant la Syrie était derrière la majorité des interventions mais on peut dire que, malgré cela, ou à cause de cela, la nécessité d'une ONU plus forte et plus efficace n'a pas été vraiment remise en cause mais au contraire, plutôt souhaitée. Quelle différence avec les années 2002 lorsque George W. Bush et les "neocons", aidés par Tony Blair, menaient l'offensive contre la place même des Nations unies dans le monde ! Le souhait de réformes, généralement en insistant sur la nécessité de respecter les principes de la Charte onusienne, est revenu souvent.
C'est dans ce contexte qu'il faut situer les différentes interventions.
M. Ban a insisté sur les progrès réalisés, notamment dans le domaine de la lutte contre l'extrême pauvreté, qui a été réduite de moitié depuis 2000, les transitions démocratiques en cours au Moyen Orient, au Myanmar et dans plusieurs autres pays du monde. M. Obama s'est dit convaincu qu'en fin de compte, le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple était plus susceptible d'apporter la stabilité, la prospérité et les chances individuelles dans un monde de paix. S'agissant du dossier israélo-palestinien, M. Obama a affirmé que « l'avenir ne doit pas appartenir à ceux qui veulent tourner le dos au processus de paix », réitérant la position de son pays en faveur d'un État juif prospère coexistant en paix et en sécurité avec une Palestine indépendante. Au delà des formules, cela a signifié le refus de s'aligner sur les positions extrémistes du leader israélien, M. Netanyahu.
Selon M. Hollande, élu en mai dernier et qui s'exprimait pour la première fois devant cette instance, « il nous appartient de prendre pleinement nos responsabilités », en réformant d'abord l'Organisation, a-t-il lancé à l'adresse des 193 États Membres. Le Président français a ainsi jugé que le Conseil de sécurité devrait « mieux refléter les équilibres du monde d'aujourd'hui ». La France appuie en ce sens la demande d'élargissement de ce Conseil, formulée par l'Allemagne, le Japon, l'Inde et le Brésil, et est favorable à une présence accrue de l'Afrique, y compris parmi les membres permanents.
Cette place de l'Afrique a été défendue par de nombreux orateurs, notamment par le dirigeant de l'Afrique du sud, M. Zumma, selon qui l'Afrique devrait se voir octroyer deux sièges de membres permanents dotés des mêmes privilèges que les membres permanents actuels, y compris le droit de veto, et cinq sièges de membres non permanents.
La réforme du Conseil de sécurité a été abordée par d'autres pays, non seulement sous l'angle de la représentativité mais aussi sur celui de la réforme des méthodes de travail et la limitation du droit de veto. La Suisse a estimé que le recours au droit de veto au sein du Conseil de sécurité est « difficilement justifiable » en cas de génocides, de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité. Sa Présidente a appelé à aller plus loin dans les domaines de la médiation et de la diplomatie préventive, en notant que la majeure partie du budget de l'ONU reste consacrée aux opérations de maintien de la paix.
En même temps, les souhaits de réforme du fonctionnement des structures onusiennes s'accompagnent de réticences de certains pays de voir remis en cause leur souveraineté. « Respecter la souveraineté, les intérêts vitaux, ainsi que le choix de système social et de voie de développement de chacun est une règle fondamentale régissant les relations entre États », a insisté le Ministre chinois, tout en affirmant qu'il est « essentiel d'appliquer le multilatéralisme » et « de défendre le rôle central de l'ONU dans les affaires internationales ». De son côté, le ministre russe, M. Lavrov, a estimé que « l'ordre mondial est menacé par l'interprétation arbitraire de principes essentiels tels que le non recours à la force ou la menace de la force, le règlement pacifique des différends, le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale des États, et la non-ingérence dans leurs affaires intérieures ».
On voit qu'il y encore besoin d'éclaircir un certain nombre de concepts comme "la responsabilité de protéger" et surtout de clarifier les conditions de leur application, comme la désastreuse intervention en Libye l'a montré. Tout concept international risque d'être instrumentalisé pour servir les intérêts particuliers de tel ou tel groupe de puissances. Est-ce pour autant qu'il faut "jeter le bébé avec l'eau du bain" comme ont tendance à le faire en France certaines forces politiques à propos de la Syrie, du Mali ou ailleurs ? Évidemment non, mais cela suppose des interventions, des pressions populaires ou politiques beaucoup plus fortes qu'aujourd'hui, et qui ne se construisent pas uniquement sur des postures de repli ou de refus..
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Certes, le blocage de la situation concernant la Syrie était derrière la majorité des interventions mais on peut dire que, malgré cela, ou à cause de cela, la nécessité d'une ONU plus forte et plus efficace n'a pas été vraiment remise en cause mais au contraire, plutôt souhaitée. Quelle différence avec les années 2002 lorsque George W. Bush et les "neocons", aidés par Tony Blair, menaient l'offensive contre la place même des Nations unies dans le monde ! Le souhait de réformes, généralement en insistant sur la nécessité de respecter les principes de la Charte onusienne, est revenu souvent.
C'est dans ce contexte qu'il faut situer les différentes interventions.
