La première séance de la Prepcom du TNP à Genève s'est ouverte ce matin. Mme Izumi Nakamitsu,au nom du Secrétaire général des Nations unies, a rappelé que "La menace de l'utilisation - intentionnelle ou non - d'armes nucléaires est croissante. Cette menace, qui concerne toute l'humanité, restera aussi longtemps que les armes nucléaires continueront d'exister dans les arsenaux nationaux".
Elle a rappelé que "Les États dotés d'armes nucléaires ont la responsabilité de leadership en matière de désarmement nucléaire". Malheureusement, les premiers discours des représentants des puissances nucléaires n'ont pas montré une volonté réelle de relancer une dynamique autour de l'application de l'article VI du TNP, par lequel les États "dotés" s'engagent à négocier de "bonne foi" le désarmement nucléaire. Le représentant des États-Unis s'est contenté d'un discours a minima, dans lequel il y a quelques "gentils" (les USA, par ex) et beaucoup de "méchants"(et il met dans le même panier ou presque, Iran, Irak, Syrie, Russie, Chine, etc.). Heureusement, il a quand même rappelé que le TNP avait eu le mérite de contenir la prolifération nucléaire ! Nous ne sommes pas complètement revenus en 2003 - 2005, lorsque le représentant étatsunien, Bolton, tirait à la mitrailleuse sur tous les traités de désarmement.
L'intervention de la représentante de la France, Mme Guitton, a été un exercice de style remarquable : comment masquer l'immobilisme nucléaire français sous des formules creuses, comment justifier le refus français d'impulser le désarmement nucléaire ? La représentante française n'a pu pour justifier que "conformément à une approche progressive et réaliste du désarmement nucléaire, la France a continué à mettre en oeuvre ses engagements au titre de l'article VI du TNP" que mettre en avant de vagues participations à des comités techniques, mais rien sur le plan politique concret de l'arrêt des mesures de "modernisation nucléaire" décidées dans les lois de programmation militaire actuelles.
Comme la diplomatie française se sent en difficulté par rapport aux initiatives de désarmement nucléaire, liées au TIAN, et popularisées en France par les 46 associations d'ICAN-France, la représentante française a annoncé péremptoirement qu'elle entendait "à present se tourner vers l'échéance de 2020". Tout le monde attendait des propositions politiques hardies et novatrices. Las ! Les propositions ne sont que des objectifs sans moyens d'action et donc peu atteignables : "adopter une réponse ferme et unie à toutes les crises de prolifération" (!), "renouer un dialogue multilatéral constructif et inclusif" ("cause toujours !"), deux "serpents de mer" avec la négociation d'un traité sur les matières fissiles, "l'entrée en vigueur rapide" du traité d'interdiction des essais nucléaires en panne depuis vingt ans, enfin la diminution des stocks d' armes nucléaires, mais chez les autres, les États-Unis et la Russie ! Ah, si, il y a eu un engagement concret, le "développement responsable et durable du nucléaire civil", c'est-à-dire le renforcement de la vente de centrales nucléaires ! La diplomatie française est malheureusement aujourd'hui de plus en plus réduite en matière nucléaire à essayer de "vendre du vent", pour pallier aux carences des politiques présidentielles françaises en matière de sécurité internationale innovante !
Par rapport à tous ces discours creux, l'intervention du représentant du Saint-Siège, a été un moment de fraîcheur intellectuelle et éthique. Celui-ci a rappelé que "Les armes de destruction massive, en particulier les armes nucléaires, créent un faux sentiment de sécurité. L'illusion tragique d'une "paix" basée sur la peur est au mieux superficielle". Il a affirmé avec fermeté que "tant ce traité [le Traité d'interdiction des armes nucléaires] que le TNP sont inspirés et conduits par les mêmes impératifs moraux et les mêmes objectifs. À cet égard, ils se renforcent et se complètent mutuellement". Enfin, il a ajouté que "Le désarmement nucléaire et la non-prolifération sont liés au désarmement intégral et cela est lié au développement humain intégral, que le pape Paul VI a défini comme un autre nom pour la paix".
En bref, cette première journée a planté le décor des enjeux d'un monde plus sûr et pacifié demain. Soit la poursuite d'une situation inégalitaire, dangereuse et instable, où certaines puissances considèrent que les armes nucléaires sont bonnes pour leur sécurité mais pas pour celle des autres pays.
Soit un sursaut politique et éthique pour dire : oui, il faut s'engager résolument dans la voie du désarmement nucléaire contrôlé et maîtrisé pour construire une nouvelle sécurité commune, et il faut prendre en compte tous les apports en ce sens, dont le nouveau Traité d'interdiction, en cours de ratification.
Daniel Durand
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