Le Président de la République parlera cette semaine devant les chefs d’État, à l’Assemblée générale des Nations unies.
Cette Assemblée générale a adopté ce mercredi 18 septembre, à une large majorité de 124 États, une résolution reconnaissant l’occupation israélienne de la Palestine comme illégale, et lui fixant un an maximum de délai pour se retirer, restituer les terres confisquées depuis 1967 et faire évacuer les colons. Elle reprend ainsi l’avis consultatif de la Cour internationale de justice de juillet dernier. La France a voté cette résolution, cela montre que les pressions de l’opinion publique dans notre pays sont utiles et peuvent être efficaces.
Maintenant, il faut passer aux actes ! Les grandes puissances ne peuvent poursuivre l’attitude de passivité qu’elles observent depuis un an, c’est-à-dire enregistrer, voire même approuver des décisions des instances internationales et laisser M. Netanyahou les fouler au pied, sans prendre des mesures de contraintes, comme elles le font pour la Russie dans sa guerre contre l’Ukraine.
Rappelons notamment l’exigence de cessez-le-feu immédiat prononcée par la Cour internationale de justice, dans son avis de février 2024 sur les risques de génocide à Gaza, reprise dans la résolution du Conseil de sécurité, votée enfin le 10 juin dernier, à la demande même des États-Unis : sans résultats aucun.
Emmanuel Macron s’honorerait, s’il appelait, cette semaine à l’ONU, les principales puissances du Conseil de sécurité à sortir de leur inaction et proposait des initiatives diplomatiques fortes pour qu’Israël applique ces résolutions : embargo mondial sur toutes les fournitures militaires à l’État hébreu, suspension de l’accord UE-Israël, tant qu’Israël n’a pas mis en œuvre des dispositions, dont la première est un cessez-le-feu immédiat, puis des discussions pour les libérations d’otages et de prisonniers, l’établissement d’un calendrier d’application sur le retrait israélien comme le demandent la Cour internationale de justice et l’Assemblée générale de l’ONU.
Deuxièmement, comme dirigeant européen, le président a une responsabilité particulière pour prendre enfin des initiatives politiques en faveur de la recherche de la paix en Ukraine. Dans les deux derniers mois, la possibilité d’ouvertures de discussions diplomatiques tant par la Russie que l’Ukraine, s’est exprimée de diverses sources, notamment à la suite de la Conférence pour la paix en Ukraine, qui s’est tenue en Suisse, en juin dernier.
Le président français pourrait se prononcer publiquement pour le soutien à une nouvelle Conférence de paix sur l’Ukraine, mais cette fois, avec la participation de la Russie, en exigeant un cessez-le-feu immédiat de la part des parties, Russie et Ukraine, jusqu’à la tenue de cette Conférence. En cet automne, rester sur un statu quo politique, serait catastrophique, avec d’un côté l’occupation par les Russes d’une partie quasi totale du Donbass, et maintenant, à l’ouest, une occupation partielle de territoires russes par les ukrainiens. Nous entrerions ainsi dans un schéma de guerre de terrain classique généralisée, propice à toutes les escalades.
Enfin, le président français, qui s’est présenté à plusieurs occasions comme le promoteur du développement de l’éducation partout dans le monde, pourrait donner une portée politique mondiale au thème de cette année, de la Journée internationale de la paix, qui était « promouvoir une culture de paix ». Il pourrait lancer l’idée d’une résolution de l’Assemblée générale appelant tous les pays à inclure dans leurs programmes scolaires un module d’éducation à la culture de paix et à la non-violence.
Rappelons qu’en France, existe depuis plusieurs années la demande auprès du Ministère de l’Éducation, de création d’une semaine annuelle consacrée à la culture de paix et à la non-violence, comme existent déjà des semaines pour le développement, contre le racisme et l’anti-sémitisme, l’éducation à la citoyenneté, etc.
Le président Emmanuel Macron avait boudé en septembre 2023 sa participation à l’Assemblée générale des Nations unies, sous le motif futile de recevoir Charles III, le monarque anglais, dernier vestige des royautés européennes décadentes !
Il faut souhaiter qu’en cette année 2024, année de tant de drames sur la planète, d’incertitudes même sur les risques de crises graves, même de guerre, le président français cesse cet « effacement de la France », critiqué récemment par M. de Villepin, et renoue avec une présence plus forte de la France sur le plan international.
