Jeudi 4 avril, l'OTAN fête son 70e anniversaire. Le 4 avril 1949, fut signé à Washington, le Traité de l'Atlantique nord qui a créé l'organisation du même nom. Les pays occidentaux regroupés autour des États-Unis estimaient devoir s'allier pour faire face à une supposée menace soviétique. En riposte, six ans plus tard, l'URSS et les pays du bloc de l'Est signeront un traité d'alliance comparable : le Pacte de Varsovie.
Le Traité de l'Atlantique nord était très encadré juridiquement. Dans son article 1, il affirmait respecter la Charte des Nations unies : "Les parties s’engagent, ainsi qu’il est stipulé dans la Charte des Nations Unies, à régler par des moyens pacifiques tous différends internationaux dans lesquels elles pourraient être impliquées, de telle manière que la paix et la sécurité internationales, ainsi que la justice, ne soient pas mises en danger, et à s’abstenir dans leurs relations internationales de recourir à la menace ou à l’emploi de la force de toute manière incompatible avec les buts des Nations Unies". Il s'engageait également à n'utiliser la force qu'en cas de légitime défense et ce, seulement, jusqu'à la saisine du Conseil de sécurité (article 51 de la Charte) : "Ces mesures [emploi de la force] prendront fin quand le Conseil de Sécurité aura pris les mesures nécessaires pour rétablir et maintenir la paix et la sécurité internationales".
Ce prétexte de la "légitime défense" et cette stricte soumission théorique de départ de l'OTAN au droit international et à l'ONU explique qu'à la fin de la guerre froide et après la dissolution du Pacte de Varsovie et la disparition de la "menace" soviétique, le maintien de l'OTAN a perdu l'essentiel de sa légitimité. Mais, depuis, les déclarations de ses dirigeants à plusieurs sommets de l'organisation, visant à élargir sa mission hors de sa zone géographique d'origine, à y inclure la défense d'intérêts dits vitaux comme les sources d'énergies, à y faire rentrer comme le propose Donald Trump des pays comme le Brésil de Bolsonaro ou les Philipines de Duarte, ouvrent une crise, non seulement de légitimité mais même de confiance parmi les États membres. Cette crise est aggravée par la position des États-Unis qui oscillent entre faire de l'OTAN un gendarme mondial, ou mener leur propre jeu militaire international sans leurs alliés, notamment dans les relations avec la Russie.
Les déclarations alarmistes des partisans otaniens se multiplient : «Ce qui préoccupe les Européens est de savoir si l'engagement des États-Unis est pérenne», a souligné la ministre de la Défense, Mme Parly, lors d'une visite à Washington ; «L'alliance ne devrait pas être soumise à des conditions, sinon ce n'est pas une alliance».
«Feu l’Otan ?», écrit le journaliste Frédéric Charillon dans l'Opinion. C'est "Une remise en question des alliances comme l’OTAN" écrit le spécialiste canadien, Gilles Vandal.
Alors, que faire de la "vieille dame" ? Faut-il sauver le "soldat OTAN" ? Faut-il directement "l'euthanasier" ou faut-il accompagner sa "fin de vie" qui semble inéluctable ?
Ne faut-il pas profiter de cette période pour approfondir le débat ?
En France, depuis trente ans, deux niveaux d'options sont posées : la première, pour certains militants de gauche, dans laquelle le but essentiel serait de sortir unilatéralement de l'OTAN. Pourquoi pas ? Mais si l'organisation continue de jouer le même rôle, qu'aura-t-on gagné pour la paix mondiale ? Le rappel à De Gaulle ne tient pas : celui-ci avait sorti la France, non de l'OTAN mais de son commandement intégré, non pas pour mener une politique de paix mais pour pouvoir développer tranquillement les forces nucléaires nucléaires ! Si l'on pense que les armes nucléaires doivent être interdites, ce n'est pas une référence donc.
