*ENGLISH VERSION AT THE END OF THIS TEXT
La 74e session de l'Assemblée générale des Nations unies vient de s'ouvrir. Deux sujets dominent cette semaine les débats à New-York : le réchauffement climatique dès ce lundi et le désarmement nucléaire ce jeudi 26 septembre.
Sur ce dernier point, les débats ne pourront pas échapper à l'assombrissement de la situation internationale : crise de Corée du nord qui perdure, tension grandissante entre les États-Unis et l'Iran, dégradation des relations entre USA et Russie après la mise à l'encan du traité INF sur les missiles à moyenne portée, suivie par le lancement d'un nouveau missile par les USA. L'affaiblissement des mécanismes de régulation, des traités de contrôle des armements, plus la dégradation des relations de confiance entre les deux "Grands", ainsi que l'apparition de nouvelles technologies comme les cyber-attaques font dire aux spécialistes et anciens dirigeants américains, Ernest J. Moniz et Sam Nunn, que le risque d'un conflit nucléaire "accidentel" n'a jamais été aussi élevé.
Les échanges de ce jeudi 26 septembre à New-York auront aussi en toile de fond la préparation des positionnements des États avant la Conférence d'examen du TNP (Traité de non-prolifération nucléaire) qui aura lieu en mai 2020, soit 25 ans après la décision de prorogation indéfinie de ce Traité. Enfin, beaucoup de diplomates du désarmement penseront à la dynamique qui se développe progressivement autour de la ratification du TIAN (Traité d'interdiction des armes nucléaires). Celui-ci atteint maintenant la moitié des signatures de ratification nécessaires pour son entrée en vigueur. On peut penser que les fameuses 50 signatures seront obtenues justement avant l'ouverture de la Conférence du TNP. Nous serons donc dans une configuration inédite : l'apparition d'une nouvelle norme internationale en matière d'armes nucléaires, l'interdiction juridique, venant renforcer et donner substance à l'obligation déjà contenue dans l'article VI du TNP et jamais mise en oeuvre : "Chacune des Parties au Traité s'engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace".
Un fossé irrémédiable se creusera-t-il entre les puissances nucléaires, officielles (les P5) et non-officielles (Corée du nord, Inde, Israël, Pakistan) et les États non-nucléaires dont l'immense majorité (122 pays) avaient voté en 2017 en faveur du fameux TIAN ? Les puissances nucléaires s'opposeront-elles au droit international et à l'interdiction des armes nucléaires au nom de la défense d'une "sécurité non-diminuée pour tous" ? Ce fossé avivera-t-il les tensions, néfastes à la paix que nous voulons renforcer ? L'enjeu est de taille !
Cette perspective ne doit-elle pas inciter toutes les forces attachées au désarmement, à la promotion de la paix, à réfléchir dès maintenant, voire même à travailler concrètement sur "l'après TIAN" ?
Certes, il ne s'agit pas de "vendre la peau de l'ours" avant de l'avoir tué ! Tous les efforts diplomatiques, politiques doivent continuer et s'intensifier pour que les conditions de l'entrée en vigueur du TIAN soient réunies au plus vite, dès le début de l'année 2020 mais, parallèlement, ne faut-il pas développer les débats pour rendre plus forte l'idée que l'interdiction des armes nucléaires RENFORCERA la sécurité collective et ne l'affaiblira pas, qu'elle permettra de construire un monde plus sûr parce que moins militarisé. Ce travail a certes commencé dans plusieurs colloques récents comme celui d'ICAN à Bruxelles le 14 septembre, mais cette réflexion doit, me semble-t-il, s'élargir.
