L'actualité sanglante de janvier a fait passer à l'arrière-plan un certain nombre d'événements d'actualité. Parmi ceux-ci, la traditionnelle cérémonie des vœux du Président de la République aux ambassadeurs aurait mérité peut-être plus d'attention. François Hollande y a énuméré ses priorités diplomatiques pour 2015 : poursuivre la consolidation de l’Europe, agir pour la paix et pour la sécurité dans le monde, permettre à notre monde de rester viable, en ayant un développement qui puisse être compatible avec l’évolution de l’espèce humaine, travailler à un développement économique et social harmonieux. Ce sont autant de nobles objectifs qu'on ne peut que soutenir : la préoccupation est, bien sûr, de savoir quelles actions concrètes seront mises en œuvre pour y parvenir. Celles évoquées par François Hollande nous laissent sur notre faim. Pour l'Europe, il a rappelé qu'il avait trois priorités : "la première, la plus urgente, la croissance, toujours la croissance", "adopter un cadre financier européen pour 2014-2020" et parvenir à "l’union bancaire". La France fera-t-elle preuve de plus d'énergie politique demain pour faire pression sur Mme Merkel pour qu'elle cesse de freiner les dispositifs de relance économique, quelles coopérations positives le gouvernement français nouera-t-il avec le futur gouvernement grec, si celui-ci est animé par Syriza ? Ce sont des actions fortes qui sont attendues.
Concernant les conflits en cours, là encore, les intentions peuvent paraître bonnes : faciliter "la transition politique en Syrie", ne ménager "aucun effort dans la reprise des négociations entre Israéliens et Palestiniens"... Mais quelles initiatives concrètes pour aboutir en tenant compte du rôle positif que peuvent jouer la Russie et l'Iran, est-ce compatible avec les positions politiques françaises crispées prises dans la crise ukrainienne et dans les discussions de non-prolifération nucléaire ?
Concernant le développement, F. Hollande a annoncé que "la France va réunir des assises du développement. Une large concertation mobilisera de très nombreux acteurs en France mais aussi à l’étranger, pour aboutir en mars prochain à une feuille de route qui donnera les orientations de la politique française en matière de développement et qui l’inscrira dans la loi". Donc acte, certainement que les acteurs du développement, les associations, sauront se saisir de l'occasion pour créer un rapport de forces favorable à des mesures audacieuses.
Concernant les échanges financiers mondiaux, le président de la République a rappelé que "la France a toujours milité pour une réforme du système monétaire international" et souhaité "qu’au-delà du G 20, il puisse y avoir une instance qui puisse, justement permettre de discuter de tous ces grands sujets avec une représentation de l’ensemble du monde" (..) "pourquoi ne pas imaginer un Conseil de sécurité économique et social aussi pour réguler l’économie mondiale". On est tentés de dire "chiche" !
Mais, là encore, la question est posée de savoir comment sortir de l'effet de "posture", qui a été celui de la diplomatie française des dernières années, pour prendre des initiatives concrètes. L'année 2015 est celle du 70e anniversaire de la Charte des Nations unis, texte fondamental qui a permis la création de l'organisation mondiale et dont le contenu règle une bonne part de ce qu'on peut appeler une "gouvernance" mondiale. Comment le gouvernement français, sa diplomatie peuvent-il contribuer à un nouvel élan dans la communauté internationale pour que les Nations unies, ses organes soient plus représentatifs du monde qui bouge, de l'émergence de nouvelles puissances en Asie, en Afrique, en Amérique du sud ? Contribuer à des décisions plus fortes pour la réduction des inégalités mondiales au travers de la réalisation des objectifs de réduction de la pauvreté, d'élimination de la faim dans le monde, du développement généralisé de l'éducation pour les garçons et les filles ? En France, ne faut-il pas s'appuyer sur les potentialités humaines qui se sont traduites dans "Je suis Charlie" ?
Récemment, dans un colloque consacré la diplomatie français sur le thème "où est la boussole ?" (fondation Gabriel Péri), un intervenant s'interrogeait sur la difficulté existant en matière de politique étrangère entre les valeurs portées quand on est dans l'opposition et les contraintes indépassables rencontrées lorsqu'on arrive au pouvoir. Personne, évidemment, ne peut nier que la réalité a ses contraintes, qu'une politique étrangère se développe dans un environnement que l'on ne peut modifier que très lentement, que des enjeux de temporalité sont posés à l'action. Mais les problématiques que j'ai évoquées au travers des questions soulevées dans les vœux de François Hollande montrent que, même dans les contraintes, ce sont les initiatives et volontés politiques qui sont déterminantes pour peser dans le concret sur la réalité. L'expérience de Syriza en Grèce dans les prochains mois sera à cet égard très enrichissant.
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