mardi 10 août 2010

Vers le contrôle du commerce des armes ?

La période estivale semble propice cette année à des avancées dans les processus de désarmement. Les cérémonies commémoratives d’Hiroshima et Nagasaki ont été plus médiatisées, notamment à cause de la présence pour la première fois de l’ambassadeur des États-Unis ainsi que celle du Secrétaire général des Nations unies, dont les paroles fortes sur la nécessité d’aboutir à une Convention d’abolition des armes nucléaires ont été soulignées.
La semaine avant, l’entrée en vigueur du traité d’interdiction des sous-munitions, le 1er août, a constitué également une nouvelle très importante. Mais un autre événement, encore une semaine avant, le 23 juillet, a été moins médiatisé, malgré son importance : l’issue positive des travaux du premier Comité préparatoire de la Conférence sur le Traité sur le commerce des armes (TCA), qui se réunira en 2012. De quoi s’agit-il ?
Depuis 2003, se déroule une campagne mondiale d’opinion : “Contrôlez les armes” (Control Arms), à l’initiative notamment d’ONG, comme Oxfam et Amnesty international et du réseau IANSA (International Action Network on Small Arms),  contre le commerce « irresponsable » des armes et ses conséquences dévastatrices (estimées par les ONG à plus de 700 000 victimes par an). La revendication principale de cette campagne internationale est la conclusion d’un traité international sur le commerce des armes (TCA).  Depuis 2003, début de la mobilisation internationale, plusieurs succès ont été obtenus.
Le principal a été d’obtenir  l’adoption par l’Assemblée générale des Nations unies, le 6 décembre 2006, de la résolution A/Res/61/89 relative à un futur « instrument global et juridiquement contraignant établissant les normes internationales communes pour l’importation, l’exportation et le transfert d’armes classiques » (TCA). La France avait assuré le coparrainage ainsi que la promotion de cette résolution. 153 pays ont voté en faveur de la résolution 61/89 prévoyant la nomination d'un groupe d'experts gouvernementaux (GGE) chargé d'examiner la faisabilité, le champ d'application et les grandes lignes d'un Traité international sur le commerce des armes classiques.
Le processus visant à réguler le commerce des armes a été lancé et l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une nouvelle résolution le 3 décembre 2009 sur « le Traité sur le commerce des armes ». Le texte, qui a reçu le soutien de 151 États membres (une voix contre, 20 abstentions), vise à définir les étapes en vue de la négociation de ce traité et prévoit l’organisation à New York en 2012 d’une conférence des Nations unies sur le Traité sur le commerce des armes d’une durée de quatre semaines. Cette conférence sera précédée de cinq sessions d’un comité préparatoire, échelonnées en 2010 et 2011.
C’est donc la première session du Comité préparatoire (Prepcom) de la Conférence des Nations Unies pour un traité sur le commerce des armes qui s’est tenue à New York du 12 au 23 juillet 2010. La deuxième session se tiendra en février 2011 à New-York. Au terme de ces deux semaines de pourparlers, un document de base, muni d’un calendrier de travail, est désormais sur la table. Certes, les discussions techniques (types d’armes concernés, critères à respecter, etc.) ne font que commencer, mais les appréciations des ONG, des responsables onusiens et des diplomatiques se veulent optimistes.
Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères et européennes a estimé, le 26 juillet 2010, qu’un “Un élan décisif vient d’être donné à New-York pour l’adoption du TCA. L’objectif du TCA est de réguler le commerce international des armes classiques. Les principes de respect des droits de l’Homme, du droit international humanitaire et du développement économique et social devraient en constituer le cadre.
Le traité devrait amener les pays signataires à mettre en place :
— des dispositifs nationaux de contrôle des transferts d’armes, après examen de l’opportunité de ces derniers suivant des critères communs ;
— des procédures d’incrimination contre les trafiquants ;
— des procédures de coopération technique et d’entraide judiciaire internationale.
Lors du Comité préparatoire, l’ensemble des États, y compris les plus réticents, ont participé de façon constructive aux travaux. De nombreux points restent à expliciter et à clarifier, mais les discussions ont permis de bien avancer sur l’architecture du Traité et sur un certain nombre de chapitres de celui-ci
.”
Beaucoup d’observateurs, de militants pacifistes seront surpris de cet optimisme, surpris de voir que sur un sujet aussi sensible, le commerce des armes, des négociations puissent aboutir à un “contrôle” (on ne parle pas d’interdiction), compte-tenu des sommes énormes en jeu.
Notons d’abord que, à l’initiative des États-Unis, la procédure d’adoption du traité en 2012 se fera au consensus, ce qui accorde de fait, un droit de veto à chaque État participant, ce qui n’est pas sans susciter des interrogations sur l’aboutissement des négociations.
Pour l’instant, les grandes puissances se sont engagées en faveur de ces négociations. La France, par ailleurs troisième vendeur d’armes mondial, a même co-parrainé la résolution déposée aux Nations unies en 2006. Selon le site officiel du ministère, elle “estime en effet que l’établissement de règles ou de principes communs dans ce domaine s’impose aujourd’hui comme un enjeu prioritaire de sécurité pour tous les États”.
Pour apprécier cet engagement, il faut bien voir que ce Traité vise les armes classiques, permettra de mieux contrôler, ce qui n’est pas négligeable, les ventes d’armes dites “légères” (les plus meurtrières dans les conflits infra-étatiques, d’ailleurs), qui sont plus le fait de réseaux mafieux que d’États. L’essentiel des ventes de la France porte sur de grands équipements, avions de M. Dassault, chars, sous-marins, systèmes d’artillerie, tous matériels et opération de vente dont les conditions apparentes de vente, pourront sans doute satisfaire à un Traité, qui comportera forcément des compromis. L’engagement de la France sur ce type de contrôle, comme pour les sous-munitions ou les armes antipersonnel, peut s’expliquer, au-dela des grandes déclarations officielles de principe, pour effectivement une raison de sécurité. Les engagements de l’armée française se déroulent aujourd’hui, quasi exclusivement, dans le cadre d’opérations onusiennes de maintien ou de rétablissement de la paix, dans des conflits le plus souvent infra-étatiques (ex-Yougoslavie, R.D  du Congo, Afghanistan). Ces conflits internes sont tous alimentés par des ventes d’armes illicites, les régions concernées sont infestées de mines : l’armée française a donc un intérêt premier a voir des accords internationaux réglementer ou interdire certaines de ces pratiques, dont sont victimes les soldats français.
Dans ce cadre, l’engagement français dans le “désarmement humanitaire”, (catégorie dans laquelle on classe les accords visés dans cet article), relève de préoccupations “réalistes” et, en même temps, permet au Ministère des Affaires étrangères, une politique de communication et d’image en direction des pays en voie de développement et des ONGs, qui essaie de rectifier la mauvaise image, bien réelle de la diplomatique française, tant sur le plan du désarmement nucléaire que sur la survivance de certaines pratiques jugées encore néo-colonialistes en Afrique...
En même temps, ce positionnement illustre les contradictions qui traversent les politiques des États aujourd’hui dans le monde, tant sur le plan militaire que sur le plan des relations avec une opinion publique de plus en plus présente et ... pressante ! La posture ambiguë du Président Obama sur les armes nucléaires est une autre illustration de cette situation nouvelle... Peut-être assistons-nous à une modification forcée du “réalisme” cynique des États et de leurs politiques de puissance. À tous ceux qui souhaitent un monde plus sûr et plus juste parce que pacifié et démilitarisé d’y réfléchir....
Daniel Durand - 10 août 2010






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire