Nous avons abordé dans le premier article de cette série le retour dans l'actualité médiatique de l'arme nucléaire au travers des débats sur le nucléaire et l'Iran (discours de Netanyahou au Congrès US), sur les écrans français (autour de la contestation de MM Norlain et Quilès), dans le débat politique avec le discours de François Hollande à Istres le 19 février.
Ce dernier discours se veut être le "grand" discours sur la dissuasion nucléaire que chaque Président de la République française prononce une fois par mandat. Il fait écho au discours de Nicolas Sarkozy à Cherbourg le 21 mars 2008 et à celui de Jacques Chirac le 19 janvier 2006 à l'Île longue, près de Brest.
Il m'a semblé intéressant de comparer ces trois textes, d'en relever les similitudes (continuité ou sclérose ?) et les éventuelles nuances. Je propose ci-dessus un tableau comparatif avec de brefs commentaires que je développerai dans un troisième article, la semaine prochaine.
J'ai choisi de faire cette comparaison autour de quelques thématiques, choisies certes arbitrairement, mais qui me paraissent importantes.
Les menaces et le contexte : "ne pas baisser la garde"...
FH : "Alors en tant que chef de l’État, j’ai le devoir impératif de prendre ces menaces en compte, car rien ne doit atteindre notre indépendance. Le contexte international n’autorise aucune faiblesse. Et c’est pourquoi, le temps de la dissuasion nucléaire n’est pas dépassé. Il ne saurait être question, y compris dans ce domaine, de baisser la garde."
NS : "Le devoir de tout responsable politique, c’est de se créer des marges de manœuvre pour exercer pleinement sa capacité de décision. J’ai choisi de construire l’avenir avec quelques repères simples : notre stratégie, nos ambitions, nos alliances, l’objectif européen. Et un principe, simple lui aussi : j’exclus absolument de baisser la garde."
JC : "Mais nous ne sommes à l'abri, ni d'un retournement imprévu du système international, ni d'une surprise stratégique. Toute notre histoire nous l'enseigne.(...) 10% de notre effort de défense, c'est le prix juste et suffisant pour doter notre pays d'une assurance de sécurité qui soit crédible et pérenne. Et je vous le dis, la mettre en cause serait parfaitement irresponsable".
COMMENTAIRE : on est dans le quasi copier-coller. "Ne pas baisser la garde" renvoie au combattant qui se protège d'un adversaire, mais dans ce cas, ne prend pas en compte le fait que cette "garde" est en même temps une affirmation de puissance et d'arrogance qui invite les spectateurs à eux-aussi prendre les armes et favorise donc la prolifération...
L'arme nucléaire, arme de non-emploi ?
FH : " J’ajoute que pour la France, l’arme nucléaire n’est pas destinée à remporter un avantage quelconque dans un conflit. En raison des effets dévastateurs de l’arme nucléaire, elle n’a pas sa place dans le cadre d’une stratégie offensive, elle n’est conçue que dans une stratégie défensive".
NS : "Elle est strictement défensive. L’emploi de l’arme nucléaire ne serait à l’évidence concevable que dans des circonstances extrêmes dé légitime défense, droit consacré par la Charte des Nations Unies."
JC : "Mais, notre concept d'emploi des armes nucléaires reste bien le même. Il ne saurait, en aucun cas, être question d'utiliser des moyens nucléaires à des fins militaires lors d'un conflit. C'est dans cet esprit que les forces nucléaires sont parfois qualifiées "d'armes de non emploi"."
COMMENTAIRE : nous avons là le cœur de la constitution de la notion dépassée de dissuasion. Nous y reviendrons la semaine prochaine.
La défense des intérêts vitaux, mais lesquels ?
FH: "La dissuasion nucléaire vise à protéger notre pays de toute agression d’origine étatique contre ses intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne, et quelle qu’en soit la forme.(...) L’intégrité de notre territoire, la sauvegarde de notre population constituent le cœur de nos intérêts vitaux. (...) La définition de nos intérêts vitaux ne saurait être limitée à la seule échelle nationale, parce que la France ne conçoit pas sa stratégie de défense de manière isolée, même dans le domaine nucléaire".
