lundi 31 janvier 2011

Culture de la paix : aussi le développement économique et social (2)

Dans un précédent article "Culture de la paix : quel bilan d'une décennie de promotion (1)", je remarquais que tant les ONG que le rapport officiel de l'ONU étaient restés assez vagues ou discrets sur l'évaluation des résultats obtenus sur le point "2/ promouvoir le développement économique et social durable". Et dans l'ensemble, tout le monde a du mal à relier la campagne pour les Objectifs du Millénaire d'éradication de la pauvreté à celle pour promouvoir une Culture de la paix.
Les explications possibles sont multiples. La dimension éducative ou l'action informative s'adressant aux esprits et aux intelligences semblent des éléments inhérents à la promotion d'une Culture de paix. Ce lien est moins évident avec les dimensions économiques et sociales qui mettent en oeuvre des mécanismes financiers, des décisions politiques. L'un est plus dans le domaine de l'action et de la parole, du "dire", l'autre dans celui de l'action, du "faire".
Or, lorsqu'on examine concrètement les textes, les convergences entre les objectifs détaillés du point 2 du "Programme d’action sur une culture de la paix" et les huit "objectifs du Millénaire pour le développement (OMD)" sont évidentes. Dans le programme d'action, on trouve ces buts : "éliminer la pauvreté par une action nationale et internationale", "régler les problèmes de l’endettement extérieur et du service de la dette des pays en développement", "la sécurité alimentaire durable", "veiller à ce que le processus de développement soit participatif ", "autonomisation des femmes et des filles dans le processus de développement", "assurer la durabilité environnementale". Dans les Objectifs du Millénaire, on trouve en écho : "Réduire l'extrême pauvreté et la faim", "Promouvoir l'égalité et l'autonomisation des femmes", "Assurer un environnement durable", "Mettre en place un partenariat mondial pour le développement", etc..
Certes, nombreux sont les acteurs qui agissent concrètement sur ces objectifs de développement économique et social parmi les réseaux denses d'organisations de développement et de solidarités, les organisations syndicales, les collectivités locales, aux côtés des diverses agences de l'ONU et autres institutions internationales. L'enjeu est de convaincre tous ces acteurs que l'action pour le développement ou la justice sociale est constitutive et doit s'inscrire dans un Mouvement mondial pour la culture de paix.
Beaucoup sont déjà persuadés (et nombre de déclarations onusiennes sont très claires sur ce sujet, notamment depuis Boutros Ghali et Koffi Annan), que l'action pour combattre la pauvreté et promouvoir le développement est une manière de travailler à la prévention des conflits, à la stabilité des pays, à la construction d'une paix durable. Reste que ce sentiment ne trouve pas aujourd'hui encore, les cadres et lieux permettant d'exprimer la convergence de l'action pour faire évoluer les esprits et les cerveaux, (toujours selon le préambule de l'UNESCO), et celle de l'action pour la transformation des conditions économiques et sociales, dans lesquelles les hommes évoluent.
En effet, le problème n'est pas pour les organisations humanitaires ou de développement de venir faire de l'éducation à la paix ou au désarmement, ou pour les organisations pacifistes de venir faire des actions de développement. Non, l'enjeu est que chacun comprenne qu'il travaille dans la même direction, celle d'un monde plus juste, plus coopératif, un monde développant une culture de paix. C'est pourquoi, toutes les évaluations de cette décennie d'efforts pour la culture de paix convergent pour dire que la problématique de la construction d'un Mouvement mondial pour la culture de paix a été peu abordée, et qu'elle doit être mise au centre des efforts aujourd'hui.
Ce qui est valable dans l'action pour "promouvoir le développement économique et social durable" l'est tout autant dans l'action "pour favoriser la participation démocratique".
En effet, qui dit transformation sociale dit "outils" de formation, de participation démocratique et politique à la mise en oeuvre de cette transformation. Les événements actuels en Tunisie et en Égypte doivent faire réfléchir sur ces notions. Parmi ces outils, on peut souligner le rôle essentiel des collectivités locales pour développer la démocratie participative. Beaucoup de collectivités locales sont engagées, notamment en France, dans ce qu'il est convenu d'appeler la "coopération décentralisée" avec des partenaires dans des pays en développement, autres collectivités ou associations; Il est clair que lorsqu'on parle dans le "Programme d’action sur une culture de la paix" de "veiller à ce que le processus de développement soit participatif "et de soutenir "l'autonomisation des femmes et des filles dans le processus de développement", les résonances avec les principes actuels de la coopération décentralisée sont forts. Là encore, cela donne un éclairage et un cadre beaucoup plus large à l'action concrète de tous ces acteurs, si nombreux dans nos communes et départements. Dans de nombreux pays, les collectivités locales sont des écoles de la participation démocratique et peuvent donner un contenu concret, grâce aux échanges divers, pour promouvoir cette dimension du "Programme d’action sur une culture de la paix". La promotion de la démocratie est une tâche lourde, qui peut bien sûr être manipulée aux services de causes politiques douteuses. Cela justifie l'importance d'accorder un rôle central aux Nations unies pour mener cette tâche et éviter les dévoiements, mener "des activités de formation de responsables publics et de création de capacités", "en procurant une assistance électorale à la demande des États concernés" comme il est indiqué dans le Programme d'action. C'est pourquoi, me semble-t-il, il faut saluer l'énorme effort de formation mené pendant plusieurs mois en Côte d'Ivoire, la fourniture de matériel électoral, le contrôle, aussi difficile fut-il, du scrutin, la certification des résultats, et souhaiter que ce scrutin, l'expression majoritaire de la population ivoirienne ne soient pas remis en cause (voir mes articles sur ce sujet (Côte d'Ivoire : ne pas plaquer les vieux schémas... et Côte d'Ivoire : questions en débat...).
Plus largement, ce travail pour former des citoyens et citoyennes, conscients et acteurs de leur avenir, mené par de nombreuses ONG ou collectivités locales, ne peut prendre tout son sens que s'il arrive à se reconnaître comme élément d'un grand Mouvement mondial plus large pour la Culture de paix. Je reviendrai dans un prochain article sur la problématique de la relation entre culture de paix et communication participative, circulation de l'information et des connaissances...
31 janvier 2010


