Affichage des articles dont le libellé est Pape. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Pape. Afficher tous les articles

vendredi 8 septembre 2023

Soyons audacieux et créatifs pour la paix en Ukraine et dans le monde. Le temps presse.

 La guerre en Ukraine s'enlise dans une situation insupportable. L'agression de la Russie a entraîné des dizaines de milliers de morts et de blessés, des destructions considérables, l'exode de millions d’ukrainiens-nes. Cette situation désastreuse fait parfois oublier aux médias et aux responsables politiques les situations tout aussi catastrophiques en Afrique, au Soudan notamment, ou au Moyen-Orient, dans la péninsule yéménite.

Il faut être clair : toutes les postures politiques, des deux côtés, qui prétendent que la solution est de "gagner la guerre", sont non seulement fausses de l'avis de la majorité des experts militaires, mais ne peuvent que mener à un enlisement du conflit, la déstabilisation profonde et durable de toute une région du monde. "La diplomatie, la discussion, l'échange restent les seuls moyens de trouver une solution acceptable", comme l'a déclaré un ancien Président de la République françaisei.

La nécessité d'une solution politique diplomatique négociée commence à émerger, timidement encore dans le débat politique françaisii, de manière plus diversifiée au niveau international. La Chine et l'Afrique du Sud ont proposé un plan de paix pour l'Ukraine au sommet des Bricsiii.

Quarante pays dont les États-Unis, la Chine et l'Inde étaient réunis à Djeddah pour des échanges organisés par l'Arabie Saoudite pour trouver une solution pacifique à la guerre Russie - Ukraine. Les discussions ont abouti à un accord sur la poursuite de ces pourparlers pour atteindre la paixiv.

Le président turc Erdogan mène une négociation pour obtenir le redémarrage sur l'exportation des céréales de l'Ukraine et des produits agricoles russes sur la Mer noirev.

L'absence de la France dans ces efforts de paix est navrante : Emmanuel Macron se cramponne à l'idée stérile de « gagner la guerre contre la Russie » et à la défense de son entrée rapide dans l'OTANvi, alors que États-Unis et Allemagne restent beaucoup plus prudents et que des cadres de l'OTAN proposent même des négociations territoriales avec la Russie pour arrêter le conflit !vii

En ce début du mois de septembre s'ouvre à New-York la nouvelle session de l'Assemblée générale des Nations Unies. Il est nécessaire que cette période de rencontres diplomatiques intenses permette de trouver de nouvelles initiatives de paix. Il y a besoin de "changer de braquet", de faire preuve d'audace diplomatique ! Le pape François a eu raison de déplorer "le manque de courageux itinéraires de paix en Europe"viii.

Il est nécessaire de bâtir une solution politique et diplomatique qui préserve les droits du peuple et de l'État ukrainien, qui permette d'arrêter les combats, de trouver des modalités de cessez-le-feu provisoires permettant le retrait des troupes russes et l'élaboration d'un cadre de sécurité commune.

Dans les débats actuel, vient l'idée de trouver un statut particulier pour l'Ukraine, un statut qui écarte son entrée dans l'Union européenne et l'OTAN et lui donne un statut de "neutralité" ou de "non-alignement" avec des garanties de sécurité. Ces idées sont positives car elles visent à tenir compte des rivalités de puissances actuelles entre les États-Uns et la Russie, mais elles méritent un débat approfondi.

Les notions de neutralité et de non-alignement sont nées au temps de la Guerre froide et de l'existence des deux blocs : le bloc américano-occidental et le bloc communiste ou soviétique. L'Autrice et la Finlande ont joué avec ce statut un rôle diplomatique d'intermédiaire actif. Les pays du tiers-monde puis les pays décolonisés ont joué et jouent encore un rôle de contre-poids avec la création du groupe des pays non-alignés en 1956, groupe reconnu à l'Assemblée générale de l'ONU. Faut-il revitaliser ces notions et par là-même redonner vie à la séparation du monde en blocs concurrents et rivaux ?

Depuis deux ans, on a vu de fait se reconstituer un bloc occidental. Parallèlement le groupe des Bricsix s'est renforcé avec l'arrivée de nouveaux pays. On parle également de plus en plus à l'échelle planétaire de "Sud global" comme d'un bloc encore informel, mais dont on a vu une manifestation lors des abstentions nombreuses de pays à l'Assemblée générale des Nations unies contre les sanctions contre la Russie.