23 septembre 2024
Daniel Durand
Président de l’IDRP (Institut de documentation et de recherches sur la paix)
Ce blog est dédié aux problématiques de la paix et du désarmement, des institutions internationales (ONU, OTAN), à la promotion d'une culture de la paix. Textes sous license Creative Commons by-nc-sa
lundi 23 septembre 2024
Macron à l’ONU : pour dire quoi ?
lundi 16 septembre 2024
21 septembre : une journée essentielle dans « ce temps quotidien »i
Depuis 2001, la journée du 21 septembre est consacrée « journée internationale de la paix » par l’Assemblée générale des Nations unies. Celle-ci invite tous les pays et tous les peuples à respecter l'arrêt des hostilités durant cette Journée et à la commémorer avec des mesures éducatives et de sensibilisation du public aux questions liées à la paix.
Le thème de cette année 2024 est : « Faisons germer une culture de paix ». António Guterres, le Secrétaire général de l’ONU, a déclaré que « dans un monde aux prises avec les conflits, les inégalités et la discrimination, nous devons plus que jamais nous efforcer de promouvoir le dialogue, l’empathie et les droits humains pour toutes les personnes ».
Saisir l'occasion de cette journée pour essayer de rassembler le plus largement possible les hommes, les femmes, jeunes, moins jeunes, est un défi. Il est vital de les appeler à réfléchir sur l'importance d’agir pour établir, consolider la paix sur tous les continents, pour eux, leur vie quotidienne, leur épanouissement.
La paix est l'oxygène de la vie des hommes et des femmes sur notre planète. La guerre, les violences armées sont l’oxyde de carbone mortifère qui tue des dizaines de milliers d’hommes, de femmes, d’enfants chaque année dans le monde (1,7 millions de tués en Afrique depuis la fin de la Guerre froide, 650 000 au Moyen-Orient ii).
La nécessité d’agir avec force contre les guerres, les violences armées et pour la paix est vitale, en cette année 2024, face au drame humanitaire et au risque génocidaire à Gaza iii, à l’enlisement du co nflit en Ukraine où depuis deux ans, aucun effort sérieux n’a été fait par les grandes puissances pour construire une solution diplomatique, au Congo où les combats entre les forces de l'ordre et le groupe rebelle M23 soutenu par des forces rwandaises, dans le Nord-Kivu, ont fait en 2024, des centaines de victimes et des milliers de personnes déplacées
Ce sont des dizaines de pays où les populations ont besoin de l'oxygène de la paix. Oui, plus que jamais, partout dans le monde, donner de la force et de la visibilité à la Journée internationale de la paix est primordial !
En France, il faut s’en féliciter, existe un « Collectif français pour les marches pour la paix » qui réunit plus de 200 organisations (associations comme Le Mouvement de la paix, la LDH, le MRAP, grands syndicats comme la CGT, la FSU, partis politiques de gaucheiv). Celui-ci appelle, dans toutes les communes de France, à prendre des initiatives petites ou grandes, pour demander au Président de la République, qu’il agisse pour booster partout les démarches pour aboutir à des cessez-le-feu, contribuer à la mise sur pied de démarches politiques et diplomatiques pour construire la paix.
Cette journée du 21 septembre sera d’autant plus utile qu’elle permettra d’entraîner , de manière large et fraternelle, des citoyennes, des citoyens qui n'ont pas l'habitude de se mobiliser pour des questions internationales. Il y a là, c’est évident, une vraie gageure et une réelle nécessité. Réussir cette journée en France, aujourd’hui, est vital alors que les médias « main stream » banalisent les drames quotidiens à Gaza, présentent comme naturelle l’extension de l’OTAN, l’augmentation considérable des budgets militaires en Europe.
Mais, soyons lucides, cette journée du 21 septembre n’atteindra son but profond que, si elle ne s’arrête pas là et ne constitue pas un but en soi. Elle doit permettre de faire comprendre que c’est par une action obstinée de chaque jour, une vigilance permanente, que pourront vraiment se construire des rapports de force suffisants pour imposer des changements d’attitude réels dans la pratique politique des gouvernements qui reste marquée par le culte de la puissance. L’humanité civilisée n’a pas encore abattu le sinistre « Ci vis pacem parabellum » (« Si tu veux la paix, prépare la guerre ») et imposé le seul adage civilisé qui soit : « Ci vis pacem para pacem » (« Si tu veux la paix, prépare la paix ») !