M. Ban a insisté sur les progrès réalisés, notamment dans le domaine de la lutte contre l'extrême pauvreté, qui a été réduite de moitié depuis 2000, les transitions démocratiques en cours au Moyen Orient, au Myanmar et dans plusieurs autres pays du monde. M. Obama s'est dit convaincu qu'en fin de compte, le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple était plus susceptible d'apporter la stabilité, la prospérité et les chances individuelles dans un monde de paix. S'agissant du dossier israélo-palestinien, M. Obama a affirmé que « l'avenir ne doit pas appartenir à ceux qui veulent tourner le dos au processus de paix », réitérant la position de son pays en faveur d'un État juif prospère coexistant en paix et en sécurité avec une Palestine indépendante. Au delà des formules, cela a signifié le refus de s'aligner sur les positions extrémistes du leader israélien, M. Netanyahu.
Selon M. Hollande, élu en mai dernier et qui s'exprimait pour la première fois devant cette instance, « il nous appartient de prendre pleinement nos responsabilités », en réformant d'abord l'Organisation, a-t-il lancé à l'adresse des 193 États Membres. Le Président français a ainsi jugé que le Conseil de sécurité devrait « mieux refléter les équilibres du monde d'aujourd'hui ». La France appuie en ce sens la demande d'élargissement de ce Conseil, formulée par l'Allemagne, le Japon, l'Inde et le Brésil, et est favorable à une présence accrue de l'Afrique, y compris parmi les membres permanents.
Cette place de l'Afrique a été défendue par de nombreux orateurs, notamment par le dirigeant de l'Afrique du sud, M. Zumma, selon qui l'Afrique devrait se voir octroyer deux sièges de membres permanents dotés des mêmes privilèges que les membres permanents actuels, y compris le droit de veto, et cinq sièges de membres non permanents.
La réforme du Conseil de sécurité a été abordée par d'autres pays, non seulement sous l'angle de la représentativité mais aussi sur celui de la réforme des méthodes de travail et la limitation du droit de veto. La Suisse a estimé que le recours au droit de veto au sein du Conseil de sécurité est « difficilement justifiable » en cas de génocides, de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité. Sa Présidente a appelé à aller plus loin dans les domaines de la médiation et de la diplomatie préventive, en notant que la majeure partie du budget de l'ONU reste consacrée aux opérations de maintien de la paix.
En même temps, les souhaits de réforme du fonctionnement des structures onusiennes s'accompagnent de réticences de certains pays de voir remis en cause leur souveraineté. « Respecter la souveraineté, les intérêts vitaux, ainsi que le choix de système social et de voie de développement de chacun est une règle fondamentale régissant les relations entre États », a insisté le Ministre chinois, tout en affirmant qu'il est « essentiel d'appliquer le multilatéralisme » et « de défendre le rôle central de l'ONU dans les affaires internationales ». De son côté, le ministre russe, M. Lavrov, a estimé que « l'ordre mondial est menacé par l'interprétation arbitraire de principes essentiels tels que le non recours à la force ou la menace de la force, le règlement pacifique des différends, le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale des États, et la non-ingérence dans leurs affaires intérieures ».
On voit qu'il y encore besoin d'éclaircir un certain nombre de concepts comme "la responsabilité de protéger" et surtout de clarifier les conditions de leur application, comme la désastreuse intervention en Libye l'a montré. Tout concept international risque d'être instrumentalisé pour servir les intérêts particuliers de tel ou tel groupe de puissances. Est-ce pour autant qu'il faut "jeter le bébé avec l'eau du bain" comme ont tendance à le faire en France certaines forces politiques à propos de la Syrie, du Mali ou ailleurs ? Évidemment non, mais cela suppose des interventions, des pressions populaires ou politiques beaucoup plus fortes qu'aujourd'hui, et qui ne se construisent pas uniquement sur des postures de repli ou de refus..
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mardi 29 mars 2011
Libye : tourner la page militaire...
La situation en Lybie est entrée dans une nouvelle phase. De nombreux observateurs, y compris des militaires, estiment que le volet militaire de la résolution 1973, prise par le Conseil de sécurité des Nations unies le 17 mars dernier, pour protéger les populations civiles libyennes du massacre, est accompli puisque la zone d'exclusion aérienne est respectée, que les chars utilisés pour tirer sur la population ont été détruits pour l'essentiel.
Il est temps de passer à l'application des mesures non-militaires, politiques pour obtenir un cessez-le-feu et permettre une solution à la crise..
Rappelons que, précédemment, le 26 février, le Conseil de sécurité avait adopté la résolution 1970 qui a décidé d'une saisine de la Cour pénale internationale (en considérant que "les attaques systématiques" contre la population civile en Libye actuellement en cours "peuvent être assimilées à des crimes contre l'humanité"). La résolution comprend des sanctions contre les autorités libyennes, dont un embargo sur les armes, une interdiction de voyager et un gel des avoirs, mesures renforcées dans la résolution 1973. Dix-huit individus (dont Mouammar Kadhafi, sept fils et sa fille et des personnes intimement liées au régime) sont visés par l'interdiction de voyager. Treize individus et cinq entités ou structures sont visés par le gel des avoirs. L'embargo sur les armes semble respecté.
