Quelle doit être la place de l'Europe dans la mondialisation ?
Les USA s'intéressent de moins en moins à l'Europe et à son environnement immédiat ; leur déception envers l'OTAN augmente ce détachement stratégique (on l'a constaté dans la crise tunisienne). Aussi, à l'avenir, l'Europe sera de plus en plus questionnée sur son implication lors de futures crises se produisant dans son environnement immédiat : Méditerranée, Afrique, Moyen et Extrême Orient. Comment apprécier l'évolution du monde et de la mondialisation vers plus d'interdépendance, de coopérations « obligées », construites dans le maillage du système onusien, de ses cinquante agences, de la multiplication des traités touchant tous les domaines économiques, commerciaux, dans la construction d'ensembles régionaux sur les continents européen et américain mais aussi africain et asiatique, dans celle d'organismes de concertation informelle (G20, G8).Les réflexions sur la sécurité européenne doivent certes prendre en compte l'état encore préoccupant du monde en terme de prolifération des armes nucléaires ainsi que la persistance de conflits régionaux non-réglés, toujours susceptibles de provoquer une escalade non- contrôlée (Inde-Pakistan, Israël-Palestine-Iran) mais en en délimitant les risques sécuritaires. La prolifération nucléaire n'a pas de véritable solution en dehors d'un véritable processus d'interdiction et d'élimination complète de ces armes, condition ultime de l'universalité complète du TNP (traité de non-prolifération nucléaire). Le règlement des conflits pendants relève de processus politiques propres à chacun d'eux mais qui, à l'évidence, ne passent pas prioritairement par des solutions militaires. Dans ces deux cas de figures, la sécurité européenne ne dépend pas de ses capacités militaires à répondre à des « menaces » mais de sa capacité politique à résoudre à des "défis" : celui du désarmement nucléaire dans un cas, celui de la résolution diplomatique complexe de certains conflits d'autre part. Il n'y a pas de « solution miracle » dans une relance des dépenses militaires et de la mise au point de nouveaux armements, tant au niveau national qu'européen.
N. Sarkozy, D. Cameron dressent un rideau de fumée dans leurs discours pour expliquer que des « menaces » nouvelles et mystérieuses se développent (terrorisme, cybercriminalité, menaces sur nos approvisionnements énergétiques), auxquelles, il faudrait continuer d'opposer les mêmes vieilles ripostes : OTAN partout et pour tout, lois de contrôle renforcé des citoyens aux limites juridiques floues.
Or, tous ces domaines relèvent d'abord du renforcement de la coopération policière, judiciaire plus que du relèvement des moyens militaires nucléaires et conventionnels avec l'OTAN. Soyons clairs, le premier enjeu d'une politique européenne de sécurité pour les décennies à venir est d'identifier non des MENACES mais des DÉFIS, non des RIPOSTES mais des RÉPONSES élaborées.
Construire une sécurité commune dans ce monde mondialisé demande une approche de plus en plus complexe, globale avec des dimensions militaires certaines mais, de plus en plus, avec une dimension humaine première : protection des populations contre les massacres et risques de nouveaux génocides, éradication de la famine, de l'extrême pauvreté et des pandémies.
Objectivement, la place des Nations unies, tant au niveau de la prévention des conflits, du maintien voire du rétablissement de la paix, en est appelée à grandir dans les prochaines décennies.
L'Union européenne doit jouer un rôle actif dans la démocratisation des relations et des institutions internationales, ne pas « chicaner » dans les efforts pour, d'un même mouvement, SOUTENIR et aider à RÉFORMER en profondeur l'Organisation des Nations unies. Le renforcement du G8 et du G20 serait, à l'inverse, le renforcement des logiques inégalitaires entre puissances, donc le maintien des causes de l'instabilité mondiale.
Dans ce cadre complexe, l'Europe peut jouer un rôle de premier plan puisqu'elle est plutôt reconnue jusqu'à présent comme élément moteur en matière de normes, de droit international, comme embryon de « puissance douce ». Cela constituerait pour elle un véritable atout dans la mondialisation alors que, par exemple, les États-Unis sont de plus en plus handicapés par leurs approches quasi exclusivement militaires des crises. Les politiciens classiques estiment que ce serait faire preuve d'angélisme dans un monde où les conflits régionaux et les considérations géopolitiques classiques vont revenir, selon eux, de plus en plus. Cette critique serait recevable si cette dimension normative européenne aboutissait à une simple posture de « témoignage », sans action concrète en matière de participation à la sécurité commune. Mais, si cette approche s'accompagnait d'un soutien et d'une participation plus affirmés au multilatéralisme mondial et au droit international, dans toutes ses dimensions y compris sur le plan militaire, il y aurait, et politique nouvelle, et réalisme de notre temps.
Encore faut-il vraiment comprendre que la sécurité européenne est aujourd'hui inséparable de la sécurité globale de la planète, et non plus, comme pendant la Guerre froide, de la sécurité du seul bloc euro-atlantique qu'essaie de perpétuer l'OTAN. Et que, dans cette situation, la notion étroite de « défense européenne » est à revisiter dans une vision plus large de la défense de la stabilité et de la paix mondiale. (à suivre...)
24 juillet 2011