vendredi 29 novembre 2019

Nucléaire, dissuasion : le débat progresse - Nuclear weapons, deterrence: the debate is progressing

*ENGLISH VERSION AT THE END OF THIS TEXT

Tous les médias ont souligné l'importance et la nouveauté des déclarations du pape François à Hiroshima et Nagasaki.

L'importance : il a  réitéré la condamnation globale des armes nucléaires
comme ses prédécesseurs. Benoit XVI en 2006, avait déclaré «Dans une guerre nucléaire, il n'y aurait pas de gagnants, mais seulement des victimes». François a rappelé que «l’utilisation de l’énergie atomique à des fins militaires est aujourd’hui plus que jamais un crime, non seulement contre l’homme et sa dignité, mais aussi contre toute possibilité d’avenir dans notre maison commune".

Cette condamnation générale et morale est importante dans le débat éthique et politique. Le pape avait déjà déclaré dans une conférence en novembre 2017 que «Les armes nucléaires,ne sont pas seulement immorales, elles doivent aussi être considérées comme un instrument illégitime de la guerre». Il est allé encore plus loin en annonçant dans l'avion du retour son intention d'inscrire cette immoralité dans le catéchisme de l'Église catholique.
Ses propos ont été particulièrement fermes et clairs: «l'usage des armes nucléaires est immoral, c'est pourquoi cela doit être inscrit dans le Catéchisme de l'Église catholique, et pas uniquement l'usage, mais aussi la possession, parce qu'un accident, ou la folie d'un dirigeant, la folie d'un seul peut détruire l'humanité» (voir https://www.vaticannews.va).
Cette fermeté devrait poser logiquement des dilemmes de conscience dans les milieux dirigeants française, y compris jusque dans l'armée française dans laquelle un certain nombre de haut-gradés n'hésitent pas à afficher leur foi catholique.

La nouveauté : le pape ne s'est pas contenté de critiquer les armes nucléaires mais il a condamné très nettement la doctrine d'utilisation nucléaire, l'utilisation de la menace d'utilisation sur laquelle repose le concept de dissuasion nucléaire puisqu'il a déclaré : «La paix et la stabilité internationales sont incompatibles avec toute tentative de compter sur la peur de la destruction réciproque ou sur une menace d’anéantissement total ; elles ne sont possibles qu’à partir d’une éthique globale de solidarité et de coopération au service d’un avenir façonné par l’interdépendance et la coresponsabilité au sein de toute la famille humaine d’aujourd’hui et de demain».

Or cette notion a été longtemps acceptée par l'église française, notamment dans la déclaration "Gagner la paix" des évêques français en 1983. Cette condamnation du concept de dissuasion nucléaire enregistre les changements du monde : nous ne sommes plus dans l'affrontement de la guerre froide entre deux blocs. Nous vivons dans un monde de plus en plus multipolaires, et donc plus instables et dangereux.

Cette condamnation est fondamentale car sa conséquence logique est l'interdiction par les textes des armes nucléaires, donc c'est la route vers le TIAN qui se trouve validée. Le pape l'a dit clairement : "Nous ne pourrons jamais nous lasser d’œuvrer et de soutenir avec une insistance persistante les principaux instruments juridiques internationaux de désarmement et de non-prolifération nucléaire, y compris le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires».

Cela explique depuis quelques mois ce que le journal La Croix a appelé le "lobbying des puissances nucléaires", notamment le lobbying mené sur les milieux proches du pape par l'entourage du ministre le Drian, qui a multiplié les déclarations ahurissantes du style "« Nous devons éviter que l’appel généreux à un monde “sans armes nucléaires” ne prépare un monde où seuls les dictateurs en disposeraient ».
On a noté aussi les prudences et les embarras de l'aumônier général des armées, Mgr Romanet, dans une interview à Familles chrétiennes du  10 novembre 2019, où il ne souffle pas un mot de l'interdiction des armes nucléaires. N'a-t-il pas écrit par ailleurs « Si vous mettez l’arme nucléaire hors la loi, alors seuls les hors-la-loi utiliseront l’arme nucléaire », dans "l'Église et l'arme nucléaire" (https://dioceseauxarmees.fr) ?
Aujourd'hui, ces déclarations d'un courant philosophique important de notre société interpellent largement les politiques mais aussi les militaires. Elles ne peuvent qu'inciter tous les partisans de la paix à multiplier les efforts pour développer le débat.
L'actualité des déclarations papales a fait passer au second plan un événement qui n'est pas sans importance. Une autre petite lueur sur la voie du désarmement nucléaire et de la construction de la paix se lève peut-être au Moyen-Orient. Après beaucoup de tergiversations, une Conférence internationale s'est tenue sous l'égide de l'ONU, la semaine du 19 au 23 novembre, pour examiner les conditions de la création d'une Zone sans armes nucléaires au Moyen-Orient avec tous les pays de la région sauf Israël, absent, les quatre puissances nucléaires sans les USA.
Rappelons que la création d'une telle Zone exempte d'armes nucléaires est partie intégrante du protocole de prorogation indéfinie du TNP signé en 1995. Sa non-réalisation pèse toujours dans chaque discussion sur la bonne mise en oeuvre du TNP. Il y avait un risque que la réunion se limite à des invectives et des exclusives contre les absents. Mais finalement le débat a été constructif et s'est terminé par un appel à poursuivre la réflexion en ouvrant la porte aux absents. Ce premier pas doit inciter à renforcer la pression et à demander à la France de jouer un rôle plus actif et plus positif, car, pendant la réunion, le représentant français s'est contenter d'attaquer la Syrie et l'Iran. Comme quoi, même avec Emmanuel Macron, les vieilles habitudes diplomatiques restent coriaces !
À la veille de l'an 2000 et ses grands rendez-vous (Conférence d'examen du TNP, possible ratification du TIAN), le débat sur le nucléaire s'aiguise, quitte le terrain des utopies et arrive sur le concret, comme je l'ai écrit dans un article récent (https://culturedepaix.blogspot.com/2019/09/tian-traite-dinterdiction-des-armes.htmlhttps://culturedepaix.blogspot.com/2019/09/tian-traite-dinterdiction-des-armes.html).
****************
ENGLISH VERSION

