lundi 13 octobre 2014

Élimination de la misère, développement, enjeux planétaires.

La commémoration de la Journée Mondiale du Refus de la misère ce 17 Octobre est l'occasion de revenir sur les enjeux internationaux de l'éradication de la misère et de faire le point des efforts entrepris par la communauté internationale.
La lutte contre la pauvreté reste au coeur des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) adoptés par l'Assemblée générale des Nations unies en l'an 2000 et qui se poursuivront en principe par le "programme de développement de l'après 2015".
Quels étaient les objectifs du Millénaire pour 2015 ?
- Éliminer l'extrême pauvreté et la faim
- Assurer l'éducation primaire pour tous
- Promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes
- Réduire la mortalité infantile et post-infantile
- Améliorer la santé maternelle
- Combattre le VIH/sida, le paludisme et d'autres maladies
- Préserver l'environnement
- Mettre en place un partenariat pour le développement

Le bilan effectué par les Nations unies en 2012 et 2013 est mitigé. Il montre des progrès réels réalisés dans certains objectifs et sous-objectifs (les "cibles"). Selon ce bilan,
- L'extrême pauvreté est en déclin dans toutes les régions. (Dans les régions en développement, le pourcentage de personnes vivant avec moins de 1,25 dollar par jour a diminué de plus de la moitié, passant de 47 % en 1990 à 22 % en 2010, la majorité d’entre elles vivant dans des zones rurales. Toutefois, une grande partie de ces progrès ont été réalisés dans un petit nombre de grands pays, essentiellement la Chine et l’Inde).
- La cible de réduction de la pauvreté sera atteinte au niveau mondial avant 2015. (L’objectif consistant à réduire de moitié la proportion de la population qui souffre de la faim d’ici à 2015 est prêt d’être atteint. Le pourcentage de personnes sous-alimentées dans les régions en développement est passé de 23,2 % en 1990- 1992 à 14,9 % en 2010-2012).
- Le monde a atteint en 2010 la cible consistant à réduire de moitié la proportion des personnes n'ayant pas accès à une eau potable améliorée.
- Les conditions de vie de 200 millions d'habitants de taudis ont été améliorées, dépassant la cible.
- Le monde a atteint la parité entre filles et garçons dans l'éducation primaire.
- Le progrès pour réduire la mortalité des enfants s'accélère. (Le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans a diminué de 41 % entre 1990 et 2011 – ce qui est remarquable, mais nettement inférieur à l’ objectif fixé, à savoir une réduction de deux tiers. Le taux de mortalité maternelle a diminué de 47 % au cours des 20 dernières années : il s’agit, là encore, d’un progrès notable, mais bien loin de l’objectif fixé, une réduction de 75 %).
- L'accès au traitement pour les personnes vivant avec le VIH s'est accru dans toutes les régions.
- Le monde est sur la bonne voie pour atteindre la cible qui consiste à réduire de moitié et commencer à inverser la progression de la tuberculose.
- Les décès dus au paludisme ont diminué mondialement.

Mais l'ONU reconnaît qu'il "reste toutefois de grands défis à relever, comme la faim — qui touche encore 850 millions de personnes à travers le monde —, la mortalité maternelle et la précarité de l'emploi".
Elle estime  que "plus d’un milliard de personnes vivent encore dans l’extrême pauvreté. Bien trop nombreux sont ceux qui subissent des carences très graves dans les domaines de la santé et de l’éducation, les progrès étant ralentis par l’ampleur des inégalités qui existent tant au niveau des revenus, qu’aux niveaux des sexes, de l’appartenance ethnique, de l’invalidité, de l’âge et du lieu géographique. La récession économique mondiale prolongée et les violents conflits de ces dernières années ont exacerbé la pauvreté, l’inégalité et l’exclusion. La perte de la diversité biologique, la dégradation des ressources en eau, des zones humides et des forêts, et les risques accrus attribués aux changements climatiques menacent de nous faire perdre nos acquis et de compromettre toute réussite future" (rapport 2013).