NS : "Notre dissuasion nucléaire nous protège de toute agression d’origine étatique contre nos intérêts vitaux – d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la forme. Ceux-ci comprennent bien sûr les éléments constitutifs de notre identité et de notre existence en tant qu’État-nation, ainsi que le libre exercice de notre souveraineté. Ma responsabilité, en tant que Chef de l’État, est d’en apprécier à tout moment la limite, car dans un monde qui change, celle-ci ne saurait être figée".
JC : "Une telle politique de défense repose sur la certitude que, quoiqu'il arrive, nos intérêts vitaux seront garantis. C'est le rôle attribué à la dissuasion nucléaire qui s'inscrit dans la continuité directe de notre stratégie de prévention. (...) L'intégrité de notre territoire, la protection de notre population, le libre exercice de notre souveraineté constitueront toujours le cœur de nos intérêts vitaux. Mais ils ne s'y limitent pas. La perception de ces intérêts évolue au rythme du monde, un monde marqué par l'interdépendance croissante des pays européens et aussi par les effets de la mondialisation. Par exemple, la garantie de nos approvisionnements stratégiques ou la défense de pays alliés, sont, parmi d'autres, des intérêts qu'il convient de protéger".
COMMENTAIRE : après la dérive de Jacques Chirac en 2006, ramenant les intérêts vitaux de la France à la défense des voies d'approvisionnements, les deux derniers présidents s'en tiennent pour l'essentiel à la menace de nature étatique.
Un ultime avertissement ?
FH : " Néanmoins, je ne peux exclure qu’un adversaire se méprenne sur la délimitation de nos intérêts vitaux. C’est pourquoi je veux rappeler ici, que la France peut, en dernier ressort, marquer sa volonté à défendre nos intérêts vitaux par un avertissement de nature nucléaire ayant pour objectif le rétablissement de la dissuasion".
NS: "Nous ne pouvons exclure qu’un adversaire se méprenne sur la délimitation de nos intérêts vitaux, ou sur notre détermination à les sauvegarder. Dans le cadre de l’exercice de la dissuasion, il serait alors possible de procéder à un avertissement nucléaire, qui marquerait notre détermination. Il serait destiné à rétablir la dissuasion".
JC : "Par ailleurs, nous nous réservons toujours, cela va de soi, le droit d'utiliser un ultime avertissement pour marquer notre détermination à protéger nos intérêts vitaux.(...) Contre une puissance régionale, notre choix n'est pas entre l'inaction et l'anéantissement. La flexibilité et la réactivité de nos forces stratégiques nous permettraient d'exercer notre réponse directement sur ses centres de pouvoir, sur sa capacité à agir. Toutes nos forces nucléaires ont été configurées dans cet esprit. C'est dans ce but, par exemple, que le nombre des têtes nucléaires a été réduit sur certains des missiles de nos sous-marins".
COMMENTAIRE : l'arme nucléaire peut-elle en rester à un simple avertissement ? Beaucoup d'experts en doutent, nous ne sommes plus en 1945 à l'époque d'Hiroshima, les conséquences aujourd'hui en serait probablement désastreuses : terrorisme biologique, chimique, notamment...
Dissuasion nucléaire et Europe :
FH : "Nous participons au projet européen, nous avons construit avec nos partenaires une communauté de destin, l’existence d’une dissuasion nucléaire française apporte une contribution forte et essentielle à l’Europe. La France a en plus, avec ses partenaires européens, une solidarité de fait et de cœur. Qui pourrait donc croire qu’une agression, qui mettrait en cause la survie de l’Europe, n’aurait aucune conséquence ? C’est pourquoi notre dissuasion va de pair avec le renforcement constant de l’Europe de la Défense".
NS : "S’agissant de l’Europe, c’est un fait, les forces nucléaires françaises, par leur seule existence, sont un élément clef de sa sécurité. Un agresseur qui songerait à mettre en cause l’Europe doit en être conscient. Tirons-en, ensemble, toutes les conséquences logiques : je propose d’engager avec ceux de nos partenaires européens qui le souhaiteraient, un dialogue ouvert sur le rôle de la dissuasion et sa contribution à notre sécurité commune".