Deuxième option en débat dans la gauche française : obtenir la dissolution de l'OTAN. C'est l'option défendue chez les communistes et les écologistes, ainsi que chez quelques socialistes. Mais la réalité des trois dernières décennies montre qu'il ne suffit pas de proclamer cet objectif dans une grande déclaration rituelle de fin de Congrès ou une manifestation annuelle pour faire avancer l'idée.
Malgré la crise évidente de cette alliance, le consensus ou le rapport de forces n'existe pas pour "débrancher le tuyau" d'un coup. L'impératif est de modifier le contexte de sécurité de la planète et de notre continent européen. Le premier enjeu est d'ôter le maximum "d'allumettes et d'engins incendiaires" hors de la portée de main de notre "malade". C'est pourquoi la lutte pour obtenir l'interdiction et l'élimination des armes nucléaires est primordiale. Comme le fait remarquer un des responsables de l'association IDN, Marc Finaud, mettre "l’accent sur l’urgence de réduire le risque de guerre nucléaire en vue d’un « désarmement multilatéral, progressif et contrôlé » aura forcément une incidence sur l’OTAN".
L'Union européenne, les futurs élus européens, les organisations luttant pour la paix, peuvent peser en obtenant l'annulation de la mise en cause du Traité INF, en défendant l’accord sur le nucléaire iranien (JCPOA), en proposant des initiatives de relance du dialogue indispensable avec la Russie avec la tenue par exemple d'une nouvelle conférence européenne, type Helsinki II. De même l'Union européenne doit parler fortement pour relancer les discussions pour renouer le dialogue israélo-palestinien, en s'opposant à la reconnaissance illégale par les USA d'une quelconque souveraineté israélienne sur le plateau du Golan et en reconnaissant l'État de Palestine.
Plus que jamais est posé cet enjeu, comme l'écrit le spécialiste Hans Christof Von Sponeck dans "Horizons et débats" du 5 février 2009 : "Celui qui veut servir la paix et la réduction des conflits doit suivre le chemin multilatéral rocailleux de l’ONU et éviter le chemin aplani de l’OTAN".
Comme je l'ai écrit dans le dernier billet de mon blog (https://culturedepaix.blogspot.com/2019/03/europe-ouvrir-les-fenetres.html), "c'est sur le terrain de la coopération renforcée avec l'ONU que devrait exister un grand projet européen de consolidation de la paix mondiale par la participation plus active de l'Union européenne à la prévention des conflits, à la limitation du commerce des armes, à la diffusion à grande échelle d'une éducation et d'une culture de la paix". C'est cet objectif qui doit être la priorité européenne de la prochaine décennie et non l'illusoire projet d'une défense européenne. Celle-ci voudrait essayer de faire jouer à l'Europe le rôle de l'OTAN dans une vision dépassée du monde : un monde des puissances rivales et de la guerre finale assurée et non un monde de coopération complexe, difficile à construire mais qui reste la seule issue viable pour l'humanité.
Il est évident que c'est donc en modifiant ainsi profondément le contexte de sécurité mondial que l'OTAN perdra définitivement sa raison d'être et que "la machine" pourra "être débranchée". Saut dans l'inconnu, report aux calendes grecques ? Pas sûr ! Le monde actuel est plein de contradictions : en Europe, n'assiste-t-on pas à ce paradoxe ? L'Allemagne, la fidèle alliée de Washington, refuse d'augmenter ses dépenses militaires car elle préfère garder ces crédits pour l'aide au développement ! Et elle bloque pour six mois toute vente d'armes à l'Arabie saoudite, provoquant ainsi la colère française ! Si les opinions publiques augmentaient leur pression sur le terrain de la paix comme elles le font actuellement sur le plan de la lutte contre le réchauffement climatique, quelles nouvelles perspectives s'ouvriraient ! Il ne s'agit pas là d'un voeu pieux mais d'un appel à une prise de conscience lucide à tous ceux, capables d'avoir le courage d'assumer les choix nécessaires pour la paix de notre planète.
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