mardi 25 janvier 2011

Culture de la paix : quel bilan d'une décennie de promotion (1)

J'avais conclu mon article du 27 décembre dernier : Sécurité humaine : quelles raisons de la paix ? (3) par la nécessité de procéder à une évaluation du bilan des dix dernières années consacrées à la promotion de la Culture de la paix, mise en avant par l'A.G des Nations unies en 1998. Celle-ci inclut l'année 2000 "année internationale de la Culture de paix", la "Décennie 2001-2010 pour la promotion d'une culture de paix et de non-violence au profit des enfants du monde". Il faut rappeler que le cadre de la promotion de ce concept s'articule autour de huit "objectifs d'action" qui sont des "Mesures pour" 1/ renforcer une culture de la paix par l’éducation, 2/promouvoir le développement économique et social durable, 3/promouvoir le respect de tous les droits de l’homme, 4/assurer l’égalité entre les hommes et les femmes, 5/favoriser la participation démocratique, 6/faire progresser la compréhension, la tolérance et la solidarité, 7/soutenir la communication participative et la libre circulation de l’information et des connaissances, 8/promouvoir la paix et  la sécurité internationales.
Comme je l'indiquais en décembre, l'Assemblée générale des Nations unies a fait le point le 29 octobre dernier de la "Mise en oeuvre de la Déclaration et du Programme d’action en faveur d’une culture de paix". Sur le plan de la société civile, un groupe d'ONG, sous l'impulsion de l'ancien dirigeant de l'UNESCO et un des principaux promoteurs du concept de Culture de la paix, David Adams, a travaillé à un "Rapport de la société civile" () recensant les initiatives de 1054 ONG issues d'une centaine de pays sur les cinq continents, rapport qui a été remis au Secrétaire Général des Nations unies l'été dernier. La résolution d'évaluation officielle de l'Assemblée générale le mentionne et se félicite de l'implication des ONG, bien qu'il soit dommage que ce rapport n'ait pas été intégré comme document officiel dans la résolution. Dans chaque pays, les ONG ont fourni des évaluations nationales de leurs initatives (ce qu'ont fait en France notamment, le Mouvement de la paix, l'AFCDRP (collectivités locales) et la Coordination pour la Décennie).
Que disent ces évaluations ? La résolution de l'Assemblée Générale reste très prudente (plusieurs grandes puissances se sont désintéressées d'ailleurs de ce débat) : le point le plus positif reste que cette Résolution confirme que les objectifs de la Culture de la paix "constituent le mandat universel de la communauté internationale", que cette mise en oeuvre "vise à renforcer le mouvement mondial [pour une culture de paix]", et que pour l'UNESCO, "la promotion d'une Culture de la paix était l'expression de sa mission fondamentale".Cela signifie pour tous les acteurs qui oeuvrent pour la Culture de la paix que leur action est plus que jamais légitimée et "encouragée" par la communauté internationale. Au niveau concret, la résolution incite l’UNESCO à examiner la possibilité de constituer un fonds spécial pour financer des projets de pays relatifs à la culture de paix et incite la Commission de consolidation de la paix (CCP) à continuer de promouvoir cette culture de paix dans ses initiatives post-conflit, ce qui est une reconnaissance non-négligeable de la dimension des idées dans les conflits, avant et après. Enfin, la résolution invite expressément tous les États membres, "à prêter davantage d'attention à la célébration chaque année, le 21 septembre, de la Journée internationale de la paix", invitation sur laquelle ne manqueront pas de s'appuyer les auteurs d'initiatives lors de cette journée.
Le "Rapport mondial de la société civile" a pris le parti de fournir une appréciation à partir de chacun des "huit domaines d'action" évoqués plus haut. Il remarque que les ONG qui ont répondu (1054) ont travaillé en priorité sur le point "1/renforcer une culture de la paix par l’éducation", ensuite viennent dans les priorités, "6/faire progresser la compréhension, la tolérance et la solidarité", puis "3/promouvoir le respect de tous les droits de l’homme" et enfin "8/promouvoir la paix et  la sécurité internationales". On voit tout de suite que ce sont les aspects sociétaux qui ont le plus vite et le plus facilement été appréhendés par les associations, suivant en cela le préambule de l'UNESCO, recommandant "d'élever les barrières de la paix dans l'esprit des hommes". Effectivement, on a vu se développer dans le monde et cela est vrai pour la France, les initiatives d'éducation pour la paix, que la création de la Journée de la paix du 21 septembre a souvent favorisée. Il faut noter que déjà, l'année 2000 avait été marquée par ce type d'initiatives, au delà de la signature par 75 millions de terriens du "Manifeste" de la culture de paix. On peut mettre, dans ce courant, la création de l'AIEP (Association internationale des éducateurs à la paix) à l'initiative du français Jean Ridoux, la création et le travail fourni par la Fondation pour la Culture de paix, créée en Espagne par Federico Mayor.
