lundi 25 juillet 2011

Europe (2) : La place de l'Europe questionnée...

Dans un article du mai dernier : "Europe (1) : Les impasses militaires et politiques de la France, l'Union européenne, l'OTAN", je m'interrogeais sur la nécessité de l'ouverture de nouveaux débats et réflexions sur les conditions d'une sécurité mondiale et d'une sécurité européenne nouvelles et sur leurs conséquences sur le développement de la défense européenne.
Quelle doit être la place de l'Europe dans la mondialisation ?
Les USA s'intéressent de moins en moins à l'Europe et à son environnement immédiat ; leur déception envers l'OTAN augmente ce détachement stratégique (on l'a constaté dans la crise tunisienne). Aussi, à l'avenir, l'Europe sera de plus en plus questionnée sur son implication lors de futures crises se produisant dans son environnement immédiat : Méditerranée, Afrique, Moyen et Extrême Orient. Comment apprécier l'évolution du monde et de la mondialisation vers plus d'interdépendance, de coopérations « obligées », construites dans le maillage du système onusien, de ses cinquante agences, de la multiplication des traités touchant tous les domaines économiques, commerciaux, dans la construction d'ensembles régionaux sur les continents européen et américain mais aussi africain et asiatique, dans celle d'organismes de concertation informelle (G20, G8).
Les réflexions sur la sécurité européenne doivent certes prendre en compte l'état encore préoccupant du monde en terme de prolifération des armes nucléaires ainsi que la persistance de conflits régionaux non-réglés, toujours susceptibles de provoquer une escalade non- contrôlée (Inde-Pakistan, Israël-Palestine-Iran) mais en en délimitant les risques sécuritaires. La prolifération nucléaire n'a pas de véritable solution en dehors d'un véritable processus d'interdiction et d'élimination complète de ces armes, condition ultime de l'universalité complète du TNP (traité de non-prolifération nucléaire). Le règlement des conflits pendants relève de processus politiques propres à chacun d'eux mais qui, à l'évidence, ne passent pas prioritairement par des solutions militaires. Dans ces deux cas de figures, la sécurité européenne ne dépend pas de ses capacités militaires à répondre à des « menaces » mais de sa capacité politique à résoudre à des "défis" : celui du désarmement nucléaire dans un cas, celui de la résolution diplomatique complexe de certains conflits d'autre part. Il n'y a pas de « solution miracle » dans une relance des dépenses militaires et de la mise au point de nouveaux armements, tant au niveau national qu'européen.
N. Sarkozy, D. Cameron dressent un rideau de fumée dans leurs discours pour expliquer que des « menaces » nouvelles et mystérieuses se développent (terrorisme, cybercriminalité, menaces sur nos approvisionnements énergétiques), auxquelles, il faudrait continuer d'opposer les mêmes vieilles ripostes : OTAN partout et pour tout, lois de contrôle renforcé des citoyens aux limites juridiques floues.
Or, tous ces domaines relèvent d'abord du renforcement de la coopération policière, judiciaire plus que du relèvement des moyens militaires nucléaires et conventionnels avec l'OTAN. Soyons clairs, le premier enjeu d'une politique européenne de sécurité pour les décennies à venir est d'identifier non des MENACES mais des DÉFIS, non des RIPOSTES mais des RÉPONSES élaborées.
Construire une sécurité commune dans ce monde mondialisé demande une approche de plus en plus complexe, globale avec des dimensions militaires certaines mais, de plus en plus, avec une dimension humaine première : protection des populations contre les massacres et risques de nouveaux génocides, éradication de la famine, de l'extrême pauvreté et des pandémies.
Objectivement, la place des Nations unies, tant au niveau de la prévention des conflits, du maintien voire du rétablissement de la paix, en est appelée à grandir dans les prochaines décennies.
L'Union européenne doit jouer un rôle actif dans la démocratisation des relations et des institutions internationales, ne pas « chicaner » dans les efforts pour, d'un même mouvement, SOUTENIR et aider à RÉFORMER en profondeur l'Organisation des Nations unies. Le renforcement du G8 et du G20 serait, à l'inverse, le renforcement des logiques inégalitaires entre puissances, donc le maintien des causes de l'instabilité mondiale.
Dans ce cadre complexe, l'Europe peut jouer un rôle de premier plan puisqu'elle est plutôt reconnue jusqu'à présent comme élément moteur en matière de normes, de droit international, comme embryon de « puissance douce ». Cela constituerait pour elle un véritable atout dans la mondialisation alors que, par exemple, les États-Unis sont de plus en plus handicapés par leurs approches quasi exclusivement militaires des crises. Les politiciens classiques estiment que ce serait faire preuve d'angélisme dans un monde où les conflits régionaux et les considérations géopolitiques classiques vont revenir, selon eux, de plus en plus. Cette critique serait recevable si cette dimension normative européenne aboutissait à une simple posture de « témoignage », sans action concrète en matière de participation à la sécurité commune. Mais, si cette approche s'accompagnait d'un soutien et d'une participation plus affirmés au multilatéralisme mondial et au droit international, dans toutes ses dimensions y compris sur le plan militaire, il y aurait, et politique nouvelle, et réalisme de notre temps.
Encore faut-il vraiment comprendre que la sécurité européenne est aujourd'hui inséparable de la sécurité globale de la planète, et non plus, comme pendant la Guerre froide, de la sécurité du seul bloc euro-atlantique qu'essaie de perpétuer l'OTAN. Et que, dans cette situation, la notion étroite de « défense européenne » est à revisiter dans une vision plus large de la défense de la stabilité et de la paix mondiale. (à suivre...)
24 juillet 2011



dimanche 17 juillet 2011

14 juillet : ouvrir un débat national sérieux.