JC : "En outre, le développement de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense, l'imbrication croissante des intérêts des pays de l'Union européenne, la solidarité qui existe désormais entre eux, font de la dissuasion nucléaire française, par sa seule existence, un élément incontournable de la sécurité du continent européen. En 1995, la France avait émis l'idée ambitieuse d'une dissuasion concertée afin d'initier une réflexion européenne sur le sujet. Ma conviction demeure que nous devrons, le moment venu, nous poser la question d'une Défense commune, qui tiendrait compte des forces de dissuasion existantes, dans la perspective d'une Europe forte, responsable de sa sécurité".
COMMENTAIRE : Nous sommes là en pleine ambiguïté, puisque d'un côté on affirme que la définition des intérêts vitaux reste nationale et autonome, mais que, en même temps, on pourrait dépendre de l'action extravagante d'un allié européen : voir les risques si l'Ukraine était membre de l'Union avec un gouvernement aussi aventurier.
Garder les deux composantes ?
FH : "Pour ce qui me concerne, je me détermine à partir du seul enjeu qui vaille : la sécurité ultime de la France. J’ai donc décidé de maintenir une composante océanique et une composante aéroportée. (...) La composante aéroportée donne, en cas de crise majeure, une visibilité à notre détermination à nous défendre, évitant ainsi un engrenage vers des solutions extrêmes. Voilà l’intérêt des deux composantes, si je puis dire : une qui ne se voit pas et une autre qui se voit".
NS : "J’ai aussi la conviction qu’il est indispensable de maintenir deux composantes nucléaires, une océanique et une aéroportée. (...) En effet, leurs caractéristiques respectives, notamment en termes de portée et de précision, les rendent complémentaires. Pour faire face à toute surprise, le chef de l’État doit pouvoir compter sur elles en permanence".
JC : "Grâce à ces deux composantes, différentes et complémentaires, le chef de l’État dispose d'options multiples, couvrant toutes les menaces identifiées".
COMMENTAIRE : la notion de complémentarité avancée, voire même l'image de "celle qui se voit" est un artifice de communication mais ne répond aux problèmes soulevés par la pertinence ou non de la notion "d'ultime avertissement".
La modernisation continue :
FH : " Il convient aussi de maintenir les capacités et la crédibilité de ces deux composantes. Ce qui suppose de traduire dans les faits, c’est-à-dire dans les armes, les évolutions technologiques dans le domaine de la défense aérienne, de la défense antimissiles, de la détection sous-marine. (...) La loi de programmation militaire est justement celle qui nous permet de poursuivre l’adaptation des SNLE, nos sous-marins, aux M51, qui nous permet de mettre en service la tête nucléaire océanique à partir de 2016, de lancer les études de conception du SNLE de troisième génération et de remplacer, d’ici à 2018, les derniers Mirage 2000N par des Rafale emportant le missile ASMPA. Par ailleurs, la loi de programmation militaire a engagé le renouvellement de la flotte des avions ravitailleurs, 12 avions Phénix ont été commandés et les deux premiers seront livrés à partir de 2018. (...) Des études ont été également réalisées pour explorer ce que pourra être le successeur de l’ASMPA. (...) J’ai parallèlement, donné instruction au Commissariat à l’énergie atomique de préparer, à l’échéance de leur fin de vie, l’évolution nécessaire des têtes nucléaires (...)".
NS : " Garantir la sécurité de la Nation a un coût important. Chaque année, la dissuasion nucléaire coûte aux Français la moitié du budget de la justice ou de celui des transports. Ce coût, il doit bien entendu être maîtrisé autant que possible, dans le contexte financier que j’ai évoqué précédemment. Mais je suis déterminé à assumer ce coût".
JC : "La modernisation et l'adaptation de ces capacités sont donc tout à fait nécessaires. Notre dissuasion doit conserver son indispensable crédibilité dans un environnement géographique qui évolue".
COMMENTAIRE : concilier la notion de respect des traités de désarmement avec une politique de modernisation et perfectionnement est fortement critiqué par les ONG et par la grande majorité des pays non-nucléaires qui y voient une forme élevée de duplicité !