Il faut mettre au crédit des efforts menés sur ces domaines d'action les initiatives prises par l'UNESCO dans le cadre de "l'Alliance des civilisations" et du "Dialogue entre les cultures" et aussi, la décision de l'Assemblée Générale d'instituer en 2007, chaque 2 octobre, anniversaire de la naissance de Gandhi, une "Journée internationale de la non-violence".
Les initiatives pour "promouvoir la paix et  la sécurité internationales" ont concerné près de 40 % des ONG qui ont participé à l'évaluation et le bilan mis en avant pour cette décennie est riche, puisqu'il faut y mettre le mouvement pour la signature du Traité d'interdiction des mines à sous-munitions, qui s'est appuyé sur le succès en 1997 de la Campagne pour l'interdiction des mines antipersonnel, le succès de la campagne pour la création du Tribunal pénal international. Concernant le désarmement nucléaire, le phénomène le plus positif de la décennie fut certainement la création et l'expansion des "Maires pour la paix" à l'initiative du maire d'Hiroshima, qui fédère aujourd'hui près de 4 000 villes dans le monde. Cette remobilisation des collectivités locales (animée en France par l'AFCDRP) pour la promotion d'une culture de paix, est un phénomène très prometteur, y compris dans le cadre de l'action pour "5/favoriser la participation démocratique". Les collectivités locales peuvent fournir une passerelle entre actions pour la culture de la paix et action pour une démocratie participative..
Le bilan de la décennie pour "promouvoir le respect de tous les droits de l’homme" et "assurer l’égalité entre les hommes et les femmes" est intéressant également. Au niveau institutionnel, la décennie a vu la création d'un nouveau Conseil des Droits de l'Homme à l'ONU ; au niveau de la société civile, de nouvelles campagnes ont vu le jour, avec la lutte contre la misère et pour la dignité, menée par ATD-Quart Monde international et la première journée mondiale syndicale pour le "travail décent" menée par la Confédération syndicale internationale (CSI) en 2008. Cette décennie a vu également de nouveaux progrès pour "l’égalité entre les hommes et les femmes" avec les actions menées au travers de la Marche mondiale des Femmes, les campagnes "contre la violence faite aux femmes" et, au plan institutionnel, par la création en juillet 2010, par l’Assemblée générale des Nations Unies de "ONU Femmes", qui sera une "entité" ou agence des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, dont la mise sur pied a été confiée à Michelle Bachelet, ex-dirigeante de l'Argentine.
Tant les ONG que le rapport officiel de l'ONU sont plus vagues ou discrets sur l'évaluation des résultats obtenus sur les points "2/promouvoir le développement économique et social durable" et "7/soutenir la communication participative et la libre circulation de l’information et des connaissances".
Les ONG soulignent la déception engendrée par les sommets sur le climat et le développement durable, l'Assemblée générale fait une "impasse" complète sur la question. Tout le monde a du mal à relier la campagne pour les Objectifs du Millénaire d'éradication de la pauvreté à celle pour promouvoir une Culture de la paix. Même "impasse" sur la question de l'information et de la communication participative dans le document officiel et même faiblesse du côté des ONG. Là encore, on constate une difficulté à relier le formidable développement des réseaux sociaux (style Facebook), d'internet en général, voire même de l'expansion du mouvement pour les logiciels "libres" à la promotion d'une Culture de la paix. Je reviendrais sur ces questions dans un prochain article. Par contre, on peut noter, dans les deux évaluations, la même conviction que les médias modernes devraient faire beaucoup plus pour promouvoir des valeurs de paix, de non-violence notamment en direction des jeunes.
Le bilan de ces dix années qui ont vu le nouveau concept de Culture de paix se frotter aux réalités du monde est un bilan contrasté : des progrès importants dans la prise en compte de la nécessité de développer l'éducation à la paix, avec des "marqueurs" en progrès comme la Journée de la paix du 21 septembre, une approche centrée sur les questions sociétales ou de mentalités (éducation, tolérance, droits humains, démocratie) ou plus classiquement de désarmement, mais qui a du mal à intégrer des dimensions plus sociales (développement économique et social) ou plus "sensibles" dans la société (participation démocratique, communication participative).
J'essaierai de revenir dans les prochains articles sur les obstacles à la prise en compte de ces derniers points, ainsi que sur les défis posés au mouvement pacifiste pour franchir une nouvelle étape dans la promotion d'une culture de paix.
Le 25 janvier 2010



