Comme je le signale dans mon premier article, des points ont été marqués dans les dernières années par les abolitionnistes nucléaires : le soutien à la Convention d'abolition grandit au sein de l'Assemblée générale de l'ONU, Ban Ki moon, le secrétaire général, a repris cette proposition dans ses "cinq points pour le désarmement". Mais en même temps, une certaine frustration se fait jour chez beaucoup d'ONG et parmi les États non-nucléaires. Les textes adoptés, même s'ils sont plutôt bons comme en 2000 ou 2010 sont peu ou pas mis en oeuvre. Et surtout le paradigme dominant reste la primauté au "réalisme", au nom duquel les états nucléaires disent que "le nucléaire ne peut être désinventé", que "la dissuasion nucléaire reste la meilleure police d'assurance" en terme de sécurité, affirmations qui conduisent à privilégier systématiquement les discussions sur les mesures de non-prolifération et non les mesures de désarmement.
Ce désenchantement devant la stagnation des processus de contrôle des armements, des négociations de désarmement provoque depuis plusieurs mois un débat dans certaines ONG comme ICAN (Campagne internationale pour l'abolition de l'arme nucléaire). Ne faut-il pas changer de "terrain de jeu", ne pas se confiner au terrain des dimensions militaires et stratégiques des armes nucléaires mais poser aussi le problème de leur "inacceptabilité" morale et humaine, en regard notamment des conséquences humanitaires catastrophiques qu'elles auraient pour les populations d'une région, d'un continent ou de la planète entière ?
En novembre dernier, la Croix Rouge Internationale et le Croissant-Rouge - qui comptent près de 100 millions de membres et bénévoles du monde entier- ont adopté une résolution historique soulignant les dangers humanitaires des armes nucléaires et appelant les gouvernements à «poursuivre de bonne foi et à conclure des négociations avec urgence et détermination pour interdire l'utilisation et éliminer complètement les armes nucléaires par un accord international juridiquement contraignant".
Ce nouvel intérêt pour les conséquences humanitaires de l'usage des armes nucléaires, ajouté au traumatisme après la catastrophe de Fukujima, les partenariats qui se développent entre sociétés civiles, états non-nucléaires, engagements de parlementaires et d'élus pour créer les conditions de l'interdiction de l'arme nucléaire, font dire à une chercheuse comme Rebecca Johnson (lire sur le site d'Acronym - http://www.acronym.org.uk/articles - "Decline or Transform: Nuclear Disarmament and Security Beyond the NPT Review Process") qu'il est temps de se tourner vers une nouvelle approche : celle du "désarmement humanitaire". Donc, comme cela a été fait et réussi pour les mines antipersonnel, poser le problème sur le plan du droit international humanitaire et lancer un processus de pression citoyenne et de négociations multilatérales sans attendre le consensus de tous les états...
Un tel processus viserait, à côté de la pression "classique" sur les états, sous l'angle des dimensions militaires et de sécurité lié à la POSSESSION des armes nucléaires, à développer une action de sensibilisation en direction de l'opinion publique sous l'angle des conséquences humanitaires lié à l'USAGE éventuel des armes nucléaires.
Une Conférence d'ICAN en discute ce week-end à Vienne : ces thématiques seront-elles aussi abordées dans les autres réseaux d'ONG ? Les débats dans les réunions et initiatives des réseaux Abolition 2000, PNND (Parlementaires pour le désarmement nucléaire), Reaching Critical Will seront intéressants à suivre...
Nous reviendrons dans d'autres articles sur les problématiques soulevées.