Le budget de la Défense 2015 a été adopté par l'Assemblée nationale, malgré un vote négatif du Sénat.
Avec 31,4 milliards d'euros de dépenses (hors pensions), comme les trois années précédentes, le budget de la Défense pour 2015 s'inscrit dans la trajectoire de la Loi de programmation militaire (LPM, 2014-2019) adoptée fin décembre 2013 par le Parlement.
Les crédits inscrits dans le projet de budget s'élèvent à 29,1 milliards d'euros, auxquels doivent s'ajouter 2,3 milliards de recettes exceptionnelles (REX) pour atteindre le seuil le 31,4 milliards d'euros fixé par la LPM jusqu'en 2016.
Ces REX sont censées venir principalement de la vente de fréquences hertziennes et de biens immobiliers de la Défense. Ces ventes de fréquences hertziennes de l'armée paraissent très improbables en 2015, de l'aveu même du ministre. "Des versements dès 2015 me paraissent aléatoires", a-t-il dit.
Ce budget «entend respecter parfaitement l'équilibre tendu de la loi de programmation militaire, la modernisation de nos moyens et la réalisation des efforts demandés par la situation de nos dépenses publiques», a déclaré le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian.
Ce budget intervient dans «un contexte très particulier» avec la présence de «nos armées sur plusieurs théâtres difficiles pour des missions essentielles pour notre sécurité», a-t-il souligné.
Il faut noter qu les opérations extérieures de l'armée (Opex), sont fixées une nouvelle fois à 450 millions d'euros pour 2015, comme en 2014, alors que leur montant a explosé à 1,05 milliard d'euros cette année.
Le montant total de ces dépenses militaires n'est pas anodin : si l'on ajoute les pensions et le budget des anciens combattants, on atteint un montant d'environ 38,9 milliards d'euros en crédits de paiements, pensions comprises.
Selon les données de la Banque mondiale, la France consacre 2,3% de son PIB à sa défense en 2013. Elle se situe ainsi dans la moyenne haute mondiale des grandes puissances. A titre de comparaison, les dépenses militaires représentent 2,4% du PIB au Royaume-Uni, 2% en Chine, 1,7% en Italie et 1,3% en Allemagne.
En valeur, l'institut suédois SIPRI, donne la France, avec un budget de 62 milliards de dollars, comme la quatrième puissance militaire mondiale, derrière les États-Unis (618 milliards de dollars), la Chine (171 milliards), la Russie (84 milliards) et l'Arabie Saoudite (62,7 milliards). Pratiquement à égalité avec la France, on trouve le Japon et l'Allemagne.
Évidemment, le montant des dépenses militaires n'est pas seulement un problème économique, même si en terme d'ordre de grandeur, on ne peut s'empêcher de mettre en rapport l'engagement en faveur de la défense à d'autres pris en faveur de l'emploi ou de l'enseignement..
Il est évident que l'engagement militaire est à rapporter aux besoins de sécurité de notre pays. Si la situation du monde justifiait un tel effort militaire, sans doute faudrait-il le conduire...
Mais l'évolution du monde, comme nous l'avons montré à plusieurs reprises sur ce blog, appelle des réponses plus complexes et très différentes que les politiques militaires et de sécurité actuels.
Il faut rappeler l'urgence de stopper la course à la constitution de nouveaux blocs de puissances surarmés autour des membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU et d'autres puissances régionales comme l'Inde, les pays du Moyen-Orient. La seule alternative réside dans des engagements politiques forts en faveur de la relance des processus et des traités de désarmement, nucléaire bien sûr, mais aussi dans d'autres domaines (missiles, espace, etc...). Cette démilitarisation, pour réussir, nécessite un soutien résolu pour donner un rôle central aux Nations unies comme centre de la sécurité collective mondiale.
Dans ce cadre, le budget militaire français soulève des interrogations multiples.
- le poids de l'armement nucléaire : le budget de la dissuasion nucléaire représente 20 % du budget d’investissement du ministère de la Défense alors que dans le monde grandit la contestation de la pertinence des armes nucléaires. Il faut ajouter que, comme l'a souligné le 9 avril dernier, le général Norlain devant la commission de la défense de l'Assemblée nationale, " le poids du nucléaire militaire nous engage dans une spirale de modernisation et de perfectionnement sans fin, qui ne fait que s’accélérer. La France est, en effet, le pays où le rythme de renouvellement des armements nucléaires est le plus rapide". Par exemple, un sous-marin SNLE américain reste en service pendant 44 ans contre seulement 19 à 30 ans pour un français.
La France vient de finir de lancer depuis 2011 la nouvelle flotte des quatre sous-marins nucléaires lance-engins avec des missiles M51 et des têtes nucléaires TNA. Dès 2016, la Défense commencera à équiper les sous-marins d'une nouvelle version de missile (M51.2) avec une nouvelle tête nucléaire dite TNO. Des études ont déjà commencées pour que, à l’horizon 2035, les 4 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de la classe « Le Triomphant » commencent progressivement à être remplacés par des SNLE de 3e génération.
Depuis 2010, les Forces aériennes stratégiques utilisent les missiles air-sol ASMP/A dotés de tête TNA sous des avions Mirage 2000N à la base aérienne d'Istres-Le Tubé. Ce missile est également utilisé avec les avions Rafale à la base aérienne de Saint-Dizier-Robinson et ceux embarqués sur le porte-avions Charles de Gaulle. Des études sont déjà en cours pour préparer la rénovation à mi-vie de ce missile à partir de 2022. Tous les avions Mirage seront remplacés par des Rafale d'ici 2019. De plus, le 20 novembre dernier, le ministre de la Défense a annoncé que "les études portant sur le successeur du missile ASMP/A, baptisé ASN4G, ont déjà débuté".
(L'objectif est de l'installer d'ici 2035).
Le maintien d'une force nucléaire aéroportée, la "2e composante" nucléaire, est, par ailleurs, fortement contesté : son utilité stratégique est loin d'être évidente, sa suppression, comme l'a déjà fait le Royaume-Uni, représenterait près d'un milliard d'économie par an.
- la deuxième préoccupation budgétaire réside dans le poids croissant des interventions extérieures, les OPEX. Le montant des OPEX tourne aux environ d'un milliard d'euros par an avec des sommes encore supérieures en 2011 (Libye) et en 2014 (Mali - Centrafrique). On peut estimer qu'il s'écoulera encore une longue période avant que l'instabilité disparaisse de certaines régions du monde, notamment là où le radicalisme religieux, le djihadisme ont pu se développer. La question des OPEX, des opérations de maintien de la paix et de lutte anti-terrorisme continuera donc à se poser. L'enjeu n'est-il pas d'arrêter les décisions unilatérales hâtives, de développer les coopérations internationales et les coalitions sous un strict contrôle onusien, à l'échelle européenne notamment ? N'est-ce pas dans ce cadre que les coopérations de défense, les coopérations économiques devraient être développées, ce qui permettrait d'alléger le «fardeau» national ?
Ces quelques réflexions à propos du budget militaire français sont à replacer comme je l'ai écrit plus haut dans un engagement politique fort en faveur d'un monde moins dangereux, plus juste et pacifié. Ce n'est pas une voie facile mais c'est la voie la plus réaliste pour éviter que ne se reconstruise des mécanismes d'affrontements guerriers dont nous avons vu les conséquences dramatiques, il y a cent ans...
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