dimanche 26 septembre 2010

L'ONU a-t-elle vraiment relancé la Conférence du désarmement ?

Cette semaine, l'ouverture de la session 2011 de l'Assemblée générale des Nations unies a été marquée par une série de réunions importantes : examen de la mise en oeuvre des Objectifs du Millénaire visant à réduire la pauvreté dans le monde, réunion sur le réchauffement climatique, tenue jeudi 24 d'une "Réunion de haut niveau destinée à revitaliser des travaux de la Conférence du désarmement et à faire avancer les négociations multilatérales sur le désarmement", qui  avait été décidée à l'issue de la Conférence du TNP en mai dernier. L'ampleur des problèmes abordés, le niveau de représentation des États (chefs d'état, de gouvernement, ministres) montrent que les Nations unies restent le Forum central de la communauté internationale. D'ailleurs, de nombreuses délégations ont souligné en séance plénière que l'ONU devait devenir plus encore le centre de la "gouvernance mondiale", que ce rôle ne devait pas être détourné par des forums parallèles qui n'ont ni légitimité, ni fonctionnement démocratique comme le G20. Point positif, la réunion du 24 sur le désarmement a été suivie par 70 délégations, dont une cinquantaine de ministres des affaires étrangères ; malheureusement, M. Kouchner, comme lors de la Conférence du TNP, n'a pas jugé bon d'y participer, et a envoyé un haut-fonctionnaire, M. Jacques Audibert, pour représenter la France.
Cette Conférence de "haut-niveau" était destinée à "relancer" le travail de la Conférence du désarmement (CD) qui est l'instance de l'ONU créée en 1979 pour négocier les questions de désarmement au niveau international. Celle-ci n'a plus négocié d'accords depuis celui sur les essais nucléaires (TICEN) en 1996. Après dix ans de blocage, elle a finalement adopté en 2009 un nouveau programme de travail, mais est restée incapable de le mettre réellement en oœuvre depuis. La réunion du 24 a montré clairement que de profondes divergences demeuraient entre les États pour parvenir à ce but. Dix États (Australie, Autriche, Norvège, Japon, Canada, Mexique, Irlande, Pays-Bas, États-Unis et Uruguay) ont clairement indiqué qu'ils souhaitaient, en cas d'échec persistant de la CD en 2011, que des négociations s'ouvrent à l'extérieur de celle-ci. C'est la première fois que s'exprime aussi nettement cette exapération. D'autres États comme Algerie, Argentine, Brésil, Chine, Inde, Iran, Russie, et Turquie ont dit clairement leur opposition à ce type d'évolution, mais le problème est posé. L'utilisation du consénsus, même pour des questions de procédure, a été contestée par plusieurs États. En fait, aucun accord n'existe pour dire si le blocage de la CD provient simplement du blocages des mécanismes de la "machinerie" du désarmement ou de la mauvaise volonté politique des États (chacun accusant le camp opposé de cette mauvaise volonté). Dans les éléments de controverse, l'attitude de certains pays consistant à dire que seule la négociation d'un Traité sur le controle des matières fissiles est arrivée à maturité est contre-productive, car elle revient à escamoter les discussions sur le désarmement nucléaire, des garanties négatives de sécureité, etc... Il est d'ailleurs intéressant de constater que plusieurs pays, dont le Groupe des non-alignés, ont soutenu l'ouverture de discussions sure une Convention d'abolition des armes nucléaires, comme démarche permettant d'intégrer plusieurs négociations parallèles (matières fissiles, garanties de sécurité, niveaux d'alertes des armes, etc...).
