lundi 22 octobre 2018

Cent ans après 1918 : quelles leçons ? - II/III - 73 ans après 1945 : la résilience de la paix...

Alors que la 2e Guerre mondiale avait éclaté à peine plus de vingt ans après la fin de la 1ère, depuis 73 ans, malgré les affontements des deux blocs pendant la Guerre froide, malgré la création et l'accumulation d'armes toujours plus sophistiquées, le monde n'a pas connu de conflagration mondiale. Il s’est construit une forme de "résilience de la paix". Quelles explications peut-on apporter à ce phénomène ? De multiples raisons peuvent être avancées, j'en proposerai quelques unes.

1/ Cette "résilience de la paix" est inséparable du développement du système multilatéral depuis la fin de la seconde Guerre mondiale : "pas d'ONU, pas de paix".
En effet, si on regarde l’évolution du monde depuis 1945, on constate l’extraordinaire mouvement d’émancipation des peuples : de cinquante pays en 1945, nous sommes passés à 194 aujourd’hui, notamment grâce à la décolonisation.
Tous ces pays réussissent l’exploit de vivre ensemble sous un même toit, les Nations unies, avec des droits théoriquement égaux (un pays, une voix). Il s'agit d'un fait unique dans l'histoire humaine.

2/ C’est inséparable de la constitution progressive sur notre planète, n’en déplaise à Hubert Védrine qui conteste cette réalité, d’une communauté humaine, de plus en plus consciente, dans toute sa diversité : ONG, tissu associatif, mouvements sociaux. Cet ensemble, certes en voie de formation et encore balbutiant, s’est constitué largement grâce à l’existence du système multilatéral onusiens, en soutien ou parfois en opposition, mais toujours en relation avec celui-ci.

3/ C’est inséparable de la production, du développement d’un droit international englobant progressivement tous les secteurs de l’activité humaine,
Alors qu’avant 1945, n’existaient que quelques accords humanitaires (Croix-rouge) et un début d’accord sur le travail (OIT), aujourd’hui, des dizaines d’organismes, des centaines d’accords, de conventions, de traités mondiaux, régionaux, bilatéraux, essaient de gérer les problèmes entre les États, ou entre les humains (FAO, UNICEF, UNRWA pour les réfugiés, PNUD, OMS, etc.).
Le droit international, assis sur la Charte des Nations unies, produit par ces traités divers, progresse régulièrement et s’étend à tous les domaines de la vie. Mais surtout, les opinions publiques, par le biais des ONG, des médias, pèsent de plus en plus sur certains problèmes, leur résolution, leur réglementation, comme nous l’avons vu au moment de la COP21. Depuis, les années 1990, la notion de "droits humains" (pour les enfants, les femmes, le développement) est un élément incontournable des débats du monde. La journée internationale de la paix du 21 septembre dernier a lancé l'idée d'un "droit humain à la paix", 70 ans après le vote de la Convention universelle des droits de l'homme.

4) C’est inséparable du passage en cours, à une échelle  temporelle historique, de l’ordre exclusif des États à un réseau de forces mondial complexe, où on trouve à côté de ces États, des entités non-étatiques : les forces économiques et financières mais aussi les organisations de la société civile, dans leur action concrète, reconnue de plus en plus à côté de celle des gouvernements et des lobbies économiques. Le jeu des interactions, des rapports de force est devenu plus complexe mais joue un rôle de "filet amortisseur" aux comportements égoïstes des États.

5/ C’est inséparable de l’évolution accélérée des nouvelles technologies, particulièrement celles de l’information (de la télévision, aux téléphones mobiles, à internet et aux réseaux sociaux), qui génèrent à la fois des risques de nouvelles dominations, de nouveaux contrôles des citoyens, mais tout autant et même plus, des potentialités nouvelles pour l'intervention individuelle ou collective des humains. Elles décuplent leurs capacités d’influer sur leur destin, comme cela s’était manifesté en 2003 dans la rapidité de constitution du mouvement anti-guerre aux États-Unis (David Cortright), en 1997, avec le succès inattendu de la campagne pour l’interdiction des mines antipersonnel. Le succès de la campagne d'associations anti-nucléaires, ICAN, qui a reçu le prix Nobel de la paix et vient d’aboutir à la signature d’un Traité d’interdiction des armes nucléaires, tient aussi à cette mobilisation des réseaux citoyens appuyés sur les techniques de communication moderne.

Alors, cette "résilience de la paix" signifie-t-elle pour autant que la guerre est écartée, que la situation du monde n'est pas dangereuse ? Évidemment non. Ma démonstration vise simplement à montrer que pour apprécier une situation donnée, il faut aussi être capable de prendre un peu de recul, de "décoller le nez de la vitre", pour comprendre les grandes évolutions de l'histoire.

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