Les commentaires en ces temps de 70e anniversaire de la création des Nations unies : adoption de sa Charte, établissement des différentes structures (Assemblée générale, Conseil de sécurité), des multiples offices (Unesco, Fao, Oms, etc..) ne sont pas à la hauteur de l'événement. Spécialistes et hommes politiques détaillent les multiples défauts, échecs partiels, regrets en omettant de souligner l'extraordinaire exploit qu'a représenté le rassemblement de tous les peuples de la planète sous le même "arbre à palabres".
Alors, ne mégotons pas, foin de ceux qui jouent "petit bras", allons à l'essentiel !
70 ans après leur création, oui, les Nations unies ont un bilan positif et même exceptionnel. Elles ont permis pour la première fois, la coexistence et la collaboration de tous les États de la terre, l'émergence et le développement des droits humains, le début d'une prise de conscience du "village global".
Parler des Nations unies en 2015, de leur rôle, c'est évoquer d'abord les énormes changements intervenus dans le monde depuis 70 ans : 193 états au lieu de 35, la mondialisation et la multiplication des échanges économiques, l'extraordinaire révolution des moyens de communication (internet, téléphone portable) qui a aboli le temps donc relativisé l'espace, les frontières. Nous sommes sortis du monde statique des états de l'avant-guerre à un monde plus complexe, où à côté des états, des nouveaux acteurs jouent un rôle grandissant, qui ne connaissent pas ou moins les frontières (ONGs, médias, entreprises multinationales, mafias et réseaux divers, extrémistes parfois).
Les Nations unies ne se réduisent pas seulement à un texte fondateur, sa Charte, d'une potentialité extraordinaire, mais l'ensemble de la structure onusienne a produit et produit en permanence de nouvelles coopérations entre les humains qui peuple cette planète. C'est cet ensemble : Charte et structures, qui a changé la manière de considérer le monde de la part des peuples, un monde où personne ne peut, aujourd'hui regarder son destin sans penser qu'il est tributaire de 192 autres peuples !
L'ONU est devenue productrice d'un nouveau « lien social » planétaire, sans lequel des dizaines d'états risqueraient de s'effondrer. Elle conforte ainsi la base de la sécurité commune, en témoigne la multiplication des opérations de maintien de la paix et l'extension des buts de ces missions, devenus de plus en plus globaux.
Parallèlement, l'ONU est devenue le creuset de la démilitarisation du monde par la diversité des traités de désarmement existants. Ceux-ci constituent une base essentielle du droit international, par les mesures de vérification et parfois de sanction qu'ils contiennent et qui sont essentiels pour développer la confiance et la sécurité commune. Demain, même les armes nucléaires seront inévitablement englobées dans des traités de contrôle voire d'interdiction.
Enfin, les Nations unies sont le creuset d'une nécessaire Culture de la paix. Leur action a été essentielle dans la naissance et l'évolution du concept.
Il n'est évidemment pas question de se satisfaire d'un bilan qui, même s'il est bon, comporte encore tellement de drames et de problèmes à résoudre ! Mais il faut savoir "décoller le nez de la fenêtre" pour ne pas se laisser décourager par l'actualité immédiate.
Pour un monde encore meilleur, oui, nous avons besoin de plus d'ONU et de « mieux » d'ONU.
N'ayons pas peur d'affirmer que, plus jeunes que jamais, les Nations unies sont l'avenir du « vivre ensemble » planétaire
Cela implique de travailler à inverser la prédominance des états au profit du renforcement des institutions multilatérales, du droit international et de la démocratie. Cela signifie de placer encore plus les Nations unies au centre des relations mondiales en renforçant les moyens donnés aux interventions onusiennes sous tous leurs aspects.
Cela nécessite des réformes institutionnelles pour intégrer le Fonds monétaire international et la Banque mondiale dans les règles et la transparence du système onusien, des réformes pour la transparence des règles commerciales édictées par l'OMC (Organisation mondiale du commerce).
Demain, les Nations unies peuvent être au coeur d'une mondialisation juste et pacifiée, d'une gouvernance mondiale pour la liberté, la paix et la justice, permettant l'épanouissement de tous les humains sur la terre
Dans ce but, il faut évidemment tenir compte des mutations des dernières décennies en procédant à un "rééquilibrage du monde". Le premier d'entre eux consiste à donner un poids plus grands aux pays émergents au Conseil de sécurité en élargissant le nombre de membres permanents. Il est nécessaire de limiter drastiquement, dès maintenant, le droit de veto des membres permanents aux seules questions existentielles de la planète et de renforcer le rôle de l'Assemblée générale.
Le second rééquilibrage est un droit de consultation systématique, sous des formes à imaginer, des citoyens et de l'opinion publique par le biais des ONGs, des élus nationaux lors des grandes décisions internationales.
Les citoyens du monde seront décisifs pour réussir ces nouveaux défis. C'est possible car l'efficacité de leur intervention se démultiplie grâce aux mutations du monde tant dans l'information, qu'avec les nouvelles technologies.
Il est temps que l'avenir des Nations unies redevienne un objet politique actif, qu'il sorte du camp des « rêveurs » et soit réapproprié par tous les progressistes comme thème central des alternatives.