Le centenaire de la fin de la 1ère Guerre mondiale 1914-1918 suscite nombre de recherches et de colloques et interroge un public large, au-delà des historiens et spécialistes. Le président de la République française organise même un "Forum de Paris sur la paix" le 11 novembre prochain. Des questions nous interpellent. Pourquoi la paix n'a-t-elle pas tenu après 1918, alors que tout le monde annonçait la "der des der" ? Paradoxalement, pourquoi sommes-nous toujours en paix, 73 ans après la fin du second conflit mondial en 1945 ? Enfin, les deux premières décennies de ce XXIe siècle, avec la recrudescence des tensions, la hausse brutale des crédits militaires et des ventes d'armes, la crise économique mondiale, ne rappellent-elles pas cette "montée à la guerre" de la fin des années 30 ?
Je livrerai quelques réflexions sur ces thèmes dans trois articles consécutifs.
I/III - L'échec de la paix dans l'entre-deux guerres
Au lendemain de la fin de l'horrible boucherie de la 1ère Guerre mondiale, le rejet de la guerre est général dans l'opinion publique française. Il s'est cristallisé dès 1916 avec la publication du livre-choc, le "Feu" de Henri Barbusse, la création en 1917 de l'ARAC (Association républicaine des anciens combattants) dont le slogan central sera le fameux "guerre à la guerre".
Cet attachement à la paix est, en même temps, un sentiment quasiment unanime en France.
Cela marque une différence avec les décennies de l'avant-guerre, où on trouvait dans une partie de la classe politique l'éloge des "vertus la guerre", estimée bonne pour tremper les caractères, voire forger une nation et une communauté de destin.
Ce rejet quasi unanime de la guerre ne signifie pas pour autant que la France est devenue globalement pacifiste car il se fractionne vite en plusieurs courants dès 1920 : le "plus jamais ça" des anciens combattants dont l'Union fédérale, créée notamment par René Cassin (1887-1976), joue un rôle central dans l'opinion, le courant du pacifisme par le droit qui s'exprime par le soutien prioritaire à la création de la SDN (la Société des nations), un courant anti-militariste et anti-impérialiste communiste, un courant pacifiste radical très fort dans la minorité libertaire de la CGT ainsi que dans le Syndicat des instituteurs.
La limite au développement des courants pour la paix se trouve certainement dans le fait qu'il n'y a pas d'élément fédérateur durable, permettant de surmonter les divergences. Le soutien à la Société des nations joue en partie ce rôle jusqu'en 1930 après la signature du traité de Locarno en 1925, qui semble régler la sécurité collective des pays à l'ouest de l'Europe. On parle positivement de "l'esprit de Locarno" et sa cheville ouvrière, Aristide Briand est appelée le "pélerin de la paix".
Mais l'impuissance croissante de la SDN face à certains conflits comme l'Éthiopie et son manque d'universalité (notamment l'absence des États-Unis) l'empêche de jouer ce rôle de pivot de la paix.
La création de mouvements d'intellectuels pour la paix comme le "Comité d'action contre la guerre et le fascisme" en 1932 et 1933, appelé mouvement Amsterdam-Pleyel, pour la création duquel duquel Henri Barbusse joua un grand rôle, essaie de mobiliser les consciences progressistes en France. Il sera un des creusets du futur "Front populaire pour la pain et la liberté" dès juillet 1935.
Mais le montée du fascisme transforme la nature du débat, après 1935 : fut-il donner la priorité à la lutte anti-fasciste ou à la recherche de la paix ? Ces débats pèsent sur les attitudes politiques qui s'opposent : soutien ou non aux Républicains espagnols lors de la guerre d'Espagne, contre le coup de force de Franco, soutien ou non aux accords de Munich et à la complaisance devant les visées hitlériennes...
Cela explique que dès 1938, les défenseurs de la paix soient désunis et restent sidérés en 1939 devant l'accord Hitler - Staline.
Lorsque la 2e guerre mondiale prend fin en 1945, la situation du monde change radicalement. Elle est maintenant structurée par les deux camps vainqueurs mais opposés : les USA et l'URSS. Il faut tirer les leçons de l'échec de la Société des nations : la Charte créant l'ONU (Organisation des nations unies) donne des moyens d'agir à son Conseil de sécurité. L'organisation regroupe tous les grands pays du monde et continue son universalisation dans le cadre de la décolonisation, elle multiplie la création d'agences qui couvrent tous les domaines de la vie internationale. Une nouvelle période s'ouvre...
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