Ces évolutions mettent en cause les domination des grandes puissances et des grands groupes économiques qui leur sont liés, c’est évidemment très positif, mais est-ce la voie d'avenir pour la planète ? Ne risque-t-on pas de recréer demain des risques d'affrontement comme on l'a connu avant la guerre de 1914-1918 entre les blocs européens ?

Or aujourd'hui nous sommes dans une situation nouvelle : nous sommes face à des problèmes globaux planétaires appelant des solutions et des coopérations globales : pensons aux enjeux du réchauffement climatique, de la fragilité de la couche d'ozone, des déplacement massifs de population, des risques de destruction planétaire par les armes nucléaires ?

Ne faut-il pas réfléchir, se ré-approprier pour les retravailler, des concepts des années 1990, de l'après Guerre froide comme l'idée de "maison commune", lancée alors par Gorbatchev ? Oui, notre planète est notre maison commune et nous possédons même, déjà, le « règlement de copropriété » de cette maison avec la Charte des Nations unies !

C'est dans le cadre général de cette réflexion qu'il faut innover, envisager un statut spécial pour l'Ukraine. Pourquoi pas un statut de "pays protégé", par exemple ?

En 2005, le Secrétaire des Nations unies, Kofi Annan avait fait adopter par l'Assemblée générale des Nations unies le concept de la "responsabilité de protéger", qui pointait la responsabilité du Conseil de sécurité pour protéger les individus, contre les génocides, les crimes contre l'humanité.

Certes, la protection des États existe de fait puisqu'elle est au cœur de la Charte des Nations Unies, mais, peut-être, faut-il renforcer cette préoccupation en créant un statut particulier de « pays protégé », pour faire face à un certain nombre de situations régionales, où des États sont menacés dans leur existence même. Le Conseil de sécurité pourrait prendre cette décision après la conclusion ou en garantie d’un accord de paix. S’il était incapable de prendre cette décision en raison d’un blocage d’un de ses membres, rappelons que, dans ce cas, l'Assemblée générale des Nations unies peut le faire en vertu de la résolution Acheson - Uniting for peace - du 3 novembre 1952 !x Cette décision obligerait les pays membres du Conseil de sécurité à assumer la responsabilité de protéger un pays, à garantir son intégrité sans pouvoir exercer un droit de veto, comme cela est en train de s'établir pour les cas de génocide.

Oui, le temps presse en Ukraine et dans d'autre parties du monde, pour construire la paix. Le Pape a raison, il y a besoin de "voies créatives" pour cela.

Daniel Durand

Président de l’IDRP (institut de documentation et de recherches sur la paix)

Dernier livre : « La paix, c’est mon droit ! » - éditions BoD - https://www.bod.fr/librairie/la-paix-cest-mon-droit-daniel-durand-9782322487745

**************************************  

Notes

ix« Les pays du BRICS veulent un nouvel ordre mondial. Sera-t-il multipolaire ou sino-américain ? » - https://theconversation.com/les-pays-du-brics-veulent-un-nouvel-ordre-mondial-sera-t-il-multipolaire-ou-sino-americain-202802

vendredi 29 novembre 2019

Nucléaire, dissuasion : le débat progresse - Nuclear weapons, deterrence: the debate is progressing

*ENGLISH VERSION AT THE END OF THIS TEXT

Tous les médias ont souligné l'importance et la nouveauté des déclarations du pape François à Hiroshima et Nagasaki.

L'importance : il a  réitéré la condamnation globale des armes nucléaires
comme ses prédécesseurs. Benoit XVI en 2006, avait déclaré «Dans une guerre nucléaire, il n'y aurait pas de gagnants, mais seulement des victimes». François a rappelé que «l’utilisation de l’énergie atomique à des fins militaires est aujourd’hui plus que jamais un crime, non seulement contre l’homme et sa dignité, mais aussi contre toute possibilité d’avenir dans notre maison commune".

