mardi 19 octobre 2010

Budget de la Défense : pas si "raboté" que ça !

Le budget de la Défense français (ou projet de loi de finances, PLF) va entrer dans quelques jours en discussion à l'Assemblée nationale, puis, en novembre au Sénat. Il est l'objet de deux controverses apparemment contradictoires. Ce budget est-il "raboté" comme d'autres par la rigueur budgétaire ? Ou, "raboté" ou non, les sommes considérables dépensées pour de nouveaux armements, de nouveaux engagements sont-elles compatibles avec la vision d'une France oeuvrant pour un monde plus sûr et plus pacifique ?
Les chiffres d'abord : le budget militaire français s'élèvera à 38,44 Milliards d'euros, pensions comprises en 2011 (31.19 hors pensions) ; il devrait passer à 39.21 Md€ en 2012 et 39,80 Md€ en 2013 (le budget est maintenant prévu de manière triennale).
Ce montant comprend 1Md€ de "recettes exceptionnelles" (ventes d'immeubles et vente de fréquences de communication militaires). Les crédits d’équipement (les achats et constructions de nouvelles armes) atteindront 16 Md€ en 2011 pour s’élever à 16,8 Md€ dès 2012 et atteindre 17,4 Md€ en 2013. Dans ces crédits d'équipement, 3,1 Md€ sont explicitement imputés à la dissuasion nucléaire (en fait, probablement plus, si l'on fouille par exemple dans les crédits de recherche-développement).
Certains observateurs ou certains nostalgiques de la militarisation estiment que ces chiffres sont inférieurs, austérité oblige, à ceux prévus par la Loi de programmation militaire 2009-2014 : la Défense "rend" en fait 3,5 Md€ au budget général sur trois ans. Elle compense cette réduction par une prévision de recettes exceptionnelles de 3 Mds (vente d'actifs) mais celles-ci sont loin d'être réalisés : vouloir vendre et vendre sont deux choses différentes ! Malgré ces prévisions plus ou moins fiables, le Ministère se félicite que l'écart avec la Loi de programmation soit réduit à 1,3 Md€ en trois ans. Il se félicite surtout que les crédits d'équipement (les achats de nouveaux armements) avec une moyenne de 16,7 Mds pendant les trois ans à venir restent "très supérieurs à la moyenne de la LPM 2003-2008, soit 15 Md€" !
C'est sans doute là que se place le deuxième débat : la France continue d'augmenter ses dépenses militaires et participe à une certaine re-militarisation des relations internationales observée dans la dernière décennie. Est-ce bien la bonne manière de contribuer au renforcement de la sécurité globale dans le monde, à la résolution des points de conflits et des profondes inégalités économiques qui, souvent, les sous-tendent (voir le retard sur les Objectifs du Millénaire de réduction de la pauvreté) ?
Le soutien public récemment accordé au Barp, près de Bordeaux, à la simulation des essais nucléaires par le Président Sarkozy, c'est-à-dire à l'objectif de maintenir l'arme nucléaire pendant des décennies au lieu de travailler à l'éliminer, est révélateur de certains choix politiques. Certes, les réalités économiques obligent à quelques coupes : ainsi, un des trois escadrons d'avions Mirage D portant des armes nucléaires, basés à Luxeuil sera dissous (Cela ne changera pas forcément le nombre de têtes nucléaires embarquées sur ces missiles ASMP qui ont peu de chose à voir avec une quelconque "dissuasion" et dont "l'utilité" réside en fait dans l'utilisation éventuelle en arme offensive sur un pays "voyou").
Mais 16 Md€ de nouveaux armement chaque année continuent de faire de la France un des pays qui consacre les sommes les plus considérables pour son armement. "L'empilage" de gros programmes comme le Rafale plombe le budget français : le journal économique "La Tribune" du 5 octobre notait qu'il était nécessaire de vendre des Rafale à l'étranger pour diminuer le coût du programme mais, qu'en le vendant, notamment aux Émirats arabes Unis, cela risque de "nous" coûter encore plus cher, pour faire les modifications demandées par le client (peut-être 4 à 5 md€ !), sommes sans doute payées par le contribuable et non par l'avionneur Dassault...
À noter aussi dans ce budget, le coût de plus en plus lourd des opérations extérieures, notamment de la présence française en Afghanistan qui en représente la moitié (470 millions d'euros en 2010 pour 4 000 militaires français) : 967 millions d'euros pour une vingtaine d'opérations engageant 8 700 militaires. 70 % du coût de ces opérations est pris sur le budget militaire, le reste sur un fonds de réserve interministériel.
Enfin, la présentation offcielle du budget se félicite, je cite, que la France soit "l’un des principaux contributeurs au sein de l’Otan : 4e contributeur au plan financier, elle est également le 4e au plan des effectifs engagés en opération avec près de 5 000 hommes, et l’un des trois principaux acteurs, autant au plan quantitatif que qualitatif, de la Force de réaction rapide de l’Otan (NRF)."
Là aussi, il s'agit d'un "marqueur politique" de la politique menée actuellement par Nicolas Sarkozy...



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