mardi 16 avril 2024

Iran – Israël : Ni « droit de riposte », ni « auto-défense », mais « droit international » !

(English translation below)

« Le Moyen-Orient est au bord du gouffre. La population de la région fait face au danger réel d’un conflit à grande échelle dévastateur », a déclaré le secrétaire général de l’ONU lors de la réunion du Conseil de sécurité, demandée par Israël à la suite de l’attaque de l’Iran. « C’est le moment de désamorcer et d’une désescalade », a-t-il ajouté.
Rappelons les faits.
Le 2 avril dernier, six missiles ont été tirés par des chasseurs F-35 israéliens sur la section consulaire de l’ambassade d’Iran à Damas, en Syrie, dont il ne reste plus qu’un amas de ruines Cette agression a fait au moins 13 morts. Parmi ceux-ci, sept officiers iraniens des Gardes de la révolution, dont deux importants commandants, ont été tués, dans cette opération qui ressemble fort à un assassinat ciblé, ce qui est un acte coutumier du gouvernement israélien.
Cette attaque d’un bâtiment diplomatique d’un pays, situé de plus sur le territoire d’un autre pays, représente une atteinte grave et inédite au droit international. Rappelons que le statut des consulats a été précisé en 1963 par un traité international, la « Convention de Vienne sur les relations consulaires ». Comme pour les ambassades, juridiquement, ces locaux sont « inviolables ».
L’article 31 stipule ainsi que « les autorités de l’État de résidence ne peuvent pénétrer dans la partie des locaux consulaires que le poste consulaire utilise exclusivement pour les besoins de son travail, sauf avec le consentement du chef de poste consulaire, de la personne désignée par lui ou du chef de la mission diplomatique de l’État d’envoi ».
Examinons un scénario de fiction : quelle aurait été la réaction de la France face à la destruction ciblée de son consulat au Mali après une frappe de l’aviation du Niger ? Dans ce cas d’école, elle aurait sûrement remué ciel et terre pour obtenir une réunion et une condamnation du Conseil de sécurité des Nations unies. J’ose espérer que la France, dans cette situation imaginaire, n’aurait pas procédé à une riposte militaire sur le sol du pays agresseur (Niger dans mon hypothèse).
Dans la « vraie vie », en l’occurrence, début avril, France et USA se sont opposées à toute condamnation du gouvernement israélien lors de la réunion du Conseil de sécurité qui a suivi.
Même si l’attaque israélienne n’avait pas visé un bâtiment diplomatique, il faut rappeler que toute action militaire menée par un pays sur le territoire d’un pays tiers sans son accord, est illégale selon le droit international, puisqu’elle viole la souveraineté de ce pays.
Dans les deux dernières décennies, nous nous sommes habitués à ces atteintes au droit international que constituent ces assassinats ciblés. Plusieurs ont été commis par les États-Unis au nom de la lutte anti-terroriste, notamment contre Ben Laden et ses complices, par Israël dans ses actions contre le Hamas et le Hezbollah, par la Russie contre certains opposants politiques, par la France en Afrique, par la Turquie, l’Arabie saoudite, etc. L’utilisation de drones facilitent maintenant ce type d’action.
N’est-il pas temps de remettre ce problème sur le devant de la scène : comment qualifier systématiquement toutes ces actions de crimes de guerre, comment les rendre justifiables d’un passage systématique devant la Cour pénale internationale pour en condamner les responsables, chefs des armées ou chefs de gouvernement ?
C’est un enjeu d’assainissement des relations internationales aujourd’hui.

