La Conférence internationale chargée d'examiner le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires s'est déroulée du 27 avril au 22 mai 2015 au siège de l'ONU à New York. Depuis l'entrée en vigueur du Traité en 1970, des conférences semblables se sont tenues tous les cinq ans afin d'en examiner le fonctionnement. Celle-ci s'est terminée sans qu'un texte final n'ait été adopté comme ce fut le cas en 2000 et 2005.
Le prétexte officiel en a été le refus de Washington, Londres et Ottawa qui ont indiqué qu'ils s'opposaient à une partie du projet de document final. Celui-ci fixait au 1er mars 2016 la date limite pour convoquer une conférence sur la création d'une zone exempte d'armes nucléaires au Proche-Orient et chargeait le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon de faire progresser cette initiative lancée en 1995.
Pourtant, en 2010, le texte final, adopté alors par consensus, prévoyait qu'une réunion devait se tenir à Helsinki en 2012 pour parler du projet de zone dénucléarisée au Proche-Orient. Mais elle n'a jamais pu avoir lieu, en raison notamment des réticences d'Israël.
Si cette question de la dénucléarisation du Moyen-Orient a été la raison officielle des désaccords, la conférence de 2015 a révélé sur le fond la situation dégradée du TNP (Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires).
Alors que la Conférence de 2010 avait adopté un document comportant trois plans d'actions sur les trois piliers du TNP, plus, une sorte de quatrième plan d'action, même s'il n'est pas nommé ainsi, établissant une série de recommandations pour établir une zone exempte d'armes nucléaires et de destruction massive au Moyen-Orient (voir analyse sur ce blog : http://culturedepaix.blogspot.fr/2010_05_01_archive.html). Depuis cette date, les puissances nucléaires ont poursuivi la modernisation de leur arsenal nucléaire, la coopération entre États-Unis et Russie est au point mort depuis la crise ukrainienne, la Conférence prévue sur le Moyen-Orient n'a pas eu lieu, aucun accord n'a encore officiellement été trouvé sur le programme nucléaire iranien, la Corée du Nord a poursuivi ses essais nucléaires, des rumeurs d'achats possibles d'armes nucléaires au Pakistan par Daesch ou l'Arabie saoudite circulent.
Cette dégradation de la situation a été relevée d'ailleurs le 27 avril, à l'ouverture de la conférence, par le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon.
Notons que, depuis deux ans, une campagne s'est développée, à l'initiative de plusieurs États dont l'Autriche, des ONGs comme le réseau ICAN (Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires) pour remettre la question de l'interdiction des armes nucléaires sur un terrain fondamental : celui des conséquences d'une explosion ou d'un conflit nucléaire sur l'humanité.
Dans ce contexte, l'échec de la Conférence du TNP a montré une sorte de crainte des puissances nucléaires officielles, les "P5", devant un processus qui sortirait des débats classiques sur la sécurité et la dissuasion. Cela a conduit à l'élaboration d'un projet de texte dans les couloirs dont les formulations étaient nettement en retrait sur 2010 (voir les analyses du site Reaching Critical Will : http://www.reachingcriticalwill.org/disarmament-fora/npt/2015/nir/10049-final-edition-vol-13-no-17). Les États-Unis, dont la priorité manifeste est la réussite d'un accord avec l'Iran sur son programme nucléaire, ont préféré faire capoter la conférence pour ne pas mécontenter davantage leur allié israëlien (dont il faut noter qu'il assistait pour la première fois, en tant qu'observateur à cette Conférence du TNP, Israël étant un des seuls pays avec l'Inde et le Pakistan à ne pas être État-partie). Le paradoxe fut donc que le lobbying d'un état, non-signataire comme Israël, a abouti au rejet par les USA, le Royaume-Uni et le Canada du texte pour empêcher la tenue d'une Conférence sur la dénucléarisation du Moyen-Orient !
À noter quand même un autre paradoxe, positif celui-ci, que fut la présence à cette Conférence pour la première fois mais en tant qu'État-partie, donc signataire, de la République de Palestine !