La question centrale est bien sûr de créer les conditions pour que les puissances nucléaires adoptent une attitude plus ouverte vis à vis du TIAN, qu'elles relancent le processus de réduction du nombre d'armes nucléaires (d'abord américaines et russes, certes, mais en trouvant un moyen d'y associer les autres pays nucléaires) même si elles ne signent pas toute de suite le Traité. Il faut faire pression pour qu'elles acceptent de favoriser la finalisation et l'entrée en vigueur de deux traités nucléaires, "annexes" mais essentiels : le Traité d'interdiction des essais nucléaires (TICE) déjà ratifié par 168 États, mais dont cinq pays "bloquent" l'entrée en vigueur (Chine, Égypte, États-Unis, Iran, Israël) ; le Traité sur l'interdiction de fabrication et la destruction des stocks de matières fissiles (FMCT) en panne à la Conférence du désarmement de Genève.
Il est vital de faire grandir dans les opinions que le choix n'est pas TIAN ou TNP comme le prône un État nucléaire comme la France, mais TIAN ET TNP.
Des États nucléaires comme la France et la Chine pourraient jouer un rôle de "facilitateurs" entre ces deux positionnements puisque les doctrines officielles des deux pays proclament ne menacer personne.
Les mesures proposées par de nombreux experts visant à rétablir la confiance et des échanges entres États-Unis et Russie, l'allongement des temps de réponse des missiles, la relance du Traité de réduction des missiles NEW START, la négociation d'une feuille de route impliquant toutes les puissances nucléaires liée au renforcement des mesures de garantie et de contrôle prévues dans le TNP, toutes ces mesures ne s'opposent pas aux positions défendues publiquement par ces deux États.
L'année 2020 sera cruciale pour que TNP et TIAN soient vus comme complémentaires et non opposés, pour que cette connexion entre ces deux Traités soit la base d'une nouvelle "assurance vie" pour tous les États, grands ou petits, de la planète.
Les militants français pour le désarmement, militants associatifs, militants politiques, ont une responsabilité particulière. La première est de rendre crédible dans l'opinion que la meilleure posture internationale pour la France est d'être en pointe pour la démilitarisation des relations internationales, notamment par le désarmement nucléaire, de jouer un rôle de "puissance positive", tout comme elle se veut en pointe pour la lutte contre le réchauffement climatique. Le président Macron affirme haut et fort que seul le multilatéralisme peut permettre un monde viable. Pour être crédible dans cette position, il doit ré-orienter les positions françaises en matière de relance du désarmement nucléaire. Par exemple, il s'honorerait en décidant que la France participera comme observatrice à la future conférence du TIAN en 2020.
La deuxième responsabilité des militants français est d'améliorer la mobilisation citoyenne en France pour le désarmement nucléaire. Certes, sur une interrogation globale, en 2018, 67% des Français se déclaraient favorables à la signature par la France d'un TIAN (IFOP - La Croix - Mouvement de la paix). Ce chiffre s'opposait à ceux publiés en 2017 par le Ministère des armées, qui estimaient que 60 % des sondés souhaitaient moderniser les forces nucléaires. Chiffres préoccupants aussi que ceux publiés par les chercheurs Benoît Pelopidas et Frédéric Ramel dans un sondage de 2018 qui montrent de grosses lacunes dans la connaissance des Français des armes nucléaires : ainsi "31% des sondés en France ne citent pas la France comme État doté d’armes nucléaires et 77% des sondés nous disent ne pas savoir combien il y a d’armes nucléaires dans le pays. Enfin, alors que les États-Unis et la Russie possèdent plus de 92% des armes nucléaires sur la planète, seuls 64% des sondés Français les citent comme États dotés ; moins de 25% citent l’Inde et le Pakistan. A contrario, plus de 35% citent l’Iran comme déjà doté d’armes nucléaires, reflétant la focalisation commune aux journalistes, experts et officiels français sur l’Iran comme problème de prolifération depuis 2006" (Humanité du 6/08/2019).
La création d'un courant d'opinion suffisamment puissant et efficace pour influencer la politique française en matière de dissuasion nucléaire a certes une dimension de mobilisation militante, et donc souvent simplificatrice, mais aussi, il y a un besoin urgent de faire un effort nouveau en matière "d'éducation populaire de masse" sur le nucléaire militaire.