Pourtant, les bases de ce renversement copernicien de la marche du monde ont été posées, il y a presque 80 ans, au sortir de la grande tourmente mondiale de la guerre dès 1944. Nous sommes tous liés par l’engagement pris, dans la Charte des Nations unies, dans son article 1 : « Réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l’ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix ».
Oui, un pays agressé a le droit à la légitime défense mais ce droit est encadré par l’obligation faite, notamment aux pays membres du Conseil de sécurité, de mettre parallèlement en œuvre l’article 1 de la Charte.
C'est cela le droit international. En Ukraine, le soutien à la légitime défense de ce pays agressé par la Russie, sert de prétexte aux grandes puissances occidentales, pour mettre en œuvre des plans et des stratégies parallèles de domination, au lieu de consacrer tous leurs efforts à trouver une solution diplomatique à la situation.
À Gaza, le soutien des USA à Israël, dans l’exigence de la délivrance urgente et prioritaire des otages israéliens, détenus après l’attaque terroriste du Hamas, sert de prétexte à ne pas mettre en œuvre les recommandations de la Cour de justice internationale, du Tribunal pénal international et du Conseil de sécurité qui, toutes, exigent un cessez-le feu immédiat et demandent la reconnaissance diplomatique de deux États souverains.
Au Soudan, des difficultés sur le terrain entre les différents intérêts, servent de prétexte à une inaction coupable et un manque de moyens flagrant pour les Casques bleus pour avoir la capacité d'imposer la paix dans cette région, en laissant se perpétuer le pillage des ressources en lithium du Kivu.
Alors, oui, il faut se rassembler de manière massive pour la Journée internationale de la paix, le 21 septembre, mais il faudra poursuivre cet effort dans toutes les associations, organisations, partis pour en faire un tremplin pour trouver les formes afin de hisser l’action pour la paix dans le monde, la fin des conflits, en haut des agendas.
Nous devons particulièrement mettre au centre du débat la place centrale du droit international. Les 22 et 23 septembre se déroulera le « Sommet de l’avenir » organisé par les Nations Unies pour jeter les bases du monde demain. Le 24 septembre, s'engagera le débat annuel à l'Assemblée générale de l’ONU, avec la présence de nombreux chefs d'État. Ne faut-il pas exiger du président Macron qu'il y participe et qu’il y prenne des engagements clairs et nets en faveur de la paix à Gaza, en Ukraine, en faveur du rôle central des Nations unies pour la paix ?
Daniel Durand
Président de l’IDRP (Institut de Documentation et de Recherches sur la Paix)
Sources:
i - 21 septembre : une journée essentielle dans « ce temps quotidien »
ii - Nombre de morts dans des conflits armés par continent entre 1989 et 2022 – Statista - https://fr.statista.com/statistiques/1481259/nombre-de-morts-dans-des-conflits-armes-par-continent/
iii - La menace de génocide à Gaza est soulevée par la Cour internationale de justice dans ses ordonnances du 28 mars et du 24 mai 2024
iv - Voir le site du Collectif : https://www.collectifpaix.org/
lundi 2 septembre 2024
"Un sursaut nécessaire pour la paix"
English translation below
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Daniel Durand
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"A necessary boost for peace "
Tribune
By Daniel Durand, President of the Institute for Documentation and Research on Peace (IDRP).
Between May 2024 and May 2025, we commemorate and remember that eighty years ago we defeated the Nazi Hydra and restored world peace .
Today, our societies, on all continents, seem inclined to take warlike and dangerous paths again. These situations are aggravated by the fact that the amount of military spending is reaching new heights in the world. More than 2400 billion dollars during the year 2023 according to the Swedish institute SIPRI!
The July summit in Washington of the world's largest military alliance, NATO, has heightened concerns. Twenty-three member countries now spend more than 2 percent of their gross domestic product on military spending. Moreover, NATO has decided to re-establish long-range missiles in the heart of Europe and to turn our continent back into a stage for future terrible military confrontations.
