(English translation below)
« Il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée, des troupes au sol. Mais en dynamique, rien ne doit être exclu. Nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre », a déclaré le 26 février dernier, le président Emmanuel Macron, lors d’une conférence de chefs d’États européens, réunis à Madrid.
Pour le quotidien espagnol, El Païs, “ce qui est significatif, c’est que Macron, en résumant les résultats du sommet, l’a considéré comme une hypothèse plausible”.
Le président français a « brisé un tabou » selon le journal « Courrier international ».
« Irresponsabilité, folie », les réactions politiques en France, à ces propos, sont très négatives. À l’étranger, on peut noter que le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a été plus prudent et a déclaré que l’Alliance militaire n’avait pas l’intention d’envoyer des troupes de combat en Ukraine. « Les alliés de l’OTAN apportent un soutien sans précédent à l’Ukraine. Nous le faisons depuis 2014 et nous avons intensifié nos efforts après l’invasion à grande échelle. Mais il n’est pas prévu que des troupes de combat de l’OTAN soient déployées sur le terrain en Ukraine».
Mélanges de « comm » et d’approximation diplomatique, nous connaissons toutes les déclarations, suivies de marches arrières, sur la Russie en 2022, sur l’engagement au Sahel, de ce président, qui ignore tout des « temps longs » de la diplomatie, au profit des « coups » de communication, au risque de « retours de bâton » brutaux, comme il vient d’en essuyer un avec les agriculteurs français.
Au delà de l’irresponsabilité du président Macron qui envisage l’envoi de troupes en Ukraine, c’est-à-dire en fait, décide une entrée en guerre avec la Russie, sans consultation du Parlement français, notons-le, je voudrais insister sur un autre aspect.
Par cette déclaration de « bravache », il confirme en fait, qu’il ferme la porte à toute issue diplomatique et pacifique à la guerre russo-ukrainienne. « Empêcher la Russie de gagner » devient de fait, une simple clause de style. Emmanuel Macron estime, au travers de ces déclarations, que l’option militaire est la seule qui reste sur la table et donc que cette crise doit se terminer par une victoire totale du camp occidental sur la Russie, en l’occurrence.
Quelle illusion ! Premièrement, de nombreux spécialistes militaires disent que le conflit va durer plusieurs années, ce qui signifie que, pendant ce temps, les populations civiles ukrainiennes vont continuer de payer le lourd prix des morts et des destructions.
Deuxièmement, l’expérience des conflits des deux premières décennies de ce siècle montre que, partout, où ce sont des solutions militaires qui ont été priorisées, elles ont été en échec. Qu’on pense à la victoire des talibans en Afghanistan, au chaos en Irak, à l’effondrement de l’État en Libye, aux coups d’états militaires, et au renvoi peu glorieux des troupes françaises au Sahel.
Veux-t-on, là aussi, créer puis laisser subsister une crise, un abcès purulent, en Europe comme le sont devenus la Libye pour l’Afrique ou l’Afghanistan pour l’Asie du Sud-Est ?
Troisièmement, le point, peut-être le plus important pour moi, est que le président Macron, en écartant de fait toute perspective de solution diplomatique, démontre que les grandes puissances ne respectent pas le droit international et l’article Un de la Charte des Nations Unies. Celui-ci dit :
« Maintenir la paix et la sécurité internationale et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l’ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix ».
Cette obligation du droit international de régler les conflits par la diplomatie s’impose à tous, à toutes les parties et à toutes les grandes puissances en particulier.
Malgré les campagnes d’intoxication médiatique les plus extravagantes, dans lesquelles, on nous ressort, par exemple, la menace des chars russes sur les Champs-Élysées. il faut garder la tête froide.
