Est-ce que des volontés politiques plus fortes émergeront en 2019 ? Personne ne peut le prédire mais au niveau mondial, il est clair qu'une majorité de pays, essentiellement non-alignés, modérés, puissances moyennes, est inquiète des durcissements des rapports internationaux, des positions "moi, d'abord" des États-Unis et aussi de la Russie. Cela explique sans doute que l'Assemblée générale des Nations unies ait voté fin 2017 et fin 2018 des résolutions convergentes. La première proclame 2019 "Année internationale de la modération" dans le but de faire mieux entendre les voix des modérés par la promotion du dialogue, de la tolérance, de la compréhension et de la coopération. Cette résolution sur la modération a été adoptée malgré l’opposition des États-Unis et d’Israël, ce qui doit faire réfléchir. Deux journées internationales nouvelles ont été crées. La première décision, adoptée sans vote, proclame le 16 mai « Journée internationale du vivre-ensemble en paix » comme moyen de mobiliser régulièrement les efforts de la communauté internationale en faveur de la paix, de la tolérance, de l’inclusion, de la compréhension et de la solidarité.
La seconde décision, prise en décembre dernier par l’Assemblée générale, proclame le 24 avril « Journée internationale du multilatéralisme et de la diplomatie au service de la paix ». Cette résolution a été la seule de la séance à avoir été mise aux voix, à la demande des États-Unis. Le texte a été adoptée par 144 voix pour et l’opposition des États-Unis et d’Israël.
Enfin, la décennie qui s'ouvre, 2019-2029, sera labellisée "Décennie Nelson Mandela pour la paix".
Journées ou année internationale, d'aucuns ricaneront sur l'inefficacité de ces décisions, sans voir qu'elles manifestent des évolutions d'idées positives qui cheminent de manière parfois peu visible mais bien réelle. Elles vont être utiles notamment au plan local, régional ou national à des dizaines ou centaines d'initiatives petites ou grandes en faveur de la paix, du vivre ensemble, de valorisation de la diplomatie sur la force, permettant ainsi un travail très important d'éducation populaire d'associations et d'individus en faveur du refus de la violence dans les relations internationales.
Ces réflexions sur le vivre ensemble international, sur le multilatéralisme, ne peuvent pas être déconnectées pour les Européens d'échéances très concrètes. Il y aura, bien sûr, le 9 novembre, le 30e anniversaire de la chute du Mur de Berlin qui obligera à continuer le travail de réflexion sur l'échec de l'expérience politique des pays dits communistes, sur la coupure persistante entre deux parties de l'Europe sur un nombre important de problèmes de société. Mais le débat sur l'avenir de l'Europe s'ouvrira bien avant avec la campagne électorale des élections européennes qui auront lieu du 23 au 26 mai. La crise économique, les promesses démagogiques et populistes ont accentué des tendances centrifuges dabs l'Union européenne. En France, le débat sera vif entre "européistes béats" et partisans de la sortie de l'Union ou réformateurs des politiques européennes actuelles sans forcément sortir des traités. Nous y reviendrons en gardant à l'esprit qu'une des leçons principales des deux Guerres mondiales a été de comprendre que leur naissance vient de la division et de l'affrontement des puissances européennes entre elles...
Dans ce débat européen, la question de l'engagement plus fort de l'Europe au service de la paix et de la démilitarisation des relations internationales doit plus émerger. L'Union européenne ne tient pas suffisamment sa place dans l'action politique pour l'interdiction des armes nucléaires, le contrôle beaucoup plus drastique des ventes d'armes, la reconnaissance universelle de la Palestine comme état souverain. Nous sommes à l'heure des voeux. Permettez-moi, en ces dernières journées de 2018, de rêver de pétitions sur ces trois sujets qui rassemblent elles-aussi 2 voire 3 millions de signatures...
Le 30 décembre 2018
« Construire la paix, déconstruire et prévenir la guerre »
Vendredi 25 et samedi 26 janvier 2019
Espace Robespierre, 2 rue Robespierre, 94200 Ivry-sur-Seine (M°Mairie d'Ivry, ligne 7)
En partenariat avec le projet PEACE
(Université de Caen – Université de Rouen – Région Normandie)
Et la ville d'Ivry-sur-Seine
Les guerres, les conflits, occupent le champ d’une actualité qui ignore trop souvent les efforts de paix qui, partout, tentent de les endiguer. Violence et désir de paix, menaces globales et conscience du destin commun, coexistent dans un monde comme jamais incertain. Les logiques de domination économique et culturelle, de militarisation, des «grandes puissances» d’hier et de celles d’aujourd’hui, contredisent les projets et les potentiels considérables de développement humain. Les peurs et le refus de « l’autre » minent l’impératif de solidarité.
L’exigence de paix donne force et légitimité à l’engagement contre les dominations et les discriminations, comme un des fondements de l’effort d’émancipation de l’humanité. L’ambition du colloque est d’explorer ce monde qui aspire à « l'être en commun», dans les conditions d’aujourd’hui, en donnant la parole à celles et ceux qui le portent.