Aujourd'hui, il paraîtrait inconcevable que des opérations militaires continuent car cela signifierait que certains pays poursuivent des objectifs autres que ceux de la résolution de l'ONU. De même, la décision de confier la coordination militaire à l'OTAN doit être rapportée car elle constitue un signal négatif aux populations de la région en accréditant l'image d'une nouvelle "croisade occidentale". De plus, l'expérience de l'Afghanistan montre que confier la direction d'un mandat de l'ONU à l'OTAN aboutit à privilégier uniquement le volet militaire au détriment du volet civil, à pervertir les mandats de maintien de la paix en mandat de guerre pour des intérêts extérieurs, économiques ou stratégiques...
Il est souhaitable que la pression de l'opinion publique pèse en ce sens car ce mardi 29 mars se tient à Londres une Conférence internationale qui discutera justement de la situation en Libye et de la sortie de crise.
MM Sarkozy et Cameron ont appelé hier, lundi, à "instaurer un dialogue politique national à même de déboucher sur un processus de transition représentatif, une réforme constitutionnelle et l’organisation d’élections libres et régulières". Cela montre qu'ils sont conscients que leur marge de manoeuvre pour se lancer dans une éventuelle aventure guerrière est étroite. L'Italie et l'Allemagne ont choisi la voie de la prudence en avançant aussi des propositions pour un cessez-le-feu et une transition démocratique. La même prudence semble marquer les dernières déclarations du Président Obama cette nuit. Enfin, l'Union africaine a avancé un plan qui propose un cessez-le-feu immédiat, l'ouverture d'un dialogue entre Libyens mais aussi la mise en place de corridors humanitaires et des mesures de protection pour les nombreux travailleurs immigrants issus d'Afrique noire présents en Libye.
Il est donc aujourd'hui possible d'entrer dans une deuxième phase, une phase politique, du processus mise en place par l'ONU au travers des résolutions 1970 et 1973 à condition qu'aucune marge de manoeuvre ne soit laissée à ceux qui rêveraient d'aventures : l'évolution de l'opinion internationale semble positive et refuse toute dérive guerrière.
C'est un enjeu important : la résolution 1973, comme je l'écrivais la semaine dernière est une résolution historique, même si elle comportait certaines ambiguïtés, car la première faisant référence au concept de "responsabilité de protéger" de la communauté internationale contre de possibles génocides, adopté en 2005 par les Nations unies. Cette notion, quoiqu'écrivent certains commentateurs, est fondamentalement différente du "droit d'ingérence" avancé dans les années 1990, qui s'inscrivait dans la logique du "bon shérif" et non celle du droit international. Il importe donc que sa première application ne soit pas entachée de manipulations et de dérives.
Avec la résolution 1973, un précédent a été créé : demain, le gouvernement d'Israël ne pourra pas si facilement réitérer son agression dans la bande de Gaza...
À ceux qui, avec quelque incohérence, critiquent la résolution de l'ONU et disent en même temps "pourquoi ne pas faire pareil au Bahrein ?", on peut faire remarquer que les situations étaient différentes mais que pour autant, il n'y a pas silence à l'ONU. Ces derniers jours, le Secrétaire général de l'ONU a parlé avec le Roi de Bahreïn, le ministre saoudien des affaires étrangères et le Président syrien. « Je leur ai rappelé la nécessité d’écouter la voix du peuple et d’entamer un dialogue ouvert à tous pour le changement, au lieu d’utiliser la répression. Je me suis aussi exprimé contre l’usage de la force contre la population civile à Bahreïn, en Syrie et au Yémen », a-t-il dit.
Par contre, est posée la question de l'interpellation des gouvernements, notamment de celui de M. Sarkozy : quelle politique étrangère cohérente avec les grandes déclarations éthiques va-t-on mener demain ?
Mardi 29 mars 2011
Il est temps de passer à l'application des mesures non-militaires, politiques pour obtenir un cessez-le-feu et permettre une solution à la crise..
Rappelons que, précédemment, le 26 février, le Conseil de sécurité avait adopté la résolution 1970 qui a décidé d'une saisine de la Cour pénale internationale (en considérant que "les attaques systématiques" contre la population civile en Libye actuellement en cours "peuvent être assimilées à des crimes contre l'humanité"). La résolution comprend des sanctions contre les autorités libyennes, dont un embargo sur les armes, une interdiction de voyager et un gel des avoirs, mesures renforcées dans la résolution 1973. Dix-huit individus (dont Mouammar Kadhafi, sept fils et sa fille et des personnes intimement liées au régime) sont visés par l'interdiction de voyager. Treize individus et cinq entités ou structures sont visés par le gel des avoirs. L'embargo sur les armes semble respecté.