All the media highlighted the importance and novelty of Pope Francis' statements in Hiroshima and Nagasaki.


Importance: he reiterated the global condemnation of nuclear weapons as his predecessors had done. Benedict XVI in 2006 had declared "In a nuclear war, there would be no winners, only victims". François recalled that "the use of atomic energy for military purposes is today more than ever a crime, not only against man and his dignity, but also against any possibility of a future in our common home".


This general and moral condemnation is important in the ethical and political debate. The Pope had already declared in a conference in November 2017 that "Nuclear weapons are not only immoral, they must also be considered as an illegitimate instrument of war". He went even further by announcing on the return flight his intention to include this immorality in the catechism of the Catholic Church.

His words were particularly firm and clear: "the use of nuclear weapons is immoral, which is why it must be written into the Catechism of the Catholic Church, and not only the use, but also the possession, because an accident, or the madness of a leader, the madness of one can destroy humanity" (see https://www.vaticannews.va).

This firmness should logically raise dilemmas of conscience in French leadership circles, including the French army, in which a number of senior ranks do not hesitate to display their Catholic faith.


What is new: the Pope did not just criticize nuclear weapons, but he very clearly condemned the doctrine of nuclear use, the use of the threat of use on which the concept of nuclear deterrence is based, stating that: "International peace and stability are incompatible with any attempt to rely on fear of mutual destruction or the threat of total annihilation; they are only possible on the basis of a global ethic of solidarity and cooperation for a future shaped by interdependence and co-responsibility within the entire human family today and tomorrow".


However, this notion has long been accepted by the French church, notably in the declaration "Winning Peace" of the French bishops in 1983. This condemnation of the concept of nuclear deterrence reflects the changes in the world: we are no longer in the confrontation of the Cold War between two blocs. We live in an increasingly multipolar world, and therefore more unstable and dangerous.


This condemnation is fundamental because its logical consequence is the prohibition by the texts of nuclear weapons, so it is the road to TIAN that is validated. The Pope made it clear: "We can never get tired of working and supporting with persistent emphasis the main international legal instruments on disarmament and nuclear non-proliferation, including the Treaty on the Prohibition of Nuclear Weapons".


This explains what the newspaper La Croix has called the "lobbying of nuclear powers" in recent months, in particular the lobbying carried out on circles close to the Pope by the entourage of Minister Drian, who has made many staggering statements such as"" We must prevent the generous call for a world without nuclear weapons" from preparing a world where only dictators would have them".

The caution and embarrassment of the Army Chaplain General, Bishop Romanet, was also noted in an interview with Christian Families on November 10, 2019, where he did not say a word about the prohibition of nuclear weapons. Did he not also write "If you outlaw nuclear weapons, then only outlaws will use nuclear weapons", in "The Church and Nuclear Weapons" (https://dioceseauxarmees.fr)?

Today, these statements by an important philosophical movement in our society are of great concern to politicians but also to the military. They can only encourage all supporters of peace to step up their efforts to develop the debate.

The topicality of the papal declarations has overshadowed an event that is not without importance. Another small glimmer of light on the path to nuclear disarmament and peace-building may be emerging in the Middle East. After much delay, an international conference was held under the aegis of the United Nations, the week of 19-23 November, to discuss the conditions for the establishment of a nuclear-weapon-free zone in the Middle East with all countries in the region except Israel, the four nuclear powers without the United States.

It should be recalled that the establishment of such a nuclear-weapon-free zone is an integral part of the protocol for the indefinite extension of the NPT signed in 1995. S

Translated with www.DeepL.com/Translator (free version)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire