La Palestine vient de passer, grâce au vote de l'Assemblée générale, du statut "d'entité-observateur permanent" à celui d'État, au statut d'observateur non-membre auprès des Nations unies, tout comme l'est le Saint-Siège (l'État du Vatican). La nouveauté juridique est l'apparition du terme "d'État" qui renforce à l'évidence la crédibilité diplomatique du gouvernement palestinien de Mahmoud Abbas, ce qui devrait encourager d'autres États, au delà des 132 actuels qui ont reconnu bilatéralement la Palestine comme État, à le faire (la France ne l'a pas encore fait). Il sera plus difficile d'émettre de nouveaux vetos au Conseil de Sécurité pour empêcher qu'il ne propose, comme le veut la Charte, à l'Assemblée générale des Nations unies, de reconnaître la Palestine cette fois comme État de plein exercice.
Dès maintenant, ce statut d'État observateur non-membre va permettre à la Palestine d'adhérer à de nouvelles organisations et Traités internationaux, régis par des Conventions comme la Cour pénale internationale. Cela pose en terme nouveau la relation avec Israël qui va devenir officiellement "puissance occupante" d'un État reconnu de facto comme tel à l'ONU. De même, des actions militaires sans retenue, comme l'attaque de Gaza en 2009, pourront être dénoncées par le gouvernement palestinien comme crimes de guerre,voire contre l'humanité. Le vote positif de l'Assemblée générale est aussi un moyen de soutenir le président Abbas qui en a besoin sur le plan intérieur : le Hamas à Gaza n'a en effet soutenu que la dernière semaine sa démarche à l'ONU pour la reconnaissance de la Palestine comme État non-membre.
La France a voté "Oui"pour ce statut de la Palestine, ce qui est positif. Le nouveau Président F. Hollande avait fait un geste remarqué en recevant à l'Elysée dès le 8 juin, le président Abbas, alors qu'il n'a reçu Nettayahu qu'en novembre dernier.
En même temps, il est clair que ce succès diplomatique palestinien n'est qu'une étape, sur le chemin de la reprise des négociations, de la création des conditions durables d'un climat d'arrêt des violences contre les civils et de construction d'une paix durable entre les deux États.
Le cessez-le-feu actuel, encore combien fragile, a été obtenu grâce aux efforts de l'Égypte, du secrétaire de l'ONU Ban Ki-moon, et à la pression des USA. La position claire du président Abbas appelant à cesser les violences, y compris les tirs de roquettes, a aidé. On a retrouvé la même lucidité du côté de l'ambassadeur délégué de la Palestine auprès de l'Unesco, Elias Sembar, qui déclarait la semaine dernière sur Europe 1 : "nous nous attendions à ce qu'il y ait des manoeuvres de diversion, hélas tragiques, par plusieurs parties opposées à notre entrée dans l'ONU. (...) Cette diversion est tragique et criminelle car il y a des civils qui sont en train de payer ce jeu avec la mort".
Il est dommage qu'on ne trouve pas cette même netteté en France dans les divers collectifs et mouvement se réclamant de la paix au Proche-Orient, qui hésitent à dire "ni roquettes, ni bombardements et colonisation".
Il ne s'agit pas d'établir une fausse symétrie entre la puissance israélienne et les faibles moyens des groupes palestiniens mais de l'affirmation du refus de la prise en otages des civils tant israéliens que palestiniens, de l'affirmation d'une coexistence nécessaire demain entre les deux peuples.
Il est positif que le principal mouvement pour la paix en Israël, "la Paix maintenant", se soit félicité du vote de l'ONU et le considère "comme un premier pas vers la création d’un État palestinien aux côtés d’Israël et vers une solution négociée à deux États, que nous appelons l’un et l’autre de nos vœux".
Il faut en effet redoubler d'efforts pour promouvoir une solution "2 États, 2 capitales à Jérusalem" et dénoncer tous les obstacles à cette perspective comme l'annonce par Israël de nouvelles colonisations en Cisjordanie. Le soutien au gouvernement palestinien est crucial, tant sur le plan politique que financier : l'Union européenne vient de ré-augmenter sa contribution à l'agence onusienne pour les réfugiés qui travaille surtout à Gaza (avec 80 millions d'euros, l'UE est le principal bailleur de fonds de l'UNRWA) mais il faut exiger qu'Israël ne bloque pas les sommes qui sont légitimement dues aux Palestiniens pour leurs produits exportés. La Palestine a marqué des points dans une démarche "ouverte" moins dirigée contre son voisin qu'en direction de la communauté internationale ; espérons que les dirigeants palestiniens sauront continuer dans cette voie.
La construction de la paix nécessaire au Proche-Orient est trop complexe pour l'enfermer dans des formules rigides ou incantatoires.
Dans cet esprit, l'annonce du report de la Conférence qui devait à Helsinki, en fin d'année, essayer de faire progresser les discussions sur une zone exempte d'armes de destruction massive au Moyen-Orient est une mauvaise nouvelle pour la paix.
Le principe de cette conférence avait été confirmé en mai 2010 lors de la Conférence d'examen du Traité de non-prolifération nucléaire. Les USA avaient accepté d'en être les co-parrains mais Israël, seul pays nucléaire de la région, a toujours proclamé sa réticence. La tension à Gaza, la crise syrienne, le débat autour des projets de recherche nucléaire de l'Iran ont justifié en septembre dernier son annonce de ne pas participer à cette conférence. Le secrétaire de l'ONU, Ban Ki-moon, la France ont annoncé qu'ils souhaitaient que les discussions et consultations continuent, "dans les délais les plus brefs, en vue de garantir que la conférence se tienne le plus tôt possible en 2013".
C'est un objectif essentiel : il n'y aura pas d'évolutions positives durables dans les différents problèmes de la région sans un environnement géographique moins militarisé. Cela passe par la clarification, la réintégration dans les discussions, et la disparition des armes nucléaires israéliennes, la transparence complète pour écarter toute composante militaire des recherches nucléaires iraniennes, la signature par la Syrie de la Convention d'interdiction des armes chimiques et la destruction de ses stocks, notamment.