Si tout le monde s'est retrouvé pour vanter les vertus du multilatéralisme et la valeur d'un organisme comme la Conférence du désarmement, peu de décisions pratiques sont sorties de la réunion. Le Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a appelé les pays membres de la Conférence du désarmement à adopter dès leur première réunion plénière en 2011 le programme de travail adopté en 2009. Il a indiqué qu’il demanderait à ses services, d'envisager la création d’un groupe de personnalités de haut niveau pour faire des propositions nouvelles pour débloquer la situation et a souhaité que le suivi de cette réunion du 24 soit inscrit dans le programme de l'Assemblée générale, ainsi que dans le programme de la future Conférence d'examen du TNP en 2015.
C'est donc une démarche très prudente, un résultat peu enthousiasmant qui sont sortis de cette réunion.En même temps, certains des États présents ont fait des propositions intéressantes. Plusieurs ont estimé qu'il fallait remettre à l'ordre du jour, la tenue d'une Session spéciale des Nations unies sur le désarmement (la dernière date de 1988), qui constituerait un grand événement de remobilisation sur les questions de désarmement ; une dizaine de délégations ont estimé que la Conférence du désarmement devait resserrer ses liens avec la société civile (celle-ci n'est pas associée de manière régulière comme dans d'autres arènes aux travaux de la CD). Enfin, il a été évoqué la possibilité pour l'Assemblée générale de l'ONU de traiter des problèmes du désarmement au moyens de la création de comités "adhoc" au sein de sa 1ère Commission, celle du désarmement (la Charte des Nations Unies autorise l’Assemblée générale à « étudier les principes généraux de coopération pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales, y compris les principes régissant le désarmement et la réglementation des armements").
Beaucoup de ces points figuraient dans un memorandum remis par deux ONG, le Reaching Critical Will (fondé par la Ligue internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté) et le Comité des juristes sur la politique nucléaire, qui avait reçu le soutien de plusieurs autres organisations internationales.
Malgré un résultat qui reste maigre, on peut peut-être penser que ce débat qui a posé à la fois, l'importance et l'avantage que constitue l'existence d'un Forum onusien unique sur les questions de désarmement et permettant d'aboutir à des Traités, recueillant un consensus, et en même temps, le risque de le voir désarticulé par des négociations extérieures et partielles, fera peut-être réfléchir certains États sur les gains et les pertes de cet enjeu. La rentrée en janvier 2011 de la Conférence du désarmement à Genève sera certainement éclairante sur ce point, y compris sur la capacité des ONG de mobiliser sur cette question qui reste trop l'affaire de quelques "spécialistes" du désarmement.
Daniel Durand - 26 septembre 2011