Comme l'a relevé Kingston Reif, directeur du désarmement pour l'ONG spécialisée Arms Control Association, cet échec "va probablement accroître la frustration croissante des pays non dotés de l'arme nucléaire devant le peu d'empressement des pays dotés à désarmer" (AFP du 23/05/2015).
L'ambiance "plombée" de cette Conférence s'est traduit par un renforcement du nombre de pays impliqués dans un processus de recherche de l'interdiction des armes nucléaires au regard du droit humanitaire. Lors d'une Conférence tenue à Vienne en décembre 2014, l'Autriche avait proposé un texte en ce sens. Ce texte, désormais appelé "Engagement humanitaire", a été soutenu par 107 pays pendant la Conférence du TNP de New-York.
"Quelque soit le résultat de cette 9éme conférence d’Examen du TNP, l'Engagement humanitaire doit être à la base des négociations d'un nouveau traité visant à interdire les armes nucléaires", a déclaré Béatrice Fihn, Directrice exécutive du réseau international d'ONGs, ICAN. "Il s’est révélé évident que les États dotés d'armes nucléaires ne sont pas résolus à prendre de nouveaux engagements en faveur du désarmement, alors c’est au reste du monde de commencer un processus pour interdire les armes nucléaires à l’occasion du 70e anniversaire des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki."
Les 107 états vont-ils, comme le souhaitent les ONGs, décider de lancer un processus pour l'interdiction des armes nucléaires, parallèle aux circuits diplomatiques classiques (Conférence du désarmement, Conférences du TNP), imitant ainsi les processus d'Ottawa (sur les mines antipersonnel) ou d'Oslo (sous-munitions) ? Nous le verrons peut-être, lors des cérémonies commémoratives des bombardements Hiroshima en août prochain. Ce serait un événement considérable.
Ce blog est dédié aux problématiques de la paix et du désarmement, des institutions internationales (ONU, OTAN), à la promotion d'une culture de la paix. Textes sous license Creative Commons by-nc-sa
vendredi 5 juin 2015
Nucléaire encore... toujours ? (5 et fin) - La dissuasion nucléaire vers l'obsolescence ?
La dissuasion nucléaire est un concept né pendant la guerre froide, lors de l'affrontement entre les "deux blocs" d'états antagonistes : ceux de l'ouest emmenés par les USA et ceux de l'est emmenés par l'URSS.
Elle reposait sur le schéma qu'entre deux puissances structurées et supposées "raisonnables", le sentiment de conservation et les intérêts de l'État empêchaient ceux-ci d'accepter une "destruction mutuelle assurée". Seule pendant la période maoïste, la Chine populaire sembla risquer d'échapper à ce schéma mental, lorsque certains dirigeants chinois assurèrent que, grâce à ses 600 millions d'habitants, elle pourrait toujours survivre à un holocauste nucléaire.
Ce concept a apparemment fonctionné et recueilli un quasi-consensus politique jusqu'en 1989 et la fin de la guerre froide.
45 ans sans guerre mondiale : "grâce à la dissuasion" dirent ses partisans, "malgré l'épée de Damoclès nucléaire", objectèrent les adversaires de la dissuasion. Il est vrai que pendant cette période, à plusieurs reprises, des incidents graves (fausses alertes d'attaques nucléaires), des tensions diplomatiques (crise des missiles de Cuba en 1962) faillirent provoquer l'embrasement.
Après la chute du mur de Berlin en 1989, une nouvelle période des relations internationales commença à prendre forme. En 1995, le TNP (Traité de non-prolifération des armes nucléaires), entré en vigueur en 1970, fut prorogé "indéfiniment".
Cette décision était extrêmement positive puisqu'elle impliquait un engagement de la communauté internationale à stopper l'extension du nombre des puissances nucléaires et qu'elle impliquait des efforts de la part des pays nucléaires pour aller vers le désarmement nucléaire. Très vite, un aspect pervers de cette prorogation indéfinie se fit jour : elle fut interprétée de fait comme un gel d'une situation inégalitaire entre États "dotés" (de l'arme nucléaire) et États "non-dotés". Dès lors, des puissances régionales comme l'Inde et le Pakistan lancèrent leur programme nucléaire, d'autres pays furent tentés par la possession d'armes nucléaires comme "protection ultime" après les interventions internationales contre l'Irak, la Serbie, etc... D'autant plus, que la communauté internationale, après l'arrestation du scientifique Vanunu en Israël apprit de manière claire que des puissances occidentales, dont la France, avaient aidé l'État hébreu à mettre sur pied un arsenal nucléaire.