For its part, Europe no longer aims to be an actor in world peace but a participant in the power rivalries of today's world. The tone of the latest resolution adopted by the European Parliament on 17 July clearly shows this. It " welcomes the results of the NATO summit and reaffirms its conviction that Ukraine is irreversibly committed to its accession to NATO ".
On the French side, President Macron, after aligning himself with Ms. von der Leyen's positions during his presidency of the European Union in 2023, ultimately chose to play the firebrand by proposing the sending of troops to Ukraine, while planning new increases in French military spending . On July 14, he declared that he wanted to " prepare an adjustment of our military programming for 2025 ", a programming that already marks a 42% increase in French military spending.
It is very worrying to note that in political speeches, and in particular in those of Russian leaders, nuclear weapons are once again becoming a subject of political controversy. Moreover, in order to support its senseless offensive, which is contrary to the United Nations Charter, this country is developing a war economy, which is plunging its population into poverty and serves as a justification for all those who promote the militarization of the world.
The planet is therefore facing the highest risks of war known since the end of the Cold War. In this situation, faced with these dangers, we must go beyond simple observations or critical analyses, which are certainly lucid but powerless. We must imagine innovative solutions to ensure world peace in the 21st century , which can mobilize public opinion around the world and sweep away the resistance of state apparatuses.
Let us ask ourselves: what have we forgotten since the end of the Cold War? Let us open our eyes: all conflicts in the world are linked. Peace will not be resolved on a European scale alone. We have forgotten why the Charter of the United Nations was proclaimed and why the organisation was created.
We have forgotten the basis of its action stated in its preamble and in its article 1: " To achieve, by peaceful means, in accordance with the principles of justice and international law, the adjustment or settlement of disputes or situations of an international character which could lead to a breach of the peace ."
This is the basis of international law. This is the principle and rule that all the great powers are trampling on. This is what we must reimpose.
The obligation, imposed by respect for the United Nations Charter, particularly for the members of the Security Council, is, today, in Ukraine, for example, to obtain a ceasefire, to create the conditions for a framework for diplomatic discussions, to allow the construction of compromise solutions, some of which had been outlined in the Minsk agreements in 2014.
More than two years after the start of the Russian aggression, it is necessary to fully implement Article 51 of the UN Charter, which recognizes the " inherent right of self-defense " of the attacked country, but adds " until the Security Council has taken the necessary measures to maintain international peace and security ." These are the political and diplomatic initiatives that must be taken as a priority now.
More generally, we have reached a turning point in international life. The only positive and forward-looking perspective is to make, in concrete terms, the application of international law the pivot of global multilateralism.
Despite the obstacles, international law is already emerging at the centre of political debates, particularly around the dramatic situation in Gaza. The expectations of the International Court of Justice and the International Criminal Court appear to be the essential levers to use to resolve the situation in Palestine.
We are not doing enough to increase pressure on France and the European Union to enforce the obligation to immediately ceasefire in Gaza .
Beyond the emergency, we must reflect on the new use of international law and the decisions of its organs such as the International Court of Justice and the International Criminal Court to reform the functioning of the Security Council and to break the deadlocks and impasse caused by the use of the " right of veto " by the permanent members of the Security Council.
How can we impose compliance with the decisions of the International Court of Justice and the International Criminal Court, by obtaining a ban on the veto by a permanent member, after a decision by the ICJ, by obtaining that the members of the Security Council are obliged to respect and apply the decisions of the ICJ and the ICC, and, in the event of refusal, that there can be a binding vote by the UN General Assembly. This is possible today, when the Security Council considers that there is a " threat to peace ", within the framework of Chapter VII of the Charter. How can we broaden this notion?
In this year of the 80th anniversary of the founding of the United
Nations, should we not launch a major public opinion campaign to
obtain a major international truce for one year in the world, in all
conflicts, to allow a cycle of international discussions to be held.
This could consist of regional peace conferences, continent by
continent, followed by a major international conference, all under
the aegis of the United Nations to build a more lasting peace in the
world.
This proposal could be part of the " Summit
of the Future " to be held in September 2024. It
would be unthinkable for a " Summit of the Future
" to discuss the problems of sustainable development, the
problems of global warming, without placing the same level of urgency
on the issues of world peace and action against the current excessive
militarization?
More than ever, this reflection arises: " to get out of the deadlocks of war, 80 years after its foundation, let us bring back the United Nations, our common Charter, everywhere to the heart of world peace . "
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