Aujourd'hui, il paraîtrait inconcevable que des opérations militaires continuent car cela signifierait que certains pays poursuivent des objectifs autres que ceux de la résolution de l'ONU. De même, la décision de confier la coordination militaire à l'OTAN doit être rapportée car elle constitue un signal négatif aux populations de la région en accréditant l'image d'une nouvelle "croisade occidentale". De plus, l'expérience de l'Afghanistan montre que confier la direction d'un mandat de l'ONU à l'OTAN aboutit à privilégier uniquement le volet militaire au détriment du volet civil, à pervertir les mandats de maintien de la paix en mandat de guerre pour des intérêts extérieurs, économiques ou stratégiques...
Il est souhaitable que la pression de l'opinion publique pèse en ce sens car ce mardi 29 mars se tient à Londres une Conférence internationale qui discutera justement de la situation en Libye et de la sortie de crise.
MM Sarkozy et Cameron ont appelé hier, lundi, à "instaurer un dialogue politique national à même de déboucher sur un processus de transition représentatif, une réforme constitutionnelle et l’organisation d’élections libres et régulières". Cela montre qu'ils sont conscients que leur marge de manoeuvre pour se lancer dans une éventuelle aventure guerrière est étroite. L'Italie et l'Allemagne ont choisi la voie de la prudence en avançant aussi des propositions pour un cessez-le-feu et une transition démocratique. La même prudence semble marquer les dernières déclarations du Président Obama cette nuit. Enfin, l'Union africaine a avancé un plan qui propose un cessez-le-feu immédiat, l'ouverture d'un dialogue entre Libyens mais aussi la mise en place de corridors humanitaires et des mesures de protection pour les nombreux travailleurs immigrants issus d'Afrique noire présents en Libye.
Il est donc aujourd'hui possible d'entrer dans une deuxième phase, une phase politique, du processus mise en place par l'ONU au travers des résolutions 1970 et 1973 à condition qu'aucune marge de manoeuvre ne soit laissée à ceux qui rêveraient d'aventures : l'évolution de l'opinion internationale semble positive et refuse toute dérive guerrière.
C'est un enjeu important : la résolution 1973, comme je l'écrivais la semaine dernière est une résolution historique, même si elle comportait certaines ambiguïtés, car la première faisant référence au concept de "responsabilité de protéger" de la communauté internationale contre de possibles génocides, adopté en 2005 par les Nations unies. Cette notion, quoiqu'écrivent certains commentateurs, est fondamentalement différente du "droit d'ingérence" avancé dans les années 1990, qui s'inscrivait dans la logique du "bon shérif" et non celle du droit international. Il importe donc que sa première application ne soit pas entachée de manipulations et de dérives.
Avec la résolution 1973, un précédent a été créé : demain, le gouvernement d'Israël ne pourra pas si facilement réitérer son agression dans la bande de Gaza...
À ceux qui, avec quelque incohérence, critiquent la résolution de l'ONU et disent en même temps "pourquoi ne pas faire pareil au Bahrein ?", on peut faire remarquer que les situations étaient différentes mais que pour autant, il n'y a pas silence à l'ONU. Ces derniers jours, le Secrétaire général de l'ONU a parlé avec le Roi de Bahreïn, le ministre saoudien des affaires étrangères et le Président syrien. « Je leur ai rappelé la nécessité d’écouter la voix du peuple et d’entamer un dialogue ouvert à tous pour le changement, au lieu d’utiliser la répression. Je me suis aussi exprimé contre l’usage de la force contre la population civile à Bahreïn, en Syrie et au Yémen », a-t-il dit.
Par contre, est posée la question de l'interpellation des gouvernements, notamment de celui de M. Sarkozy : quelle politique étrangère cohérente avec les grandes déclarations éthiques va-t-on mener demain ?
Mardi 29 mars 2011
mardi 22 mars 2011
Libyie : appliquer strictement et uniquement le mandat de l'ONU
Jeudi dernier, le Conseil de Sécurité a donc voté sans opposition, par dix voix sur quinze, la résolution 1713 qui autorise les États membres « à prendre toutes les mesures nécessaires » afin de «protéger les civils et les zones peuplées de civils sous la menace d'attaques en Jamahiriya arabe libyenne, y compris Benghazi, tout en excluant une occupation par la force». Cinq États se sont abstenus (Chine, Russie, Brésil, Allemagne et Inde) mais ce fait, notamment compte-tenu des réticences connues de la Chine et de la Russie sur toutes les questions pouvant toucher à la souveraineté nationale, est un signal fort montrant que la situation en Libye ne pouvait plus durer.
Le Secrétaire général des Nations unies a estimé vendredi que la résolution 1973 adoptée jeudi par le Conseil de sécurité de l'ONU était « historique, concrète et pratique ». Historique, car c'est la première fois que l'ONU s'engage sur le concept adopté en 2005 de la "responsabilité de protéger" qui s'oppose à la notion d'ingérence mise en avant par l'OTAN lors des bombardements du Kosovo ou celui de "légitime défense" déformé et utilisé par les États-Unis en Afghanistan en 2001 et que l'ONU n'avait pu qu'entériner.
Concrètement, l'ONU par le biais du Conseil de sécurité apparaît pour la première fois comme susceptible d'être au coeur de la sécurité et de la paix internationale.