Au tournant des années 2000, il est devenu évident aux yeux d'une partie importante de la communauté internationale : États non-nucléaires, ONGs que la rhétorique de la "dissuasion nucléaire" était devenue obsolète.
Elle reposait sur la notion d'États forts et stables : le mythe implosa après 1989. La désintégration de l'URSS après 1992 laissa quatre États en possession d'armes nucléaires : Russie, Ukraine, Bélarus et Kazakhstan. Il fallut des prouesses diplomatiques pour que le stock d'armes nucléaires soit regroupé sous contrôle dans la seule Russie. Au début des années 2000, l'extension du fanatisme taliban en Afghanistan et au Pakistan a pu laisser craindre que le contrôle de la centaine de missiles et d'ogives nucléaires pakistanais passe aux mains des sympathisants d'Oussama Ben Laden.
Aujourd'hui, les rumeurs et déclarations autour d'un possible achat d'armes nucléaires par les terroristes de Daesh, donc de gens fort éloignés de la notion de "raisonnables", au même Pakistan, même s'il s'agit essentiellement d'une intox médiatique, montrent que l'existence même d'armes nucléaires est un danger partout. Aucune nation nucléaire n'est à l'abri d'une destabilisation ou d'un "docteur Folamour". Quelle serait la base théorique d'une dissuasion française avec Marine Le Pen à la présidence de la République ?
La possession des armes nucléaires devient essentiellement un enjeu de représentation de puissance que les "possédants" cherchent à garder à tout prix en multipliant les opérations de communication ou de brouillage idéologique.
De fait, la réalité mondiale aujourd'hui des armes nucléaires est la suivante : les armes nucléaires restent la seule catégorie d'armes de destruction massive à ne pas relever d'un traité de désarmement et d'un régime juridique d'interdiction.
La notion de "dissuasion" est devenu obsolète comme nous l'avons vu, celle-ci ne sert en fait qu"à "légitimer" la possession d'une arme de destruction massive à l'encontre de toutes les pratiques reconnues par le droit international du désarmement et le droit humanitaire, visant à protéger les populations civiles.
La protection invoquée "d'intérêts vitaux" par les puissances nucléaires ne tient plus, car pourquoi un pays aurait-il le droit de protéger ses "intérêts vitaux" par l'arme nucléaire et pas un autre pays ?
C'est ce vide juridique et cette anomalie dans le droit international face à la nécessaire protection des populations en cas de déflagration nucléaire qui est pointé par les 107 pays qui soutiennent "l'engagement humanitaire" initié par l'Autriche.
Le processus d'interdiction de l'arme nucléaire, s'il est lancé effectivement cette année, en août, à Hiroshima, permettra certainement de poser le débat sur l'obsolescence du concept de dissuasion nucléaire d'une manière nouvelle. Il devra s'accompagner d'une réflexion approfondie sur les conditions renforcées de la sécurité commune et de la "dissuasion partagée".
Ce serait un bouleversement des approches classiques du désarmement nucléaire.
Elle reposait sur le schéma qu'entre deux puissances structurées et supposées "raisonnables", le sentiment de conservation et les intérêts de l'État empêchaient ceux-ci d'accepter une "destruction mutuelle assurée". Seule pendant la période maoïste, la Chine populaire sembla risquer d'échapper à ce schéma mental, lorsque certains dirigeants chinois assurèrent que, grâce à ses 600 millions d'habitants, elle pourrait toujours survivre à un holocauste nucléaire.
Ce concept a apparemment fonctionné et recueilli un quasi-consensus politique jusqu'en 1989 et la fin de la guerre froide.