Le rapport d'évaluation, publié en juillet 2013, intitulé " Une vie de dignité pour tous : accélérer les progrès dans la réalisation des ob jectifs du Millénaire pour le développement et dans la définition du programme de développement des Nations Unies pour l’après-2015 " (http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&cad=rja&uact=8&ved=0CCMQFjAA&url=http%3A%2F%2Fwww.un.org%2Ffr%2Fmillenniumgoals%2Fpdf%2F2013%2Fsummit2013_overview.pdf&ei=Jpo7VKHLFdTtaJbXgtgH&usg=AFQjCNEKninRFUy0rAFWguh3vQKj2iMcYg&sig2=3ELaKDJHO5SJjuZ9aw2-zA&bvm=bv.77161500,d.d2s) a été présenté par Ban Ki moon.
La philosophie de ce rapport vise à faire du développement durable – auxquels devront s’intégrer croissance économique, justice sociale et gestion de l’environnement – un "principe directeur mondial et notre modus operandi".
Il propose de "poursuivre la réalisation des objectifs de développement du Millénaire et nous assurer de mettre fin à l’extrême pauvreté d’ici une génération".
Dans une résolution adoptée en septembre 2013, les États Membres des Nations unies ont réaffirmé leur engagement à atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement et ont convenu de tenir un Sommet en septembre 2015 pour adopter un nouvel ensemble d'objectifs, qui serait le "programme de développement de l'après 2015".
Ce programme est préparé par onze consultations thématiques autour des thèmes suivants : Conflit et fragilité - Éducation - Durabilité de l’environnement - Gouvernance - Croissance et emploi - Santé - Famine, sécurité de l’alimentation et de la nutrition - Inégalités - Dynamique de la population - Énergie - Eau.
Il est clair que le cadre de l’ensemble des objectifs de développement durable devra forcément être plus large que celui des objectifs du Millénaire pour le développement, pour tenir compte des nouveaux défis. Cependant, Ban Ki moon rappelle que  « l’élimination de la pauvreté est un préalable indispensable au développement durable. Personne ne doit avoir faim, être privé d’un abri, d’un accès à l’eau et à l’assainissement, subir l’exclusion sociale et économique, ou vivre sans avoir accès aux services de santé et à une éducation de base – c’est là le principe même des droits de l’homme et d’une vie décente". 
Face à ces défis, la question du financement de ces campagnes est primordiale. Cela suppose d'abord d'éviter un travail de Sisyphe consistant à financer des progrès dans certaines régions qui sont ruinées en quelques semaines ensuite par une guerre et ses destructions, obligeant à tout recommencer.
Cela amène ensuite à réfléchir aux dépenses improductives : comment admettre le développement de nouveau très rapide des dépenses militaires dans de nombreux pays : les dépenses militaires mondiales ont atteint 1750 milliards de dollars en 2013.
Concernant l’aide publique au développement, celle-ci a augmenté fortement jusqu'en 2010 à la suite de la mobilisation internationale autour des Objectifs du millénaire. Son importance demeurera essentielle, y compris pour mobiliser d’autres formes de
financement, en particulier pour les pays les moins avancés, pour de nombreux pays d’Afrique et pour les pays qui viennent de subir un conflit ou des catastrophes, mais elle reste fragile en période de crise lorsque la tendance est au repli sur les priorités domestiques. Ainsi, la France a diminué son aide publique au développement (APD) de 9,8 % en 2013. Certes, elle demeure selon l'OCDE, le cinquième donateur mondial derrière les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et le Japon mais ce recul intervient alors que d'autres pays, comme le Royaume-Uni (+27,8 %), l'Italie (+13,4 ), le Japon ont augmenté fortement la leur. Or l'aide française est essentielle pour certaines régions comme l’Afrique qui est la première bénéficiaire de l’APD française (55%), et en particulier l’Afrique subsaharienne (41%).
Des experts d'OXFAM (http://www.oxfamfrance.org/files/quel-agenda-developpement-apres-2015) estiment que, face à ces limites de l'aide publique au développement, il est nécessaire de trouver d’autres sources de financements complémentaires parmi lesquels la mobilisation des ressources nationales et des financements innovants.
Ils notent que, afin de favoriser la mobilisation de ressources nationales, l’Organisation Internationale du Travail, la Banque mondiale et le FMI travaillent à la mise en place d’une assistance technique en matière de fiscalité afin d'aider les pays en développement (pas les très pauvres évidemment) à mettre sur pied une fiscalité moderne car certains d'entre eux ont des fiscalités héritées des modes féodaux ou tribaux. En effet une politique fiscale juste permet de mobiliser des ressources nationales via la collecte d’impôt. Cette forme d’action peut générer d’importants progrès pour un développement stable si elle est au service de l’intérêt public et de politiques redistributrices.
Concernant les financements innovants, à l’exemple d’Unitaid (organisation internationale d'achats de médicaments, en particulier à destination des pays en voie de développement, financée par une taxe de solidarité sur les billets d'avion, adoptée par certains pays)ou encore du projet de taxe sur les transactions financières (TTF), ceux-ci doivent permettre au financement du développement d’être plus stable, plus prévisible. Certains acteurs du développement proposent la mise en place d’une fiscalité internationale. Enfin, l'autre enjeu serait évidemment de faire contribuer le secteur financier et le secteur privé au développement de la planète. Reste à trouver le bon cadre pour les inciter à collaborer !
C'est pourquoi, l'ONU estime nécessaire de renforcer le cadre international en matière de coopération pour le développement donc les organismes nationaux et internationaux, ce qui pose une fois de plus les questions de démocratisation de ceux-ci et d'objectifs d'action dégagés des dogmes financiers ultra-libéraux.
Trop souvent, les opinions publiques sont sur-informées (au moins quantitativement) sur les conflits en cours sur la planète et les débats militaro-stratégiques autour de leur solution. Or, les enjeux de la réduction des inégalités sociales planétaires sont certainement tout aussi, sinon plus, décisifs pour un monde de paix et de sécurité partagée...

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