mardi 11 janvier 2011

Désarmement : 2011, une année de transition ?

L'année 2011 sera-t-elle aussi positive que 2010 pour le désarmement ? Rappelons que 2010 a vu, sur le plan des armes nucléaires, se dérouler la Conférence d'examen du TNP (Traité de non-prolifération nucléaire) avec l'adoption d'un texte final qui relance les dynamiques telles qu'elles étaient en l'an 2000 avant l'arrivée de G.W. Bush. En septembre, l'Assemblée générale de l'ONU a tenu une session exceptionnelle pour examiner les moyens de surmonter le blocage de la conférence du désarmement à Genève. 2010 a vu également la signature entre la Russie et les États-Unis d'un Traité de réduction des missiles stratégiques (nouveau START), traité qu'Obama a réussi à faire ratifier au Sénat avant l'arrivée  d'une nouvelle majorité républicaine... Enfin, un événement a marqué le désarmement conventionnel : le 1er août 2010 est entrée en vigueur la Convention d'interdiction des armes à sous-munitions, dont le processus a été bâti sur le modèle de celle d'Ottawa sur les mines antipersonnel.
Au vu de ce bilan fourni, il n'est pas sûr que 2011 n'apparaisse d'abord que comme une année de transition...
Certes, le désarmement nucléaire occupera sans doute encore le devant de la scène : la France a annoncé qu’elle organiserait à Paris en 2011 la première réunion de suivi de la Conférence d’examen du TNP de 2010 par les cinq puissances nucléaires reconnues par le TNP : France, Chine, Russie, Royaume-Uni, Etats-Unis ("P5"). Nul doute que cette occasion sera saisie par les abolitionnistes pour faire pression sur les P5 et leur rappeler leurs engagements à "désarmer de bonne foi". Rappelons nous d'ailleurs que ce 30 janvier sera l'anniversaire de l'arrêt par le Président Chirac (30/01/1996) de sa campagne d'essais nucléaires, justement sous la pression de l'opinion publique internationale.
Deux anniversaires vont également marquer 2011 : les 7 et 8 juillet, sera le 15e anniversaire de l'Avis consultatif de la Cour Internationale de Justice sur la liceité de la menace ou de l'emploi d'armes nucleaires, qui déclare notamment : "Il existe une OBLIGATION de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace". Le 10 septembre sera également le 15e anniversaire de l'adoption par l’Assemblée générale des Nations unies en 1996 du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICEN, ou CTBT en anglais). Celui-ci n'est pas encore entré officiellement en application, car il faut que 44 États ayant des capacités nucléaires potentielles le ratifie. À ce jour, parmi ces 44 États, neuf n’ont pas encore ratifié le Traité : Chine, États-Unis, Iran, Égypte, Indonésie, Israël, Inde, Pakistan et Corée du Nord (par contre, l'Indonésie a entamé le processus de ratification). Le Président Obama avait exprimé le souhait que les États-Unis ratifient enfin ce Traité, il paraît douteux maintenant, avec le rapport des forces et le calendrier électoral, que cette ratification intervienne en 2011..
Cette année 2011 sera très importante pour la Convention d'interdiction sur les armes biologiques, Sa septième conférence d'examen doit se tenir du 5 au 22 décembre à Genève : on peut espérer que cette Conférence d’examen fournira une opportunité pour renforcer son dispositif de contrôle qui est totalement insuffisant.
Sur le plan du désarmement conventionnel, pas de grands rendez-vous prévus dans l'année : celle-ci devrait être consacrée à élargir le soutien à la Convention d'interdiction des armes à sous-munitions entrée en application en 2010. Même souci de continuer l'élargissement pour la convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel. Même année de transition pour un éventuel  « Traité sur le commerce des armes » : c'est en 2012 qu'est prévue l’organisation à New York, d’une Conférence des Nations unies sur le traité sur le commerce des armes.
Sur le plan militant, il faut noter que le Bureau international de la paix lancera en 2011 une "Journée mondiale d'action sur les dépenses militaires" le 12 avril, au lendemain de la publication annuelle par le SIPRI (Centre d'études suédois) de son estimation des dépenses militaires mondiales qui s'approchent des 1500 milliards de dollars (plus de 50 % de hausse en moins de dix ans : vive la crise économique !).
Enfin, le 21 septembre 2011, devrait voir se poursuivre l'élargissement des initiatives autour de la Journée mondiale de la paix de l'ONU. En France, cette journée est en train de devenir un grand rendez-vous d'initiatives pour la promotion d'une culture de la paix, plus seulement à l'initiative d'associations, mais maintenant aussi à celle de municipalités ou collectivités territoriales diverses.