45 ans sans guerre mondiale : "grâce à la dissuasion" dirent ses partisans, "malgré l'épée de Damoclès nucléaire", objectèrent les adversaires de la dissuasion. Il est vrai que pendant cette période, à plusieurs reprises, des incidents graves (fausses alertes d'attaques nucléaires), des tensions diplomatiques (crise des missiles de Cuba en 1962) faillirent provoquer l'embrasement.
Après la chute du mur de Berlin en 1989, une nouvelle période des relations internationales commença à prendre forme. En 1995, le TNP (Traité de non-prolifération des armes nucléaires), entré en vigueur en 1970, fut prorogé "indéfiniment".
Cette décision était extrêmement positive puisqu'elle impliquait un engagement de la communauté internationale à stopper l'extension du nombre des puissances nucléaires et qu'elle impliquait des efforts de la part des pays nucléaires pour aller vers le désarmement nucléaire. Très vite, un aspect pervers de cette prorogation indéfinie se fit jour : elle fut interprétée de fait comme un gel d'une situation inégalitaire entre États "dotés" (de l'arme nucléaire) et États "non-dotés". Dès lors, des puissances régionales comme l'Inde et le Pakistan lancèrent leur programme nucléaire, d'autres pays furent tentés par la possession d'armes nucléaires comme "protection ultime" après les interventions internationales contre l'Irak, la Serbie, etc... D'autant plus, que la communauté internationale, après l'arrestation du scientifique Vanunu en Israël apprit de manière claire que des puissances occidentales, dont la France, avaient aidé l'État hébreu à mettre sur pied un arsenal nucléaire.
Au tournant des années 2000, il est devenu évident aux yeux d'une partie importante de la communauté internationale : États non-nucléaires, ONGs que la rhétorique de la "dissuasion nucléaire" était devenue obsolète.
Elle reposait sur la notion d'États forts et stables : le mythe implosa après 1989. La désintégration de l'URSS après 1992 laissa quatre États en possession d'armes nucléaires : Russie, Ukraine, Bélarus et Kazakhstan. Il fallut des prouesses diplomatiques pour que le stock d'armes nucléaires soit regroupé sous contrôle dans la seule Russie. Au début des années 2000, l'extension du fanatisme taliban en Afghanistan et au Pakistan a pu laisser craindre que le contrôle de la centaine de missiles et d'ogives nucléaires pakistanais passe aux mains des sympathisants d'Oussama Ben Laden.
Aujourd'hui, les rumeurs et déclarations autour d'un possible achat d'armes nucléaires par les terroristes de Daesh, donc de gens fort éloignés de la notion de "raisonnables", au même Pakistan, même s'il s'agit essentiellement d'une intox médiatique, montrent que l'existence même d'armes nucléaires est un danger partout. Aucune nation nucléaire n'est à l'abri d'une destabilisation ou d'un "docteur Folamour". Quelle serait la base théorique d'une dissuasion française avec Marine Le Pen à la présidence de la République ?
La possession des armes nucléaires devient essentiellement un enjeu de représentation de puissance que les "possédants" cherchent à garder à tout prix en multipliant les opérations de communication ou de brouillage idéologique.
De fait, la réalité mondiale aujourd'hui des armes nucléaires est la suivante : les armes nucléaires restent la seule catégorie d'armes de destruction massive à ne pas relever d'un traité de désarmement et d'un régime juridique d'interdiction.
La notion de "dissuasion" est devenu obsolète comme nous l'avons vu, celle-ci ne sert en fait qu"à "légitimer" la possession d'une arme de destruction massive à l'encontre de toutes les pratiques reconnues par le droit international du désarmement et le droit humanitaire, visant à protéger les populations civiles.
La protection invoquée "d'intérêts vitaux" par les puissances nucléaires ne tient plus, car pourquoi un pays aurait-il le droit de protéger ses "intérêts vitaux" par l'arme nucléaire et pas un autre pays ?
C'est ce vide juridique et cette anomalie dans le droit international face à la nécessaire protection des populations en cas de déflagration nucléaire qui est pointé par les 107 pays qui soutiennent "l'engagement humanitaire" initié par l'Autriche.