Alors, oui, les partisans français de l'élimination complète des armes nucléaires sont, 70 ans après le fameux meeting de Pleyel, à Paris, qui lança le mouvement anti-nucléaire, devant une période passionnante : remporter avec la communauté mondiale une première victoire celle d'un Traité d'élimination des armes nucléaires, et, dès maintenant, penser "l'après", pour construire sa réussite, c'est-à-dire, la disparition concrète, organisée, de l'arme nucléaire.
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*ENGLISH VERSION
The 74th session of the United Nations General Assembly has just opened. Two topics dominate the debates in New York this week: global warming on Monday and nuclear disarmament on Thursday, September 26.
On the latter point, the debates will not be able to escape the darkening of the international situation: the ongoing crisis in North Korea, the growing tension between the United States and Iran, the deterioration of relations between the United States and Russia after the INF Treaty on medium-range missiles was put up for auction, followed by the launch of a new missile by the United States. The weakening of regulatory mechanisms, arms control treaties, plus the deterioration of trust between the two "Great Ones", as well as the emergence of new technologies such as cyber attacks, have led American specialists and former leaders Ernest J. Moniz and Sam Nunn to say that the risk of an "accidental" nuclear conflict has never been higher.
The discussions on Thursday, September 26 in New York will also take place against the backdrop of the preparation of States' positions before the NPT (Nuclear Non-Proliferation Treaty) Review Conference in May 2020, 25 years after the decision to extend the Treaty indefinitely. Finally, many disarmament diplomats will think of the dynamic that is gradually developing around the ratification of the NPT (Nuclear Weapons Ban Treaty). It now reaches half of the ratification signatures required for its entry into force. It is expected that the famous 50 signatures will be obtained just before the opening of the NPT Conference. We will therefore be in a new configuration: the emergence of a new international norm on nuclear weapons, the legal prohibition, reinforcing and giving substance to the obligation already contained in article VI of the NPT and never implemented: "Each Party to the Treaty undertakes to pursue negotiations in good faith on effective measures relating to cessation of the nuclear arms race at an early date and nuclear disarmament and on a treaty on general and complete disarmament under strict and effective international control".
Will an irremediable gap widen between the official (P5) and unofficial (North Korea, India, Israel, Pakistan) nuclear powers and the non-nuclear states, the vast majority of which (122 countries) voted in 2017 in favour of the famous NPT? Will the nuclear powers oppose international law and the prohibition of nuclear weapons in the name of defending "undiminished security for all"? Will this gap increase the tensions that are harmful to the peace we want to strengthen? The stakes are high!
Shouldn't this perspective encourage all the forces committed to disarmament, peacebuilding, to think now, and even to work concretely on the "post-NATO" period?
Of course, it is not a question of "selling the bear's skin" before killing it! All diplomatic and political efforts must continue and intensify so that the conditions for the entry into force of the NPT are met as soon as possible, from the beginning of 2020, but, at the same time, should we not develop the debates to strengthen the idea that the prohibition of nuclear weapons will STRENGTHEN collective security and will not weaken it, that it will make it possible to build a more secure world because it is less militarized. This work has certainly begun in several recent symposia such as ICAN's in Brussels on 14 September, but this reflection must, it seems to me, be broadened.
The central issue is of course to create the conditions for the nuclear powers to adopt a more open attitude towards the NPT, to relaunch the process of reducing the number of nuclear weapons (first of all American and Russian, of course, but by finding a way to involve the other nuclear countries) even if they do not immediately sign the Treaty. Pressure must be put on them to agree to promote the finalization and entry into force of two nuclear treaties, which are "annexes" but essential: the Nuclear-Test-Ban Treaty (CTBT) already ratified by 168 States, but with five countries "blocking" its entry into force (China, Egypt, Iran, Israel, United States); and the FMCT, which is inoperative at the Geneva Conference on Disarmament.
It is vital to raise awareness that the choice is not TIAN or NPT as advocated by a nuclear state like France, but TIAN AND NPT.
Nuclear states such as France and China could play a role as "facilitators" between these two positions since the official doctrines of both countries proclaim that they do not threaten anyone.
The proposed measures
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