Rappel de quelques dates :
1er janvier : la France prend la présidence du G8. Elle a déjà pour un an les commandes du G20 après son sommet de Séoul des 12 et 13 novembre 2010.
1er janvier : l'Afrique du sud, l'Allemagne, le Portugal, l'Inde et la Colombie deviennent membres non permanents du Conseil de sécurité de l'ONU pour la période 2011-2012.
6 au 11 février : 9ème Forum social mondial à Dakar (jusqu'au 11).
12 avril, "Journée mondiale d'action sur les dépenses militaires"
7 et 8 juillet,  15e anniversaire de l'Avis consultatif de la Cour Internationale de Justice sur la liceité de la menace ou de l'emploi d'armes nucleaires
6 août et 9 août : commémoration des bombardements atomiques d'Hiroshima et Nagasaki
10 septembre : 15e anniversaire de l'adoption par l’Assemblée générale des Nations unies en 1996 du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICEN, ou CTBT en anglais)
21 septembre : journée mondiale de la paix
24 au 30 octobre : Semaine de l'ONU du désarmement
5 au 22 décembre 2011, Septième conférence d'examen de la Convention d'interdiction sur les armes biologiques, à Genève.

Daniel Durand - 11 janvier 2011


jeudi 6 janvier 2011

Côte d'Ivoire : questions en débat...

La situation inquiétante de la Côte d'Ivoire suscite une multitude de questions que mon article précédent ne pouvait pas développer dans sa longueur initiale. Voici, sous formes de questions/réponses quelques informations ou réflexions supplémentaires pour participer au débat avec tous ceux qui pensent qu'une solution militaire ne serait pas une bonne chose pour le peuple ivoirien.

1/ Fallait-il faire les élections maintenant ?
L’élection présidentielle ivoirienne a été reportée six fois en dix ans par Laurent Gbagbo depuis les dernières élections en 2000. Les élections du 31 octobre seront les premières depuis le conflit qui a éclaté en Côte d’Ivoire en 2002, divisant le pays en deux parties : le nord aux mains des rebelles et le sud sous contrôle gouvernemental. L'élection présidentielle devait se tenir en octobre 2005 conformément aux dispositions légales, soit cinq ans après l'élection présidentielle ivoirienne de 2000, cela après la mission de bons offices de Thado Mbeki. Après les accords de Ouagadougou en 2007, l'élection présidentielle en Côte d'Ivoire, était prévue le 30 novembre 2008, puis reportée  au dernier moment en 2009, puis finalement en novembre 2010. La tenue de ces élections était une exigence majoritaire de la population et aucune des parties n'a demandé un nouveau report de ces élections.