lundi 20 septembre 2010

Dissuasion nucléaire : à contester...

Cette semaine est marquée par deux dates importantes, même si elles sont de nature différente. Mardi 21 septembre est consacrée à la Journée mondiale de la paix, décidée par l'ONU en 2001 et qui est un appel international au cessez-le-feu et à la non-violence. Jeudi 24 septembre, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon réunira une réunion de "haut-niveau" pour examiner comment relancer le travail de la Conférence du Désarmement à Genève, toujours enlisée depuis plus de dix ans, décision prise par la Conférence d'examen du TNP en mai dernier. Malgré leurs différences, ces journées sont propices au débat sur la construction d'une paix durable dans les conditions d'un monde en changement, où les conceptions anciennes doivent être parfois bousculées, des idées neuves émerger...
Un bon exemple en est, en France et dans le monde, le débat sur le concept de dissuasion et notamment de dissuasion nucléaire. En mai dernier, à New-York, le représentant de la France, le représentant de la France, l'ambassadeur Danon, s'est fait le chantre d'une « sécurité non diminuée » dans les débats liés au désarmement nucléaire.
Or, parler de « sécurité non diminuée » en lien avec le désarmement nucléaire, peut conduire à ce postulat implicite : l'arme nucléaire serait la garante essentielle de la sécurité d'un pays, la dissuasion nucléaire (qui est un peu son « mode d'emploi ») serait naturellement au cœur de la politique nationale de sécurité d'un pays nucléaire. Donc, le désarmement nucléaire, qui est pourtant l'engagement international légal auquel souscrivent tous les pays nucléaires, pourrait constituer une menace potentielle pour un pays nucléaire et justifierait que celui-ci traîne alors les pieds pour appliquer la loi internationale...
Pourtant, n'est-il pas évident qu'avec la mondialisation, le nucléaire militaire a perdu sa justification dissuasive (si elle a existé...) de la guerre froide :
- l'ennemi change : le concept est inopérant face au terrorisme et face à un acteur non-étatique : «Il n'y a plus de victoire 'militaire' qui se mesure à l'aune des destructions ; les victoires s'évaluent désormais à la paix qu'elles établissent et au rejet du terrorisme par les populations qui le soutenaient», écrit le général Marcel Valentin, dans le Figaro du 23/01/06
- une double perversion politique se crée :  d'élément de sécurité, le nucléaire devient attribut de puissance (les membres du Conseil de sécurité sont les puissances nucléaires), il devient plus un soutien aux postures de domination dans le nouveau contexte de la mondialisation et, pour les puissances non-nucléaires, il gagne une nouvelle attractivité en apparaissant comme une protection possible contre la domination et l'agression des grandes puissances nucléaires.
- L'arme nucléaire aujourd'hui n'a pas le même statut que pendant la Guerre froide. Sa possession était alors conçue comme un compromis et un élément de statu quo permettant de figer la prolifération et les rapports de puissance, dans un cadre de non-emploi. Il devient aujourd'hui un élément participant aux rapports de force de la mondialisation et devient donc encore plus "désirable, pour les puissances émergentes. C'est cette nouvelle posture qui entraîne le blocage du TNP, outil de régulation, de non-prolifération de l'époque précédente.
- Les concepts de dissuasion nucléaire qu'il s'agisse de « destruction mutuelle assurée » pour les grandes puissances ou de « dissuasion du faible au fort » pour des puissances moyennes comme la France, reposaient sur des raisonnements sophistiqués menés par des gouvernements stables et équilibrés, bref « raisonnables ». Le possesseur de l'arme nucléaire ne devait laisser aucun doute sur sa volonté politique d'utiliser l'arme en cas d'attaque, quelle que soit l'état d'esprit de son opinion. L'agresseur potentiel devait trouver inacceptable une riposte qui lui couterait  50 ou 60 millions de pertes de vies humaines (Que vaut cette échelle pour des pays de plus d'un milliard d'habitants ?). Or, l'histoire a montré que les gouvernements indéfiniment « raisonnables » n'existaient pas : l'Union soviétique a éclaté en 1991 et ses armes nucléaires réparties pendant quelques mois entre quatre pays ! Le gouvernement du Pakistan a failli être renversé par des partisans des talibans et d'Al Qaïda... Les États-Unis ont été dirigés par un homme proche des milieux « néo-conservateurs » partisans de l'utilisation de l'arme nucléaire en premier, la Présidence française a failli être remportée par un dirigeant du Front national, proche des mêmes idées « néo-cons ». Ces raisonnements sur la dissuasion ne sont donc pas fiables sur le plan des gouvernements ; ils  sont totalement inadaptés aux acteurs non-étatiques comme les réseaux terroristes !
La fin des blocs, l'ouverture de la mondialisation remettent en cause les équilibres des années 70 : c'est la crise du «nucléaire politique», c'est la crise de la maîtrise des armements, « l'arms control ».
De manière plus générale, comme M. El Baradei, directeur de l'AIEA, l'avait rappelé le 6 octobre 2004 à la 54e conférence Pugwash à Séoul, c'est le fondement même de la pertinence de la dissuasion nucléaire, de l'existence des armes nucléaires qui est questionné aujourd'hui.
Pour lui, «Il doit être clair que les armes nucléaires aujourd'hui servent seulement d'obstacles à la paix et à la sécurité» (...) Il est très ironique de constater que, dans l'environnement de sécurité actuel, les seuls acteurs qui trouveraient probablement les armes nucléaires les plus meurtrières utiles et les déploieraient sans hésitation seraient les groupes extrémistes transnationaux ou nationaux ».
La remise en cause de la pertinence du concept de « dissuasion » tend donc à démontrer que désarmement nucléaire n'est pas synonyme obligé de « sécurité non diminuée », au contraire !
Daniel Durand - 20 septembre 2010
Notes : 1/ pour avoir des détails sur la Journée internationale de la paix en France : http://21septembre.org
2/ cet article est extrait pour l'essentiel de mon livre : "Désarmement nucléaire : le rebond " en vente sur http://www.ilv-edition.com/librairie/desarmement_nucleaire_2010_le_rebond_.html