Cette condamnation générale et morale est importante dans le débat éthique et politique. Le pape avait déjà déclaré dans une conférence en novembre 2017 que «Les armes nucléaires,ne sont pas seulement immorales, elles doivent aussi être considérées comme un instrument illégitime de la guerre». Il est allé encore plus loin en annonçant dans l'avion du retour son intention d'inscrire cette immoralité dans le catéchisme de l'Église catholique.
Ses propos ont été particulièrement fermes et clairs: «l'usage des armes nucléaires est immoral, c'est pourquoi cela doit être inscrit dans le Catéchisme de l'Église catholique, et pas uniquement l'usage, mais aussi la possession, parce qu'un accident, ou la folie d'un dirigeant, la folie d'un seul peut détruire l'humanité» (voir https://www.vaticannews.va).
Cette fermeté devrait poser logiquement des dilemmes de conscience dans les milieux dirigeants française, y compris jusque dans l'armée française dans laquelle un certain nombre de haut-gradés n'hésitent pas à afficher leur foi catholique.

La nouveauté : le pape ne s'est pas contenté de critiquer les armes nucléaires mais il a condamné très nettement la doctrine d'utilisation nucléaire, l'utilisation de la menace d'utilisation sur laquelle repose le concept de dissuasion nucléaire puisqu'il a déclaré : «La paix et la stabilité internationales sont incompatibles avec toute tentative de compter sur la peur de la destruction réciproque ou sur une menace d’anéantissement total ; elles ne sont possibles qu’à partir d’une éthique globale de solidarité et de coopération au service d’un avenir façonné par l’interdépendance et la coresponsabilité au sein de toute la famille humaine d’aujourd’hui et de demain».

Or cette notion a été longtemps acceptée par l'église française, notamment dans la déclaration "Gagner la paix" des évêques français en 1983. Cette condamnation du concept de dissuasion nucléaire enregistre les changements du monde : nous ne sommes plus dans l'affrontement de la guerre froide entre deux blocs. Nous vivons dans un monde de plus en plus multipolaires, et donc plus instables et dangereux.

Cette condamnation est fondamentale car sa conséquence logique est l'interdiction par les textes des armes nucléaires, donc c'est la route vers le TIAN qui se trouve validée. Le pape l'a dit clairement : "Nous ne pourrons jamais nous lasser d’œuvrer et de soutenir avec une insistance persistante les principaux instruments juridiques internationaux de désarmement et de non-prolifération nucléaire, y compris le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires».

Cela explique depuis quelques mois ce que le journal La Croix a appelé le "lobbying des puissances nucléaires", notamment le lobbying mené sur les milieux proches du pape par l'entourage du ministre le Drian, qui a multiplié les déclarations ahurissantes du style "« Nous devons éviter que l’appel généreux à un monde “sans armes nucléaires” ne prépare un monde où seuls les dictateurs en disposeraient ».
On a noté aussi les prudences et les embarras de l'aumônier général des armées, Mgr Romanet, dans une interview à Familles chrétiennes du  10 novembre 2019, où il ne souffle pas un mot de l'interdiction des armes nucléaires. N'a-t-il pas écrit par ailleurs « Si vous mettez l’arme nucléaire hors la loi, alors seuls les hors-la-loi utiliseront l’arme nucléaire », dans "l'Église et l'arme nucléaire" (https://dioceseauxarmees.fr) ?
Aujourd'hui, ces déclarations d'un courant philosophique important de notre société interpellent largement les politiques mais aussi les militaires. Elles ne peuvent qu'inciter tous les partisans de la paix à multiplier les efforts pour développer le débat.
L'actualité des déclarations papales a fait passer au second plan un événement qui n'est pas sans importance. Une autre petite lueur sur la voie du désarmement nucléaire et de la construction de la paix se lève peut-être au Moyen-Orient. Après beaucoup de tergiversations, une Conférence internationale s'est tenue sous l'égide de l'ONU, la semaine du 19 au 23 novembre, pour examiner les conditions de la création d'une Zone sans armes nucléaires au Moyen-Orient avec tous les pays de la région sauf Israël, absent, les quatre puissances nucléaires sans les USA.
Rappelons que la création d'une telle Zone exempte d'armes nucléaires est partie intégrante du protocole de prorogation indéfinie du TNP signé en 1995. Sa non-réalisation pèse toujours dans chaque discussion sur la bonne mise en oeuvre du TNP. Il y avait un risque que la réunion se limite à des invectives et des exclusives contre les absents. Mais finalement le débat a été constructif et s'est terminé par un appel à poursuivre la réflexion en ouvrant la porte aux absents. Ce premier pas doit inciter à renforcer la pression et à demander à la France de jouer un rôle plus actif et plus positif, car, pendant la réunion, le représentant français s'est contenter d'attaquer la Syrie et l'Iran. Comme quoi, même avec Emmanuel Macron, les vieilles habitudes diplomatiques restent coriaces !
À la veille de l'an 2000 et ses grands rendez-vous (Conférence d'examen du TNP, possible ratification du TIAN), le débat sur le nucléaire s'aiguise, quitte le terrain des utopies et arrive sur le concret, comme je l'ai écrit dans un article récent (https://culturedepaix.blogspot.com/2019/09/tian-traite-dinterdiction-des-armes.htmlhttps://culturedepaix.blogspot.com/2019/09/tian-traite-dinterdiction-des-armes.html).
****************
ENGLISH VERSION

