Ce volet du désarmement a plusieurs facettes : il a d'abord été marqué essentiellement par la lutte contre la prolifération, les transferts illégaux et pour le contrôle des armes classiques plus que contre l'interdiction ou la destruction d'une catégorie de celles-ci.
Le manque de restrictions sur les transferts d'armes était déjà une préoccupation à l'époque de la Société des Nations. Lors de la Conférence sur le contrôle du commerce international des armes et munitions, et des matériels de guerre en 1925, les membres de la Société des Nations avaient cherché à réglementer les exportations de différentes catégories d'armes, mais les dispositions convenues n'entrèrent jamais en vigueur faute de consensus entre les principaux pays.
Après la Seconde Guerre mondiale, les pays occidentaux tentèrent de limiter les transferts de technologies susceptibles d'être utilisées par leurs rivaux communistes pour mettre au point des armes perfectionnées. Au moment de sa création en 1950, le Comité de coordination pour le contrôle multilatéral des exportations stratégiques (COCOM) était une association de 17 pays occidentaux dont l'objectif était de coordonner les limites définies au niveau national pour l'exportation, vers les pays communistes, de connaissances et de matériel sophistiqué.
Avec la fin de la guerre froide, le COCOM fut dissous en 1994 et remplacé par une nouvelle organisation : "l'Arrangement de Wassenaar sur la réglementation des exportations d'armes classiques et de biens et technologies à double usage". Il comprend 41 États dont les anciens membres du COCOM et les anciens membres du Pacte de Varsovie.
C'est dans cette logique de contrôle (et non d'interdiction) que fut créé "le Régime de contrôle de la technologie des missiles (RCTM)", pouvant emporter des charges d'armes de destruction massive dont nous avons parlé dans notre précédent article.
Signée en 1980 à Genève, la Convention sur certaines armes classiques (CCAC), officiellement "Convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination", a essayé d'interdire l'emploi de certains types d'armes classiques, notamment des mines et des pièges. Mais ses insuffisances sur les mines antipersonnel étaient flagrantes et ont conduit à un autre processus qui a débouché sur la signature de la Convention d'Ottawa, dont nous parlerons dans le prochain article.
Une catégorie particulière d'armes classiques, les "armes légères et de petit calibre" (ALPC) est venue rapidement au premier plan de l'actualité car elles sont l'armement de choix dans la multiplication des conflits internes dans les pays de nombreuses régions du monde. Bien qu'elles ne soient pas à l'origine de ces conflits, ces armes contribuent à l'escalade de la violence, encouragent le recours aux enfants soldats, entravent l'assistance humanitaire et retardent la reconstruction après les conflits et le développement.
40 à 60 % du commerce des armes légères dans le monde est illicite à un moment ou à un autre. La lutte contre le commerce illicite des armes légères a été une action importante des efforts de désarmement des deux dernières décennies.
Les Nations unies, l’Union européenne et plusieurs régions d’Afrique se sont engagées dans des initiatives relatives à la traçabilité et au marquage des armes légères, au contrôle des munitions, à la transparence dans les transferts internationaux, à la prolifération des ALPC, en Afrique subsaharienne, à la détention d’armes par les civils, ainsi qu’à la lutte contre les trafics d’armes et le contrôle des courtiers.
Le premier exemple positif a été la conclusion du Moratoire sur les armes légères, qui concerne l'importation, l'exportation et la fabrication des armes légères en Afrique de l'Ouest (signataires le Bénin, le Burkina Faso, le Liberia, le Mali, le Niger, le Nigeria, Sénégal, la Sierra Leone et le Togo), et est entré en vigueur le 1er novembre 1998. Le Moratoire, qui est plus un instrument politique que juridique, vise à enrayer les flux croissants d'armes légères dans la région. Il est valable pour des périodes renouvelables de trois ans. Il a joué un rôle positif jusqu'à la crise libyenne qui a vu se multiplier les sorties d'armes de ce pays vers le Mali.
D'autres accords de contrôle des transferts d'armement ont été signés en Amérique centrale, en Asie. En 2005, le Conseil de sécurité adopta une résolution qui, « souligne le rôle potentiel que peuvent jouer les organisations régionales et sous-régionales dans la lutte contre le commerce illicite des armes légères et la nécessité de tenir compte dans les mandats des opérations de maintien de la paix, (..) des instruments régionaux permettant aux États d'identifier les armes légères et d'en assurer le traçage ».
Cela signifie que concrètement, dans chaque conflit régional, la première priorité des États devrait être d'assurer le gel total de tout transfert d'armement et d'en assurer le contrôle. L'exemple de la Syrie devrait faire réfléchir : livraison d'armes en début de conflit à toutes les factions de l'opposition mêmes les plus extrémistes, puis, quand l'une d'elles comme le Daesh se sert des armes livrées pour imposer sa loi, il faut organiser de nouvelles livraisons d'armes à la faction minoritaire menacée d'écrasement ! Peut-on continuer longtemps dans cette logique ?
La question du transfert des armes a pourtant progressé lors de ces dernières décennies : elle a d'abord concerné le commerce illicite puis aujourd'hui s'étend plus largement.
En effet, le Traité sur le commerce des armes (TCA) a été adopté par l'Assemblée générale des Nations unies le 2 avril 2013. C'est un traité sur le commerce international des armements conventionnels. Trente-et-un pays (dont la France) l'ont ratifié. L'objectif du TCA est de contribuer non seulement à lutter contre le commerce illicite des armes classiques (avions, véhicules blindés, sous-marins, missiles) mais aussi à réguler le commerce licite...
L’un des objectifs du TCA est théoriquement de contribuer à une plus grande responsabilisation des États dans leurs décisions de transférer des armes. Cependant, l’entrée en vigueur prochaine du TCA n’est que le commencement d’un long chemin parsemé d’obstacles et de nombreux défis attendent les États pour sa mise en œuvre. L’un des plus importants sera notamment son application universelle. Certains États ne signeront probablement pas le texte avant des années.
Pour progresser, des efforts d'éclaircissement politique des enjeux sont encore nécessaires et le rôle de la société civile et de ses organisations y est capital. Les États gros exportateurs d'armes ou qui souhaitent développer leurs technologies freinent chaque négociation qui risque de limiter les armements dont ils veulent développer la production et la vente. À l'inverse, certains pays qui participent à des opérations de maintien de la paix sont plus intéressés au succès des négociations sur le commerce illicite des armes légères ou dans l'interdiction des mines antipersonnel pour protéger leurs soldats engagés dans ces opérations.
Malgré ces restrictions, ne faut-il pas se réjouir de l’entrée en vigueur si rapide d’un traité international d’une pareille envergure et du soutien qu’une large majorité d’États lui a déjà témoigné ?
Nous traiterons dans un prochain article du débat sur l'interdiction des mines antipersonnel et des nouveaux enjeux du "désarmement humanitaire".
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