2/ Les élections ont-elles été préparées suffisamment en concertation avec toutes les parties, les modalités du contrôle étaient-elles suffisantes ?
"Cela aura été en tous les cas les élections africaines les plus longuement et méticuleusement préparées qui ont impliqué depuis les accords de Marcoussis en janvier 2003 (1) un nombre impressionnant d’acteurs (... Le processus électoral avait fait l’objet d’un consensus laborieux entre toutes les parties prenantes même si à chaque étape il y avait eu des dérapages. Des audiences foraines au recensement de la population, de la constitution du fichier électoral à la délivrance de cartes d’identité nationale, de la constitution puis reconstitution de la Commission électorale indépendante à la distribution des cartes d’électeurs (...)", reconnaît Pierre Sané, ancien sous-directeur de l'UNESCO dans un article, plutôt favorable aux thèses Gbagbo, dans "La Dépêche d'Abidjan". Effectivement, pour la première fois, certaines conditions comme l'autorisation de se présenter à tous les candidats (notamment à Ouattara) a été accordée, la révision des listes électorales acceptée. Peut-on améliorer ces conditions, peut-être, mais pas, sans doute, de manière significative.

3/ Les résultats des élections ont-ils été corrects ? la certification a-t-elle été sérieuse ?
Le représentant spécial de l'ONU en Côte d'Ivoire, Young-Jin Choi, a affirmé que ses services ont recompté trois fois les procès-verbaux des votes dans les régions contestées et que « même si toutes les réclamations déposées par la majorité présidentielle auprès du Conseil constitutionnel étaient prises en compte, […] le résultat du second tour tel que proclamé par le président de la CEI le 2 décembre ne changerait pas ».
Pour renforcer la sécurisation des élections, la force de l'ONU (ONUCI)a déployé 9.150 soldats, a assuré la logistique : transport du matériel de vote, puis des bulletins avant et après le vote. Pendant les mois précédents, la mission de l'ONU a fait un travail considérable d'éducation à la tolérance, la culture de paix et le civisme avec les groupes socio-professionnels, les associations de jeunes et de femmes. Le contrôle direct des opérations de vote a été effectué par des observateurs internationaux de l’Union Européenne, de l’Union Africaine, de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), de l’Organisation Internationale de la Francophonie, du Japon et du Centre Carter, sans doute en nombre insuffisant, mais très présents malgré tout. Il faut noter que les contestations ont porté uniquement sur les régions du Nord, parce que ces contestations ont toutes émané du camp Gbagdo qui les a multipliées et a fait un pressing politique considérable alors que ses concurrents n'ont pratiquement pas fait de requêtes (par naïveté politique ?). On ne peut donc exclure une dimension de manipulation politique sur cette accusation de fraudes éventuelles.
La seule question pendante évidemment est celle-ci : fallait-il procéder à un recomptage général des bulletins à la suite des contestations ? À noter que ni la Commission électorale indépendante, ni le Conseil constitutionnel ne l'ont proposé... et que la déclaration du représentant de l'ONU a été claire sur les écarts de voix... Cela semble matériellement et politiquement impossible aujourd'hui, mais cela permet à toutes les rumeurs et informations fausses de circuler.

4/ Ne s'agit-il pas d'une démocratie "imposée de l'extérieur" ? y-a-t-il une voie particulière à la démocratie en Côte d'Ivoire ?
L'idée que, peut-être, la "communauté  internationale" voudrait imposer "de l'extérieur" un type de démocratie "occidentale" apparaît parfois. Soyons clairs, les peuples africains ne sont pas des "grands enfants", ils pratiquent, maîtrisent et connaissent fort bien les processus électoraux : ils demandent parfois aide et solidarité pour pouvoir voter librement sans la pression de dictateurs ou chefs de bande régionaux dans des situations post-conflits, c'est différent. Attention également, me semble-t-il à ne pas retomber dans des distinctions catastrophiques comme celles que nous avons connues avec les fausses oppositions entre "démocratie bourgeoise" et "démocratie prolétarienne" ou "démocratie formelle" et "démocratie réelle" ...

5/ Faut-il choisir entre Gbagbo et Ouattara ?
La question ne se pose pas ainsi. Il me semble que la question centrale est d'assurer le respect de l'expression populaire des ivoiriens et ivoiriennes. Chacune des personnalités ivoiriennes a un passé politique plus ou moins chargé. Ouattara est de pensée néo-libérale, proche du FMI, sans doute de N. Sarkozy. Guillaume Soro a été le leader de la rebellion armée. Gbagbo est toujours membre de l'Internationale socialiste, a conservé des réseaux en France dans cette mouvance (voir la visite étrange de Roland Dumas et de Jacques Vergès) et a travaillé jusqu'en 2004 avec les réseaux chiraquiens. Laurent Gbagbo a également flirté sur le thème de "l'ivoirité" lancé par K. Bédié et est responsable d'une partie des massacres qui ont eu lieu depuis 2002, ainsi que de l'assassinat ou tentative d'assassinat de plusieurs de ses adversaires politiques.
Or, me semble-t-il, dans l'état actuel du rapport des forces sur place, le seul "non-choix" débouche de fait sur le choix de Gbagbo, car c'est lui qui "joue la montre"... C'est pourquoi le choix du respect de la volonté populaire ivoirienne me semble être la bonne boussole, quels que soient les hommes qui prétendront l'incarner.