Le processus d'interdiction de l'arme nucléaire, s'il est lancé effectivement cette année, en août, à Hiroshima, permettra certainement de poser le débat sur l'obsolescence du concept de dissuasion nucléaire d'une manière nouvelle. Il devra s'accompagner d'une réflexion approfondie sur les conditions renforcées de la sécurité commune et de la "dissuasion partagée".
Ce serait un bouleversement des approches classiques du désarmement nucléaire.
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Nucléaire encore... toujours ? (4) - Le Moyen-Orient, un jour dénucléarisé ?
Ainsi que je le rappelle dans mon article précédent, la réunion des pays signataires du Traité de non prolifération nucléaire (TNP) s'est terminée le 23 mai sur un échec, les Etats-Unis et leurs alliés rejetant une initiative arabe sur la création d'une zone exempte d'armes nucléaires au Proche-Orient. Pourtant en 2010, la déclaration finale de la conférence de suivi prévoyait qu'une réunion devait se tenir à Helsinki en 2012 pour parler de ce projet de zone dénucléarisée au Proche-Orient. Mais elle n'a jamais pu avoir lieu, en raison notamment des réticences d'Israël. L'Etat hébreu, crédité de quelque 200 ogives par des experts, n'a jamais reconnu officiellement disposer de la bombe.
Si les États-Unis ont voulu satisfaire Israël en "torpillant" la déclaration finale, c'est qu'ils souhaitent à l'évidence arriver à finaliser le pré-accord conclu avec l'Iran sur son programme nucléaire le 2 avril dernier à Lausanne et dont la date de conclusion définitive a été fixée au 30 juin.
Cet accord revêt pour les USA une importance stratégique capitale. Il devrait d'abord limiter sérieusement dans le futur les possibilités pour l'Iran d'arriver à la construction d'armes nucléaires.
Pour l'essentiel, cet accord devrait permettre que le nombre de centrifugeuses de l'Iran passe de 19.000, dont 10.200 en activité, à 6104 (une réduction de deux tiers). Sur les 6104, seules 5060 auront le droit de produire de l'uranium enrichi pendant 10 ans. Il s'agira de centrifugeuses de première génération. Téhéran réduirait son stock d'uranium faiblement enrichi (LEU) de 10.000 kg à 300 kg enrichi à 3,67% pendant 15 ans. L'Iran accepterait de ne pas enrichir d'uranium à plus de 3,67% pendant au moins 15 ans. Le matériel excédentaire serait entreposé sous surveillance de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) et ne pourrait servir qu'à des remplacements. Téhéran aurait accepté de ne pas construire de nouvelles installations d'enrichissement d'uranium pendant 15 ans.
Cet accord-cadre passé entre l'Iran et ses six interlocuteurs : France, Royaume-Uni, Russie, Chine, Allemagne), s'il est finalisé fin juin, pourrait devenir un événement historique et pourrait avoir des conséquences majeures dans la région. Comme l'écrit le journaliste René Backmann, sur le site Médiapart, il "met un terme à une hostilité réciproque de 35 ans entre les États-Unis et la République islamique. (...) Mais ce passé encombrant n’empêche plus désormais ni les échanges diplomatiques, ni une certaine forme – complexe, il faut l’admettre – de tolérance tactique réciproque sur le terrain. Ennemis en Syrie, où Téhéran tient le régime de Bachar al-Assad à bout de bras, grâce au Hezbollah et à son corps expéditionnaire de Gardiens de la révolution, tandis que Washington aide prudemment les adversaires du régime, les deux pays combattent de fait côte à côte en Irak, où les soldats et miliciens iraniens participent, comme les conseillers militaires et les aviateurs américains et occidentaux, à la bataille contre l’État islamique pour préserver ce qui peut l’être du régime de Bagdad".