Cela ne va pas sans contradictions qui peuvent se développer et sans débats voire batailles politiques dans la mise en oeuvre.
En amont, il est clair que les gesticulations "bushiennes" de Nicolas Sarkozy ont retardé la discussion et l'adoption de la résolution au Conseil de sécurité. Plusieurs pays étaient méfiants devant la position française qui semblait affirmer que la France et le Royaume-Uni étaient prêts à intervenir sans mandat de l'ONU, en toute illégalité internationale. La résolution a finalement été discutée et votée, compte-tenu de l'urgence de la situation et surtout du fait du soutien de la Ligue arabe, de l'Union africaine et de la Conférence islamique, mais l'abstention allemande s'explique, pour une part, justement par les politique inadmissible de M. Sarkozy.
Le mandat donné par la Résolution est clair : protection des populations civiles y compris par la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne, permission de « prendre toutes les mesures nécessaires » y compris la force, puisque cette résolution est placée dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies qui concerne « le maintien de la paix internationale". Les autres mesures décidées concernent l'embargo sur les armes et le gel des avoirs du régime libyen.
Le but affirmé est d'obtenir un cessez-le-feu, "trouver une solution a la crise afin de répondre aux demandes légitimes du peuple libyen », permettre le déploiement des secours humanitaires.
Il ne s'agit donc pas d'une guerre contre la Libye et Kadhafi, de renverser le régime et il est abusif de voir les médias utiliser un langage qui ne correspond pas au mandat de l'ONU.
Mais après trois jours de démarrage de l'application de cette résolution sur le terrain, il est clair que l'opinion publique, les ONGs attachées à la paix, à la justice et aux droits de l'homme, les gouvernements ont le devoir de veiller à ce que la protection des populations ne soit pas le prétexte à une opération militaire, voire une guerre pour d'autres intérêts, politiques ou économiques.
Il faut combattre toute déclaration comme celle du Département d'État américain déclarant que le départ de Kadhafi était "le but ultime" de l'opération : cela, c'est au peuple libyen, débarrassé de la menace que faisaient peser l'armée et les mercenaires de Kadhafi d'en décider. De même, l'opération de l'aviation britannique contre le quartier général de Kadhafi ne semble pas rentrer strictement dans l'application du mandat. Cela suppose d'être à l'écoute de l'opposition libyenne et des gouvernements arabes, en tenant compte des débats existants. Ainsi, selon la presse, le secrétaire de la Ligue arabe, Amre Moussa, avait critiqué dimanche les frappes aériennes internationales sur la Libye, estimant qu'elles allaient au-delà de la zone d'exclusion aérienne réclamée par la Ligue des États arabes et causaient des pertes civiles. Mais, lundi, lors de sa conférence de presse avec Ban Ki-moon, M. Moussa a assuré qu'il soutenait la résolution de l'ONU sur la Libye... À ce propos, la gravité de la situation libyenne ne doit pas faire oublier la répression au Bahrein et au Yemen : Ban Ki-moon a appelé les deux gouvernements à la retenue mais on peut regretter que la médiatisation et la sensibilisation de l'opinion ne soient pas les mêmes pour ces pays...
Il y a certainement un déficit de concertation entre ONG internationales pour mettre sous surveillance la résolution de l'ONU et pour demander que le Conseil de sécurité suive en quasi permanence l'évolution de la situation et le respect par les États volontaires du mandat onusien, notamment pour que la partie militaire de celui-ci s'arrête dès que le but affirmé, un cessez-le-feu, le respect de l'acheminement humanitaire dans tout le pays sera accepté par le régime de Kadhafi.
Ne nous y trompons pas en France, la résolution 1973 est une occasion importante pour réconcilier l'ONU avec une fraction importante de l'opinion publique arabe, notamment en Tunisie et en Égypte, déçue de l'impasse dans la reconnaissance de l'État palestinien et nous savons que ce même sentiment existe dans une partie de l'opinion française. Il serait dommageable que la critique, souvent justifiée mais aussi très schématique de l'impérialisme US, n'amène certains militants ou commentateurs à ne pas voir l'aspect inédit de la situation en Libye. Défendre la prééminence de l'ONU dans l'organisation du monde et non celle des États "monstres égoïstes et froids" selon la formule du célèbre chercheur Hobbes, est une valeur progressiste que les gesticulations du président français ne peuvent brouiller.
La résolution de l'ONU 1973, avec ses limites et ses contradictions, apporte une nouvelle pierre dans la construction du droit international : il importe qu'elle ne soit pas dévoyée par aucun intérêt géostratégique de domination ou d'exploitation de grandes puissances. En même temps, le "devoir de protéger" ne se limite pas à la seule dimension militaire : il suppose que les États donnent les moyens aux institutions onusiennes de développer plus la lutte contre la pauvreté, pour l'éducation, c'est à dire les Objectifs du Millénaire décidés par l'A.G. de l'ONU en l'an 2000. Cela implique de donner des moyens à l'ONU, l'UNESCO de développer des politiques de promotion d'une Culture de la paix, qui porte en son sein la tolérance, la participation démocratique, l'information participative, bref, qui est un outil extraordinaire de formation des citoyens et citoyennes du monde et, donc, de construction de la démocratie.
le 22 mars 2011
Le Secrétaire général des Nations unies a estimé vendredi que la résolution 1973 adoptée jeudi par le Conseil de sécurité de l'ONU était « historique, concrète et pratique ». Historique, car c'est la première fois que l'ONU s'engage sur le concept adopté en 2005 de la "responsabilité de protéger" qui s'oppose à la notion d'ingérence mise en avant par l'OTAN lors des bombardements du Kosovo ou celui de "légitime défense" déformé et utilisé par les États-Unis en Afghanistan en 2001 et que l'ONU n'avait pu qu'entériner.