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L’absence de condamnation de l’acte israélien début avril, accompli au mépris du droit international est choquante. La survenue d’une riposte militaire iranienne, toute aussi illégale d’ailleurs en regard du droit international, est alors devenu prévisible pour tous les observateurs. Le bombardement de ce consulat a fait s’interroger de nombreux observateurs ou chercheurs sur les buts réels poursuivis à Damas par l’aviation israélienne.
Ainsi, dès le 2 avril, Elena Aoun, professeure et chercheuse en relations internationales à l’Université Catholique de Louvain déclarait : « à chaque nouvelle escalade de la part d’Israël, il est à craindre que ses ennemis soient poussés un peu plus dans leurs retranchements ». […] « Israël n’attend que l’escalade quelque part qui, de manière évidente, viendrait desserrer quelque part l’étau par rapport à son opération à Gaza ».
La suite de l’actualité lui a hélas donné raison.
Ce 13 avril, l’Iran a procédé à l’envoi massif de drones et de missiles sur Israël, estimant user “du droit inhérent à l’autodéfense”, selon les propos de l’ambassadeur iranien. Il est évident qu’en lançant une attaque directement sur le sol de son adversaire, l’Iran a enclenché une spirale guerrière dangereuse. Cette action doit être condamnée fermement par la communauté internationale. Elle n’a aucune justification légale.
Il n’existe pas de « droit de riposte » ou de « droit inhérent à l’autodéfense » dans la Charte des Nations unies et donc, dans le droit international.
Il faut redire et répéter que le « droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations unies est l’objet d’une agression armée », évoqué dans l’article 51 de la Charte, est limité strictement et ne doit s’exercer que « jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales ».
Cela signifie clairement que ce droit de légitime défense ne peut s’exercer que pour répondre à une menace en cours, en développement, qu'il faut donc stopper, comme l’était l’attaque russe en Ukraine en février 2022, et non à un acte, ciblé, terminé et non susceptible de prolongement immédiat.
Dans les deux cas examinés ici, bombardement israélien du consulat iranien, et envoi iranien de drones et de missiles (qui ont été anéantis en quasi totalité par la défense anti-aérienne), la menace a cessé après l’acte délictueux commis.
Le bombardement israélien n’a été suivi d’aucune autre action. De son côté, l’ambassadeur iranien à L’ONU a déclaré dès l’envoi des drones et missiles que « l’opération était terminée ». Selon plusieurs experts militaires, il semble que l’attaque iranienne était très très mesurée et que les gouvernements occidentaux, notamment les USA, avaient été avertis et prévenus à l’avance pour qu’ils puissent la contrôler).
La responsabilité des réponses à ces deux actes, bombardement israélien et agression aérienne iranienne, doit donc être remise dans les mains du Conseil de sécurité. Aucun pays ne doit s’arroger un quelconque « droit de réponse ».
La responsabilité, alors, du Conseil de sécurité, est claire. Il doit agir ainsi que l’indique l’article 1 de la Charte des Nations unies pour « Maintenir la paix et la sécurité internationale et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l’ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix ».
La réponse à une agression d’un État contre un autre ne réside donc pas dans un imaginaire « droit de riposte » mais dans la mise en œuvre d’un processus diplomatique pour résoudre le différend par la voie diplomatique.
C’est cela l’obligation politique qui incombe, notamment aux grandes puissances, membres permanents, du Conseil de sécurité des Nations unies.
Le scénario politique qui s’est mis en place : absence de condamnation politique de la première action commise par Israël, sur-réaction politique par contre à l’attaque aérienne iranienne contre le sol israélien risque d’enclencher un engrenage dangereux et mortifère dont personne ne peut dire, s’il ne risque pas de devenir incontrôlable.

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Il est encore temps d’éviter les scénarios catastrophes : il est possible d’imposer la retenue aux deux parties à condition de cesser l’approche du « double standard ». Il est possible d’assainir la situation géopolitique régionale en avançant sur la voie d’une solution au problème palestinien.
Cela peut se faire en respectant d’abord les recommandations de la Cour internationale de justice et la dernière résolution du Conseil de sécurité sur le cessez-le-feu immédiat à Gaza, l’aide humanitaire et la libération des otages israéliens et des prisonniers palestiniens. Même si elle sera difficile, il faudra construire rapidement les conditions d’une solution à deux États.
Dans ce but, l’action de la France doit être beaucoup plus claire et ferme.
Le cessez-le-feu et le déblocage total de l’aide humanitaire sont décisifs : les pays occidentaux doivent augmenter la pression sur le gouvernement Netanyahou en bloquant toute aide militaire à celui-ci et en suspendant l’accord d’association UE-Israël. Si les occidentaux font ces démarches, ils seront fondés de demander au Qatar et à l’Arabie saoudite de suspendre leur aide au Hamas.
Parallèlement, la France doit franchir le pas de la reconnaissance officielle de la République de Palestine et soutenir le dossier que celle-ci vient de redéposer pour demander son admission comme membre à part entière des Nations unies.
Pour obtenir cet infléchissement de l’action de la France, il serait évidemment souhaitable que l’action des organisations et associations françaises se concentre sur ces demandes précises auprès du Président de la République française, en cessant d’avoir une position ambiguë sur la question des deux États.