lundi 13 septembre 2010

Le PS et et les relations internationales

le Parti socialiste réunit  le 8 octobre une convention nationale qui traitera des questions internationales (“La nouvelle donne internationale et européenne”). Un projet de texte, élaboré par Laurent Fabius et Jean-Christophe Cambadélis, secrétaires nationaux à l'Europe et à l'international, sera soumis au vote des militants le 30 septembre. Le journal Le Monde en a publié de larges extraits le 1er septembre. Les questions internationales, et, en leur sein, celles de paix, de défense, sont trop peu l'objet de débats publics, pour ne pas  se réjouir d’en voir ouvrir un au sein d'un des grands partis politiques français.
Le texte général présenté à la discussion est marqué évidemment par une critique forte de la politique de N. Sarkozy sur laquelle je ne m'étendrai pas et par un certain nombre de propositions. Écrit par des auteurs différents, ce texte est marqué par des difficultés à mettre toujours en cohérence les diverses propositions : cohérence entre positions sur le multilatéralisme en général et place et rôle de l'Europe, cohérence entre politique de sécurité globale et politique de défense, par ex...
Le PS consacre une place importante au soutien au multilatéralisme dans le monde et à la revalorisation du rôle de l'ONU : "Notre conviction demeure que l’ONU peut et doit être la clé de voûte du multilatéralisme de demain". Dans cet objectif, il propose quatre "chantiers" : 1/ "un élargissement du Conseil de sécurité (Inde, Brésil, Afrique du Sud …)", 2/ "un renforcement de la légitimité de l’Assemblée générale", 3/ "Une mise à disposition de l’ONU de moyens militaires d’intervention substantiels et permanents", 4/ "La reconnaissance de l’ONU comme l’enceinte suprême couronnant et coordonnant l’ensemble des organisations internationales". Ces propositions sont intéressantes et tranchent avec la diplomatie française actuelle (voir article précédent).
Mais, et c'est là que l'on reste un peu sur sa faim, la place de l'Europe dans la promotion du multilatéralisme et la relégitimation de l'ONU se trouve réglée en trois lignes de fin de paragraphe, où il est écrit : "la France ne peut espérer faire aboutir seule cette réforme du multilatéralisme.(...) C’est notre responsabilité de mettre l’Europe en mesure de porter un vrai plan d’ensemble afin d’apporter une réponse homogène et globale qui intègre aussi les intérêts légitimes des grands pays émergents. La France, en concertation notamment avec l’Allemagne, devra prendre l’initiative de ce plan européen pour le multilatéralisme du futur". On ne retrouve pas, non plus ensuite, cette articulation lors du long paragraphe consacré à l'Europe. Les trois thèmes retenus :  "une Europe relancée vers la croissance, l’emploi et le progrès social", réintroduisent cette coupure entre vision un peu "économiste" de l'Europe et vision large d'une Europe porteuse d'avenir en matière de nouvelle architecture du monde et de paix.