Concrètement, l'ONU par le biais du Conseil de sécurité apparaît pour la première fois comme susceptible d'être au coeur de la sécurité et de la paix internationale.
Cela ne va pas sans contradictions qui peuvent se développer et sans débats voire batailles politiques dans la mise en oeuvre.
En amont, il est clair que les gesticulations "bushiennes" de Nicolas Sarkozy ont retardé la discussion et l'adoption de la résolution au Conseil de sécurité. Plusieurs pays étaient méfiants devant la position française qui semblait affirmer que la France et le Royaume-Uni étaient prêts à intervenir sans mandat de l'ONU, en toute illégalité internationale. La résolution a finalement été discutée et votée, compte-tenu de l'urgence de la situation et surtout du fait du soutien de la Ligue arabe, de l'Union africaine et de la Conférence islamique, mais l'abstention allemande s'explique, pour une part, justement par les politique inadmissible de M. Sarkozy.
Le mandat donné par la Résolution est clair : protection des populations civiles y compris par la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne, permission de « prendre toutes les mesures nécessaires » y compris la force, puisque cette résolution est placée dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies qui concerne « le maintien de la paix internationale". Les autres mesures décidées concernent l'embargo sur les armes et le gel des avoirs du régime libyen.
Le but affirmé est d'obtenir un cessez-le-feu, "trouver une solution a la crise afin de répondre aux demandes légitimes du peuple libyen », permettre le déploiement des secours humanitaires.
Il ne s'agit donc pas d'une guerre contre la Libye et Kadhafi, de renverser le régime et il est abusif de voir les médias utiliser un langage qui ne correspond pas au mandat de l'ONU.
Mais après trois jours de démarrage de l'application de cette résolution sur le terrain, il est clair que l'opinion publique, les ONGs attachées à la paix, à la justice et aux droits de l'homme, les gouvernements ont le devoir de veiller à ce que la protection des populations ne soit pas le prétexte à une opération militaire, voire une guerre pour d'autres intérêts, politiques ou économiques.
Il faut combattre toute déclaration comme celle du Département d'État américain déclarant que le départ de Kadhafi était "le but ultime" de l'opération : cela, c'est au peuple libyen, débarrassé de la menace que faisaient peser l'armée et les mercenaires de Kadhafi d'en décider. De même, l'opération de l'aviation britannique contre le quartier général de Kadhafi ne semble pas rentrer strictement dans l'application du mandat. Cela suppose d'être à l'écoute de l'opposition libyenne et des gouvernements arabes, en tenant compte des débats existants. Ainsi, selon la presse, le secrétaire de la Ligue arabe, Amre Moussa, avait critiqué dimanche les frappes aériennes internationales sur la Libye, estimant qu'elles allaient au-delà de la zone d'exclusion aérienne réclamée par la Ligue des États arabes et causaient des pertes civiles. Mais, lundi, lors de sa conférence de presse avec Ban Ki-moon, M. Moussa a assuré qu'il soutenait la résolution de l'ONU sur la Libye... À ce propos, la gravité de la situation libyenne ne doit pas faire oublier la répression au Bahrein et au Yemen : Ban Ki-moon a appelé les deux gouvernements à la retenue mais on peut regretter que la médiatisation et la sensibilisation de l'opinion ne soient pas les mêmes pour ces pays...
Il y a certainement un déficit de concertation entre ONG internationales pour mettre sous surveillance la résolution de l'ONU et pour demander que le Conseil de sécurité suive en quasi permanence l'évolution de la situation et le respect par les États volontaires du mandat onusien, notamment pour que la partie militaire de celui-ci s'arrête dès que le but affirmé, un cessez-le-feu, le respect de l'acheminement humanitaire dans tout le pays sera accepté par le régime de Kadhafi.
Ne nous y trompons pas en France, la résolution 1973 est une occasion importante pour réconcilier l'ONU avec une fraction importante de l'opinion publique arabe, notamment en Tunisie et en Égypte, déçue de l'impasse dans la reconnaissance de l'État palestinien et nous savons que ce même sentiment existe dans une partie de l'opinion française. Il serait dommageable que la critique, souvent justifiée mais aussi très schématique de l'impérialisme US, n'amène certains militants ou commentateurs à ne pas voir l'aspect inédit de la situation en Libye. Défendre la prééminence de l'ONU dans l'organisation du monde et non celle des États "monstres égoïstes et froids" selon la formule du célèbre chercheur Hobbes, est une valeur progressiste que les gesticulations du président français ne peuvent brouiller.