Daniel Durand – 16 avril 2024

chercheur en relations internationales
Président de l’IDRP

NB : pour information

Hier soir, lundi 15 avril, à Tel Aviv, les militants de Peace Now ont manifesté devant l'ambassade des Etats-Unis en scandant ces mots d'ordre :

"Oui à un accord régional et à une solution à deux États ! Non à la guerre !"

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Iran – Israel: Neither “right of response”, nor “self-defense”, but “international law”!

“  The Middle East is on the brink of collapse. The population of the region faces the real danger of a devastating large-scale conflict  ,” the UN secretary-general said at the Security Council meeting, requested by Israel following the attack on the 'Iran. “  This is the time for de-escalation and de-escalation  ,” he added.
Let's remember the facts.
On April 2, six missiles were fired by Israeli F-35 fighters at the consular section of the Iranian embassy in Damascus, Syria , of which only a pile of ruins remains. This aggression caused the least 13 dead. Among these, seven Iranian officers of the Revolutionary Guards, including two important commanders, were killed, in this operation which closely resembles a targeted assassination, which is a customary act of the Israeli government.
This attack on a diplomatic building of a country, located on the territory of another country, represents a serious and unprecedented attack on international law. Remember that the status of consulates was clarified in 1963 by an international treaty, the “  Vienna Convention on Consular Relations  ”. As with embassies, legally, these premises are “  inviolable ”.
Article 31 thus stipulates that "  the authorities of the receiving State may not enter the part of the consular premises that the consular post uses exclusively for the purposes of its work, except with the consent of the head of the consular post, the person designated by him or the head of the diplomatic mission of the sending State  .”
Let's examine a fictional scenario: what would have been France's reaction to the targeted destruction of its consulate in Mali after a Niger air strike? In this textbook case, she would surely have moved heaven and earth to obtain a meeting and a condemnation from the United Nations Security Council. I dare to hope that France, in this imaginary situation, would not have carried out a military response on the soil of the aggressor country (Niger in my hypothesis).
In "  real life  ", in this case, at the beginning of April, France and the USA opposed any condemnation of the Israeli government during the Security Council meeting which followed.
Even if the Israeli attack did not target a diplomatic building , it must be remembered that any military action carried out by a country on the territory of a third country without its agreement is illegal .according to international law, since it violates the sovereignty of this country.
Over the past two decades, we have become accustomed to the violations of international law that constitute these targeted assassinations . Several were committed by the United States in the name of the fight against terrorism, notably against Bin Laden and his accomplices, by Israel in its actions against Hamas and Hezbollah, by Russia against certain political opponents, by France in Africa, by Turkey, Saudi Arabia, etc. The use of drones now facilitates this type of action.
Is it not time to bring this problem back to the forefront: how to systematically qualify all these actions as war crimes , how to make them justifiable for a systematic referral to the International Criminal Court to condemn those responsible, leaders armies or heads of government?
This is an issue for cleaning up international relations today.