La France et le désarmement :
FH : "Mais en même temps qu’elle est prête à se défendre, elle ne veut pas pour autant renoncer à l’objectif même du désarmement, y compris du désarmement nucléaire. (...) Je partage donc l’objectif, à terme, de l’élimination totale des armes nucléaires, mais j’ajoute : quand le contexte stratégique le permettra. La France continuera d’agir sans relâche dans cette direction. (...) La France a été exemplaire, en application du principe de stricte suffisance. Elle a donc réduit, ces dernières années, de moitié le nombre total de ses armes. De moitié ! Elle a diminué d’un tiers la composante nucléaire aéroportée. Elle a renoncé au missile sol-sol. Nous n’avons pas parlé du désarmement ; nous l’avons fait jusqu’au point nécessaire".
NS : "Plutôt que de faire des discours et des promesses, sans les traduire en actes, la France, elle, agit. Elle respecte ses engagements internationaux et notamment le Traité de Non Prolifération Nucléaire. Elle a aujourd’hui un bilan exemplaire, et unique au monde, en matière de désarmement nucléaire. (...) La France, premier État, avec le Royaume-Uni, à avoir signé et ratifié le traité d’interdiction complète des essais nucléaires ; la France, premier État à avoir décidé la fermeture et le démantèlement de ses installations de production de matières fissiles à des fins explosives ; la France, seul État à avoir démantelé, de manière transparente, son site d’essais nucléaires situé dans le Pacifique ; la France, seul État à avoir démantelé ses missiles nucléaires sol-sol ; la France, seul État à avoir réduit volontairement d’un tiers le nombre de ses sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. La France n’a jamais participé à la course aux armements".
JC : "Dans le même temps, nous continuons à soutenir les efforts internationaux en faveur du désarmement général et complet, et, en particulier, la négociation d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à usage nucléaire. Mais nous ne pourrons évidemment avancer sur la voie du désarmement que si les conditions de notre sécurité globale sont maintenues et si la volonté de progresser est unanimement partagée".
COMMENTAIRE : le thème de la France "exemplaire" en matière de désarmement s'appuie uniquement sur les décisions de Jacques Chirac en 1996 après la calamiteuse reprise des essais nucléaires (fermeture du site de missiles sol-sol d'Albion, du site d'essais de Mururoa, de la production de matières fissiles) : ils ne s'agissait pas alors de décisions de désarmement nucléaire mais d'un "mix" politique de recul face à l'opinion publique internationale et de la croyance illusoire que l'heure était venue de la priorité "aux forces de projection" et à un retour dans l'OTAN. Les dirigeants et les militaires français ont toujours regretté ensuite ces choix.
Vous avez dit transparence ?
FH : "La France a été exemplaire quant au volume de son stock d’armes, c'est-à-dire 300. Pourquoi 300 ? Parce que cela correspond à l’évaluation que nous faisons du contexte stratégique. (...) Je veux encore aller plus loin dans la transparence, que ce soit sur notre doctrine, c’est ce que je fais aujourd’hui, devant vous, donc devant le monde entier ; transparence aussi sur nos arsenaux et sur nos efforts concrets de désarmement. C’est la raison pour laquelle je ne crains pas d’informer que la France dispose de trois lots de 16 missiles portés par sous-marins, et de 54 vecteurs ASMPA. Et je souhaite que tous les États disposant de l’arme nucléaire fasse le même effort de vérité, celui que je fais devant vous, pour toutes les catégories d’armes de leur arsenal nucléaire. Dans ce même esprit de transparence, de vérité, la France proposera très prochainement la visite des nouveaux sites qui n’accueillent plus d’armes nucléaires ; le plateau d’Albion, où les silos qui abritaient la composante sol-sol sont complètement démantelés, la base de Luxeuil dont les dépôts de stockage d’armes sont maintenant vides, et là aussi je souhaite que ce geste inspire l’attitude d’autres puissances nucléaires, avec des visites auxquelles nos experts pourront également se rendre".
NS : "J’ai également décidé que la France pouvait et devait être transparente sur son arsenal nucléaire, comme personne au monde ne l’a encore fait. Après cette réduction, notre arsenal comprendra moins de 300 têtes nucléaires. (...) Enfin, j’ai décidé d’inviter des experts internationaux à venir constater le démantèlement de nos installations de production de matières fissiles militaires de Pierrelatte et de Marcoule".
JC : " C'est dans ce but, par exemple, que le nombre des têtes nucléaires a été réduit sur certains des missiles de nos sous-marins".