La résolution de l'ONU 1973, avec ses limites et ses contradictions, apporte une nouvelle pierre dans la construction du droit international : il importe qu'elle ne soit pas dévoyée par aucun intérêt géostratégique de domination ou d'exploitation de grandes puissances. En même temps, le "devoir de protéger" ne se limite pas à la seule dimension militaire : il suppose que les États donnent les moyens aux institutions onusiennes de développer plus la lutte contre la pauvreté, pour l'éducation, c'est à dire les Objectifs du Millénaire décidés par l'A.G. de l'ONU en l'an 2000. Cela implique de donner des moyens à l'ONU, l'UNESCO de développer des politiques de promotion d'une Culture de la paix, qui porte en son sein la tolérance, la participation démocratique, l'information participative, bref, qui est un outil extraordinaire de formation des citoyens et citoyennes du monde et, donc, de construction de la démocratie.
le 22 mars 2011
lundi 14 mars 2011
Europe politique : les errements de M. Sarkozy (1)
Notre précédent article s'intitulait : "Alain Juppé ou la nécessité de mettre en concordance les paroles et l'action politique". À peine, était-il écrit qu'il prenait toute son actualité. Dès le 1er mars, M. Juppé déclarait lors des questions d'actualité sur la Libyie, à l'Assemblée nationale :" "Différentes options peuvent être étudiées, notamment celle d'une zone d'exclusion aérienne, mais je le dis ici très clairement : aucune intervention ne se fera sans un mandat clair du Conseil de sécurité des Nations unies".
Las, dix jours plus tard, à Bruxelles, M. Sarkozy jetait le trouble en envisageant une intervention militaire française sans forcément un mandat du Conseil de sécurité : "Un mandat des Nations unies est nécessaire, c'est préférable. Nous le souhaitons", a-t-il dit. "S'il n'y a pas de mandat et qu'il y a une demande régionale et libyenne, nous verrons à ce moment-là", a-t-il, dans le même temps, ajouté.
Les téléspectateurs français avaient pu voir sur leur écran, la surprise et le malaise du Ministre des Affaires étrangères qui avait appris, apparemment en même temps que les auditeurs, la nouvelle position française. M. Juppé avalera-t-il cette nouvelle couleuvre ? Probablement, mais nous y verrons plus clair dans les semaines à venir.
La position de N. Sarkozy a de quoi surprendre : tous les gens un peu instruits savent qu'aujourd'hui, un pays ne peut utiliser la force contre un autre pays (en dehors du cas express et temporaire de la légitime défense) que dans le cadre d'un mandat clair du Conseil de sécurité de l'ONU, délivré en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations unies, si un conflit menace la paix mondiale et la sécurité internationale, sauf à faire comme M. Bush en Irak, en 2003, avec les conséquences désastreuses que l'on connaît. Que cherche le Président de la République française en prenant le risque de jouer "Bush, le retour" ?
Cette diplomatie de communication tapageuse a-t-elle pour but de faire oublier le resserrement des liens avec le régime Khadafi depuis 2007 ? Le journal Le Point rappelle que "Paris a profité de la libération des infirmières bulgares en 2007 pour vendre à la Libye des missiles antichars Milan (168 millions d'euros) et un réseau de communication sécurisé Tetra pour sa police (128 millions d'euros). Pour le reste, plus de deux milliards d'euros de contrats étaient en discussion ces derniers mois entre la France et la Libye". L'homme-pivot de la relation avec Khadafi est, selon l'ex-juge Eva Joly, le ministre des Relations avec le Parlement, Patrick Ollier (le compagnon de Michèle Alliot-Marie), qu'elle dénonce avec vigueur : "Il préside l'amitié franco-libyenne au parlement en France" et "a effectué une vingtaine de voyages d'amitié avec le président Kadhafi et ces voyages ont été suivis de ventes d'armes".
L'institut suédois, le SIPRI, rappelle, par ailleurs, qu'en 2007, la Libye avait signé un contrat de 100 millions de dollars pour la modernisation de 12 de ses Mirages F-1. Cette mise à niveau aurait été réalisée en 2009.
Ont-ils été utilisés dans les dernières opérations aériennes de l'armée libyenne ?
Diplomatie en forme de rideau de fumée ? En tout cas, une diplomatie élyséenne inefficace : si l'on voulait réellement aider les démocrates libyens, la priorité n'était pas aux déclarations fracassantes, mais choquantes pour nombre de pays attachés au droit international, mais au resserrement des contacts avec la Ligue arabe, l'Union africaine et le conseil de transition libyen pour coordonner les efforts afin d'accélérer le vote d'une résolution au Conseil de sécurité. Seule cette démarche multilatérale, sans effets de manche, était capable de lever les réticences de la Chine et de la Russie, sourcilleuses sur les points de souveraineté nationale.