Cet accord-cadre est loin d'être finalisé car il suscite de multiples oppositions : aux États-Unis même, où Henry Kissinger et George Shulz, deux anciens Secrétaires d’Etat américains, se sont montrés sceptiques dans une tribune conjointe publiée par le Wall Street Journal. En Israël, l'opposition du premier ministre, Netanyahou, s'est traduite par une intense activité de lobbying, pour tenter d’entraver les progrès des négociateurs vers un accord global ; campagne contre laquelle le président Obama a mené lui aussi une offensive médiatique soutenue, en conte-attaquant sur l'intransigeance de Netanyaho sur la question du processus de paix avec les Palestiniens : «Le danger est qu'Israël perde sa crédibilité. D'ores et déjà la communauté internationale ne croit pas qu'Israël soit sérieux à propos de la solution de deux États», a affirmé le président américain à une chaîne de télévision privée canadienne. Et interrogé sur le veto imposé par les États-Unis aux résolutions condamnant Israël à l'ONU, le président a affirmé que le maintien de cette politique allait être «difficile».
Parmi les pays arabes, les monarchies sunnites du Golfe, et au premier rang d'entre elles, l'Arabie saoudite, s'inquiètent du retour comme acteur politique de premier plan d'une puissance régionale de 80 millions d’habitants, dotée d'une puissance économique, aux richesses gazières et pétrolières de près de 100 milliards de dollars libérés par une éventuelle levée des sanctions.
Malgré ces craintes diverses, le président Barack Obama poursuit un projet plus vaste. Comme le relève le journaliste Thierry Coville, de Politis, celui-ci veut "trouver un accord sur le nucléaire pour pouvoir réintégrer l'Iran dans le jeu diplomatique. Pour le président américain, l'Iran peut jouer un rôle constructif en vue de sortir des crises au Yémen, en Irak et en Syrie".
La responsable de la diplomatie européenne Federica Mogherini, soutient également cet accord et a twitté aussitôt "Bonnes nouvelles". Le secrétaire général des Nations unies a lui aussi estimé qu'"une solution complète, négociée au problème du nucléaire iranien contribuera à la paix et à la stabilité dans la région et permettra à tous les pays de coopérer de manière urgente sur les nombreux et graves défis en matière de sécurité qu'ils doivent affronter".
Du côté français, Laurent Fabius n'a salué que timidement l'accord préliminaire sur le nucléaire iranien. Il a juste estimé que cet accord constituait une "avancée importante pour la sécurité et pour la paix". Cet accord "confirme le droit de l'Iran à l'énergie nucléaire civile, mais exclut de sa part tout accès à l'arme nucléaire", a ajouté le ministre, estimant que "Genève constituait une "première étape majeure". En fait, américains et iraniens se sont entendus en direct et la diplomatie française a été mise devant le fait accompli comme cela s’est passé lors du vote de la résolution de l’ONU consacrée à la Syrie, fin septembre.
L'enjeu maintenant, semble-t-il, est d'abord d'arriver à la finalisation de l'accord sur le nucléaire iranien mais en ayant conscience que tous les dossiers régionaux sont liés. Une solution régionale globale pour la dénucléarisation de tout le Proche-Orient est urgente. Malgré l'échec du texte final à la Conférence du TNP, les puissances nucléaires doivent respecter leur « engagement - pris en 2010 - en faveur de l’application intégrale de la résolution de 1995 sur le Moyen-Orient » prévoyant l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires (ZEAN) et autres armes de destruction massive.
La pression internationale doit y entraîner Israël car c'est dans cette perspective que réside sa meilleure garantie de sécurité. L'administration Obama semble, par ailleurs, multiplier les efforts diplomatiques pour peser sur Israël et aboutir à une solution pacifique avec les palestiniens, comme je l'ai écrit précédemment. De la même façon, la déclaration finale de la réunion des 22 États membres de la Coalition internationale anti-Daesh (plus les Nations unies et l’Union européenne), tenue le 2 juin 2015 à Paris, indique que les participants « ont rappelé leur souhait de préserver l’unité et la souveraineté de la Syrie et ont appelé au prompt lancement d’un véritable processus politique inclusif, sous les auspices des Nations Unies, en vue de mettre en œuvre les principes du communiqué de Genève – y compris la mise en place, par consentement mutuel, d’un organe de gouvernement transitoire doté de la plénitude du pouvoir exécutif. Ils ont affirmé que seule une transition politique permettra d’établir les conditions nécessaires pour renverser la vague d’extrémisme et de radicalisme engendrée par les abus du régime et de lutter efficacement contre toutes les organisations terroristes en Syrie, y compris Daech». Cette position confirme une entente entre USA et Russie. Cette position s'oppose d'ailleurs aux précédentes déclarations françaises jusqu'alors jusqu'au-boutistes qui subordonnaient le départ de Bachar el-Assad à tout démarrage de processus politique.