COMMENTAIRE : la "transparence" s'est limitée à chaque fois à énoncer publiquement ce que tous les spécialistes, les acteurs impliqués connaissaient depuis longtemps. À noter que, ni Nicolas Sarkozy, ni François Hollande, n'ont redonné des précisions, comme Jacques Chirac l'avait amorcé, sur le nombre exact de têtes nucléaires sur chaque missile des sous-marins nucléaires alors que le Royaume-Uni l'a fait. Cela a alimenté longtemps la spéculation sur le fait qu'un missile M51, en étant muni seulement d'une seule tête nucléaire au lieu de six, pouvait être utilisé seul pour une frappe "d'avertissement", donc en fait pour une frappe d'emploi contre un "état-voyou"...
Dans un troisième article, nous reviendrons sur les questions de fond liées à la promotion persistante par la France de la pertinence de la dissuasion nucléaire et de la posture : "parlons d'abord de la non-Prolifération, on discutera du désarmement après"...
Ce blog est dédié aux problématiques de la paix et du désarmement, des institutions internationales (ONU, OTAN), à la promotion d'une culture de la paix. Textes sous license Creative Commons by-nc-sa
dimanche 15 mars 2015
Nucléaire encore... toujours ? (2)
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mardi 10 mars 2015
Nucléaire encore... toujours ? (1)
Depuis le début de l'année 2015, trois grands sujets internationaux ont occupé la scène médiatique : les exactions terroristes de Daesh et de ses suppôts, les affrontements en Ukraine et... les débats sur les armes nucléaires.
Ce dernier sujet a été abordé sous l'angle habituel des risques de prolifération autour des supposées menaces d'acquisition par l'Iran et la prestation comico-tragique de Benyamin Netanyahou devant le Congrès des États-Unis. Il s'est développé aussi sur le fond, sur la pertinence des armes nucléaires aujourd'hui, au travers de multiples interviews en France du général Norlain ou de l'ancien ministre Paul Quilès et, bien sûr, après le discours sur la dissuasion tenu à Istres par François Hollande, le 19 février dernier.
Qu'en retenir comme éventuels éléments nouveaux ?
Concernant le nucléaire iranien, le jeu de ping-pong diplomatique continu avec l'Iran qui cherche à poursuivre son programme civil avec le moins de contraintes possibles, pour laisser subsister une ambiguïté stratégique sur ses intentions et possibilités face à un Israël qui possède déjà un nombre de têtes nucléaires appréciable (une centaine ?), non autorisées par le régime du TNP et donc, par le droit international. L'Iran n'entend pas non plus, à aucun prix, sembler perdre la face et son statut de première puissance régionale. Il semble que du côté des puissances nucléaires officielles, notamment des États-Unis et de la France, l'hypothèse d'un règlement politique comme seule solution réaliste soit majoritaire et qu'un accord puisse aboutir, en espérant qu'il soit signé avant le départ de Barack Obama...
L'attitude de M. Netanyahou qui n'hésite pas à jouer avec le feu diplomatique pour de vulgaires préoccupations électorales intérieures est d'autant plus critiquable.
Dans la même période, on a assisté aussi à des déclarations, considérées jusqu'à présent comme des rodomontades des dirigeants nord-coréens sur leur capacité de fabrication de bombes atomiques. Début février, Pyongyang avait semblé exclure toute reprise du dialogue avec les États-Unis, menaçant de répondre à toute «guerre d’agression» américaine par des frappes nucléaires et des actes de piratage informatique. La Corée du Nord menace souvent les États-Unis de frappes nucléaires mais le pays n’a pas démontré sa capacité à lancer des missiles balistiques capables d’atteindre le territoire américain. Mais selon un scenario établi par des spécialistes américains, Pyongyang posséderait, dans cinq ans, 20 armes nucléaires, certaines étant assez miniaturisées pour être portées par des missiles balistiques capables d’atteindre le Japon, voisin de la péninsule coréenne.