6/ Qui tire les ficelles de la situation ? La France, les États-Unis, l'impérialisme ?
Certains commentaires avancent également la thèse d'une "communauté internationale entrainée par la France officielle, et les USA". Cela mérite discussion, en dehors du léger mépris qui semble pointer envers tout ce qui peut être désigné dans ce contexte par cette expression "communauté internationale" : de l'ONU aux organisations africaines, voire à un certain nombre d'ONG...
Il est clair que la diplomatie états-unienne est très active, cherche à prendre pied en Afrique mais ne peut le faire qu'en essayant de se masquer derrière l'ONU, les institutions internationales (posture nouvelle par rapport à l'ère Bush). La France procède aussi de la même manière, mais par obligation, car elle est discréditée depuis l'échec des accords de Marcoussis en 2002. De fait, c'est donc l'ONU et les organisations africaines (UA et CEDEAO) qui ont animé les efforts pour surmonter la guerre civile ivoirienne des années 2000.  
Cela ne va pas sans contradiction, mais, en même temps, cela peut être porteur d'une voie pour les pays africains pour finir de s'affranchir des séquelles des colonialismes français, britannique, espagnol et régler leurs affaires eux-mêmes... Comment soutenir cette évolution pour qu'elle ne soit pas récupérée, voire instrumentalisée par les grandes puissances ? Tel me semble être le challenge au lieu de "jeter l'eau du bain" avec le bébé onusien..

7/ Quelle issue à la crise ?
Les réflexions précédentes sont parties intégrantes de toute solution politique à la crise. Il faut éviter une solution de force militaire, qu'elle vienne du camp Gbagbo ou des partisans de la reconnaissance de Ouattara. Une pression devrait s'exprimer clairement en direction des organisations africaines, de l'ONU pour dire clairement : utilisez tous les moyens d'un règlement politique, de la discussion aux compromis, des pressions aux sanctions si nécessaires. Les intéressés, s'ils sentent cette pression, sont capables de trouver des solution originales de compromis et de concorde nationale eux-mêmes. Une autre pression doit être faite en direction du gouvernement français pour lui demander de retirer ses troupes, de modifier la nature militaire de l'opération Licorne pour lever toutes les accusations légitimes de post-colonialisme.  Et comme dans d'autres régions du monde, la question est posée de travailler avec des interlocuteurs, des forces dans la société civile là-bas, capables de promouvoir des valeurs de démocratie, de tolérance, de culture de paix, et de les soutenir concrètement de manière beaucoup plus forte.
Jeudi 6 janvier 2010




mardi 4 janvier 2011

Côte d'Ivoire : ne pas plaquer les vieux schémas...

