lundi 11 mars 2019

Europe II : ouvrir les fenêtres !

Le président de la République Emmanuel Macron a publié une tribune dans la presse européenne et régionale française dans laquelle il plaide pour "une Renaissance de l'Europe".
Nous ne sommes pas naïfs : nous savons bien entendu que dans cette initiative, il y a un aspect tacticien évident, lié à la volonté affirmée d'Emmanuel Macron de prétendre à une forme de leadership européen et sur le plan extérieur de "prendre un peu d'air", face à la situation sociale, minée pour lui, par les protestations notamment des Gilets jaunes.
En même temps, le fait que le Président de la République française soit à l'initiative pour appeler au renforcement de l'Union européenne en faveur de la liberté et du progrès, voire même à sa "renaissance" (certains disent "refondation", re-création", "rénovation", pourquoi pas ?), ne peut nous laisser indifférent, à l'heure où l'obscurantisme, la démagogie populiste reprennent du "poil de la bête" en s'appuyant sur toutes les insatisfactions, les peurs, les fantasmes les plus primitifs.
100 ans après la fin de la guerre 1914-1918, ne "mégotons" pas non plus sur l'apport de la construction européenne à ces 73 années sans guerre mondiale, à "la réconciliation d’un continent dévasté", même si nous avons parfois frôlé le bord du gouffre dans les années 90 dans les Balkans. Mais, pourquoi après avoir parlé pour hier, du succès d'un "projet inédit de paix, de prospérité et de liberté", le président Macron nous propose-t-il  un projet basé selon lui sur "Liberté, protection, progrès" et où la place principale est tenue par la "protection" ?
On nous propose une Europe dont la priorité concrète est de nous protéger d'abord des peurs : on protège la démocratie, on protège les frontières, on se protège des migrants et on se protège militairement. Certes, Emmanuel Macron parle plus positivement de protection sociale ou de "bouclier social", ainsi que de protection du climat et de la planète, mais c'est sur ces terrains qu'il est le plus imprécis. Quel financement avec la Banque centrale européenne, avec quels objectifs chiffrés, pour les PME, pour la transition écologique ? Sans des engagements chiffrés, nous savons bien que les choses ne bougeront pas, comme le rappellent de nombreux lycéens tous les vendredis, à propos du réchauffement climatique. On ne peut en rester à la promesse de créer des "agences" pour tout : "Agence européenne de protection des démocraties", "Office européen de l'asile", "Conseil européen de sécurité intérieure", "Conseil de sécurité européen", "Banque européenne du climat", conseil de "supervision européenne des grandes plateformes", "Conférence pour l’Europe". Les vieux politiques disaient autrefois autrefois : "pour noyer un problème, il suffit de créer une commission", attention à ne pas verser dans les mêmes artifices et ne pas créer des coquilles vides !
Le grand paradoxe de la tribune du Président de la République est que, alors que l'ADN de l'Europe est d'avoir contribué à la paix du continent et de la planète, cette question n'est pas traitée spécifiquement ! La sécurité du continent est toujours traitée, de manière ringarde, sous le seul angle de la réponse aux "menaces" comme "les stratégies agressives de grandes puissances" et pas de la réponse aux "défis" qui nous sont posés... Comment travailler à la résolution des conflits qui bordent notre voisinage : Ukraine, Syrie, Israël/Palestine ? Comment faire progresser la démilitarisation des relations internationales, en progressant dans l'élimination des armes nucléaires ? Comment relancer le multilatéralisme, revivifier les approches politiques et négociées de certains problèmes, en termes diplomatiques (gestion des flux migratoires,nucléaire iranien, Inde/Pakistan) et même commerciaux ?
L'urgence pour l'Europe de prendre des initiatives politiques sur ces terrains, rend incompréhensible de la part du président Macron, l'absence de référence et d'articulation avec l'action des Nations unies, qui sont justement au coeur du multilatéralisme. Le mot ne figure pas une fois dans le texte ! C'est sur le terrain de la coopération renforcée avec l'ONU que devrait exister un grand projet européen de consolidation de la paix mondiale par la participation plus active de l'Union européenne à la prévention des conflits, à la limitation du commerce des armes, à la diffusion à grande échelle d'une éducation et d'une culture de la paix. L'Europe se grandirait si elle devenait la "fille aînée" de l'ONU !
En fait, à la lecture de la lettre d'Emmanuel Macron, on retire le sentiment d'une occasion ratée. Oui, il faut une "renaissance de l'Europe", une "refondation de l'Europe", sans rien écarter comme le reconnaît M. Macron qui veut promouvoir "tous les changements nécessaires à notre projet politique, sans tabou, pas même la révision des traités" (Chiche !).
Mais pour cela, il faut avoir une vision d'une Europe pour la paix, d'une Europe qui avance, ouverte, démocratique et fraternelle, et non pas celle d'une Europe qui regrouperait, comme dans les westerns, les chariots de la caravane en rond pour se protéger de l'attaque des méchants indiens....


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