Ce samedi 27 février avait lieu dans la commune d'Ambierle (Loire) une cérémonie d'hommage à l'occasion du 100e anniversiare de la réhabilitation de « ceux de Vingré », fusillés pour l'exemple en novembre 1914. Deux des six soldats fusillés étaient originaires de cette commune. Voici l'intervention que j'ai prononcée à cette occasion :
Monsieur le Maire, Mesdames et messieurs les élus nationaux et départementaux, les responsables d’associations, chers amis et camarades,
Je suis très fier de participer, tant au nom du Comité de la Loire du Mouvement de la paix qu’au nom du Mouvement de la paix national à cette initiative de célébration du centenaire de la réhabilitation des fusillés et martyrs de Vingré. Nous avons toujours soutenu depuis des années l’action pour la réhabilitation de tous les « fusillés pour l’exemple » menée par la Libre pensée et les associations de mémoire et nous continuerons à le faire.
La guerre de 1914-18 a été une immense boucherie, nous le savons, elle a décimé des générations entières de paysans, de travailleurs, d’instituteurs dans nos communes. Quant aux fusillés pour l’exemple, 97 % d’entre eux étaient, comme Jean Blanchard et Francisque Durantet, des soldats issus de ces catégories sociales. Les officiers, lorsqu’ils furent jugés responsables comme à Vingré, ont seulement été relevés de leurs fonctions.
Mais je ne veux pas répéter ce que les orateurs précédents ont dit.
Je veux vous faire plutôt partager ma colère d’hier, vendredi. Les chiffres annuels d’un institut de défense britannique ont été publiés ce vendredi. Ils indiquent que les dépenses militaires mondiales se sont élevées à 1830 milliards de dollars en 2020 malgré la pandémie et la crise économique : 4 % de plus que l’année précédente mais surtout près de 2 fois et demi plus que celles de 1997 quelques années après la fin de la Guerre froide. Je suis d’autant plus en colère que la France va dépenser 39,2 mds d’euros en 2021 pour ses dépenses d’armements, soit 4,5 % de plus qu’en 2020 et 22 % de plus qu’en 2017, selon le journal Les Échos, et cela aussi malgré le Covid, malgré la crise économique.
Mais ma colère en fait date d’environ un mois : depuis que la presse a fait largement écho aux discussions pour la mise en œuvre de la planification pour 2040 (dans 20 ans) du futur avion de combat européen SCAF, pour un coût minimum de 80 milliards d’euros. On a annoncé également, il y a un mois, le début de la planification pour 2038 (dans presque 20 ans aussi) d’un nouveau porte-avions nucléaire français qui nous coûtera au moins 10 Mds d’euros.
Cela signifie qu’on est capable de planifier vingt ans à l’avance les guerres du futur, qu’on y affecte des sommes faramineuses mais par contre, qu’on est incapable de planifier une sortie de crise sanitaire sur les trois mois, voire l’année à venir. C’est le même scandale à l’échelle internationale : les Nations unies essaient de mettre en œuvre des objectifs de développement durable jusqu’en 2030, et là, les grandes puissances tergiversent, traînent les pieds pour tenir leurs promesses, prendre des engagements fermes.
Est-ce qu’il n’y a pas à réfléchir sur les priorités de notre société, de notre monde ? Que faut-il planifier en priorité ? Les guerres de demain, les morts de demain ou la paix d’aujourd’hui et de demain, en mettant au centre les besoins des femmes et des hommes, leur santé, leur alimentation, leur instruction, leur coopération et la préservation de leur planète : bref, la construction d’une paix mondiale solide et durable.
Si cette commémoration du sacrifice de Jean Blanchard et Francisque Durantet pouvait aider non seulement à réfléchir, mais aussi à agir, nous n’aurions pas perdu notre temps aujourd’hui. Merci.
Daniel Durand – ancien Secrétaire national du Mouvement de la paix - 27/02/2021