Le risque de redémarrage d'une guerre civile en Côte d'ivoire inquiète beaucoup en ce début d'année 2011. Comment éviter une nouvelle guerre sanglante, trouver une solution politique tout en respectant la volonté du peuple ivoirien, semble être une gageure.
À lire beaucoup de commentaires dans la presse, les réactions d'associations ou de personnalités, on ne peut s'empêcher de penser qu'il y a, peut-être, un risque de vouloir à tout prix réutiliser toujours les mêmes grilles de lecture pour analyser la situation ivoirienne. Oui, la présence militaire et politique française est toujours une réalité ; oui, la diplomatie étatsunienne s'active beaucoup ; oui, les arrières-pensées de contrôle ou appropriation des richesses naturelles, notamment pétrolières des côtes ivoiriennes, sont bien présentes... Mais, ne faut-il pas voir aussi d'autres éléments plus nouveaux, en développement depuis 2004, qui doivent faire réfléchir : notamment, le rôle considérable joué par les africains eux-mêmes, au niveau de leaders comme Thabo Mbeki d'Afrique du Sud, Blaise Compaoré du Burkina Faso, d'institutions africaines comme l'Union Africaine ou la CEDEAO, ou internationales comme l'ONU ? Ces évolutions ne doivent-elles pas être mises en rapport avec les avancées, timides parfois mais réelles, du multilatéralisme dans le monde ?
Plusieurs facteurs expliquent ou illustrent cela. La politique post-coloniale classique de la France a été mise en échec : les accords de Linas-Marcoussis de 2003, le cessez-le-feu et le processus de réconciliation nationale autour de L. Gbagbo n'ont pas tenu plus d'un an et demi avant les affrontements de novembre 2004 entre la force française Licorne et les forces gouvernementales ivoiriennes. Bon gré mal gré, la diplomatie française a dû se résoudre à une internationalisation complète de la situation. Thabo Mbeki a aidé à la relance du processus de paix avec les accords de Pretoria en avril 2005. Le Conseil de Sécurité de l'ONU a créé en avril 2004 une force de maintien de la paix : l'ONUCI qui, aujourdhui, compte 9 000 hommes. La pression de la CEDEAO et de l’UA ont permis une série d'accords, en juillet 2006 à Yamoussoukro, présidé par le Secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan,avec les cinq principaux acteurs de la crise ivoirienne : Gbagbo, Banny, Ouattara, Bédié et le Secrétaire Général des Forces nouvelles, Guillaume Soro. Un nouvel accord a été signé, le 4 mars 2007, entre le Président Gbagbo et le Secrétaire général des FN, Guillaume Soro,l’Accord politique de Ouagadougou. Un des principaux points est une procédure de révision des listes électorales qui ont permis l’inscription de trois millions de nouveaux électeurs.
C'est donc en toute logique de cette internationalisation progressive que l'ensemble des parties ont accepté de confier à la Commission électorale indépendante, créée par les accords de Pretoria d'organiser le scrution des présidentielles d'octobre et décembre 2010 et à la mission de l'ONU en Côte d'Ivoire de procéder à la certification de ces résultats. Pour comprendre l'implication très forte des Nations unies dans la dernière période, il faut remarquer que le Représentant spécial de l'ONU est le coréen Choi Young-Jin, proche du Secrétaire général Ban Ki moon. De fait, l'ONU a mené une action considérable pour régler les questions matérielles, pour faire des initiatives d'information et d'éducation au civisme, à la tolérance, y compris des sessions de formation des journalistes. Devant le Conseil de Sécurité, le Représentant de l'ONU en Côte d'Ivoire, Young-Jin Choi, a déclaré : « Les résultats obtenus via ma méthode de certification sont clairs : il y a un seul vainqueur, avec une marge irréfutable. Même si toutes les plaintes du camp présidentiel étaient prises en compte, les résultats ne changeraient pas et le candidat Ouattara resterait le vainqueur de l'élection ». Cet engagement très fort des Nations unies explique la fermeté du ton employé par Ban Ki moon dans ses dernières déclarations. Il faut noter que ces résultats des présidentielles ont été reconnus non seulement par les États membres du conseil de Sécurité, y compris par des États qui ont une politique africaine active comme la Chine, mais aussi par l'ensemble des pays africains. Remettre en cause la validité de ces résultats, donc leur certification par l'ONU, leur approbation par l'U.A et la CEDEAO, ne serait-ce pas se "tirer une balle dans le pied" pour tous les partisans du multilatéralisme ? pour tous ceux qui veulent diminuer, voir éliminer les influences post-coloniales de certaines puissances ? Que la France, les États-Unis soutiennent également ces résultats, le processus multilatéral international (qui est, "in fine", une négation de leur influence), est une contradiction éventuelle de leur côté, non du côté des altermondialistes... Ne pas respecter une volonté issue d'un scrutin ne serait-il pas en contradiction avec les déclaration sur la souveraineté africaine ? Cela signifie à mon sens que, s'il faut agir vite contre toute aventure ou intervention militaire, ouvrant la voie à une nouvelle guerre civile, l'action pour une solution politique à la crise ivoirienne, assortie éventuellement de pressions, voire de sanctions multiples, les compromis inévitables à trouver, doivent s'inscrire dans cette marge étroite entre le respect de la volonté des électeurs et le refus des solutions de force militaire. Deuxièmement, cette action pour une solution pacifique doit intégrer bien sûr, le départ rapide des forces militaires françaises de l'aéroport d'Abidjan et la fin de l'opération Licorne, mais, en contrepartie, permettre un renforcement du soutien au rôle et aux moyens donnés à la présence onusienne et aux organisations du continent africain : Union Africaine et CEDEAO.
Je tiens à préciser que je formule ces idées pour participer au débat et à la réflexion sur la situation ivoirienne mais que je le fais avec beaucoup d'humilité et de modestie, car ce n'est pas un de mes sujets d'étude habituels. Je suis preneur, bien sûr, de toutes les remarques et suggestions sur ce texte.
NB : L’Union africaine (UA) est une organisation d'États africains créée en 2002, à Durban en Afrique du Sud, Elle a remplacé l'Organisation de l'unité africaine[3] (OUA).
La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) est une organisation intergouvernementale ouest-africaine créée le 28 mai 1975. C'est la principale structure destinée à coordonner les actions des quinze pays de l’Afrique de l'Ouest.
4 janvier 2011