Ce qu’écrivait déjà, en septembre dernier, le journaliste suisse, spécialiste de la Russie, Éric Hoesli, dans le journal Le Temps, est toujours vrai : « La guerre ne va pas venir jusqu’à nous, la Russie ne va pas, comme certains le prédisaient dans les semaines suivant l’invasion, conquérir la Pologne ou les pays baltes. Il n’y a plus grand monde même pour penser que l’ensemble de l’Ukraine soit menacé. Dans les esprits, l’enjeu s’est circonscrit et comme rétréci au Donbass et à la Crimée. Même en Russie, il n’y a plus que quelques ultras échauffés pour rêver d’une conquête de Kiev, de Dnipro ou de Kharkiv ».
La situation concrète est celle-ci : à l’est de l’Europe, un pays, la Russie, a contrevenu gravement au droit international et à la Charte des Nations unies. Il faut donc défendre fermement la souveraineté et l’intégrité de l’Ukraine. Cette défense doit se faire en déployant tous les moyens politiques et diplomatiques que le droit international nous propose.
Selon une étude menée par Datapaxis et YouGov pour le Conseil européen pour les relations internationales (ECFR), seuls 10 % des Européens croient en une victoire ukrainienne, alors qu’ils sont 20 % à penser que la Russie va l’emporter. Mais pour quasiment un Européen sur quatre, ce ne sont pas les armes qui mettront fin à la guerre. Ainsi, 37 % estiment qu’elle se soldera par un accord entre les deux pays. 41 % des Européens considèrent même que l’Union européenne devrait pousser l’Ukraine à négocier un accord de paix.
Comment y arriver en créant un rapport de forces à l’échelle internationale ? Je crois qu’il y a besoin d’un sursaut politique et éthique au niveau des états aux Nations unies, en s’appuyant en particulier sur les états du sud (« the Global South ») et les états émergents (comme les BRICS), les opinions publiques et les réseaux d’ONG pour créer une « coalition des bonnes volontés » (« coalition of the will »), promouvant l’exigence de solutions politiques au cœur de tous les efforts internationaux. Cela signifie de tourner le dos aux scénarios récents de réunions internationales, visant le renforcement des dépenses et équipements militaires, le renforcement des alliances militaires, la fuite en avant au seul bénéfice des lobbies militaro-industriels.
C’est cette démarche de bonne volonté qui honorerait le Président français, espérons que nombreux seront les parlementaires à l’exiger, si se tient, comme cela vient d’être annoncé ce lundi 27 février, une session de l’Assemblée nationale pour discuter d’une déclaration du gouvernement, « relative à l’accord bilatéral de sécurité conclu avec l’Ukraine » le 16 février, qui sera suivie d’un débat et d’un vote.
Daniel Durand
Président de l’IDRP – 27 février 2024
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Ukraine: international law, not the troops
“ There
is no consensus today to send ground troops in an official, accepted
and endorsed manner. But in dynamics, nothing should be excluded. We
will do everything necessary to ensure that Russia cannot win this war ,” declared President Emmanuel Macron on February 26, during a conference of European heads of state, meeting in Madrid.
For the Spanish daily, El Païs, “ what is significant is that Macron, in summarizing the results of the summit, considered it as a plausible hypothesis ”.
The French president has “ broken a taboo ” according to the newspaper “ Courrier international ”.
“ Irresponsibility, madness
”, the political reactions in France to these remarks are very
negative. Abroad, it can be noted that NATO Secretary General Jens
Stoltenberg was more cautious and said that the military alliance did
not intend to send combat troops to Ukraine. “ NATO
allies are providing unprecedented support to Ukraine. We have been
doing this since 2014 and we intensified our efforts after the
large-scale invasion. But there are no plans for NATO combat troops to
be deployed on the ground in Ukraine .”
Mixtures of “ comm
” and diplomatic approximation, we know all the declarations, followed
by backtracking, on Russia in 2022, on the commitment to the Sahel, of
this president, who knows nothing of the “ long times ” of diplomacy , for the benefit of communication “ blows ”, at the risk of brutal “ backlashes ”, as he has just experienced one with French farmers.