Ces évolutions montrent les contradictions existant dans les relations internationales qui ne peuvent qu'encourager l'opinion à essayer d'exercer des pressions en faveur de solutions politiques des crises internationales, en refusant les logiques de rapports de force et de dominations.
Si les États-Unis ont voulu satisfaire Israël en "torpillant" la déclaration finale, c'est qu'ils souhaitent à l'évidence arriver à finaliser le pré-accord conclu avec l'Iran sur son programme nucléaire le 2 avril dernier à Lausanne et dont la date de conclusion définitive a été fixée au 30 juin.
Cet accord revêt pour les USA une importance stratégique capitale. Il devrait d'abord limiter sérieusement dans le futur les possibilités pour l'Iran d'arriver à la construction d'armes nucléaires.
Pour l'essentiel, cet accord devrait permettre que le nombre de centrifugeuses de l'Iran passe de 19.000, dont 10.200 en activité, à 6104 (une réduction de deux tiers). Sur les 6104, seules 5060 auront le droit de produire de l'uranium enrichi pendant 10 ans. Il s'agira de centrifugeuses de première génération. Téhéran réduirait son stock d'uranium faiblement enrichi (LEU) de 10.000 kg à 300 kg enrichi à 3,67% pendant 15 ans. L'Iran accepterait de ne pas enrichir d'uranium à plus de 3,67% pendant au moins 15 ans. Le matériel excédentaire serait entreposé sous surveillance de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) et ne pourrait servir qu'à des remplacements. Téhéran aurait accepté de ne pas construire de nouvelles installations d'enrichissement d'uranium pendant 15 ans.
Cet accord-cadre passé entre l'Iran et ses six interlocuteurs : France, Royaume-Uni, Russie, Chine, Allemagne), s'il est finalisé fin juin, pourrait devenir un événement historique et pourrait avoir des conséquences majeures dans la région. Comme l'écrit le journaliste René Backmann, sur le site Médiapart, il "met un terme à une hostilité réciproque de 35 ans entre les États-Unis et la République islamique. (...) Mais ce passé encombrant n’empêche plus désormais ni les échanges diplomatiques, ni une certaine forme – complexe, il faut l’admettre – de tolérance tactique réciproque sur le terrain. Ennemis en Syrie, où Téhéran tient le régime de Bachar al-Assad à bout de bras, grâce au Hezbollah et à son corps expéditionnaire de Gardiens de la révolution, tandis que Washington aide prudemment les adversaires du régime, les deux pays combattent de fait côte à côte en Irak, où les soldats et miliciens iraniens participent, comme les conseillers militaires et les aviateurs américains et occidentaux, à la bataille contre l’État islamique pour préserver ce qui peut l’être du régime de Bagdad".
Cet accord-cadre est loin d'être finalisé car il suscite de multiples oppositions : aux États-Unis même, où Henry Kissinger et George Shulz, deux anciens Secrétaires d’Etat américains, se sont montrés sceptiques dans une tribune conjointe publiée par le Wall Street Journal. En Israël, l'opposition du premier ministre, Netanyahou, s'est traduite par une intense activité de lobbying, pour tenter d’entraver les progrès des négociateurs vers un accord global ; campagne contre laquelle le président Obama a mené lui aussi une offensive médiatique soutenue, en conte-attaquant sur l'intransigeance de Netanyaho sur la question du processus de paix avec les Palestiniens : «Le danger est qu'Israël perde sa crédibilité. D'ores et déjà la communauté internationale ne croit pas qu'Israël soit sérieux à propos de la solution de deux États», a affirmé le président américain à une chaîne de télévision privée canadienne. Et interrogé sur le veto imposé par les États-Unis aux résolutions condamnant Israël à l'ONU, le président a affirmé que le maintien de cette politique allait être «difficile».