La situation de la Corée du nord qui s'est retirée du TNP (Traité de non-prolifération nucléaire ), le non-contrôle des arsenaux possédés par Israêl, l'Inde et le Pakistan montrent bien les limites de l'application de ce traité dont une Conférence d'examen (elle se déroule tous les cinq ans) aura lieu à New-York en avril prochain. On peut craindre une nouvelle impasse si les puissances nucléaires ne font pas preuve de plus d'esprit d'ouverture et d'initiative. L'attitude diplomatique de la France telle que le président Hollande l'a confirmée à Istres en février est révélatrice. Les deux priorités diplomatiques françaises seront : "l’entrée en vigueur au plus tôt du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires. Je le dis d’autant plus aisément que la France a fait la démonstration que la renonciation complète, irréversible aux essais nucléaires était compatible avec le maintien d’une dissuasion crédible" et la "seconde priorité, c’est l’arrêt définitif de production de matières fissiles pour les armes.(...) la France proposera dans les semaines à venir un projet de traité ambitieux, réaliste et vérifiable, sur ces questions".
Les deux objectifs sont louables et méritent d'être soutenus mais... s'ils ne sont pas accompagnés d'initiatives politiques sur une troisième question fondamentale, qui est celle des engagements concrets, planifiés et véritables des puissances nucléaires officielles d'aller dans un délai rapproché vers un désarmement nucléaire total, les deux priorités énoncées ne seront que des effets de manche diplomatiques sans espoir de réussite et les dirigeants français le savent bien ! Le "double standard" créé dans le TNP entre les états "dotés" (possédant au départ l'arme nucléaire) et les états "non-dotés" (s'engageant à ne jamais chercher à acquérir l'arme nucléaire) devait se résoudre par l'application de l'article VI du traité dont lequel les états nucléaires s'engageaient à aller à ce désarmement nucléaire. 45 ans après, le "double standard" devient de plus en plus insupportable. Il est clair que seul des modifications profondes des rapports de force politique peuvent faire bouger les lignes.
Plusieurs signes encourageants se sont manifestés depuis ce début d'année, comme je l'ai écrit précédemment. Les déclarations de certains experts français comme Norlain et Quilès ont été beaucoup plus largement reprises dans les médias audio ou télévisés. C'est nouveau. Ce n'est pas un hasard si le ministre Le Drian a essayé de réfuter les arguments de ces spécialistes, tout comme le président de la République à Istres, sur le thème très défensif : "ce n'est pas le moment de baisser la garde"...
Les choses bougent également du côté de la société civile : le Mouvement de la paix français annonce l'envoi d'une délégation de cent Français à New-York pendant les discussions du TNP. Enfin, la campagne pour exiger des discussions sur l'établissement d'un traité international d'interdiction des armes nucléaires sur la base du refus des conséquences humanitaires inacceptables d'un conflit nucléaire, semble marquer des points. Le réseau d'ONG, la Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires (ICAN), a reçu le renfort de pays comme l'Autriche, le Mexique, la Suède qui popularisent un "engagement" diplomatique officiel comme base de ralliement et de futures négociations diplomatiques.
Nous reviendrons dans un prochain article sur le récent discours à Istres du président Hollande pour justifier la dissuasion nucléaire française.
Ce dernier sujet a été abordé sous l'angle habituel des risques de prolifération autour des supposées menaces d'acquisition par l'Iran et la prestation comico-tragique de Benyamin Netanyahou devant le Congrès des États-Unis. Il s'est développé aussi sur le fond, sur la pertinence des armes nucléaires aujourd'hui, au travers de multiples interviews en France du général Norlain ou de l'ancien ministre Paul Quilès et, bien sûr, après le discours sur la dissuasion tenu à Istres par François Hollande, le 19 février dernier.
Qu'en retenir comme éventuels éléments nouveaux ?
Concernant le nucléaire iranien, le jeu de ping-pong diplomatique continu avec l'Iran qui cherche à poursuivre son programme civil avec le moins de contraintes possibles, pour laisser subsister une ambiguïté stratégique sur ses intentions et possibilités face à un Israël qui possède déjà un nombre de têtes nucléaires appréciable (une centaine ?), non autorisées par le régime du TNP et donc, par le droit international. L'Iran n'entend pas non plus, à aucun prix, sembler perdre la face et son statut de première puissance régionale. Il semble que du côté des puissances nucléaires officielles, notamment des États-Unis et de la France, l'hypothèse d'un règlement politique comme seule solution réaliste soit majoritaire et qu'un accord puisse aboutir, en espérant qu'il soit signé avant le départ de Barack Obama...