Entrée libre sur inscription nominative préalable : inscription@gabrielperi.fr
Programme
Vendredi 25 janvier :
18h30 : Ouverture, Alain Obadia, président de la Fondation Gabriel Péri
18h45-20h30 : Paix et gouvernement du monde nouveau
« Bal des puissances » ou « impuissance de la puissance » : la paix du monde est-elle toujours aux mains des grandes puissances aujourd'hui ? Quelles sont les nouveautés ? L’irruption de nouveaux acteurs, des pays émergents, des opinions publiques change l’équation du jeu international. Quel rôle l’Europe doit-elle jouer ?Intervenant-e-s :
- Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences Po Paris et chercheur associé au Centre d’études et de recherches internationales (CERI Sciences Po)
- Luciana Castellina, journaliste, députée européenne (1979-1999)
- Philip Golub, professeur de sciences politiques, de philosophie politique et de relations internationales à l'Université américaine de Paris (AUP)
- Birgit Daiber, coordinatrice du réseau Common Good sur le bien commun de l'humanité, membre du Parlement européen (1989-1994), ancienne directrice de la fondation Rosa Luxemburg à Bruxelles.
- Luc Mampaey, directeur du GRIP (Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité)
Modération : Daniel Durand, chercheur en relations internationales
9h30 : Ouverture, Philippe Bouyssou, maire d'Ivry-sur-Seine.
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Samedi 26 janvier :
10h-12h : Paix et civilisation
Cette table-ronde revient sur la façon dont le concept de paix est perçu dans plusieurs régions du monde. Selon les contextes et les époques, il a exprimé des réalités différentes, qu’il faut avoir à l’esprit pour pouvoir construire une perspective progressiste à une échelle transnationale. Outre un tour d’horizon général des conceptions de la paix, certaines interventions reviendront sur une aire particulière (Europe, Afrique, Moyen-Orient…)Grand témoin : Ibrahima Thioub, historien, recteur de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar
Intervenant-e-s :
- Makram Abbès, professeur en études arabes à l'ENS de Lyon
- Guillaume Le Blanc, philosophe, auteur avec Fabienne Brugère de La fin de l’hospitalité - L’hospitalité dans l’histoire
- Thomas Hippler, philosophe, historien, professeur d’histoire à l’université de Caen
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12h-13h30 : Déjeuner
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13h30-15h30 : Paix et mondialisation
La mondialisation peut être une chance pour la paix. De nouvelles légitimités pour la paix délégitiment la guerre. Réchauffement climatique, sur exploitation des ressources terrestres, captation des terres et leurs conséquences : migrations de la misère et des guerres, cyber guerre, sont les défis à relever d’urgence. Comment garantir la paix du monde, lutter contre les inégalités, pour les droits, la démilitarisation et le désarmement aujourd’hui ?Grand témoin : Youssef Mahmoud, conseiller principal, International Peace Institut (États-Unis)
Intervenant-e-s :
- Matthieu Calame, ingénieur agronome, directeur de la fondation Charles Léopold Mayer - "Résurgence des questions agricoles : quelle sécurité alimentaire pour la planète ?"
- Oumar Dia, philosophe, professeur à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal) – "Replis identitaires et menaces sur la paix mondiale"
- Dr Patricia Lewis, directrice de recherches, Chatham House – Démilitarisation, désarmement et cyber guerre aujourd'hui.
Modération : Fabienne Pourre, Fondation Gabriel Péri
15h45-18h : Paix et émancipation humaine
Quel rapport entre Paix et mouvement émancipateur ? En quoi les luttes émancipatrices, sociales et d’autonomisation des individus, des peuples, ont-elles été et sont-elles constitutives de l’établissement de la paix. Poser le primat de la politique sur la force, de la démocratie sur l’oppression et la domination, ouvre le champ d’une conception de la paix, dynamique, comme enjeu, au-delà de la guerre. Mis en perspective, et à partir des luttes d’aujourd’hui, dans leur diversité et leur nouveauté, ce débat s’inscrit dans la réflexion sur les conditions contemporaines de la construction de la paix.Grand témoin : Dr Julianne Malveaux, économiste et écrivaine (États-Unis)
Intervenant-e-s :
- Erika Campelo, co-présidente de l’association Autres Brésils
- Jean-Louis Sagot-Duvauroux, philosophe, écrivain, dramaturge et scénariste
- Bernard Thibault, syndicaliste, membre du conseil d'administration de l'OIT
18h : Clôture par Jean-Numa Ducange, historien, maitre de conférence à l’université de Rouen, co-directeur du projet PEACE, membre du Conseil scientifique de la Fondation Gabriel Péri.
Avec la participation du Mouvement de la paix et du Conseil départemental du Val de Marne
Pour en savoir plus sur le séminaire "Construire la paix, déconstruire et prévenir la guerre" qui a conduit à l'organisation de ce colloque, consultez la page ici, et les publications : Actes 1 et Actes 2, Les Chemins de la paix aujourd'hui.