Beyond the irresponsibility of President Macron
who is considering sending troops to Ukraine, that is to say in fact,
deciding to enter into war with Russia, without consulting the French
Parliament, let us note, I would like emphasize another aspect.
By this declaration of “ bravado ”, he in fact confirms that he is closing the door to any diplomatic and peaceful outcome to the Russo-Ukrainian war. “ Prevent Russia from winning”
becomes in fact a simple clause of style. Emmanuel Macron believes,
through these declarations, that the military option is the only one
left on the table and therefore that this crisis must end with a total
victory of the Western camp over Russia, in this case.
What an illusion! First, many military experts say
the conflict will last for several years, meaning that during that time
Ukraine's civilian populations will continue to pay a heavy price in
death and destruction.
Secondly, the experience of the conflicts of the
first two decades of this century shows that wherever military solutions
were prioritized, they failed. Let us think of the victory of the
Taliban in Afghanistan, the chaos in Iraq, the collapse of the state in
Libya, the military coups, and the inglorious dismissal of French troops
to the Sahel.
Here too, do we want to create and then allow a
crisis, a purulent abscess, to persist in Europe, as Libya has become
for Africa or Afghanistan for South-East Asia?
Thirdly, the point, perhaps the most important for
me, is that President Macron, by effectively ruling out any prospect of
a diplomatic solution, demonstrates that the great powers do not
respect international law and Article One of the Charter of United
Nations. It says:
" To
maintain international peace and security and to this end: take
effective collective measures with a view to preventing and removing
threats to peace, and to achieve, by peaceful means, in accordance with
the principles of justice and international law, the adjustment or
settlement of disputes or situations of an international character
likely to lead to a breach of the peace .
This obligation of international law to resolve
conflicts through diplomacy is binding on everyone, on all parties and
on all great powers in particular.
Despite the most extravagant media intoxication
campaigns, in which we are reminded, for example, of the threat of
Russian tanks on the Champs-Élysées. you have to keep a cool head.
What the Swiss journalist and Russia specialist
Éric Hoesli already wrote last September in the newspaper Le Temps is
still true: “ The
war is not going to come to us, Russia is not going to, as some
predicted in the weeks following the invasion, conquer Poland or the
Baltics. There are not many people left who even think that the whole of
Ukraine is threatened. In people's minds, the issue has become
circumscribed and narrowed to Donbass and Crimea. Even in Russia, there
are only a few heated ultras left to dream of a conquest of Kiev, Dnipro
or Kharkiv .”
The concrete situation is this: in the east of
Europe, a country, Russia, has seriously contravened international law
and the Charter of the United Nations. We must therefore firmly defend
Ukraine's sovereignty and integrity. This defense must be done by
deploying all the political and diplomatic means that international law
offers us.
According to a study carried out by Datapaxis and
YouGov for the European Council on International Relations (ECFR), only
10% of Europeans believe in a Ukrainian victory, while 20% think that
Russia will win. But for almost one in four Europeans, it is not weapons
that will end the war. Thus, 37% believe that it will result in an
agreement between the two countries. 41% of Europeans even consider that
the European Union should push Ukraine to negotiate a peace agreement.
How can we achieve this by creating a balance of
power on an international scale? I believe that there is a need for a
political and ethical surge at the state level at the United Nations,
drawing in particular on the southern states (“ the Global South ”) and emerging states (like the BRICS) , public opinion and NGO networks to create a “ coalition of the will ” ,
promoting the demand for political solutions at the heart of all
international efforts. This means turning our back on recent scenarios
of international meetings, aimed at strengthening military spending and
equipment, strengthening military alliances, and rushing forward for the
sole benefit of military-industrial lobbies.
It is this approach of good will which would honor
the French President, let us hope that many parliamentarians will
demand it, if a session of the National Assembly is held, as has just
been announced this Monday, February 27, to discuss a government
statement, “ relating to the bilateral security agreement concluded with Ukraine ” on February 16, which will be followed by a debate and a vote.
Daniel Durand
President of the IDRP – February 27, 2024