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The lack of condemnation of the Israeli act in early April, carried out in defiance of international law, is shocking . The occurrence of an Iranian military response, equally illegal under international law, then became predictable for all observers. The bombing of this consulate made many observers and researchers wonder about the real goals pursued in Damascus by the Israeli air force.
Thus, on April 2, Elena Aoun, professor and researcher in international relations at the Catholic University of Louvain declared: “  with each new escalation on the part of Israel, it is to be feared that its enemies will be pushed a little further into their entrenchments  . […] “  Israel is only waiting for an escalation somewhere which, obviously, would loosen the grip on its operation in Gaza  .”
The rest of the news unfortunately proved him right.
On April 13, Iran sent massive drones and missiles to Israel, believing it was using “ the inherent right to self-defense ,” according to the Iranian ambassador. It is obvious that by launching an attack directly on its adversary's soil, Iran has initiated a dangerous war spiral. This action must be strongly condemned by the international community . It has no legal justification.
There is no “  right of response ” or “  inherent right to self-defense  ” in the United Nations Charter and therefore, in international law.
It must be said and repeated that the “  natural right of self-defense, individual or collective, in the event that a Member of the United Nations is the object of armed attack  ”, mentioned in Article 51 of the Charter, is limited. strictly and should only be exercised “  until the Security Council has taken the necessary measures to maintain international peace and security  ”.
This clearly means that this right of self-defense can only be exercised to respond to an ongoing, developing threat , which must therefore be stopped, as was the Russian attack in Ukraine in February 2022, and not to an act, targeted, completed and not capable of immediate extension.
In the two cases examined here, Israeli bombing of the Iranian consulate, and Iranian sending of drones and missiles (which were almost entirely destroyed by anti-aircraft defense), the threat ceased after the criminal act committed.
The Israeli bombardment was not followed by any further action. For his part, the Iranian ambassador to the UN declared as soon as the drones and missiles were sent that “  the operation was over  ”. According to several military experts, it seems that the Iranian attack was very very measured and that Western governments, notably the USA, had been warned and warned in advance so that they could control it).
Responsibility for responding to these two acts, Israeli bombing and Iranian aerial aggression, must therefore be placed in the hands of the Security Council. No country should arrogate to itself any “right of reply”.
The responsibility, then, of the Security Council, is clear. It must act as indicated in Article 1 of the Charter of the United Nations to “  maintain international peace and security and to this end: take effective collective measures with a view to preventing and removing threats to peace , and achieve, by peaceful means, in accordance with the principles of justice and international law, the adjustment or settlement of disputes or situations, of an international character, likely to lead to a breach of the peace  .
The response to an aggression by one State against another therefore does not lie in an imaginary “  right of response  ” but in the implementation of a diplomatic process to resolve the dispute diplomatically. This is the political obligation incumbent, in particular on the great powers, permanent members of the United Nations Security Council. The political scenario that has been put in place  : absence of political condemnation of the first action committed by Israel, political over-reaction on the other hand to the Iranian air attack against Israeli soil risks setting in motion a dangerous and deadly spiral of which no one cannot say if it is not in danger of becoming uncontrollable.


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There is still time to avoid catastrophic scenarios: it is possible to impose restraint on both parties provided that the “  double standard  ” approach is stopped. It is possible to clean up the regional geopolitical situation by moving forward on the path to a solution to the Palestinian problem.
This can be done by first respecting the recommendations of the International Court of Justice and the latest Security Council resolution on the immediate ceasefire in Gaza, humanitarian aid and the release of Israeli hostages and Palestinian prisoners. . Although it will be difficult, it will be necessary to quickly build the conditions for a two-state solution.
To this end, France's action must be much clearer and firmer.
The ceasefire and the full unblocking of humanitarian aid are decisive: Western countries must increase pressure on the Netanyahu government by blocking all military aid to it and suspending the EU-Israel association agreement . If Westerners doThese steps, they will be justified in asking Qatar and Saudi Arabia to suspend their aid to Hamas.
At the same time, France must take the step of official recognition of the Republic of Palestine and support the file that it has just resubmitted to request its admission as a full member of the United Nations.
To obtain this change in France's action, it would obviously be desirable for the action of French organizations and associations to focus on these specific requests from the President of the French Republic, by ceasing to have an ambiguous position on the issue. of the two states .

Daniel Durand – April 16, 2024

researcher in international relations
President of the IDRP

NB : pour information

Yesterday evening, Monday April 15, in Tel Aviv, Peace Now activists demonstrated in front of the United States embassy, ​​chanting these slogans:

“Yes to a regional agreement and a two-state solution! No to war!”