Ce défaut d'articulation et de cohérence des propositions se retrouve de manière encore plus nette au sein du chapitre consacré à la sécurité sous-titré de manière restrictive " Une politique de défense à la mesure de notre rôle et de nos ambitions". Une fois encore, la sécurité internationale, malgré les analyses justes, faites sur certains conflits, où on réaffirme que les solutions strictement militaires sont des impasses, se trouve ramenée ici à sa dimension étroitetement militaire. Autant, on ne peut qu'approuver le PS de rappeler la distinction claire entre sécurité intérieure et sécurité extérieure, autant il y  a une difficulté à mettre en dynamique, politiques de promotion du désarmement, politiques de réduction des inégalités mondiales, politiques de prévention des conflits, soutien au rôle de l'ONU sur le plan militaire et politiques militaires nationales. Le rappel que "La suprématie du droit sur la force et l’application effective des principes des Nations Unies appellent une Europe active et responsable face aux drames humains et aux foyers d’instabilité" n'est pas suivi de propositions très claires, puisque dans le paragraphe qui suit, la Défense européenne reste envisagée de manière très classique, une "Europe puissance", jouant sa propre partition, mais pour quel enjeu ? On peut noter  d’ailleurs la timidité à proposer des coopérations nouvelles en matière de matériel militaire (coopérations franco-britanniques) avec l’insistance un peu artificielle mise sur le couple franco-allemand (héritage mitterrandien ?).
Cette explique aussi la certaine insatisfaction ressentie à la lecture du chapitre consacré à l’action de la France pour le désarmement. Il y est écrit de manière très positive que "Sans remettre en cause la légitimité d’une dissuasion indépendante de notre pays, tant que subsistent d’autres arsenaux nucléaires, la France reprendra son rôle d’impulsion dans les débats sur le désarmement et la non prolifération des armes de destruction massive", mais, outre le fait que ce paragraphe apparaît un peu "plaqué" ici, sans synergie réelle, on ne note aucun engagement vraiment clair pour une interdiction complète des armes nucléaires, au-delà du soutien, bienvenu il est vrai, aux propositions du Président Obama.
Un dernier regret personnel réside dans l'absence complète à aucun endroit, soit au niveau des politiques européennes d'aide au règlement des conflit, soit de la politique française de lien opinion/défense/nation/monde, de référence au soutien nécessaire à "l'éducation des esprits" comme nous y incite l'UNESCO : éducation à la paix, promotion d'une culture de paix. Cela reste considéré comme un gadget ou un supplément d'âme, c'est une erreur. Le fait que le PS entende restituer au Parlement "son rôle légitime d’évaluation et de contrôle politiques de la stratégie internationale de la France, qu’il s’agisse de notre politique étrangère ou de notre action de défense. L’analyse de la situation internationale, des menaces éventuelles qui pèsent sur notre pays, devra se faire de manière concertée et transparente, en accordant toute sa place au débat citoyen et pluraliste, à l’écoute des ONG, des chercheurs et des experts", permettra peut-être à l’opinion de faire pression pour rémédier à ces manques ?
Ces critiques peuvent paraître un peu rapides ou sévères mais, d'une certaine manière, elles participent, comme le tente ce blog, au fil des articles, à animer le débat sur les questions de paix, de relations internationales.
On peut ajouter dans dans ce débat, la contribution d'Alain Richard sur la défense, contribution très consensuelle et classique, qui rappelle fâcheusement la politique inodore suivie dans ce domaine sous la législation Jospin, ainsi qu'une interview de la députée PS Patricia Adam dans le magazine Défense et Sécurité Internationale sur l'avenir du Livre Blanc, qui mérite débat, notamment sur la définition de "l'Europe-puissance".
Daniel Durand - 12 septembre 2010