L'attitude de M. Netanyahou qui n'hésite pas à jouer avec le feu diplomatique pour de vulgaires préoccupations électorales intérieures est d'autant plus critiquable.
Dans la même période, on a assisté aussi à des déclarations, considérées jusqu'à présent comme des rodomontades des dirigeants nord-coréens sur leur capacité de fabrication de bombes atomiques. Début février, Pyongyang avait semblé exclure toute reprise du dialogue avec les États-Unis, menaçant de répondre à toute «guerre d’agression» américaine par des frappes nucléaires et des actes de piratage informatique. La Corée du Nord menace souvent les États-Unis de frappes nucléaires mais le pays n’a pas démontré sa capacité à lancer des missiles balistiques capables d’atteindre le territoire américain. Mais selon un scenario établi par des spécialistes américains, Pyongyang posséderait, dans cinq ans, 20 armes nucléaires, certaines étant assez miniaturisées pour être portées par des missiles balistiques capables d’atteindre le Japon, voisin de la péninsule coréenne.
La situation de la Corée du nord qui s'est retirée du TNP (Traité de non-prolifération nucléaire ), le non-contrôle des arsenaux possédés par Israêl, l'Inde et le Pakistan montrent bien les limites de l'application de ce traité dont une Conférence d'examen (elle se déroule tous les cinq ans) aura lieu à New-York en avril prochain. On peut craindre une nouvelle impasse si les puissances nucléaires ne font pas preuve de plus d'esprit d'ouverture et d'initiative. L'attitude diplomatique de la France telle que le président Hollande l'a confirmée à Istres en février est révélatrice. Les deux priorités diplomatiques françaises seront : "l’entrée en vigueur au plus tôt du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires. Je le dis d’autant plus aisément que la France a fait la démonstration que la renonciation complète, irréversible aux essais nucléaires était compatible avec le maintien d’une dissuasion crédible" et la "seconde priorité, c’est l’arrêt définitif de production de matières fissiles pour les armes.(...) la France proposera dans les semaines à venir un projet de traité ambitieux, réaliste et vérifiable, sur ces questions".
Les deux objectifs sont louables et méritent d'être soutenus mais... s'ils ne sont pas accompagnés d'initiatives politiques sur une troisième question fondamentale, qui est celle des engagements concrets, planifiés et véritables des puissances nucléaires officielles d'aller dans un délai rapproché vers un désarmement nucléaire total, les deux priorités énoncées ne seront que des effets de manche diplomatiques sans espoir de réussite et les dirigeants français le savent bien ! Le "double standard" créé dans le TNP entre les états "dotés" (possédant au départ l'arme nucléaire) et les états "non-dotés" (s'engageant à ne jamais chercher à acquérir l'arme nucléaire) devait se résoudre par l'application de l'article VI du traité dont lequel les états nucléaires s'engageaient à aller à ce désarmement nucléaire. 45 ans après, le "double standard" devient de plus en plus insupportable. Il est clair que seul des modifications profondes des rapports de force politique peuvent faire bouger les lignes.
Plusieurs signes encourageants se sont manifestés depuis ce début d'année, comme je l'ai écrit précédemment. Les déclarations de certains experts français comme Norlain et Quilès ont été beaucoup plus largement reprises dans les médias audio ou télévisés. C'est nouveau. Ce n'est pas un hasard si le ministre Le Drian a essayé de réfuter les arguments de ces spécialistes, tout comme le président de la République à Istres, sur le thème très défensif : "ce n'est pas le moment de baisser la garde"...
Les choses bougent également du côté de la société civile : le Mouvement de la paix français annonce l'envoi d'une délégation de cent Français à New-York pendant les discussions du TNP. Enfin, la campagne pour exiger des discussions sur l'établissement d'un traité international d'interdiction des armes nucléaires sur la base du refus des conséquences humanitaires inacceptables d'un conflit nucléaire, semble marquer des points. Le réseau d'ONG, la Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires (ICAN), a reçu le renfort de pays comme l'Autriche, le Mexique, la Suède qui popularisent un "engagement" diplomatique officiel comme base de ralliement et de futures négociations diplomatiques.
Nous reviendrons dans un prochain article sur le récent discours à Istres du président Hollande pour justifier la dissuasion nucléaire française.
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