Parmi les pays arabes, les monarchies sunnites du Golfe, et au premier rang d'entre elles, l'Arabie saoudite, s'inquiètent du retour comme acteur politique de premier plan d'une puissance régionale de 80 millions d’habitants, dotée d'une puissance économique, aux richesses gazières et pétrolières de près de 100 milliards de dollars libérés par une éventuelle levée des sanctions.
Malgré ces craintes diverses, le président Barack Obama poursuit un projet plus vaste. Comme le relève le journaliste Thierry Coville, de Politis, celui-ci veut "trouver un accord sur le nucléaire pour pouvoir réintégrer l'Iran dans le jeu diplomatique. Pour le président américain, l'Iran peut jouer un rôle constructif en vue de sortir des crises au Yémen, en Irak et en Syrie".
La responsable de la diplomatie européenne Federica Mogherini, soutient également cet accord et a twitté aussitôt "Bonnes nouvelles". Le secrétaire général des Nations unies a lui aussi estimé qu'"une solution complète, négociée au problème du nucléaire iranien contribuera à la paix et à la stabilité dans la région et permettra à tous les pays de coopérer de manière urgente sur les nombreux et graves défis en matière de sécurité qu'ils doivent affronter".
Du côté français, Laurent Fabius n'a salué que timidement l'accord préliminaire sur le nucléaire iranien. Il a juste estimé que cet accord constituait une "avancée importante pour la sécurité et pour la paix". Cet accord "confirme le droit de l'Iran à l'énergie nucléaire civile, mais exclut de sa part tout accès à l'arme nucléaire", a ajouté le ministre, estimant que "Genève constituait une "première étape majeure". En fait, américains et iraniens se sont entendus en direct et la diplomatie française a été mise devant le fait accompli comme cela s’est passé lors du vote de la résolution de l’ONU consacrée à la Syrie, fin septembre.
L'enjeu maintenant, semble-t-il, est d'abord d'arriver à la finalisation de l'accord sur le nucléaire iranien mais en ayant conscience que tous les dossiers régionaux sont liés. Une solution régionale globale pour la dénucléarisation de tout le Proche-Orient est urgente. Malgré l'échec du texte final à la Conférence du TNP, les puissances nucléaires doivent respecter leur « engagement - pris en 2010 - en faveur de l’application intégrale de la résolution de 1995 sur le Moyen-Orient » prévoyant l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires (ZEAN) et autres armes de destruction massive.
La pression internationale doit y entraîner Israël car c'est dans cette perspective que réside sa meilleure garantie de sécurité. L'administration Obama semble, par ailleurs, multiplier les efforts diplomatiques pour peser sur Israël et aboutir à une solution pacifique avec les palestiniens, comme je l'ai écrit précédemment. De la même façon, la déclaration finale de la réunion des 22 États membres de la Coalition internationale anti-Daesh (plus les Nations unies et l’Union européenne), tenue le 2 juin 2015 à Paris, indique que les participants « ont rappelé leur souhait de préserver l’unité et la souveraineté de la Syrie et ont appelé au prompt lancement d’un véritable processus politique inclusif, sous les auspices des Nations Unies, en vue de mettre en œuvre les principes du communiqué de Genève – y compris la mise en place, par consentement mutuel, d’un organe de gouvernement transitoire doté de la plénitude du pouvoir exécutif. Ils ont affirmé que seule une transition politique permettra d’établir les conditions nécessaires pour renverser la vague d’extrémisme et de radicalisme engendrée par les abus du régime et de lutter efficacement contre toutes les organisations terroristes en Syrie, y compris Daech». Cette position confirme une entente entre USA et Russie. Cette position s'oppose d'ailleurs aux précédentes déclarations françaises jusqu'alors jusqu'au-boutistes qui subordonnaient le départ de Bachar el-Assad à tout démarrage de processus politique.
Ces évolutions montrent les contradictions existant dans les relations internationales qui ne peuvent qu'encourager l'opinion à essayer d'exercer des pressions en faveur de solutions politiques des crises internationales, en refusant les logiques de rapports de force et de dominations.
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