mardi 7 septembre 2010

L'essoufflement de la diplomatie française

Comme chaque année, la dernière semaine d'août, s'est tenue la rencontre de tous les ambassadeurs, avec les discours du Président de la République, du Premier ministre et du Ministre des Affaires étrangères qui, souvent, sont l'occasion d'un point de la diplomatie française.
Cette année, plusieurs observateurs, à l'instar de Pascal Boniface sur son blog (http://www.affaires-strategiques.info/), ont noté le ton défensif des discours.
Nicolas Sarkozy et la diplomatie française se trouvent en difficulté sur la scène internationale : sur le terrain habituellement privilégié de la défense des droits de l'homme avec les expulsions violentes de roms et la condamnation du Pape, d'organismes onusiens, sur la finalité de la présence militaire française en Afghanistan car la solution essentiellement militaire choisie par les États-Unis de Bush et non-encore modifiée par Obama, montre ses limites et son échec probable, sur la détente et le désarmement, puisque la dsplomatie sarkozienne n'a pas su anticiper le virage de la politique US en matière de désarmement nucléaire. On a constaté à New-York en mai dernier l'isolement relatif des déplomates français.
De ce fait, la France se trouve rejetée au rang de puissance dont la présence et l'efficacité sont remises en cause. Cela explique que tant Nicolas Sarkozy que Bernard Kouchner ont laissé percé leur crainte devant la montée des pays émergents : rôle de la Chine lors de la crise monétaire, création du bloc de pays dit "BRIC" (Brésil, Russie, Inde, Chine), agacement devant l'initiative Brésil-Turquie dans la crise iranienne en mai, etc...
Le principal but du discours de Nicolas Sarkozy a donc consisté à chercher un terrain où la présence française pourrait paraître conserver une certaine utilité. L'Europe est une de ces pistes puisqu'avec "500 millions de citoyens et une puissance économique qui représente près de 30 % du PIB mondial, plus de 35 % du total mondial des investissements directs à l’étranger et même près de 60 % du total de l’aide publique au développement", l’Union européenne "a en mains les cartes nécessaires pour s’imposer comme une puissance économique globale". Les dirigeant français se sont félicités de l'entente franco-allemande : jusqu'où ira celle-ci ? On peut être sceptique tant les buts visés sont différents.
Le Président de la République a enfourché un nouveau cheval de bataille avec le G20. En effet, le 12 novembre prochain, la France prendra la présidence du G20 pour un an, et le 1er janvier prochain, celle du G8. En rappelant que le G20 avait été créé sur proposition française, Nicolas Sarkozy dresse un tableau flatteur de l'action de celui-ci lors de ces derniers mois de crise. Il lance l'idée de faire du G20 le fer de lance d'une future gouvernance mondiale économique, s'attaquant au chantier "de la réforme du système monétaire international", se dotant d'une structure permanente. On a le sentiment que Nicolas Sarkozy, mis en difficulté dans les arènes diplomatiques classiques de l'ONU cherche à rebondir, y compris hors du système onusien...
Ce sentiment est renforcé par l'attaque en règle menée par Bernard Kouchner dans son intervention contre le système des Nations Unies : "L’ONU rassemble mal, et la réforme de l’ONU piétine". Pour lui, "la crise que traverse l’ONU tient d’abord à une remise en cause de la légitimité mais aussi de l’efficacité de ses institutions. Pour certains, l’organisation n’est plus représentative du monde et de son évolution. Pour d’autres, une suspicion générale pèse sur son efficacité."
Alors, oui, réformer le système du multilatéralisme internationale mais deux voies s'ouvrent. Soit on s'appuie sur ses principes de base : égalité des pays, transparence des décisions et des fonctionnements ; dans ce cadre, on peut faire évoluer le Conseil de sécurité, créer parallèllement un Conseil de sécurité économique, s'appuyant sur l'expérience du G20. Soit on contourne les institutions actuelles pour en créer d'autres mais sans respecter ni égalité entre pays, ni transparence des décisions (c'est la situation du G8 aujourd'hui, mais aussi de l'OMC, du FMI et la BM) et on renforce les dominations (à géométrie variable) des pays les plus puissants, et demain on crée de nouvelles frustrations et de nouveaux risques d'affrontement. La France a peu à gagner dans cette voie, car elle finirait de brouiller encore plus son image de pays démocratique et ouvert...
Daniel Durand 7 septembre 2010