Peut-on toucher au défilé militaire du 14 juillet ? Évitons les polémiques politiciennes et revenons sur les faits.
Le 14 juillet marque la date de la prise de la prison de la Bastille, l'aspiration à la liberté du peuple de Paris, le début de la révolution française, l'élaboration de la Déclaration des Droits de l'homme, des valeurs républicaines de liberté, égalité et fraternité.
Sa première commémoration, le 14 juillet 1790, est marquée partout par des fêtes civiles et citoyennes, les "Fêtes de la Fédération" qui marquent l'unité nationale autour de la Révolution française;.
Ce n'est qu'en 1880 que la IIIe République institue le 14 juillet comme Fête nationale avec un défilé militaire, dix ans après la perte de l'Alsace et la Lorraine. Jusqu'à la Guerre de 1914-18, ces défilés porteront un contenu nationaliste : "nous reprendrons l'Alsace et la Lorraine".
Le 14 Juillet ne prendra une dimension d'union nationale qu'en 1936, après le Front populaire et après la Libération, où les combattants de la Résistance vont se fondre largement dans la nouvelle armée française.
Les années de guerres coloniales contre l'Indochine et l'Algérie n'ont pas contribué à rapprocher le peuple français et son armée. Sous la Ve République, De Gaulle et ses successeurs font du défilé du 14 juillet un moment de démonstration de la force nucléaire française, assimilée à une nouvelle indépendance nationale, une fierté nationale sans doute partagée par une majorité de l'opinion.
Aujourd'hui, les années 2000 sont marquées par deux changements : la fin de la Guerre froide dans le monde et la fin du service militaire en France.
La place grandissante du droit international conduit à ce que la présence militaire française s'inscrive de plus en plus exclusivement dans le cadre des résolutions des Nations unies (même si souvent leur interprétation est pervertie et outrepassée comme aujourd'hui en Afghanistan et en Libye). La mission des forces militaires françaises évolue de plus plus de la défense d'un territoire national (dont les limites se transforment et s'européanisent) à des missions de "police internationale" au service des lois d'une société en phase de mondialisation lente.
Dans le même temps, le service militaire national, la conscription, a été supprimé et remplacé par une professionnalisation des armées. Ce sont donc des professionnels, des sortes de "gendarmes internationaux" qui remplissent les missions confiées par le gouvernement français sur des théâtres d'opérations extérieures (OPEX), théoriquement au service du droit international, en recevant à juste titre des salaires majorés (le plus souvent triplés) à la mesure du sacrifice éventuel de leur vie, qui leur est demandé. Cette condition mérite évidemment le respect et la reconnaissance de tous. Ce n'est pas sans évoquer d'ailleurs le cas d'autres serviteurs de la collectivité comme les pompiers par exemple.
Ces grands changements du monde et de notre société imposent de réfléchir à la manière dont notre société, les citoyens/citoyennes peuvent marquer l'attachement, le soutien aux valeurs traditionnelles de liberté, justice, égalité de la République française, à de nouvelles valeurs à promouvoir comme la défense de la paix dans le monde, et plus encore, la promotion d'une nouvelle culture de paix, de "vivre ensemble".
Comment le faire ? Peut-on le réduire à un défilé de troupes militaires, une démonstration de matériel militaire (dont le coût d'ailleurs est de plus en plus largement critiqué) ? Est-ce ainsi que nous conduirons les jeunes françaises et français à aimer les valeurs de la République (voir le débat sur la Marseillaise) ?
La tradition portée par le 14 juillet et la prise de la Bastille est d'abord citoyenne. La "tradition" du défilé militaire français a été tardive et marquée par une époque donnée. Beaucoup de grands pays démocratiques n'organisent pas de parades militaires (États-Unis, Royaume-Uni) et ne sont pas moins attachés à leurs valeurs nationales et à leur armée, lorsque cela est nécessaire.
Peu importe l'opinion que chacune peut avoir sur l'intervention de Mme Joly, sur sa forme ou son opportunité. Elle pose une question réelle qui mérite mieux que les propos affligeants de M. Fillon, bien loin des valeurs républicaines qu'il prétend défendre, ou des réponses convenues, manquant singulièrement de hauteur de vue, de plusieurs leaders de l'opposition.
Les dirigeants politiques français se grandiraient, hors de toute surenchère électorale, en ouvrant un débat national sérieux, en créant une commission pour l'animer pour examiner, à la lumière des transformations du monde, des évolutions de notre société, les moyens de réaffirmer, lors de chaque 14 juillet, les valeurs républicaines de liberté, d'égalité et fraternité, les aspirations à une nouvelle culture de paix, de "vivre ensemble" de notre quartier à la planète. C'est cette démarche citoyenne qui permettrait d'irriguer encore plus largement la société française de ces valeurs, qui permettrait à la jeunesse de construire ses repères, de soutenir tous les moyens de les promouvoir et de les défendre si besoin était.
17 juillet 2011