Au lieu de cela, l'initiative de N. Sarkozy a renforcé les suspicions, y compris en Europe, de la part de nombreux partenaires, dont l'Allemagne. Un mauvais signal a été donné : cela confirme que, seule la mise en avant du droit international, le renforcement des structures multilatérales (ONU au premier plan, diplomatie européenne dans la foulée) sont susceptibles de rassembler et d'unir l'ensemble des États européens et de faire jouer un rôle positif et efficace à l'Union européenne.
Comment faire de l'Europe une "puissance positive" ? Lors de ces derniers mois, le débat sur l'Europe de la défense, la diplomatie européenne, l'action politique de l'Union, semble rebondir après le sommet de Lisbonne de l'OTAN et la mise en oeuvre du Traité européen aussi de Lisbonne. Subordination, autonomie européennes ? Pourquoi faire ? Cela demande de pousser ce débat le plus loin possible. Nous y reviendrons dans nos prochains articles.
14 mars 2011
Las, dix jours plus tard, à Bruxelles, M. Sarkozy jetait le trouble en envisageant une intervention militaire française sans forcément un mandat du Conseil de sécurité : "Un mandat des Nations unies est nécessaire, c'est préférable. Nous le souhaitons", a-t-il dit. "S'il n'y a pas de mandat et qu'il y a une demande régionale et libyenne, nous verrons à ce moment-là", a-t-il, dans le même temps, ajouté.
Les téléspectateurs français avaient pu voir sur leur écran, la surprise et le malaise du Ministre des Affaires étrangères qui avait appris, apparemment en même temps que les auditeurs, la nouvelle position française. M. Juppé avalera-t-il cette nouvelle couleuvre ? Probablement, mais nous y verrons plus clair dans les semaines à venir.
La position de N. Sarkozy a de quoi surprendre : tous les gens un peu instruits savent qu'aujourd'hui, un pays ne peut utiliser la force contre un autre pays (en dehors du cas express et temporaire de la légitime défense) que dans le cadre d'un mandat clair du Conseil de sécurité de l'ONU, délivré en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations unies, si un conflit menace la paix mondiale et la sécurité internationale, sauf à faire comme M. Bush en Irak, en 2003, avec les conséquences désastreuses que l'on connaît. Que cherche le Président de la République française en prenant le risque de jouer "Bush, le retour" ?
Cette diplomatie de communication tapageuse a-t-elle pour but de faire oublier le resserrement des liens avec le régime Khadafi depuis 2007 ? Le journal Le Point rappelle que "Paris a profité de la libération des infirmières bulgares en 2007 pour vendre à la Libye des missiles antichars Milan (168 millions d'euros) et un réseau de communication sécurisé Tetra pour sa police (128 millions d'euros). Pour le reste, plus de deux milliards d'euros de contrats étaient en discussion ces derniers mois entre la France et la Libye". L'homme-pivot de la relation avec Khadafi est, selon l'ex-juge Eva Joly, le ministre des Relations avec le Parlement, Patrick Ollier (le compagnon de Michèle Alliot-Marie), qu'elle dénonce avec vigueur : "Il préside l'amitié franco-libyenne au parlement en France" et "a effectué une vingtaine de voyages d'amitié avec le président Kadhafi et ces voyages ont été suivis de ventes d'armes".
L'institut suédois, le SIPRI, rappelle, par ailleurs, qu'en 2007, la Libye avait signé un contrat de 100 millions de dollars pour la modernisation de 12 de ses Mirages F-1. Cette mise à niveau aurait été réalisée en 2009.
Ont-ils été utilisés dans les dernières opérations aériennes de l'armée libyenne ?
Diplomatie en forme de rideau de fumée ? En tout cas, une diplomatie élyséenne inefficace : si l'on voulait réellement aider les démocrates libyens, la priorité n'était pas aux déclarations fracassantes, mais choquantes pour nombre de pays attachés au droit international, mais au resserrement des contacts avec la Ligue arabe, l'Union africaine et le conseil de transition libyen pour coordonner les efforts afin d'accélérer le vote d'une résolution au Conseil de sécurité. Seule cette démarche multilatérale, sans effets de manche, était capable de lever les réticences de la Chine et de la Russie, sourcilleuses sur les points de souveraineté nationale.
Au lieu de cela, l'initiative de N. Sarkozy a renforcé les suspicions, y compris en Europe, de la part de nombreux partenaires, dont l'Allemagne. Un mauvais signal a été donné : cela confirme que, seule la mise en avant du droit international, le renforcement des structures multilatérales (ONU au premier plan, diplomatie européenne dans la foulée) sont susceptibles de rassembler et d'unir l'ensemble des États européens et de faire jouer un rôle positif et efficace à l'Union européenne.
Comment faire de l'Europe une "puissance positive" ? Lors de ces derniers mois, le débat sur l'Europe de la défense, la diplomatie européenne, l'action politique de l'Union, semble rebondir après le sommet de Lisbonne de l'OTAN et la mise en oeuvre du Traité européen aussi de Lisbonne. Subordination, autonomie européennes ? Pourquoi faire ? Cela demande de pousser ce débat le plus loin possible. Nous y reviendrons dans nos prochains articles.
14 mars 2011
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