All the media highlighted the importance and novelty of Pope Francis' statements in Hiroshima and Nagasaki.


Importance: he reiterated the global condemnation of nuclear weapons as his predecessors had done. Benedict XVI in 2006 had declared "In a nuclear war, there would be no winners, only victims". François recalled that "the use of atomic energy for military purposes is today more than ever a crime, not only against man and his dignity, but also against any possibility of a future in our common home".


This general and moral condemnation is important in the ethical and political debate. The Pope had already declared in a conference in November 2017 that "Nuclear weapons are not only immoral, they must also be considered as an illegitimate instrument of war". He went even further by announcing on the return flight his intention to include this immorality in the catechism of the Catholic Church.

His words were particularly firm and clear: "the use of nuclear weapons is immoral, which is why it must be written into the Catechism of the Catholic Church, and not only the use, but also the possession, because an accident, or the madness of a leader, the madness of one can destroy humanity" (see https://www.vaticannews.va).

This firmness should logically raise dilemmas of conscience in French leadership circles, including the French army, in which a number of senior ranks do not hesitate to display their Catholic faith.


What is new: the Pope did not just criticize nuclear weapons, but he very clearly condemned the doctrine of nuclear use, the use of the threat of use on which the concept of nuclear deterrence is based, stating that: "International peace and stability are incompatible with any attempt to rely on fear of mutual destruction or the threat of total annihilation; they are only possible on the basis of a global ethic of solidarity and cooperation for a future shaped by interdependence and co-responsibility within the entire human family today and tomorrow".


However, this notion has long been accepted by the French church, notably in the declaration "Winning Peace" of the French bishops in 1983. This condemnation of the concept of nuclear deterrence reflects the changes in the world: we are no longer in the confrontation of the Cold War between two blocs. We live in an increasingly multipolar world, and therefore more unstable and dangerous.


This condemnation is fundamental because its logical consequence is the prohibition by the texts of nuclear weapons, so it is the road to TIAN that is validated. The Pope made it clear: "We can never get tired of working and supporting with persistent emphasis the main international legal instruments on disarmament and nuclear non-proliferation, including the Treaty on the Prohibition of Nuclear Weapons".


This explains what the newspaper La Croix has called the "lobbying of nuclear powers" in recent months, in particular the lobbying carried out on circles close to the Pope by the entourage of Minister Drian, who has made many staggering statements such as"" We must prevent the generous call for a world without nuclear weapons" from preparing a world where only dictators would have them".

The caution and embarrassment of the Army Chaplain General, Bishop Romanet, was also noted in an interview with Christian Families on November 10, 2019, where he did not say a word about the prohibition of nuclear weapons. Did he not also write "If you outlaw nuclear weapons, then only outlaws will use nuclear weapons", in "The Church and Nuclear Weapons" (https://dioceseauxarmees.fr)?

Today, these statements by an important philosophical movement in our society are of great concern to politicians but also to the military. They can only encourage all supporters of peace to step up their efforts to develop the debate.

The topicality of the papal declarations has overshadowed an event that is not without importance. Another small glimmer of light on the path to nuclear disarmament and peace-building may be emerging in the Middle East. After much delay, an international conference was held under the aegis of the United Nations, the week of 19-23 November, to discuss the conditions for the establishment of a nuclear-weapon-free zone in the Middle East with all countries in the region except Israel, the four nuclear powers without the United States.

It should be recalled that the establishment of such a nuclear-weapon-free zone is an integral part of the protocol for the indefinite extension of the NPT signed in 1995. S

Translated with www.DeepL.com/Translator (free version)